La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2019 | FRANCE | N°17-26898

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2019, 17-26898


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 27 août 2001 par la société Banque Delubac et Cie en qualité de directeur hors classe chargé de la direction du département gestion d'épargne, M. D... qui était en charge de la gestion et de la commercialisation de produits financiers auprès d'une clientèle d'investisseurs institutionnels et d'une clientèle privée, puis promu à compter du 20 janvier 2006 aux fonctions de directeur général de la gestion d'épargne auprès de la clientèle privée de

la banque, a été licencié le 15 décembre 2011 pour cause réelle et sérieuse ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 27 août 2001 par la société Banque Delubac et Cie en qualité de directeur hors classe chargé de la direction du département gestion d'épargne, M. D... qui était en charge de la gestion et de la commercialisation de produits financiers auprès d'une clientèle d'investisseurs institutionnels et d'une clientèle privée, puis promu à compter du 20 janvier 2006 aux fonctions de directeur général de la gestion d'épargne auprès de la clientèle privée de la banque, a été licencié le 15 décembre 2011 pour cause réelle et sérieuse ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivé sur le moyen, ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt retient que la mise à pied et l'éviction brutale du salarié ne se justifiaient pas au regard des faits reprochés et de la qualification que leur a donné l'employeur qui ne lui reprochait pas une faute grave, de sorte que les conditions du licenciement sont effectivement vexatoires ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Banque Delubac et Cie à payer à M. D... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 13 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Banque Delubac et Cie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. D... est sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la Banque Delubac à lui payer la somme de 297.719 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ; qu'il est reproché en premier lieu à Monsieur D... un défaut de contrôle et de direction de l'activité de son adjoint, Monsieur S..., Directeur du Service Gestion Privée de la banque et Directeur général de la société de gestion DELUBAC ASSET MANAGEMENT, à qui il est reproché d'avoir proposé à la société SAPAR un placement de sa trésorerie d'un montant de 3.200.000 euros ne répondant pas aux objectifs de rentabilité fixés par le client et par ailleurs inconciliables avec ses objectifs visant à la fois la préservation du capital investi à 3 ans et la garantie d'un rendement annuel de 3,5 % ; ce faisant, d'avoir manqué à son obligation de conseil et aux dispositions de l'article 9 du règlement intérieur imposant aux collaborateurs de la banque d'assurer le respect des intérêts de la clientèle et d'avoir exposé la banque à un risque de sanction de l'AMF et à une action en responsabilité civile du client ; que le 4 novembre 2011, la société SAPAR s'était plainte auprès de DELUBAC ASSET MANAGEMENT d'une perte de 258.161,87 euros sur le capital investi et mettait en cause les choix de placement faits dès l'origine sur les conseils de Monsieur S... et, selon la banque, mettait un terme anticipé en août 2002 au mandat de gestion ; que Monsieur D... objecte d'une part que les actes accomplis dans le cadre du mandat de gestion ne l'ont pas été en sa qualité de salarié de la banque mais au titre de son mandat social de sorte qu'ils ne peuvent justifier le licenciement ; qu'il soutient par ailleurs qu'en raison de la différenciation réglementaire entre dépositaire des actifs et gestionnaire de portefeuilles la Banque Delubac et Cie n'encourait aucun risque puisqu'elle ne relève pas de l'AMF et n'avait d'ailleurs provisionné aucun risque en 2011 et 2012 sur le dossier SAPAR ; qu'il conteste toute faute dans la gestion du dossier de la société SAPAR et le concernant tout défaut de surveillance de Monsieur S... sur ce dossier, ce que le tribunal de commerce, saisi par la société DELUBAC ASSET MANAGEMENT, a admis par jugement du 13 novembre 2015 en déboutant la banque de sa demande de dommages-intérêts ; qu'il ne fait pas de doute que la commercialisation de produits de placement auprès de la société SAPAR relevait des attributions de Monsieur S... et de Monsieur D... dans le cadre de leur contrat de travail de sorte que la faute doit être appréciée au regard des obligations en découlant ; que l'article L 533-13 du code monétaire et financier impose aux prestataires de services d'investissement de s'enquérir auprès de leurs clients de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation ; qu'en l'espèce, le questionnaire renseigné par le Président de la société SAPAR mentionne «Objectif de placement financier des fonds: préservation impérative du capital avec une rentabilité nette annuelle de 3,5 à 3,7 %
cet investissement( placement) constitue le patrimoine famille. » ; que cet objectif ne contredit pas la mention portée en page 6 selon laquelle «aucune perte n'est acceptée en capital au terme de 3 ans » et ne permet pas à Monsieur D... de soutenir que le client acceptait une relative prise de risque sous réserve que le capital soit préservé au bout de 3 ans ; que le client a au contraire écrit le 4 novembre 2011 pour se plaindre de ce que « les objectifs de rendement de 3,5 % par an pendant une période de 3 ans ne seront pas atteints, la contre performance constatée dès aujourd'hui handicape l'objectif accepté par Monsieur S... à la signature du mandat de gestion. » et encore « il est souhaitable de confirmer votre engagement verbal, qui m'a conduit à vous confier cette trésorerie d'entreprise et voir apparaître en page 5 les objectifs de rendement de 3,5 % par an pendant une période de 3 ans. ; que dans la fiche de renseignement, le client a déclaré n'avoir aucune expérience et pratique des marchés financiers, des instruments financiers, ni des techniques financières, et n'être pas averti des critères légaux et réglementaires ; que dès lors, le fait de laisser le client opter pour une gestion discrétionnaire d'une durée de 36 mois en engageant jusqu'à 100 % des actifs confiés impliquant des risques élevés de perte en capital, en contradiction avec l'objectif de placement recherché, risque qui s'est réalisé dès la première année, constitue un manquement fautif au devoir de conseil que Monsieur D... n'a pas détecté ; que toutefois, ce fait isolé reproché certes à un cadre de haut niveau mais auquel aucun reproche n'a été adressé dans le cadre de ses fonctions de conseil en gestion privée durant 10 ans ne peut justifier à lui seul le licenciement même pour faute simple, d'autant que la banque ne démontre pas avoir perdu le mandat de gestion de ce client ; qu'il est ensuite reproché à Monsieur D... un défaut de contrôle de l'activité de Monsieur S... sur la négociation du contrat DELUBAC ORCHESTRAL I auprès de la société NATIXIS Assurances et le paiement des frais, malgré plusieurs relances au cours de l'année 2011, occasionnant un préjudice financier pour la Banque Delubac et CIE de plus de 200.000 euros ; que la Banque Delubac et Cie explique qu'elle a mis en place en décembre 2004, en partenariat avec la Société Foncier Assurances un produit d'assurance-vie dénommé « Delubac Orchestral », dont elle assurait la distribution par le biais d'un réseau d'indicateurs, de courtiers et de mandataires. La société NATIXIS ASSURANCES qui a succédé à la Société Foncier Assurances a refusé à partir du 1er mai 2009 de prélever sur les nouveaux contrats souscrits les frais d'entrée de 2 % qu'elle lui reversait et que la banque était tenue de verser à son réseau d'apporteurs à titre de commissions ; qu'elle indique que malgré plusieurs relances depuis janvier 2011, Monsieur S... qui avait mis en place le contrat de partenaire d'origine a négligé de poursuivre auprès de la compagnie d'assurance les modifications nécessaires afin de pouvoir obtenir le règlement des commissions de 2 %, exposant la banque à une perte financière de 219.000 qu'elle n'a pu récupérer qu'à l'issue d'une procédure judiciaire. Il est reproché à Monsieur D... de ne pas avoir fait cesser la commercialisation du contrat et de ne pas avoir veillé à ce que Monsieur S... modifie les termes du contrat de distribution ; que Monsieur D... réplique qu'il n'y pas eu de négligence dans le suivi de ce dossier pour lequel Monsieur S... était en relation avec l'assureur depuis 2009, et que le retard apporté au règlement des rétrocessions de 2 % a été exclusivement imputable à l'inertie administrative de la société NATIXIS ASSURANCES ainsi que l'a reconnu son représentant J... G... dans un email; que contrairement à ce qui lui est reproché, un suivi régulier du montant des rétrocessions de 2 % à recevoir de la Compagnie NATIXIS ASSURANCES a été assuré en lien avec le Back Office de la banque qui était parfaitement informé, cette situation étant bien connue de la Banque Delubac et Cie depuis mai 2009 ; qu'il ajoute qu'en dépit de ce problème, la Banque Delubac et Cie a poursuivi sa relation d'affaires avec la Compagnie NATIXIS ASSURANCES dont elle était un client important qui avait plusieurs dizaines de millions d'euros de stocks en assurance chez elle, justifiant que la question des arriérés fasse l'objet d'une gestion souple et intelligente du problème qui devait être réglé par la mise en place du contrat ORCHESTRAL II ; qu'il résulte d'échanges de mails que Monsieur S... est intervenu en octobre 2009 auprès de Monsieur G..., Directeur général la société NATIXIS ASSURANCES, pour le règlement des frais d'entrée; Monsieur G... concédait dans un mail du 26 novembre 2009 : « Je plaide coupable. Aucune excuse ne sera valable. » et promettait que « les aspects financiers seront réglés selon nos précédents échanges. Nous relançons effectivement la juriste pour avoir très vite la nouvelle version des CG [conditions générales] et nous organisons un nouveau rendez-vous dès votre analyse sur le nouveau document », le document final n'étant produit en définitive que deux ans plus tard ; que pour pallier cette difficulté, Monsieur S... proposait dans un mail du 26 janvier 2010 d'émettre des factures mensuelles des frais à passer en « produits à recevoir » que la société NATIXIS ASSURANCES refusera ensuite de payer en l'absence de contrat écrit et dont la Banque Delubac et Cie poursuivra le paiement en justice pour la somme de 209.769 euros au titre des rétrocessions depuis mai 2009 ; que la cour considère au vu de ces éléments que Monsieur D... et Monsieur S... ne peuvent être tenus responsables du retard pris dans le traitement de ce dossier et de la situation créée par la société NATIXIS ASSURANCES qui n'a pas, en raison de problèmes techniques qui la concernait, honoré le calendrier qu'elle avait fixé pour la mise en place du contrat ORCHESTRAL 2 qui devait permettre d'apurer la situation, ni les engagements qu'elle avait pris pour le règlement de l'arriéré ; qu'au regard des circonstances, du renom de la société NATIXIS ASSURANCES dont il n'y avait a priori aucune raison de penser qu'elle ne tiendrait pas ses engagements, du montant relativement modeste des commissions impayées rapporté au montant total des commissions perçues pour l'activité banque-assurance, la cour considère qu'il n'y a pas eu de gestion fautive de ce dossier par Monsieur D... et Monsieur S... et que le grief ne peut justifier le licenciement ; que concernant la non conformité des fiches MIF, la lettre de licenciement fait état d'un grand nombre de fiches incomplètes ou renseignées de manière approximative ne permettant pas de s'assurer des objectifs poursuivis par le client et de justifier des options de placement conseillées par la banque au regard du profil client ; que la Banque DelubacetCIE produit aux débats deux fiches MIF dans lesquelles la connaissance du client et l'horizon de placement ne sont pas renseignées et un mail de Monsieur B..., Directeur administratif du département Gestion d'Epargne, à Monsieur D... rappelant l'importance de la conformité de la fiche MIF dès l'entrée en relation afin de s'assurer de l'adéquation entre le profil client et le service de gestion proposé, de justifier de son devoir de conseil et de prévenir tout contentieux et s'étonnant qu'aucun contrôle ni alerte n'aient été faits par Monsieur D... ; que Monsieur D... conteste le grief au motif que le contrôle des fiches MIF relève du service Bourse et placements selon la procédure n° 56 de la banque et que le contrôle de cohérence entre les questionnaires et les prescriptions étaient de la compétence du Back Office situé au siège social, lequel ne procédait pas à l'ouverture de compte en cas de dossier incomplet ; qu'il ne fait pas de doute à la lecture du paragraphe 3.1 de la procédure interne n° 56 de la banque que la recherche d'information concernant le client relève en premier lieu du chargé de clientèle et donc du service de Monsieur D.... Si la non-conformité peut s'avérer source de risque pour la banque, les deux fiches produites sont néanmoins insuffisantes à justifier le licenciement ; qu'il est encore reproché à Monsieur D... de ne pas avoir veillé à l'actualisation des documents internes de la banque portant sur l'information préalable que doit recevoir le client concernant la rémunération perçue par la banque à l'occasion de la commercialisation des instruments financiers et l'amélioration du service qui lui est assuré par cette rémunération, conformément à l'article 314-76 du règlement général de l'AMF, exposant la banque à un risque de sanction pouvant nuire à son image. La banque indique que cette mise à jour avait été demandée à Monsieur D... à la suite d'un audit interne en 2010 mais Monsieur D... n'ayant pas répondu, la banque a été dans l'obligation d'y procéder dans des délais très courts à quelques jours de la date fixée pour son rapport annuel à l'AMF en novembre 2011 ; que Monsieur D... réplique que n'étant pas juriste, il n'avait pas les compétences pour procéder à la veille réglementaire qui relève du service juridique et de son Directeur général, Monsieur Y..., et du service de la Conformité ainsi que cela résulte de la procédure interne n° 51, § 2.1, son activité ayant toujours été exercée sous le contrôle de ces services et de l'audit interne. Il avance également que l'article L 314-76 du règlement général de l'AMF n'était pas effectivement applicable à la date de son licenciement le 15 décembre 2011 ; que le grief est exclusivement fondé sur le mail de Madame T... du 7 novembre 2011 évoquant une demande faite en septembre 2010 par la responsable du back office à Monsieur D... pour la mise en place de l'article L 314-76 de RG AMF et de la documentation en interne sur l'amélioration du service fourni ; que la cour estime qu'il n'est pas suffisamment établi que cette mise à jour d'ordre juridique relevait principalement de la compétence de Monsieur D... ou même qu'il ait reçu sur ce point du Service de conformité les instructions nécessaires pour y procéder ; que concernant le dossier de la congrégation religieuse, il est reproché à Monsieur D... d'avoir créé un fonds commun de placement d'une valeur de 12 millions d'euros en contractant avec un intermédiaire non habilité et de n'avoir pas contractualisé la tarification négociée avec le client, exposant la banque à un risque de sanction et de contentieux ; que la banque rappelle à ce sujet que la procédure en vigueur en son sein depuis le 15 juin 2010 imposait à tous les salariés de la gestion d'épargne de négocier avec des mandataires ayant obtenu le statut de CIF, règle dont Monsieur D... s'est affranchi en négociant ledit contrat en date du 14 octobre 2011 avec un intermédiaire qui n'a obtenu son habilitation que le 15 décembre 2011 ; qu'il ne fait pas de doute qu'à la date de présentation de la Congrégation des Filles de la Charité du Sacré Coeur de Jésus en octobre 2011, le cabinet FIDEIS n'avait pas reçu l'agrément CIF qu'il n'obtiendra que le 15 décembre 2011 au titre de l'année 2011, et qu'il résulte de la note n° 347 de la gérance adressée à Monsieur D... que « les mandataires devront obligatoirement justifier du statut CIF », ce qui exclut non seulement toute rémunération du mandataire comme le soutient Monsieur D... mais aussi toute mise en relation, de sorte que le grief est établi mais insuffisant à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement compte tenu de la régularisation intervenue, le cabinet FIDEIS étant depuis lors habilité par la Banque Delubac et CIE. La tarification du contrat n'a pas été contractualisée ainsi que l'établit la banque (pièces 23) mais pas inexistante ainsi que cela résulte du formulaire d'information produit par Monsieur D... ; que concernant l'absence de diffusion des procédures et notes internes, le grief est insuffisamment précis et non étayé par le seul mail de Monsieur K... ; qu'au vu de ce qui précède, la cour estime donc que les motifs invoqués à l'appui du licenciement ne sont pas imputables ou insuffisamment caractérisés pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement à l'égard de Monsieur D.... Le jugement sera donc infirmé » ;

1. ALORS QUE les juges doivent rechercher si les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, pris dans leur ensemble, constituent une cause sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que plusieurs griefs invoqués dans la lettre de licenciement étaient établis ; qu'elle a ainsi estimé que M. D... avait fait preuve de carence dans le contrôle et l'activité de son adjoint, M. S..., en laissant ce dernier conseiller à un client un placement totalement inadapté à l'objectif qu'il recherchait, que M. D... n'avait pas vérifié la conformité des fiches MIF qui permettent de s'assurer de la conformité des options de placement conseillées par les collaborateurs de son service avec les objectifs et le profil du client, qu'il ne s'était pas assuré que l'un des partenaires avait un agrément indispensable, ni n'avait veillé à ce que la tarification négociée avec un client, pour un placement d'une valeur de 12 millions d'euros, avait été contractualisée par écrit ; qu'en se bornant à affirmer que chacun de ces griefs n'était pas suffisant pour justifier le licenciement, sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces différents griefs ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE la gravité d'une faute doit être appréciée au regard de l'expérience et du niveau de responsabilité du salarié, mais aussi de la règlementation à laquelle l'entreprise est soumise ; qu'en l'espèce, il est constant que M. D..., qui disposait d'une ancienneté plus de dix années dans l'entreprise, occupait le poste de Directeur général de l'épargne privée en contrepartie d'un salaire mensuel d'environ 24.600 euros et qu'à ce titre, il était responsable de l'organisation du département de l'épargne privée qui assure la commercialisation d'OPCVM et autres véhicules d'investissement et que l'activité de ce département était soumise à une réglementation stricte, contrôlée par l'Autorité des Marchés Financiers et l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. D... avait fait preuve, à plusieurs égards, de carence dans la direction et le contrôle de son département, en laissant l'un des clients opter pour un placement incompatible avec l'objectif de placement indiqué sur son questionnaire investisseurs, en ne s'assurant pas que les questionnaires investisseurs (fiche MIF) exigés par les autorités soient tous correctement renseignés par ses collaborateurs et en permettant la création d'un fonds commun de placement d'une valeur de 12 millions d'euros avec un intermédiaire non habilité et sans contractualiser par écrit la tarification convenue avec le client ; qu'en s'abstenant de rechercher si, au regard de son expérience, de son niveau de responsabilité et de rémunération, ces manquements qui constituaient autant de contraventions à la réglementation applicable dans le secteur bancaire et financier et pouvaient donner lieu à des sanctions des autorités compétentes, ne justifiaient pas son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3. ALORS QU' il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, bien que la difficulté relative au paiement des frais d'entrée sur les contrats d'assurance souscrits par les clients de la Banque Delubac soit apparue en 2009 et que le dirigeant de la société NATIXIS Assurances se soit engagé en novembre 2009 à régler rapidement la difficulté, M. S..., qui était placé sous l'autorité de M. D..., avait seulement émis une proposition pour obtenir le règlement de ces frais d'entrée en janvier 2010 et n'avait toujours pas obtenu, en novembre 2011, le règlement effectif des droits d'entrée qui s'élevaient à plus de 200.000 euros en novembre 2011, de sorte que la Banque Delubac avait dû finalement saisir la justice pour obtenir le paiement de ces sommes ; qu'en affirmant cependant que M. D... ne pouvait être tenu pour responsable du retard pris dans le traitement de ce dossier et de la situation créée par la société NATIXIS Assurances, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que M. D... n'avait pris aucune mesure pour contraindre ce partenaire au paiement des sommes dues et que la Banque Delubac avait dû finalement saisir la justice pour obtenir le paiement de ces sommes, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Banque Delubac et Cie à payer à M. D... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur D... demande réparation du préjudice résultant des circonstances fautives de son licenciement, à savoir son éviction brutale et vexatoire par une mise à pied et une dispense de préavis donnant à son licenciement un caractère de gravité injustifié ; qu'il reproche également à la Banque Delubac et Cie d'avoir tenté de faire pression sur lui pour qu'il abandonne son instance prud'homale en déposant de mauvaise foi trois plaintes pénales pour des faits imaginaires qualifiés de faux et usage, plaintes qui ont été classées sans suite, mais traduisant la volonté de la banque de lui nuire en empêchant son retour dans le secteur de la banque et de la bourse où il était bien connu, s'agissant d'activités réglementées pour l'exercice desquelles la loi impose une parfaite honorabilité, et ayant effectivement compromis son retour à l'emploi. Il évoque également l'action intentée par la banque devant le tribunal de commerce pour les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à son licenciement ; que la Banque Delubac et Cie s'oppose à la demande, la rupture du contrat de travail ne relevant d'aucun comportement fautif ; qu'il ressort des pièces produites que la Banque Delubac et Cie a déposé une plainte contre X le 13 novembre 2012 pour faux et usage de faux pour des faits non visés dans la lettre de licenciement ; le 20 février 2014, pour des faits de faux et usage et escroquerie à l'occasion de l'ouverture d'un compte de tiers ; le 15 novembre 2012, la banque a assigné Monsieur D... devant le tribunal de commerce pour obtenir sa condamnation pour des faits identiques à ceux visés dans la lettre de licenciement ; que ces différentes plaintes sont postérieures au licenciement et concernent des faits distincts sans incidence sur la procédure prud'homale ; qu'en revanche, la mise à pied et l'éviction brutale de Monsieur D... ne se justifiaient pas au regard des faits reprochés et de la qualification que leur a donné l'employeur qui ne lui reprochait pas une faute grave, de sorte que les conditions du licenciement sont effectivement vexatoires. Il sera alloué à Monsieur D... en réparation la somme de 10.000 euros » ;

ALORS QUE la mise à pied conservatoire du salarié ne caractérise pas, à elle seule, une mesure vexatoire, même lorsque l'employeur décide finalement de ne pas invoquer une faute grave à l'appui du licenciement et même si le juge estime que le licenciement n'est pas justifié ; qu'en l'espèce, il est constant que la Banque Delubac, qui avait convoqué M. D... à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave et prononcé en même temps sa mise à pied conservatoire, a finalement renoncé à invoquer une faute grave et a en conséquence versé au salarié les salaires correspondant à la durée de sa mise à pied ; qu'en se bornant à relever, pour condamner l'exposante à réparer un préjudice moral distinct, que la mise à pied et l'éviction brutale subséquente du salarié ne se justifiaient pas au regard des faits reprochés et de la qualification que leur a donnée l'employeur, la cour d'appel n'a pas caractérisé de circonstances vexatoires susceptibles d'engager la responsabilité de l'exposante, privant en conséquence sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26898
Date de la décision : 26/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2019, pourvoi n°17-26898


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26898
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award