LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 236-4 et L. 237-2 du code de commerce ensemble les articles 32 et 503 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Q... et M. T... (les consorts Q... T...) qui avaient fait l'acquisition d'une installation solaire voltaïque auprès de la société Next génération, financée par un crédit souscrit auprès de la société Sygma banque (Sygma) ont saisi à fin d'obtenir la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit, un tribunal de grande instance qui a fait droit à ces demandes par jugement du 2 février 2015, ordonnant le remboursement de l'emprunt à la société Sygma ; que cette dernière a fait signifier ce jugement, le 3 septembre 2015 ; que cette société avait fait l'objet, le 1er septembre 2015, d'une fusion-absorption par la société Laser cofinoga, elle-même absorbée par fusion-absorption par la société Laser, elle-même absorbée par fusion-absorption par la société BNP Paribas personal finance (BNP Paribas) ; que ces opérations ont été publiées dans un journal d'annonces légales le 2 septembre 2015 et ont fait l'objet d'une mention au registre du commerce et des sociétés, le 15 septembre 2015, date à laquelle les sociétés Sygma, Laser cofinoga et Laser ont été radiées ; que la société BNP Paribas venant aux droits de la société Sygma a, le 5 juillet 2016, dénoncé aux consorts Q... T..., une saisie-attribution sur leurs comptes bancaires ; que ceux-ci ont saisi un juge de l'exécution aux fins de constater que la banque ne disposait pas d'un titre exécutoire et de dire, en conséquence, nuls le procès-verbal de saisie-attribution et l'acte de dénonciation et d'en ordonner la mainlevée ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant constaté la validité et le caractère exécutoire du jugement rendu le 2 février 2015 et débouté les consorts Q... T... de leur demande de mainlevée de la saisie-attribution dénoncée par la société BNP Paribas, l'arrêt retient que ce jugement a été signifié le 3 septembre 2015 à la demande de la société Sygma, qu'à cette date, elle avait l'objet d'une fusion-absorption, qu'en application de l'article L. 237-2 du code de commerce, cette opération n'avait pas encore d'effet à l'égard des tiers, faute d‘avoir été publiée au registre du commerce et des sociétés, qu'à l'égard de M. T... et de Mme Q..., elle continuait d'exister et avait toujours la qualité de créancier, qu'en l'absence d'appel dans le délai légal rappelé dans l'acte de signification, le jugement du 2 février 2015 constituait un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution et que la société BNP Paribas qui venait aux droits de la société Sygma, y compris à l'égard des tiers depuis la publication le 17 septembre 2015 de la fusion-absorption au registre du commerce et des sociétés, pouvait se prévaloir de ce titre exécutoire et faire réaliser la saisie-attribution contestée ;
Qu'en statuant ainsi alors que, par l'effet de la fusion-absorption sans création d‘une société nouvelle, la société Sygma, absorbée, avait transmis l'universalité de son patrimoine à la société absorbante et perdu sa personnalité morale dès la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé la fusion-absorption soit, le 1er septembre 2015, peu important la date à laquelle était intervenue sa radiation du registre du commerce et des sociétés et qu'elle ne pouvait plus, dès cette date, effectuer aucun acte juridique, ce à peine de nullité non susceptible de régularisation de celui-ci, ce dont il résultait que la signification du jugement étant affectée d'une telle irrégularité, ce dernier n'avait pas force exécutoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement rendu le 2 février 2015 ;
Dit que la signification du jugement du 2 février 2015 faite au nom de la société Sygma banque est nulle ;
Dit que le jugement du 2 février 2015 ne constitue pas un titre exécutoire au sens des articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution dénoncée le 5 juillet 2016 à M. T... et Mme Q... par la société BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Niort du 2 février 2015 ;
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens exposés devant les juges du fond et devant la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à M. T... et Mme Q... la somme globale de 4 000 euros au titre de frais irrépétibles exposés devant les juges du fond et la somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. T... et Mme Q....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté la validité et le caractère exécutoire du jugement rendu le 2 février 2015 par le tribunal de grande instance de Niort et d'AVOIR en conséquence débouté M. T... et Mme Q... de leur demande de mainlevée de la saisie attribution dénoncée le 5 juillet 2016 par la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque ;
AUX MOTIFS QUE Sur le titre exécutoire et la qualité de créancier de la société Bnp Paribas Personal Finance
qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution : « Le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution » ;
qu'en ‘application de l'article L. 111-3 (1°) du même code, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire, lorsqu'elles ont force exécutoire, constituent des titres exécutoires ; qu'en vertu de l'article 503 du code de procédure civile, elles doivent avoir été notifiées, sauf exécution volontaire ;
qu'en outre, en application de l'article L. 237-2 dernier alinéa du code de commerce qui s'applique de manière spéciale aux sociétés commerciales, la dissolution de la société qui résulte de la décision de fusion absorption (qui, en vertu de l'article L. 236-4 du même code, prend effet à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération), ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de sa publication au registre du commerce et des sociétés ;
qu'il ressort des extrait Kbis produits par l'intimée, d'une part, que la société Sygma Banque, société commerciale, a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Laser Cofinoga le 1er septembre 2015, que la société Laser Cofinoga a elle-même fait l'objet d'une fusion absorption par la société Laser le même jour et que la société Laser a elle aussi fait l'objet d'une fusion absorption par la société Bnp Paribas Personal Finance à la même date le 1er septembre 2015, d'autre part, que ces opérations, qui par ailleurs ont été publiées dans un journal d'annonce légale le 2 septembre 2015, ont toutes fait l'objet d'une mention au registre du commerce et des sociétés en date du 17 septembre 2015, date à laquelle les trois sociétés Sygma banque, Laser Cofinoga et Laser ont été radiées ;
que le jugement intervenu dans l'affaire opposant les consorts T... Q... à la société Sygma Banque a été rendu le 2 février 2015, à une date à laquelle la société Sygma Banque avait toujours une existence juridique, contrairement à l'hypothèse concernée par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse le 20 mars 2017 invoqué par les appelants, (où la société avait fait l'objet d'une fusion en cours d'instance sans que la société absorbante n'intervienne aux droits de la société absorbée pour la reprendre) et dont la solution ne peut donc être transposée en l'espèce ;
qu'il a ensuite été signifié à M. T... et Mme Q... par acte d'huissier du 3 septembre 2015 à la demande de la société Sygma Banque, à cette date, cette dernière avait fait l'objet de la fusion-absorption décidée le 1er septembre 2015 mais en application de l'article L. 237-2 dernier alinéa du code de commerce susvisé, cette opération n'avait pas encore d'effet à l'égard des tiers, faute d'avoir été publiée au registre du commerce et des sociétés ;
qu'à l'égard de M. T... et Mme Q..., la société Sygma Banque continuait donc d'exister et avait donc toujours la qualité de créancier, ce jusqu'au 17 septembre 2015 ;
qu'en l'absence d'appel dans le délai légal rappelé dans l'acte de signification, le jugement du 2 février 2015 constituait donc un titre exécutoire au sens de l'article 111-2 du code des procédures civiles d'exécution précité, et le 30 juin 2016, la société Bnp Paribas Personal Finance qui venait aux droits de la société Sygma Banque y compris à l'égard des tiers depuis la publication le 17 septembre 2015 de la fusion absorption au registre du commerce et des sociétés et avait donc la qualité de créancier à l'égard de M. T... et Mme Q... pouvait se prévaloir de ce titre exécutoire et faire réaliser la saisie attribution contestée ;
que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté la validité et le caractère exécutoire du jugement du 2 février 2015 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sur l'existence d'un titre exécutoire :
Sur la validité de la signification du jugement du 2 février 2015
qu'aux termes de l'article L. 236-3 du code du commerce : « La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission.
II.- Toutefois, il n'est pas procédé à l'échange de parts ou d'actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent lorsque ces parts ou actions sont détenue s :
1° soit par la société bénéficiaire ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société ;
2° soit par la société qui disparaît ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société ».
qu'aux termes de l'article L. 236-4 du code du commerce : « La fusion ou la scission prend effet :
1° En cas de création d'une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date d'immatriculation, au registre du commerce et des sociétés, de la nouvelle société ou de la dernière d'entre elles ;
2° Dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine » ;
qu'aux termes de l'article L. 237-2 du code du commerce : « La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention « société en liquidation ». La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. La dissolution d'une société ne produit ses effet à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés » ;
que Mme Q... et M. T... soutiennent que le 3 septembre 2015, jour de la signification du jugement, la société Sygma Banque ne possédait plus la personnalité juridique lui permettant de leur signifier le jugement puisque la fusion-absorption dont elle a fait l'objet prenait effet le 1er septembre 2015, comme l'atteste le projet de fusion déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris le 3 juillet 2015, la publication Aux Petites Affiches du 2 septembre 2015 et le Kbis de la société ;
que la Bnp Paribas Personal Finance fait valoir qu'une fusion-absorption ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date d'accomplissement des formalités de radiation de la société absorbée auprès du registre du commerce et des sociétés, soit le 17 septembre 2015 ;
qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Sygma Banque a fait l'objet d'une opération de fusion-absorption au terme de laquelle la Bnp Paribas Personal Finance est devenu créancière de Mme Q... et M. T... en raison du principe de la transmission du patrimoine prévu par l'article L. 236-3 du code du commerce ;
qu'il ressort de la procédure que le projet de fusion déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris le 3 juillet 2015 prévoyait une date d'effet au 1er septembre 2015, ce qui est confirmé par la publication au journal d'annonce légale Les Petites Affiches ;
que néanmoins, il ressort de l'article L. 237-2 du code du commerce que la dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés ; que selon une jurisprudence constante de la chambre commerciale de la Cour de Cassation, cet article est applicable en matière de fusion-absorption, la personnalité morale de la société persistant jusqu'à la publication de sa dissolution au registre du commerce et des sociétés, position qui a d'ailleurs été récemment adoptée par la chambre criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt du 25 octobre 2016 ;
qu'en l'espèce, la dissolution de la société Sygma Banque n'ayant été publiée au registre du commerce et des sociétés que le 17 septembre 2015, la signification du jugement du tribunal de grande instance de Niort du 2 février 2015 a été réalisée le 3 septembre 2015 alors qu'elle disposait encore de la personnalité juridique ;
ALORS QUE par l'effet d'une fusion-absorption sans création d'une société nouvelle, la société absorbée transmet l'universalité de son patrimoine à la société absorbante et perd la personnalité morale dès la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé cette fusion-absorption, peu important la date à laquelle est intervenue sa radiation du registre du commerce et des sociétés et ne peut dès lors plus effectuer aucun acte juridique à peine de nullité, laquelle ne peut être régularisée ; que les juges du fond ont estimé que la société Bnp Paribas Personal Finance pouvait se prévaloir du caractère exécutoire du jugement rendu le 2 février 2015 par le tribunal de grande instance de Niort, en raison de sa signification effectuée le 3 septembre 2015 par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle elle vient, postérieurement à la fusion-absorption de la seconde par la première en date du 1er septembre 2015 mais antérieurement à la publication de cette opération au registre du commerce et des sociétés effectuée le 17 septembre 2015 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 32 du code de procédure civile, l'article L. 236-4-2° du code de commerce, ensemble les articles L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution et 503 du code de procédure civile.