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27/06/2019 | FRANCE | N°16-25262

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 27 juin 2019, 16-25262


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1793 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2016), que la société HLM Les Foyers de Seine-et-Marne (la société HLM) a confié à la société BH la construction d'un immeuble ; qu'après réalisation des travaux, la société HLM a assigné la société BH en paiement de diverses sommes ; que, reconventionnellement, la société BH a s

ollicité le paiement d'une somme au titre des travaux supplémentaires ;

Attendu que, pour...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1793 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2016), que la société HLM Les Foyers de Seine-et-Marne (la société HLM) a confié à la société BH la construction d'un immeuble ; qu'après réalisation des travaux, la société HLM a assigné la société BH en paiement de diverses sommes ; que, reconventionnellement, la société BH a sollicité le paiement d'une somme au titre des travaux supplémentaires ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il est constant que les travaux supplémentaires ont occasionné des opérations plus coûteuses qui modifiaient de façon considérable l'économie du chantier, que le maître de l'ouvrage ne conteste pas qu'il est apparu, au terme d'analyses de sols réalisées postérieurement à la signature du marché, que le sous-sol était incapable de supporter, avec les fondations prévues, le bâtiment dont la construction était envisagée, que le fait que le maître d'ouvrage n'ait pas formulé par écrit son accord pour ces travaux supplémentaires est sans portée dès lors que la modification totale du système de fondations était parfaitement apparente, que la société BH a adressé le montant de ces travaux par courriers sans que la société HLM réagisse et qu'ensuite elle en a été informée lors des réunions de chantier ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser un accord exprès et non équivoque du maître de l'ouvrage pouvant justifier la facturation des travaux supplémentaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en que qu'il condamne la société HLM Les Foyers de Seine-et-Marne à payer à la société BH la somme de 1 525 300 euros, l'arrêt rendu le 14 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société BH, aux droits de laquelle vient la société Bio Habitat, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société BH, aux droits de laquelle vient la société Bio Habitat, et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société HLM Les Foyers de Seine-et-Marne ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société HLM Les Foyers de Seine-et-Marne

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, condamné la société HLM LES FOYERS DE SEINE-ET-MARNE à payer à la société BH les sommes de 1.525.300 € H.T, de 71.016,02 € au titre du paiement de la retenue, et la somme de 275.206,95 € H.T. avec intérêts au taux légal à compter de la réception de chaque tranche de travaux ;

AUX MOTIFS QUE « le fait qu'un marché à forfait ait été signé entre les parties ne signifie pas que l'entreprise, qui voit en raison de circonstances imprévues, le coût de ses travaux s'accroître considérablement, doive supporter le surcoût ; qu'il s'avère en l'espèce que c'est au terme d'analyses de sols réalisées postérieurement à la signature du marché qu'il est apparu que le sous-sol était incapable de supporter, avec les fondations prévues, le bâtiment dont la construction était envisagée ; que ce point n'est pas contesté par le maître de l'ouvrage ; qu'il n'est pas établi que cet état du sous-sol ait été signalé ni même apparent au moment de la signature du contrat ; qu'il est constant par ailleurs que ces travaux ont occasionné des opérations plus coûteuses, qui modifiaient de façon considérable l'économie du chantier ; que l'article 9.1 du CCAG applicable aux travaux de bâtiment faisant l'objet de marchés privés, référence NF P 03-001 applicable en l'espèce, indique que «les prix du marché sont réputés tenir compte de toutes les circonstances de l'implantation, des particularités du projet et des délais et rémunèrent l'entrepreneur de tous ses débours, charges et obligations normalement prévisibles [...] ». ; que l'article 11.1.1.2 stipule que, en cas d'augmentation de la masse de travaux, « le montant de l'augmentation, évalué dans les mêmes conditions que les prix fixés au marché, est ajouté au prix prévu au contrat. S'il y a lieu, les délais d'exécution sont modifiés en conséquence » ; qu'à l'évidence qu'il ne saurait être sérieusement discuté que la nécessité de modifier totalement le système de fondation d'un bâtiment en raison de caractéristiques du sous-sol, découvertes à l'occasion d'analyses dont les résultats ont été contraires à ceux des études de sol préalables, ne constitue pas une source de surcoût "normalement prévisible" ; qu'une telle contrainte était au contraire un événement totalement imprévu ; que dès lors le maître de l'ouvrage ne saurait sans mauvaise foi pour résister au paiement des travaux se contenter d'affirmer que le marché était forfaitaire pour refuser de s'acquitter du solde du marché et du surcoût occasionné par ces travaux, et réclamer des pénalités pour le retard occasionné ; qu'en effet la réalisation de ces travaux de fondations plus lourds ne pouvait que retarder la date de fin des travaux, le bâtiment ne pouvant assurément être construit qu'après que les fondations eurent été achevées ; que ce retard ne peut être, pour les mêmes raisons, reproché à l'entreprise BH ; que faute de la fixation d'un nouveau délai d'un commun accord entre les parties, ainsi que le prévoyait le CCAG applicable sus-rappelé, le délai initial était caduc ; que la société HLM — LES FOYERS DE SEINE-ET-MARNE sera déboutée de toutes ses demandes relatives aux indemnités pour retard de chantier ; que le fait que le maître d'ouvrage n'ait pas formulé par écrit son accord pour ces travaux supplémentaires est sans portée dès lors que la modification totale du système de fondations était parfaitement apparente, que la société BH a adressé le montant de ces travaux par courriers du 30 mars 2011, 17 janvier 2012 et 22 février 2012 sans que la société HLM -LES FOYERS DE SEINE-ET-MARNE réagisse et qu'ensuite elle en a été informée lors des réunions de chantier ; qu'elle ne saurait soutenir sans alléguer sa propre duplicité, alors qu'elle était parfaitement informée de la situation, qu'elle a laissé poursuivre les travaux et finir l'immeuble sans protester tout en ayant l'intention de ne pas payer ce surcoût ; qu'il n'est pas allégué par ailleurs la moindre malfaçon ou non-façon affectant les travaux considérés ; que le surcoût des travaux réalisés en raison de la nécessité de modifier les fondations s'élève à la somme de 1.525.300 € HT ; que par ailleurs, compte-tenu du sens de la présente décision, la retenue de 71.016,02 € opérée par la société HLM- LES FOYERS DE SEINE-ET-MARNE est indue; qu'elle devra la restituer à l'entreprise BH ; qu'il en résulte que la demande de remboursement de la facture EGA n'est pas fondée en raison du sens de la présente décision, puisque les retards ne sont pas imputables à la société BH ; que la demande relative à l'interprétation du "tableau Excel" est sans objet car ces calculs concernent les pénalités de retard qui ne sont pas dues ; qu'il convient par ailleurs de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société HLM — LES FOYERS DE SEINEET-MARNE à régler à la société BH le montant de ces sommes ainsi que le solde du marché de travaux resté impayés, à savoir 275.206,95 € HT avec intérêts au taux légal à compter de la réception de chaque tranche de travaux ; que la désignation d'un expert est sans objet compte-tenu du sens de la présente décision ; que le jugement sera infirmé en ce sens » ;

1° ALORS QUE seul un bouleversement de l'économie du contrat peut conduire le maître de l'ouvrage ayant conclu un marché à forfait à supporter le coût à payer des travaux supplémentaires ; que la cour d'appel, qui se contente de relever que n'étaient pas normalement prévisibles les travaux supplémentaires réalisés par la société BH, et que c'est au terme d'analyses de sol réalisées postérieurement à la signature du marché qu'il était apparu que le sous-sol était incapable de supporter, avec les fondations prévues, le bâtiment dont la construction était envisagée, sans relever que l'existence de telles contraintes avait entraîné un bouleversement de l'économie du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du Code civil ;

2° ALORS, PAR SURCROIT, QU'un bouleversement de l'économie du contrat ne peut entraîner la sortie du marché à forfait que lorsqu'il est la conséquence de décisions ou de modifications imposées par le maître de l'ouvrage ; qu'en mettant à la charge de la société FSM le surcoût généré par la nécessité de procéder à de nouvelles fondations par micro-pieux, pour un coût non initialement prévu, aux seuls motifs que ces travaux avaient été nécessités par l'état du sous-sol qui n'aurait pas été signalé et qui n'était pas non plus apparent au moment de la signature du contrat, la cour d'appel, qui ne constate à aucun moment un fait du maître de l'ouvrage qui aurait entraîné un bouleversement de l'économie du contrat, a privé derechef sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

3° ALORS QUE dans ses écritures d'appel, la société FSM contestait fermement le caractère prétendument imprévu des sujétions auxquelles avait dû faire face le maître de l'ouvrage ; qu'elle faisait valoir, en particulier, que l'étude technologique G12, qui avait été menée avant la signature du contrat, faisait clairement apparaître que le terrain se caractérisait par une topographie particulière résultant de l'exploitation d'une ancienne carrière, que suite à cette analyse, la société BH avait elle-même missionné son BET interne pour « déterminer le type de fondations approprié » et qu'enfin, le 20 mai 2010, la société SOCOTEC avait communiqué son rapport préalable duquel il résultait très clairement que le système de fondations envisagé par la société BH, à savoir des « radiers nervurés avec bêche hors gel sur couches de forme », était inadapté à la situation, la société SOCOTEC indiquant en caractères gras, « le principe constructif nécessite une ventilation sous le plancher bois et qu'il faut donc préférer « une technique de fondation par micro-pieux plus adaptée à ce type de terrain (remblais hétérogènes avec présence de blocs) » » ; que la société FSM en déduisait qu'il suffisait donc à la société BH de prendre connaissance de ce rapport préalable pour savoir que le seul système de fondations envisageable était le recours aux micro-pieux, de sorte que la société BH ne pouvait arguer utilement avoir dû faire face à des contraintes imprévues ou qu'elle ne pouvait prévoir lors de la conclusion du marché ; que la cour d'appel qui, au contraire, affirme que c'est au terme d'analyses de sol réalisées postérieurement à la signature du marché qu'il est apparu que le processus de fondations initialement prévu était à revoir, et « que ce point n'est pas contesté par le maître de l'ouvrage » (arrêt p.5), méconnaît les conclusions de la société FSM, et viole les articles 4, 5, 12 et 16 du Code de procédure civile ;

4° ALORS, PAR SURCROIT, QUE la cour d'appel qui se contente d'affirmer que la nécessité de modifier totalement le système de fondations constituait un évènement imprévu lors de la signature du contrat, et qui n'apporte strictement aucune réponse aux conclusions de la société FSM qui faisait valoir, d'une part, que l'étude G12 qu'elle avait fait réaliser attirait clairement l'attention de la société BH sur le fait que le fond étant constitué d'une ancienne carrière, une particulière vigilance devait être apportée à la technique de fondations appropriée, et d'autre part, que la société SOCOTEC, antérieurement à la signature du contrat, avait elle-même préconisé la pose de micro-pieux, et souligné que le choix technique qu'avait retenu la société BH était, au contraire, inadapté, viole l'article 455 du Code de procédure civile ;

5° ALORS QUE seul un accord exprès et non équivoque du maître de l'ouvrage peut justifier, dans un marché à forfait, la facturation à ce dernier de travaux supplémentaires ; qu'en se contentant d'énoncer, pour condamner la société FSM au paiement de la somme de 1.525.300 € au titre des travaux supplémentaires et au paiement de la retenue qu'elle avait opérée, que le maître de l'ouvrage n'avait pas réagi lorsqu'il avait constaté la modification totale du système de fondations qui était parfaitement apparente, et laissé poursuivre les travaux sans protester, la cour d'appel, qui a elle-même relevé qu'aucun accord écrit n'avait été donné par la société FSM pour faire réaliser des travaux supplémentaires non prévus et en supporter le coût, a privé, derechef, sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-25262
Date de la décision : 27/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 27 jui. 2019, pourvoi n°16-25262


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:16.25262
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