LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mai 2018), que M. S... O... a été engagé le 1er octobre 2007 par la société Hemmelrath etamp; partners, société allemande de conseil juridique et fiscal, en qualité de conseiller senior fiscalité ; que, le 1er janvier 2008, il a été conclu un contrat de détachement entre M. S... O..., qui était inscrit comme avocat au barreau de Paris, et la société Hemmelrath etamp; partners au bénéfice de la société d'avocats François, Sagasser etamp; associés, Marccus partners, devenue Marcan pour y exercer les fonctions de juriste et de directeur général ; que, pendant son détachement, il a été contractuellement considéré comme demeurant employé de la société Hemmelrath etamp; partners ; qu'il a travaillé en qualité d'associé et de directeur général de la société Marccus partners, intégrée au réseau Mazars et a, à cette occasion, entretenu une activité professionnelle avec la société Mazars, laquelle est une société d'expertise comptable, de commissariat aux comptes et d'audit financier ; que, le 20 décembre 2010, M. S... O..., considérant qu'il était salarié et avait comme co-employeurs les sociétés Hemmelrath etamp; partners, Marccus partners et Mazars, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de cette dernière ; que, le 30 décembre 2010, la société Marccus partners l'a informé de ce qu'il devait reprendre son activité en Allemagne, dès le 1er janvier 2011 ; que, le 13 janvier 2011, il a saisi la juridiction prud'homale pour voir requalifier en contrat de travail sa relation avec la société Mazars et obtenir diverses sommes ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. S... O... fait grief à l'arrêt de recevoir le contredit formé par la société Mazars, de dire que le conseil de prud'hommes de Nanterre était incompétent et le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige opposant les parties alors, selon le moyen :
1°/ que l'éventuelle méconnaissance par l'avocat de ses obligations déontologiques et notamment de l'interdiction d'exercer une autre profession, relève des poursuites disciplinaires pouvant être exercées par les instances ordinales ; qu'elle ne saurait en revanche dispenser l'employeur de l'avocat concerné des obligations découlant pour lui du contrat de travail conclu avec ce dernier ; qu'en jugeant le contraire, et en énonçant que la société Mazars n'était pas une société d'avocats, de sorte qu'il ne pouvait exister de contrat de travail entre elle et M. Q... , ce qui rendait sans objet la vérification de l'existence d'un contrat de travail entre eux, la cour d'appel a violé l'article L. 1211-1 du code du travail, ensemble, par fausse application, l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 ;
2°/ que le juge doit en toutes circonstances respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; que la société Mazars concluait à l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du bâtonnier des Hauts de Seine ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le litige relevait du juge de droit commun, et en renvoyant les parties devant le tribunal de grande instance de Nanterre, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'une part qu'ayant relevé que M. S... O... avait, pendant le cours de ses relations professionnelles avec la société Mazars, laquelle est une société d'expertise comptable, le statut d'avocat inscrit au barreau de Paris et que l'exercice de cette profession était incompatible avec tout emploi salarié autre que celui d'avocat salarié d'un avocat ou d'une association ou société d'avocat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; et attendu d'autre part qu'en application de l'article 81, alinéa 2, du code de procédure civile, la juridiction après avoir décliné sa compétence devait désigner la juridiction compétente ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. S... O... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. S... O...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir reçu le contredit formé par la société Mazars, d'avoir dit que le conseil de prud'hommes de Nanterre était incompétent et d'avoir dit le tribunal de grande instance de Nanterre pour connaître du litige l'opposant à M. Q... ;
AUX MOTIFS QUE M. Q... ne conteste pas avoir bénéficié du statut d'avocat inscrit au barreau de Paris pendant la période litigieuse ; qu'il n'a pendant cette période ni démissionné ni sollicité son omission du barreau auquel il est attaché ; que l'exercice de la profession d'avocat est incompatible avec toutes activités de nature à porter atteinte à son indépendance, à sa dignité, au caractère libéral de la profession et de tout emploi salarié autre que celui d'avocat salarié et d'enseignant ; que l'article 115 alinéa 1 du décret du 27 novembre 1991 dispose que « la profession d'avocat est incompatible avec l'exercice de toute autre profession, sous réserves de dispositions législatives ou réglementaires particulières » ; que selon l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971, l'avocat peut exercer sa profession en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats ; que l'article 6 du RIN de la profession d'avocat qui définit le champ professionnel de l'avocat ne prévoit pas la possibilité pour ce dernier d'exercer une activité salariée au profit d'un tiers exerçant l'expertise comptable ; qu'en dehors des possibilités ouvertes par la loi, l'avocat ne peut exercer d'activité salariée ; que selon la jurisprudence, un avocat ne pouvant exercer sa profession dans le cadre d'un contrat de travail le liant à une personne physique ou morale autre qu'un avocat, une association ou une société d'avocats, le juge ne saurait par l'effet d'une requalification des relations contractuelles conclure en dehors de ces hypothèses à l'existence d'un contrat de travail ; que la société Mazars n'est pas une société d'avocats de sorte qu'il ne peut exister de contrat de travail entre elle et M. Q... ce qui rend sans objet la vérification de l'existence d'un contrat de travail par requalification entre eux ; qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile ; qu'en l'espèce le litige oppose un avocat et un tiers qui ne l'est pas ; que ce tiers n'a pas formé de réclamation devant le bâtonnier ; qu'il y a lieu dès lors de constater que le bâtonnier des Hauts de Seine n'est pas compétent pour connaître du litige qui sera renvoyé devant le juge de droit commun, à savoir le tribunal de grande instance de Nanterre en application de l'article 42 du code de procédure civile, la société Mazars étant établie dans le ressort de ce tribunal ;
1) ALORS QUE l'éventuelle méconnaissance par l'avocat de ses obligations déontologiques et notamment de l'interdiction d'exercer une autre profession, relève des poursuites disciplinaires pouvant être exercées par les instances ordinales ; qu'elle ne saurait en revanche dispenser l'employeur de l'avocat concerné des obligations découlant pour lui du contrat de travail conclu avec ce dernier ; qu'en jugeant le contraire, et en énonçant que la société Mazars n'était pas une société d'avocats, de sorte qu'il ne pouvait exister de contrat de travail entre elle et M. Q... , ce qui rendait sans objet la vérification de l'existence d'un contrat de travail entre eux, la cour d'appel a violé l'article L.1211-1 du code du travail, ensemble, par fausse application, l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 ;
2) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; que la société Mazars concluait à l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du bâtonnier des Hauts de Seine ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le litige relevait du juge de droit commun, et en renvoyant les parties devant le tribunal de grande instance de Nanterre, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.