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26/06/2019 | FRANCE | N°17-31602

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2019, 17-31602


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés, que, le 27 septembre 2017, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la polyclinique de Riaumont, exploitée par l'Association hospitalière Nord Artois clinique (l'association), a décidé du recours à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, alors applicable ; que l'association a saisi le président du tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de cette décisi

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Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés, que, le 27 septembre 2017, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la polyclinique de Riaumont, exploitée par l'Association hospitalière Nord Artois clinique (l'association), a décidé du recours à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, alors applicable ; que l'association a saisi le président du tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de cette décision ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que l'employeur soutient que la délibération du CHSCT pour former le pourvoi et le mandat donné par les membres du CHSCT à cette fin sont postérieurs au délai imparti pour former le pourvoi et au dépôt du pourvoi lui-même ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des articles 117 et 121 du code de procédure civile, que, en cas de contestation, il peut être justifié jusqu'au jour où le juge statue du pouvoir spécial donné dans le délai du recours ;

Attendu, ensuite, selon l'article R. 4614-19 du code du travail, alors applicable, que le délai du pourvoi en cassation formé à l'encontre du jugement du président du tribunal de grande instance statuant sur les contestations de l'employeur prévues au deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 de ce code, alors applicable, est de dix jours à compter de la notification de celui-ci ;

Et attendu que, en l'absence de notification de l'ordonnance au CHSCT, le délai de pourvoi n'a pas commencé à courir en sorte que la justification de la délivrance du pouvoir, daté du 22 février 2018, postérieur à la déclaration de pourvoi intervenue le 22 décembre 2017, a entraîné la disparition de la cause de l'irrégularité de fond découlant de son absence ;

D'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour annuler la délibération du 27 septembre 2017, l'ordonnance retient que, dans sa motion, pour justifier la désignation d'un expert agréé, le CHSCT se fonde sur le projet de nouveau planning, suite à la réorganisation des services, que cependant, il apparaît que ce projet ne figure pas à l'ordre du jour et que la désignation de l'expert ne présente aucun lien, même implicite, avec l'un des points fixés audit ordre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, l'association exposait, s'agissant de ce projet, que, à la faveur de la réunion ordinaire du CHSCT, en date du 27 septembre 2017, la consultation du CHSCT a été à nouveau inscrite à l'ordre du jour, le président du tribunal de grande instance, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 4612-1 du code du travail, alors applicable, et l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

Attendu que, eu égard à la mission du CHSCT, définie à l'article L. 4612-1 du code du travail, de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure, ce comité ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général au sens de l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899, quand bien même il exerce sa mission au sein d'une personne morale visée audit article ;

Attendu que, pour annuler la délibération du 27 septembre 2017, l'ordonnance retient que le CHSCT, personne morale ayant pour but de satisfaire un besoin d'intérêt général autre qu'industriel et commercial, financé par le pouvoir adjudicateur qu'est l'association, doit être lui même qualifié de pouvoir adjudicateur, qu'il en résulte que le CHSCT aurait dû respecter les dispositions de l'ordonnance n° 2015-899, qu'il n'y a pas satisfait ;

Qu'en statuant ainsi, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la délibération du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de la polyclinique de Riaumont du 27 septembre 2017 désignant le cabinet Secafi aux fins de procéder à une expertise, l'ordonnance rendue, entre les parties, le 13 décembre 2017, par le président du tribunal de grande instance de Béthune ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance d'Arras ;

Condamne l'Association hospitalière Nord Artois clinique aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne l'Association hospitalière Nord Artois clinique à payer la somme de 3 500 euros TTC à la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance de référé partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le CHSCT de la polyclinique de Riaumont

Ce moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir annulé la délibération en date du 27 septembre 2017 désignant le Cabinet Secafi aux fins d'expertise et d'avoir rejeté la demande de dommages intérêts du CHSCT ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 4614-12 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

Sur le moyen tiré du non-respect du processus délibératif

Aux termes de l'article L. 4614-8 alinéa 1er du code du travail, l'ordre du jour de chaque réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est établi par le président et le secrétaire.

En application de l'article R. 4614-3 dudit code, l'ordre du jour de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, le cas échéant, les documents s'y rapportant sont transmis par le président aux membres du comité et à l'inspecteur du travail huit jours au moins avant la date fixée pour la réunion, sauf cas exceptionnel justifié par l'urgence.

Il est constant que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut valablement adopter une délibération désignant un expert agréé même si cette désignation n'est pas expressément prévue à l'ordre du jour de la réunion, dès lors qu'il existe un lien nécessaire, même implicite, avec un point inscrit à l'ordre du jour.

En l'espèce, s'agissant de l'absence de transmission du projet de convention et du cahier des charges, dès lors que la motion détermine l'étendue de la mission d'expertise et désigne précisément le Cabinet Secafi, la communication des documents précités n'est pas nécessaire pour que les membres du CHSCT puissent voter ladite motion de manière éclairée, et ce d'autant qu'aucun desdits membres n'a exprimé le besoin de prendre connaissance de tels documents avant de procéder au vote.

Le projet de procès-verbal de la réunion du 27 septembre 2017, non validé par M. O... et les membres du CHSCT, mentionne au titre de l'ordre du jour les points suivants :

« - Validation du PVdu CHSCT du 07 juin 2017
- Validation du PV exceptionnel du 08 août 2017
- Validation du PV exceptionnel du 28 août 2017
- Présentation du comparatif des maladies professionnelles et accidents du travail
- Lancement de la démarche prévention en lien avec AST portant sur l'axe TMS
- Seconde information/consultation sur le projet de restauration et son incidence sur Riaumont
- Point sur l'Audit bijoux
- Installation des DAV
- Délimitation des zones fumeurs
- Question diverses ».
Dans sa motion, pour justifier la désignation d'un expert agréé, le CHSCT se fonde sur le projet de nouveau planning, suite à la réorganisation des services.
Cependant, il apparaît que ce projet ne figure pas à l'ordre du jour et que la désignation de l'expert ne présente aucun lien, même implicite, avec l'un des points fixés audit ordre. Par ailleurs, il convient de rappeler que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut pas à l'occasion du point intitulé « questions diverses » se prononcer sur des projets importants de l'entreprise ou prendre des décisions ou résolutions.
Or, il ressort du projet de procès-verbal de la réunion du 27 septembre 2017 que la motion désignant un expert agréé a été abordée lors du point 9 « Questions diverses ».
Par conséquent, les membres du CHSCT n'ayant pas respecté le processus délibératif, il y a lieu de considérer la délibération du 27 septembre 2017 comme irrégulière.
Sur le moyen tiré du non-respect des dispositions légales et réglementaires relatives aux marchés publics
Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, les acheteurs publics ou privés soumis aux règles relatives aux marchés publics sont les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices.
L'article 10 de cette même ordonnance dispose que les pouvoirs adjudicateurs sont les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont :
- soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur,
- soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur,
- soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur.
En application des articles 4 et 5 de ladite ordonnance, les marchés de services soumis aux règles relatives aux marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux ayant pour objet la réalisation de prestations de services conclus avec un ou plusieurs opérateurs économiques pour répondre à leurs besoins en matière de services.
En l'espèce, l'AHNAC, en tant qu'association à but non lucratif participant au service public hospitalier de la région des Hauts-de-France soumise au contrôle de l'Agence Régionale de Santé, est une personne morale de droit privé répondant à des besoins d'intérêt général autre qu'industriel ou commercial dont la gestion est soumise à un pouvoir adjudicateur.
Les conditions de l'article 10 susvisé étant remplies, l'AHNAC doit être considéré comme un pouvoir adjudicateur.
S'agissant du CHSCT, il convient de rappeler qu'il est doté d'une personnalité morale. Il est acquis que le CHSCT ne dispose pas de budget propre, que son fonctionnement est assuré par des heures de délégation de ses membres, financées par l'AHNAC, et que ses frais, dont les frais d'expertises décidées par lui, sont réglées par cette dernière.
En vertu de l'article L. 4612-1 du code du travail, le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, de contribuer à l'amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité, de contribuer à l'adaptation et à l'aménagement des postes de travail afin de faciliter l'accès des personnes handicapées à tous les emplois et de favoriser leur maintien dans l'emploi au cours de leur vie professionnelle, ainsi que de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières.
Ces éléments participant à des considérations de santé publique et d'amélioration des conditions de travail, il y a lieu de considérer que le CHSCT a pour but de satisfaire un besoin d'intérêt général autre qu'industriel ou commercial.
Dès lors, le CHSCT, personne morale ayant pour but de satisfaire un besoin d'intérêt général et financé par le pouvoir adjudicateur qu'est l'AHNAC, doit être lui-même qualifié de pouvoir adjudicateur.
S'agissant du contrat d'expertise, il convient de rappeler que dans le cadre de sa mission, le CHSCT peut, dans les conditions de l'article L. 4614-12 du code du travail, désigner un expert agréé, lequel sera rémunéré, de sorte que le contrat d'expertise, qui est un contrat à titre onéreux répondant aux besoins du CHSCT, doit être qualifié de marché public de services.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le CHSCT aurait dû respecter les dispositions de l'ordonnance du 23 juillet 2015.
Toutefois, il est acquis que le CHSCT n'y a pas satisfait.
Par conséquent, le CHSCT n'ayant respecté ni le processus délibératif ni les règles relatives au marché public, la délibération désignant le cabinet Secafi, expert agréé, sera annulée.

1°/ ALORS QUE la convocation et l'ordre du jour de la réunion du CHSCT du 27 septembre 2017 n'étaient pas versés aux débats mais qu'il résultait des écritures des parties que la consultation du CHSCT sur le projet de réorganisation et la désignation d'un expert étaient à l'ordre du jour de la réunion, si bien qu'en retenant, pour annuler la délibération du 27 septembre 2017 désignant le cabinet SECAFI en qualité d'expert, que les deux points précités n'étaient pas à l'ordre du jour de la réunion, le juge des référés a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QU'en se fondant non pas sur la convocation à la réunion mais sur un « projet de procès-verbal de la réunion du 27 septembre 2017, non validé par M. O... et les membres du CHSCT », pour apprécier la régularité de la délibération désignant un expert agréé au regard des dispositions des articles et L. 4614-8 alinéa 1er et R. 4614-3 du code du travail relatives à l'ordre du jour des réunions du CHSCT, le juge des référés a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

3°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que le projet de procès-verbal de la réunion du 27 septembre 2017 précisait que, par un « mail envoyé le 26/09/2017 », la secrétaire avait demandé d'ajouter à l'ordre du jour initial du CHSCT du 27 septembre 2017, le sujet suivant : « nomination d'un cabinet d'expertise suite à la réorganisation des services », si bien qu'en omettant cette mention, le juge des référés a dénaturé le projet de procès-verbal et violé le principe précité ;

4°/ ALORS QU'eu égard à la mission du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail définie à l'article L. 4612-1 du code du travail de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure, le CHSCT ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général au sens de l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, quand bien même il exerce sa mission au sein d'une personne morale visée audit article, si bien qu'en annulant la délibération litigieuse motif pris du non-respect des règles relatives aux marchés publics, le juge des référés a violé l'ordonnance précitée.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31602
Date de la décision : 26/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béthune, 13 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2019, pourvoi n°17-31602


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31602
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