LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 31 octobre 2017), que la société civile professionnelle K... V...-A... T... (la SCP) a payé à M. B... une certaine somme en vertu d'un jugement assorti de l'exécution provisoire ; que, un arrêt ayant partiellement réformé cette décision et réduit la condamnation de la SCP, celle-ci a présenté une demande d'inscription d'hypothèque judiciaire en garantie de sa créance de restitution ; que, le service de la publicité foncière lui ayant notifié le rejet de la formalité, la SCP et son avocat, la Selarl BRT, ont contesté ce refus devant le président du tribunal de grande instance ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que le directeur du service chargé de la publicité foncière La Rochelle 1 fait grief à l'arrêt de dire que la décision de refus d'inscription est infondée et que la SCP est fondée à inscrire une hypothèque judiciaire pour une créance en principal de 2 356,49 euros, outre les intérêts au taux légal et les frais ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a ni retenu que, pour solliciter la réformation de la décision de première instance, l'administration était tenue d'en demander la nullité, ni constaté que le premier juge avait été saisi comme juge des référés selon les règles fixées aux articles 808 et 809 du code de procédure civile ; que le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen :
Attendu que le directeur du service chargé de la publicité foncière La Rochelle 1 fait grief à l'arrêt de dire que la décision de refus de l'inscription de l'hypothèque est infondée, alors, selon le moyen, que, si en cas d'anéantissement d'une décision portant condamnation, la décision décidant de l'anéantissement constitue un titre exécutoire quant à l'obligation de restitution des sommes payées sur la base de la décision anéantie, la décision portant anéantissement, faute de comporter une obligation chiffrée, ne permet pas l'inscription d'une hypothèque au sens de l'article 2412 du code civil ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé ce texte ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que l'arrêt partiellement infirmatif constituait un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées en vertu de la décision de première instance sans qu'une mention en ce sens fût nécessaire et relevé que la créance de la SCP ressortait de la comparaison entre les deux titres qu'elle avaient mentionnés dans le bordereau d'inscription, qui, en les combinant, étaient en sa faveur au sens de l'article 2412 du code civil, la cour d'appel en a exactement déduit que la décision de refus d'inscription n'était pas justifiée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur du service chargé de la publicité foncière La Rochelle 1 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur chargé du service de la publicité foncière La Rochelle 1.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé que la décision de refus de l'inscription de l'hypothèque est infondée, dit que la SCP K... F... ET A... T... est fondée à inscrire l'hypothèque judiciaire à l'encontre de Monsieur N... B... pour 2.356,49 euros et dit que la formalité prendra rang à la date d'enregistrement du dépôt puis mis les dépens à la charge de l'administration ainsi qu'une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « c'est à bon droit que l'appelant relève que le recours exercé contre la décision de refus d'inscription de l'hypothèque judiciaire sollicitée le 15 novembre 2016, notifiée le 18 novembre suivant par la Direction générale des finances publiques (service chargé de la publicité foncière de la Rochelle) obéit aux dispositions spécifiques de l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, le président du tribunal de grande instance statuant "comme en matière de référé" et rendant une ordonnance qui n'est pas susceptible de l'exécution provisoire ; que c'est donc à tort que le premier juge a visé les dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile que pour autant, l'appelante, tout en invoquant l'irrégularité de l'ordonnance et la violation du principe du contradictoire, n'en demande pas l'annulation mais seulement la réformation ; qu'elle ne conteste pas les écritures adverses selon lesquelles l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 était visé dans l'assignation et était donc dans les débats ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu à réformation de l'ordonnance de ce seul chef » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, aux termes de l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, le recours dirigé contre la décision administrative est porté devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, autrement dit statuant comme juge du fond ; qu'il était dès lors exclu que le premier juge puisse faire droit à la demande dès lors que celle-ci était portée devant le juge des référés sur le fondement de l'article 809 du Code de procédure civile ; qu'à raison de cette circonstance, l'administration pouvait solliciter la réformation de la décision de première instance sans être tenue d'en demander la nullité ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, l'article 79 du code de procédure civile dans sa version antérieure au 1er septembre 2017 [devenu article 90 du code de procédure civile] et les règles régissant la procédure en la forme des référés ;
ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, lorsque le premier juge est saisi comme juge des référés et selon les règles du droit commun telles que fixées aux articles 808 et 809 du Code de procédure civile, le juge d'appel n'a pas plus de pouvoirs que le premier juge ; qu'à ce titre, la Cour d'appel était tenue de constater que, saisie comme juge des référés selon les articles 808 et 809 du Code de procédure civile, elle ne pouvait faire droit à la demande, celle-ci ne pouvant qu'être portée devant un juge statuant en la forme des référés et faisant donc office de juge du fond ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du second degré ont violé l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, l'article 79 du code de procédure civile dans sa version antérieure au 1er septembre 2017 [devenu article 90 du code de procédure civile] et les règles gouvernant la procédure en la forme des référés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé que la décision de refus de l'inscription de l'hypothèque est infondée, dit que la SCP K... F... ET A... T... est fondée à inscrire l'hypothèque judiciaire à l'encontre de Monsieur N... B... pour 2.356,49 euros et dit que la formalité prendra rang à la date d'enregistrement du dépôt puis mis les dépens à la charge de l'administration ainsi qu'une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QUE « c'est à bon droit que l'appelant relève que le recours exercé contre la décision de refus d'inscription de l'hypothèque judiciaire sollicitée le 15 novembre 2016, notifiée le 18 novembre suivant par la Direction générale des finances publiques (service chargé de la publicité foncière de la Rochelle) obéit aux dispositions spécifiques de l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, le président du tribunal de grande instance statuant "comme en matière de référé" et rendant une ordonnance qui n'est pas susceptible de l'exécution provisoire ; que c'est donc à tort que le premier juge a visé les dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile que pour autant, l'appelante, tout en invoquant l'irrégularité de l'ordonnance et la violation du principe du contradictoire, n'en demande pas l'annulation mais seulement la réformation ; qu'elle ne conteste pas les écritures adverses selon lesquelles l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 était visé dans l'assignation et était donc dans les débats ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu à réformation de l'ordonnance de ce seul chef » ;
AUX MOTIFS ENSUITE QUE « Aux termes de l'article 1412 du code civil :
"L'hypothèque judiciaire résulte des jugements, soit contradictoires, soit par défauts, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus. Elle résulte également des sentences arbitrales revêtues de l'exequatur ainsi que des décisions judiciaires rendues en pays étrangers et déclarées exécutoires par un tribunal français. Sous réserve du droit pour le débiteur de se prévaloir, soit en cours d'instance, soit à tout autre moment, des dispositions des articles 2444 et suivants, le créancier qui bénéficie d'une hypothèque judiciaire peut inscrire son droit sur tous les immeubles appartenant actuellement à son débiteur, sauf à se conformer aux dispositions de l'article 2426. Il peut sous les mêmes réserves, prendre des inscriptions complémentaires sur les immeubles entrés par la suite dans le patrimoine de son débiteur". Il est exact ainsi que l'indique l'appelante, que cette hypothèque, qui est en réalité une hypothèque légale, est différente des hypothèques pouvant être prises en vertu du code des procédures civiles d'exécution, dans ses conditions (l'article 2412 exigeant un "jugement en faveur" et non une "créance paraissant fondée en son principe" ou un titre exécutoire) et dans son régime. Pour autant et contrairement à ce que soutient l'appelante, les dispositions de l'article 2412 du code civil n'exigent pas que le demandeur à l'inscription de l'hypothèque judiciaire sur ce fondement dispose d'un jugement emportant condamnation du débiteur propriétaire du bien grevé et constatant une créance. Elles exigent uniquement que le jugement soit "en faveur" de la personne qui sollicite l'inscription d'hypothèque. En l'espèce, le cabinet d'avocat BRT, au nom de la SCP K... F...-A... T..., a adressé au service de la publicité foncière de la Rochelle I, le 15 novembre 2016 le jugement du Conseil de prud'hommes du 13 novembre 2014, l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 24 février 2016, une copie du certificat de non-pourvoi, et un bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire qui est ainsi rédigé dans la colonne "créance garantie" : "Pour sûreté de, Conformément au jugement du Conseil de prud'hommes de La Rochelle du 14 novembre 2014 (en réalité 13 novembre), l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 24 février 2016. Après compensation entre les sommes dues, M. B... doit payer à la SCP F...-T... 2.356,49f, Intérêts au taux légal du 25/02/2016 au 15/11/2016 : 141,836. Intérêts au taux légal sur 3 ans du 15/11/2016 au 15/11/2019.• 661,606 Frais évalués à 635,216. Total 3.795,136. Dans la mesure où la SCP K... F...-A... T... a réglé à M. B... la somme de 6.079,70£ au titre de l'exécution de plein droit attachée au jugement du 13 novembre 2014, (à laquelle doit être ajoutée la somme de 86,42£ au titre de la CSG-CRDS ainsi qu'expliqué dans la note en délibéré transmise par les intimés le 20 septembre 2017), et où l'arrêt partiellement infirmatif du 24 février 2016 a limité sa condamnation à la somme totale de 3.809,63€ (1.809,63€ + 500£ +500£, outre la confirmation de l'indemnité de 1.000£ allouée en première instance pour frais irrépétibles), il se déduit de la seule lecture de ces deux décisions que la SCP K... F...-A... T... détient une créance de restitution sur M. B... et doit se voir restituer la différence soit la somme de 2.356,49€ (6.166,12 - 3809,63). L'arrêt partiellement infirmatif constitue bien un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées en vertu de la décision de première instance sans qu'une mention expresse en ce sens soit nécessaire et la créance de la SCP K... F...-A... T... ressort de la simple comparaison entre les deux titres qu'elle a mentionnés dans le bordereau d'inscription et qui, en les combinant, sont bien en sa faveur au sens de l'article 2412 du code civil.(cf pour exemple Cf C.Cass 3 civ 15 septembre 2016 n° 15-21483). La SCP K... F...-A... T... est donc en droit de faire inscrire une hypothèque judiciaire sur le fondement de l'article 2412 du code civil et la décision de refus prise le 17 novembre 2011 par le service chargé de la publicité foncière doit être déclarée infondé.» ;
ALORS QUE, si en cas d'anéantissement d'une décision portant condamnation, la décision décidant de l'anéantissement constitue un titre exécutoire quant à l'obligation de restitution des sommes payées sur la base de la décision anéantie, en revanche, la décision portant anéantissement, faute de comporter une obligation chiffrée, ne permet pas l'inscription d'une hypothèque au sens de l'article 2412 du code civil ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé ce texte.