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03/07/2019 | FRANCE | N°17-21826

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juillet 2019, 17-21826


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mai 2017), que, le 31 mai 2005, la société F... M..., ayant pour activité la vente et la pose de cheminées et appareils de chauffage, a cédé son fonds de commerce à la société Vesta, qui a continué à se fournir en appareils de chauffage de la marque JOTUL auprès de la société JOTUL France (la société JOTUL), avec laquelle la société F... M... était en relation commerciale depuis 1987, sans obligation d'exclusivité ; qu'en octo

bre 2012, la société Vesta a constaté qu'elle n'était plus référencée, en tant que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mai 2017), que, le 31 mai 2005, la société F... M..., ayant pour activité la vente et la pose de cheminées et appareils de chauffage, a cédé son fonds de commerce à la société Vesta, qui a continué à se fournir en appareils de chauffage de la marque JOTUL auprès de la société JOTUL France (la société JOTUL), avec laquelle la société F... M... était en relation commerciale depuis 1987, sans obligation d'exclusivité ; qu'en octobre 2012, la société Vesta a constaté qu'elle n'était plus référencée, en tant que distributeur, sur le site internet de la société JOTUL, qui avait créé un réseau de distribution exclusive des produits de sa marque ; que par lettre du 3 décembre 2012, la société JOTUL a notifié à la société Vesta son intention de mettre fin à leur relation commerciale à l'expiration d'un préavis de neuf mois, en lui précisant qu'elle pourrait continuer, après cette date, à s'approvisionner auprès de la société Guinand chauffage, distributeur de ses produits sur la zone considérée, puis a rétabli la société Vesta sur son site internet, trois mois après sa suppression ; qu'estimant que la société JOTUL avait rompu brutalement la relation commerciale établie débutée en 1987, la société Vesta l'a assignée en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu que la société Vesta fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de cession d'un fonds de commerce, la poursuite, par le cessionnaire, des relations commerciales qu'entretenait le cédant avec un partenaire commercial n'est pas subordonnée à la transmission universelle de son patrimoine et peut se déduire de ce que ledit partenaire a poursuivi, avec le cessionnaire, la relation commerciale dans des conditions similaires à celles de la relation commerciale ayant existé avec le cédant ; qu'en l'espèce, il est constant d'une part que depuis 1987, la société F... M... était en relation d'affaires avec la société JOTUL pour la fourniture d'appareils de chauffage offerts à la vente sous la dénomination commerciale « Cheminées M... », d'autre part qu'en faisant l'acquisition du fonds de commerce de la société F... M... le 31 mars 2005, la société Vesta a poursuivi, à l'identique, cette activité et la relation commerciale engagée avec la société JOTUL, la dénomination commerciale des produits distribués par la société Vesta demeurant « Cheminées M... », l'enseigne commerciale et l'adresse de l'entreprise étant également inchangées ; que pour estimer néanmoins qu'en cet état, la société Vesta ne pouvait se prévaloir d'une relation commerciale remontant à l'année 1987, la cour d'appel a relevé d'une part que la cession du fonds de commerce n'entraîne pas la transmission universelle du patrimoine, d'autre part qu'elle ne substitue pas de plein droit le cessionnaire au cédant dans les relations avec les tiers, sauf indication contraire expresse des parties, enfin que la société JOTUL n'a jamais indiqué expressément reprendre les relations établies avec la société M... ; qu'en statuant ainsi, par une motivation inopérante, sans rechercher si, en l'état des éléments susvisés, la relation commerciale commencée avec la société F... M... ne s'était pas poursuivie, dans des conditions similaires, avec la société Vesta, ce qui suffisait à caractériser une seule et unique relation commerciale, ininterrompue, dont la société Vesta pouvait se prévaloir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

2°/ qu'en se déterminant par la circonstance que la société JOTUL prétend, sans être sérieusement démentie, que l'exploitation du référencement sur son site internet a cessé au bout de quelques mois et que celui-ci n'avait permis d'adresser à la société Vesta qu'une dizaine de contacts, pour en déduire que cette dernière ne démontre pas que ce référencement ait constitué pour elle un avantage substantiel ni, partant, que la suppression de ce référencement ait entraîné une modification suffisamment significative du flux d'affaires entre les parties, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de la société Vesta qui faisait valoir d'une part que pendant deux ans et trois mois, et jusqu'au 17 juillet 2012, trente contacts avaient été collectés au profit de la société Vesta via le site internet de la société JOTUL, d'autre part que la suppression de ce référencement était intervenue en période de forte activité dans le secteur de la vente de matériels de chauffage, ce dont il résulte que la démarche du fournisseur avait nécessairement causé un préjudice substantiel à la société Vesta, et caractérisait une brusque rupture de la relation commerciale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en estimant, pour juger que la rupture des relations commerciales avait été notifiée le 3 décembre 2012 et que le préavis de neuf mois consenti par la société JOTUL était suffisant, d'une part que la société Vesta ne démontre pas que ce préavis n'aurait pas été effectif, d'autre part que lors de la notification de la rupture des relations commerciales, la société JOTUL a invité la société Vesta à s'approvisionner auprès de la société Guinand chauffage, enfin que la société Vesta ne démontre pas avoir tenté un tel approvisionnement, sans répondre au chef péremptoire de ses conclusions d'appel, qui faisait expressément valoir que le contrat du 2 novembre 2012 conclu avec la société Guinand chauffage confiait immédiatement à cette dernière la distribution exclusive des produits fabriqués par la société JOTUL, laquelle s'interdisait de les commercialiser elle-même, de sorte qu'en cet état, la société JOTUL n'avait aucun pouvoir pour imposer à son nouveau distributeur exclusif la fourniture de produits à la société Vesta, et qu'ainsi la rupture du contrat était, de fait, intervenue sans préavis à compter de la mise en oeuvre, dès le 2 novembre 2012, du contrat susvisé du même jour, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé que la cession d'un fonds de commerce n'opère pas transmission universelle de patrimoine et ne substitue pas de plein droit le cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales que celui-ci entretenait avec les tiers, sauf manifestation expresse de volonté des parties, l'arrêt retient que la société Vesta ne rapporte pas la preuve d'une telle intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée entre la société F... M... et la société JOTUL et ajoute qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir, ainsi qu'elle le soutient, que les modalités de sa relation avec la société JOTUL seraient restées identiques à celles que cette dernière entretenait avec la société F... M... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Vesta ne démontrait pas avoir poursuivi la relation commerciale existant précédemment entre la société F... M... et la société JOTUL, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant estimé que la société Vesta ne démontrait pas que sa suppression provisoire du site internet de la société JOTUL, pendant trois mois, ou que la conclusion par celle-ci, le 2 novembre 2012, d'un contrat de distribution exclusive avec la société Guinand chauffage avaient entraîné une modification significative de son flux d'affaires et une perte de son chiffre d'affaires, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Et attendu, enfin, qu'ayant, dans ses conclusions d'appel, précisé : "la dernière facture, versée aux débats par la société JOTUL date du 23 août 2013, soit une semaine avant la fin du préavis de neuf mois, et au surplus dans une période creuse de congés !!! ... ce qui démontre bien que la société Vesta a continué tout à fait normalement à vendre les produits de la gamme JOTUL", la société Vesta n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à la position soutenue devant les juges du fond ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vesta aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société JOTUL France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Vesta

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société VESTA de toutes ses demandes indemnitaires sur le fondement de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE si, aux termes de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels », la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer ; par ailleurs, « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure » ; si les parties s'accordent sur l'existence de relations établies, elles sont en désaccord sur leur durée, le point de départ du préavis et la brutalité de la rupture ; sur la durée des relations commerciales : si la société VESTA prétend que les relations commerciales avec la société JOTUL étaient établies depuis plus de vingt-cinq ans au motif qu'elle aurait repris les relations commerciales établies avec la société F... M..., précédent propriétaire du fonds de commerce acquis par la société VESTA, le fabricant lui oppose que la cession d'un fonds de commerce ne substitue pas de plein droit le cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales que celui-ci entretenait avec les tiers ; contrairement à l'opération de fusion, la cession de fonds de commerce n'entraîne pas la transmission universelle du patrimoine ; c'est ainsi que les contrats d'approvisionnement ne sont transmis à l'acquéreur que si l'acte de vente le prévoit expressément ; la cession d'un fonds de commerce ne substitue pas de plein droit le cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales, que celui-ci entretenait avec les tiers et il n'en irait autrement que si le cessionnaire avait, directement ou indirectement, manifesté son intention de poursuivre les relations établies par le cédant avec le tiers en question et d'assumer l'obligation de préavis en résultant, à concurrence de l'ancienneté de ces relations, au cas où le cessionnaire voudrait y mettre fin ; or, en l'espèce, la société VESTA ne démontre pas que la cession du fonds de commerce de la société F... M... à la société VESTA se serait accompagnée d'acte manifestant son intention claire et sans ambiguïté de poursuivre les relations établies par la société F... M... avec la société JOTUL ; la société JOTUL n'a jamais indiqué expressément entendre reprendre les relations établies avec la société M... et aucun contrat écrit n'a jamais été régularisé entre les sociétés JOTUL et M... ; par ailleurs, la cour ne sait rien du flux d'affaires passé, entretenu entre les sociétés F... M... et JOTUL, des conditions de vente ni, de façon générale, de la modalité des relations contractuelles entre ces deux sociétés, de sorte que l'intention de poursuivre les relations ne peut davantage se déduire du comportement de la société VESTA ; si la société VESTA expose que la relation est restée la même (même enseigne, même adresse, même site internet, même interlocuteur salarié chez M..., mêmes conditions tarifaires, de livraison, même interlocuteur chez JOTUL
), elle ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer ces assertions ; il n'est donc pas établi que la société VESTA ait repris la relation précédemment établie entre la société JOTUL et la société F... M... ; le point de départ des relations doit donc être fixé au mois d'avril 2005, date à laquelle la société VESTA a commencé à distribuer les produits de la société JOTUL ; au moment de la rupture, les relations entre les parties avaient donc une durée de sept ans et sept mois ; sur la date de la rupture et la réorganisation du réseau : tout fabricant est libre d'organiser la distribution de ses produits dans le cadre d'un réseau de distribution exclusive et sélective, dès lors que le réseau créé améliore l'efficience économique à l'intérieur d'une chaîne de distribution ou le progrès technique ou économique ; ce choix d'un mode de distribution peut conduire à modifier les relations entretenues par les anciens distributeurs, sous réserve que le refus opposé à un revendeur ne constitue pas, en raison des circonstances dans lesquelles il intervient, une pratique contraire aux règles de la concurrence ; ainsi, un fournisseur demeure libre de modifier l'organisation de son réseau de distribution sans que ses clients bénéficient d'un droit acquis au maintien de leur situation ; une telle modification ne constitue pas en elle-même une pratique anticoncurrentielle dès lors que les revendeurs disposent, notamment, de la possibilité de s'approvisionner auprès du distributeur désigné par le fournisseur ; en l'espèce, lors de la notification de la rupture des relations commerciales établies, le 3 décembre 2012, la société JOTUL a expressément indiqué à la société VESTA qu'à l'issue du préavis accordé, elle pourrait continuer à distribuer des produits JOTUL en s'approvisionnant directement auprès de son distributeur exclusif, la société GUINAND CHAUFFAGE ; la société VESTA ne démontre pas avoir même tenté un tel approvisionnement, ni que les conditions commerciales qui lui auraient été consenties par ce distributeur ne lui auraient pas permis de maintenir une marge commerciale satisfaisante et de ce fait, de poursuivre la commercialisation des produits de la société JOTUL ; la société JOTUL pouvait donc mettre un terme à ses relations avec la société VESTA sous réserve de respecter un préavis raisonnable ; alors que la société JOTUL fait partir le préavis de sa lettre du 3 décembre 2012 à la société VESTA, par laquelle elle lui a notifié son intention de mettre fin aux relations établies entre les deux sociétés, au terme d'un préavis de 9 mois à venir, sa décision de réorganiser son réseau, et lui a indiqué qu'elle pourrait se fournir en produits du groupe JOTUL auprès de la société GUINAND, la société VESTA soutient que la fin des relations commerciales remonte à octobre 2012, lorsqu'elle a été déréférencée du site Internet de la société JOTUL, ou au 2 novembre 2012, date à laquelle la société JOTUL a concédé à la société à la société GUINAND la distribution exclusive de ses produits sur le territoire de Reims et de ses environs, sans l'en avertir ; mais il appartient à la société VESTA de démontrer que les relations commerciales ont été affectées par ces événements, ce sorte qu'ils constitueraient une rupture brutale totale ou partielle ; or, elle ne démontre pas que sa disparition provisoire de la liste des distributeurs JOTUL sur le site Internet de JOTUL ou la signature du contrat de distribution exclusive auraient entraîné une modification suffisamment significative ou substantielle du flux d'affaires entre les parties et une perte de chiffre d'affaires ; il n'est en effet pas établi que le référencement sur ce site Internet constitue un avantage substantiel dans la concurrence ; s'il est vrai que la société JOTUL a, pendant quelques mois, collecté et adressé aux distributeurs concernés les demandes de renseignements faites à partir de son site Internet par de potentiels acquéreurs, la société JOTUL prétend, sans être sérieusement démentie, que cette exploitation a cessé et qu'elle n'a ainsi adressé à la société VESTA qu'à peine une dizaine de contacts ; s'il est par ailleurs exact que la société JOTUL n'a informé la société VESTA de son choix de prendre la société GUINAND comme distributeur exclusif qu'un mois après la signature du contrat de distribution avec cette société, aucune faute ne peut être imputée à la société JOTUL de ce chef, celle-ci pouvant librement décider de la date à laquelle elle notifierait cette rupture des relations dès lors que, d'une part, dans l'intervalle, les relations se sont maintenues entre les parties, et que, d'autre part, un préavis raisonnable lui a été accordé ; sur la durée du préavis : la durée du préavis dépend du temps nécessaire au partenaire évincé pour trouver une solution alternative ; elle est donc fonction de la durée des relations commerciales établies, du pourcentage du chiffre d'affaires réalisé avec la société auteur de la rupture, du degré de dépendance économique et du montant des investissements irrécupérables investis dans la relation ; la société VESTA soutient qu'elle aurait bénéficié d'une exclusivité de fait pour la distribution des produits JOTUL sur les secteurs des alentours de Reims, du sud de l'Aisne et des Ardennes et qu'en signant un contrat d'exclusivité avec la société GUINAND sur le secteur de Reims, la société JOTUL lui aurait retiré brutalement l'exclusivité de fait dont elle bénéficiait et aurait ainsi rompu brutalement leurs relations commerciales ; si la perte d'une exclusivité peut entraîner une plus grande difficulté pour trouver un autre partenaire et être prise en compte dans la durée du préavis raisonnable, il convient de rappeler qu'une exclusivité territoriale de distribution ne se présume pas, compte tenu de son caractère potentiellement attentatoire à la concurrence ; or, en l'espèce, la société VESTA ne rapporte aucun élément susceptible de démontrer que la société JOTUL lui aurait accordé une quelconque exclusivité ; par ailleurs, la société VESTA ne démontre pas réaliser plus de 10 % de son chiffre d'affaires avec la société JOTUL ; si elle prétend qu'il lui était difficile de trouver une substitution dans de brefs délais à un fournisseur comme JOTUL, elle ne verse aux débats aucun élément de nature à corroborer ses assertions, la société JOTUL ne détenant qu'une part de marché inférieure à 4 % sur le marché des poêles à bois et cheminées ; elle ne démontre en rien son état de dépendance par rapport à la société JOTUL, distribuant six autres marques de poêles et cheminées, ni n'établit avoir réalisé des investissements dédiés à cette relation ; compte tenu de ce qui précède, et de la durée des relations de 7 ans et 7 mois, le préavis de neuf mois consenti par la société JOTUL est suffisant et la rupture intervenue n'est pas brutale ; la société VESTA ne démontre pas plus que ce préavis n'aurait pas été effectif, et n'aurait pas été totalement exécuté dans les formes antérieures ; si elle prétend qu'elle aurait réduit ses commandes pendant le préavis à cause de son déréférencement du site Internet de JOTUL, qui l'aurait privée de certaines commandes de clients finals, elle n'en rapporte pas la preuve ; au surplus, ce « déréférencement » n'a duré que trois mois et son impact n'est pas démontré, comme vu plus haut ; le jugement entrepris sera donc confirmé sur l'absence de rupture brutale ; sur le préjudice subi par la société VESTA : la société VESTA fait valoir qu'elle a subi un préjudice lié aux pertes de marges brutes pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté, ainsi qu'aux pertes annexes constituées par le coût des modèles d'exposition dont elle a fait l'acquisition avant la rupture (entre 2010 et 2012), par l'investissement dans la formation, et par l'impossibilité de répondre aux appels d'offres concernant la fourniture et l'installation de poêles de la marque, notamment l'appel d'offre lancé par BOUYGUES IMMOBILIER ; elle indique également avoir souffert d'une perte de notoriété ; en ce qui concerne les marges brutes, la société VESTA soutient qu'il faut tenir compte de la forte progression de la valeur d'activité enregistrée sur les marques JOTUL et SCAN pour les trois dernières années (2010 à 2012) ainsi que d'une durée de préavis devant être fixée à 30 mois ; la société JOTUL soutient à titre subsidiaire que les demandes indemnitaires de la société VESTA sont infondées ; elle expose que la méthode de calcul utilisée par la société VESTA est erronée, et que les derniers comptes de la société VESTA montrent qu'elle n'a pas souffert de la rupture des relations commerciales avec la société JOTUL ; les investissements qu'elle a réalisés auraient par ailleurs été rentabilisés malgré la fin des relations commerciales avec la société JOTUL ; mais étant déboutée de sa demande fondée sur la rupture brutale et ne démontrant pas, par ailleurs, que la société JOTUL l'aurait, de mauvaise foi, incitée à investir en lui laissant faussement croire à la pérennité de leurs relations, la société VESTA sera déboutée de toutes ses demandes d'indemnisation ; en effet, les modèles d'exposition qu'elle prétend avoir été incitée à acheter sont anciens et les factures sont antérieures à mai 2012, la plupart remontant à 2010 ; les deux seules factures récentes sont datées d'octobre 2012, respectivement de 512,15 € et 5 567,14 €, et portent sur des poêles que la société VESTA ne démontre pas avoir pu vendre dans des conditions raisonnables (arrêt, pages 6 à 9) :

ET AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE sur le retrait du lien avec la SARL VESTA du site internet de la société JOTUL : que les deux sociétés n'étaient régies par aucun contrat et se limitaient à la vente de produits de la société JOTUL à la SARL VESTA ; que la mention de JST comme distributeur sur le site internet de la société JOTUL ne reposait sur aucun contrat écrit ; que la SARL VESTA ne démontre pas que le retrait de cette mention du site internet en question lui a porté préjudice ou a changé de manière significative son courant d'affaires ; que le tribunal jugera qu'il n'est pas démontré que le retrait brutal de cette mention du site internet constitue un changement significatif des relations commerciales entre les deux parties, et encore moins une rupture ; que le tribunal jugera que ce retrait ne constitue pas une rupture des relations commerciales ou un changement significatif de celles-ci ; que le tribunal déboutera la SARL VESTA de sa demande liée à une éventuelle rupture brutale des relations commerciales établies ; que sur la durée du préavis de 9 mois, les règles relatives à la rupture des relations commerciales établies reçoivent application entre les personnes morales qui les ont réellement et effectivement entretenues ; que les deux sociétés VESTA et F... M... sont deux personnes morales distinctes ; qu'au surplus les relations commerciales entre la société VESTA et JOTUL ont commencé peu après la cession de fonds de commerce intervenue en mars 2005 entre M. F... M... et la SARL VESTA ; que la durée des relations commerciales entre les parties sera fixée à sept années ; que l'exclusivité ne se présume pas ; que la SARL VESTA ne démontre pas avoir profité d'une quelconque exclusivité de la part de la société JOTUL sur une zone géographique ; que la signature du contrat d'exclusivité entre la société GUINAND et la société JOTUL a été accompagné ensuite d'une dénonciation des relations commerciales entre la société JOTUL et la SARL VESTA en bonne et due forme avec un préavis de neuf mois le 3 décembre 2012 ; qu'à l'issue de ce préavis de neuf mois, la SARL VESTA gardait la possibilité de se fournir en produits de la marque JOTUL auprès de la société GUINAND à des conditions économiques similaires à celles des achats réalisés en direct antérieurement ; que la SARL VESTA distribuait déjà d'autres marques de poêles à bois que les marques de la société JOTUL et que son activité de vente de poêle à bois ne constituait qu'une petite part de son activité ; que neuf mois est un délai suffisamment long pour réorienter son activité commerciale vers d'autres marques déjà en portefeuille et commercialisées par la SARL VESTA ; que le tribunal déboutera la SARL VESTA de ses demandes liées à la durée du préavis ; que la SARL VESTA ne démontre pas que la non-obtention du contrat avec BOUYGUES IMMOBILIER soit due au changement de ses relations avec la société JOTUL ; que la SARL VESTA a pu profiter de ses efforts de formation sur la marque JOTUL et de ses modèles d'exposition pendant de longs mois, voire plusieurs années, avant la modification des relations entre les deux sociétés ; que la SARL VESTA avait encore la possibilité de vendre des produits JOTUL après ce changement dans les relations, et donc de profiter de sa formation et de ses modèles d'exposition ; que le tribunal déboutera la SARL VESTA de l'intégralité de ses demandes (jugement, pages 4 et 5) ;

1°/ Alors qu'en cas de cession d'un fonds de commerce, la poursuite, par le cessionnaire, des relations commerciales qu'entretenait le cédant avec un partenaire commercial n'est pas subordonnée à la transmission universelle de son patrimoine et peut se déduire de ce que ledit partenaire a poursuivi, avec le cessionnaire, la relation commerciale dans des conditions similaires à celles de la relation commerciale ayant existé avec le cédant ;
Qu'en l'espèce, il est constant d'une part que depuis 1987, la société F... M... était en relation d'affaires avec la société JOTUL pour la fourniture d'appareils de chauffage offerts à la vente sous la dénomination commerciale « Cheminées M... », d'autre part qu'en faisant l'acquisition du fonds de commerce de la société F... M... le 31 mars 2005, la société VESTA a poursuivi, à l'identique, cette activité et la relation commerciale engagée avec la société JOTUL, la dénomination commerciale des produits distribués par l'exposante demeurant « Cheminées M... », l'enseigne commerciale et l'adresse de l'entreprise étant également inchangées ;
Que pour estimer néanmoins qu'en cet état, la société VESTA ne pouvait se prévaloir d'une relation commerciale remontant à l'année 1987, la cour d'appel a relevé d'une part que la cession du fonds de commerce n'entraîne pas la transmission universelle du patrimoine, d'autre part qu'elle ne substitue pas de plein droit le cessionnaire au cédant dans les relations avec les tiers, sauf indication contraire expresse des parties, enfin que la société JOTUL n'a jamais indiqué expressément reprendre les relations établies avec la société M... ;
Qu'en statuant ainsi, par une motivation inopérante, sans rechercher si, en l'état des éléments susvisés, la relation commerciale commencée avec la société F... M... ne s'était pas poursuivie, dans des conditions similaires, avec l'exposante, ce qui suffisait à caractériser une seule et unique relation commerciale, ininterrompue, dont la société VESTA pouvait se prévaloir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce ;

2°/ Alors qu'en se déterminant par la circonstance que la société JOTUL prétend, sans être sérieusement démentie, que l'exploitation du référencement sur son site internet a cessé au bout de quelques mois et que celui-ci n'avait permis d'adresser à la société VESTA qu'une dizaine de contacts, pour en déduire que cette dernière ne démontre pas que ce référencement ait constitué pour elle un avantage substantiel ni, partant, que la suppression de ce référencement ait entraîné une modification suffisamment significative du flux d'affaires entre les parties, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'exposante (p. 9) qui faisait valoir d'une part que pendant deux ans et trois mois, et jusqu'au 17 juillet 2012, trente contacts avaient été collectés au profit de la société VESTA via le site internet de la société JOTUL, d'autre part que la suppression de ce référencement était intervenue en période de forte activité dans le secteur de la vente de matériels de chauffage, ce dont il résulte que la démarche du fournisseur avait nécessairement causé un préjudice substantiel à la société exposante, et caractérisait une brusque rupture de la relation commerciale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ Alors qu'en estimant, pour juger que la rupture des relations commerciales avait été notifiée le 3 décembre 2012 et que le préavis de neuf mois consenti par la société JOTUL était suffisant, d'une part que la société VESTA ne démontre pas que ce préavis n'aurait pas été effectif, d'autre part que lors de la notification de la rupture des relations commerciales, la société JOTUL a invité la société VESTA à s'approvisionner auprès de la société GUINAND CHAUFFAGE, enfin que la société VESTA ne démontre pas avoir tenté un tel approvisionnement, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'exposante (pages 8, 13, 14 et 20), qui faisait expressément valoir que le contrat du 2 novembre 2012 conclu avec la société GUINAND CHAUFFAGE confiait immédiatement à cette dernière la distribution exclusive des produits fabriqués par la société JOTUL, laquelle s'interdisait de les commercialiser elle-même, de sorte qu'en cet état, la société JOTUL n'avait aucun pouvoir pour imposer à son nouveau distributeur exclusif la fourniture de produits à la société VESTA, et qu'ainsi la rupture du contrat était, de fait, intervenue sans préavis à compter de la mise en oeuvre, dès le 2 novembre 2012, du contrat susvisé du même jour, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-21826
Date de la décision : 03/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jui. 2019, pourvoi n°17-21826


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21826
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