LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° R 18-12.161 et D 18-12.748 ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, de chacun des pourvois réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 octobre 2017), qu'après avoir fait délivrer à M. A... et Mme I... , demeurant en Suisse, un commandement de payer valant saisie immobilière, la société CIC Lyonnaise de banque (la banque) les a fait assigner, par acte du 20 juin 2016, à comparaître à l'audience d'orientation du 8 novembre 2016 d'un juge de l'exécution ; que par jugement d'orientation, réputé contradictoire, du 22 novembre 2016, la vente forcée des biens saisis a été ordonnée ;
Attendu que M. A... et Mme I... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation et du jugement du 22 novembre 2016 et de déclarer irrecevables leurs demandes de sursis à statuer et de vente amiable présentées en appel alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 688 du code de procédure civile et de l'article 15, alinéa 2, de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 applicable en France, s'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte notifié à l'étranger en a eu connaissance en temps utile, le juge ne peut statuer que si un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté elle-même que les attestations retournées par l'autorité suisse requise certifiaient que la signification n'avait pas été exécutée ; que comme le faisaient valoir M. A... et Mme I... , le jugement d'orientation avait été rendu le 22 novembre 2016 soit moins de six mois après l'assignation du 20 juin 2016, sans qu'ils aient comparu à l'audience ; qu'en retenant qu'ils ne pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article 688 du code de procédure civile dès lors qu'ils avaient reconnu dans leur assignation d'appel à jour fixe avoir eu connaissance de l'assignation litigieuse, laquelle était en tout état de cause réputée leur avoir été notifiée régulièrement en application de l'article 138 alinéa 3 du code de procédure civile suisse, sans rechercher, à supposer qu'ils aient eu communication de l'assignation par une autre voie que la signification, à quelle date cette communication avait été effectuée et si M. A... et Mme I... en avaient eu connaissance en temps utile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ensemble l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. A... et Mme I... avaient reconnu, dans l'assignation délivrée à jour fixe dans le cadre de la procédure d'appel du jugement d'orientation, avoir pris connaissance de l'assignation du 20 juin 2016, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les destinataires de l'acte en avaient eu connaissance en temps utile, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique annexé, pris en ses première et troisième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. A... et Mme I... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, les condamne à payer à la société CIC Lyonnaise de banque la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique produit par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. A... et Mme I... , demandeurs aux pourvois n° R 18-12.161 et D 18-12.748.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. A... et Mme I... de leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation et du jugement du 22 novembre 2016, et d'AVOIR déclaré irrecevables leurs demandes de sursis à statuer et de vente amiable présentées en appel,
AUX MOTIFS QU'« il résulte des dispositions de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution qu'à l'audience d'orientation le juge de l'exécution statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée ;
que l'article R. 311-5 du code précité précise qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires être formées après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elles ne portent sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ;
Attendu que si la cour doit examiner le moyen présenté par le débiteur saisi non comparant en première instance tendant à dénoncer la régularité de l'assignation qui lui avait été délivrée pour l'audience d'orientation, dès lors qu'elle rejette ce moyen, elle doit déclarer irrecevables, non pas l'appel, mais toutes les demandes formulées devant elle par le débiteur saisi, non comparant à l'audience d'orientation.
Attendu que l'article 138 du code de procédure civile suisse applicable en l'espèce compte tenu de la résidence des débiteurs, précise notamment :
« les citations, les ordonnances et les décisions sont notifiés par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception.
L'acte est réputé notifié lorsqu'il a été remis au destinataire, à un de ses employés ou à une personne de seize ans au moins vivant dans le même ménage ; l'ordre donné par le tribunal de notifier l'acte personnellement au destinataire est réservé.
L'acte est en outre réputé notifié en cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré : à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification ».
Qu'il est constant que monsieur A... et madame I... n'ont pas retiré les courriers recommandés avec demande d'accusé de réception contenant l'assignation du 20 juin 2016 à comparaître à l'audience d'orientation du 8 novembre 2016, alors que ces courriers comportaient l'adresse exacte des intéressés, à savoir [...] Suisse ;
que ces assignations ont été notifiées par envoi recommandé selon la procédure prévue par l'article 5 alinéa 1 a) de la convention relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires ou extrajudiciaires en matière civile et commerciale signée à la Haye le 15 novembre 1965 ;
que l'autorité destinataire de ces demandes aux fins de signification, à savoir le tribunal cantonal - division entraide judiciaire — de Lausanne (Suisse), a retourné à l'autorité requérante, Maître O..., huissier de justice à [...] (Ain) l'attestation prévue à l'article 6 de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 par pour chacun des débiteurs par laquelle il certifiait que la signification n'avait pas été exécutée au motif suivant : « le destinataire n'a pas réclamé l'envoi dans le délai imparti par l'office de poste suisse.
Toutefois, aux termes de l'article 138 alinéa 3 lettre a du code de procédure civile suisse, l'acte est réputé notifié en cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré : à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification ».
Que monsieur A... et madame I... , dont il n'est pas discuté qu'ils avaient été régulièrement été destinataires du commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 1er mars 2016, ne pouvaient pas sérieusement ignorer à la simple lecture de ce commandement, qu'ils allaient être, dans les jours suivants, assignés à comparaître à l'audience d'orientation pour qu'il soit statué sur les suites de la procédure de saisie immobilière ;
que surtout, ils ont reconnu dans leur assignation délivrée à jour fixe dans le cadre de la présente procédure d'appel, avoir pris connaissance de l'assignation du 20 juin 2016 en ce qu'ils ont écrit ne pas « avoir compris la portée de l'assignation délivrée à madame et ont pensé qu'il s'agissait de la procédure pendante devant le tribunal d'instance de Nantua » (précision devant être faite que chacun des époux à bien été destinataire de l'envoi recommandé portant notification de l'assignation devant le juge de l'orientation) ;
qu'à ce titre, ils ne peuvent donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article 688 du code de procédure civile (français), en ce qu'ils ont bien eu connaissance de l'assignation litigieuse, celle-ci leur ayant été, en tout état de cause, réputée notifiée régulièrement au sens de l'article 138 alinéa 3 lettre a du code de procédure civile suisse.
Qu'ainsi, quand bien même la CIC Lyonnaise de banque n'a pas relevé l'irrecevabilité de l'exception de nullité de l'assignation en ce qu'elle n'a pas été soulevée relevé in limine litis par les débiteurs dans leurs premières conclusions du 12 mai 2017 mais seulement dans leurs dernières écritures d'appel du 12 6 septembre 2017, la cour ne peut que rejeter cette exception, monsieur A... et madame I... ayant été valablement assignés à comparaître à l'audience d'orientation.
Attendu que les prétentions de A... et madame I... tendant au prononcé d'un sursis à statuer et d'une vente amiable sont formulées postérieurement à l'audience d'orientation du 8 novembre 2016 ayant abouti au jugement autorisant la vente forcée ; qu'elles sont donc irrecevables au regard des dispositions de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution » (arrêt p. 4-5),
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer la loi étrangère ; qu'en l'espèce, l'article 138 alinéa 3 du code de procédure civile suisse dispose que l'acte est réputé notifié en cas d'envoi en recommandé lorsque celui-ci n'a pas été retiré à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, « si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification » ; qu'en énonçant que M. A... et Mme I... , qui avaient été régulièrement destinataires du commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 1er mars 2016, ne pouvaient pas sérieusement ignorer, à la simple lecture de ce commandement, qu'ils allaient être « dans les jours suivants » assignés à comparaître à l'audience d'orientation, quand il résultait de ses propres constatations que cette assignation leur avait été délivrée le 20 juin 2016 soit plus de trois mois après le commandement de payer, de sorte qu'ils ne pouvaient s'y attendre, la cour d'appel a dénaturé le texte susvisé et violé l'article 3 du code civil ;
2°) ALORS QU'en application de l'article 688 du code de procédure civile et de l'article 15 alinéa 2 de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 applicable en France, s'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte notifié à l'étranger en a eu connaissance en temps utile, le juge ne peut statuer que si un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté elle-même que les attestations retournées par l'autorité suisse requise certifiaient que la signification n'avait pas été exécutée ; que comme le faisaient valoir M. A... et Mme I... , le jugement d'orientation avait été rendu le 22 novembre 2016 soit moins de six mois après l'assignation du 20 juin 2016, sans qu'ils aient comparu à l'audience ; qu'en retenant qu'ils ne pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article 688 du code de procédure civile dès lors qu'ils avaient reconnu dans leur assignation d'appel à jour fixe avoir eu connaissance de l'assignation litigieuse, laquelle était en tout état de cause réputée leur avoir été notifiée régulièrement en application de l'article 138 alinéa 3 du code de procédure civile suisse, sans rechercher, à supposer qu'ils aient eu communication de l'assignation par une autre voie que la signification, à quelle date cette communication avait été effectuée et si M. A... et Mme I... en avaient eu connaissance en temps utile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ensemble l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, dans leur assignation à jour fixe devant la cour d'appel M. A... et Mme I... indiquaient n'avoir « pas compris la portée de l'assignation délivrée à Madame » ; que cette mention, qui faisait uniquement référence à l'assignation délivrée à « Madame », n'établissait pas que M. A... avait eu connaissance de l'assignation, distincte, qui lui avait été délivrée ; qu'en se fondant sur cette mention pour considérer que M. A... ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 688 du code de procédure civile et rejeter ses demandes, la cour d'appel a méconnu les limites du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.