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26/06/2019 | FRANCE | N°17-26897

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2019, 17-26897


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 1er décembre 1999 par la société Banque Delubac et Cie en qualité de responsable gestion privée hors classe, chargé de la commercialisation de produits d'investissement, puis promu à compter du 20 janvier 2006, directeur du service gestion privée, M. D... a été licencié le 15 décembre 2011 pour cause réelle et sérieuse ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur les premier et deuxième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de sta

tuer par une décision spécialement motivé sur les moyens, ci-après annexés, qui ne so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 1er décembre 1999 par la société Banque Delubac et Cie en qualité de responsable gestion privée hors classe, chargé de la commercialisation de produits d'investissement, puis promu à compter du 20 janvier 2006, directeur du service gestion privée, M. D... a été licencié le 15 décembre 2011 pour cause réelle et sérieuse ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur les premier et deuxième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivé sur les moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt retient que la mise à pied et l'éviction brutale du salarié ne se justifiaient pas au regard des faits reprochés et de la qualification que leur a donné l'employeur qui ne lui reprochait pas une faute grave, de sorte que les conditions du licenciement sont effectivement vexatoires ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Banque Delubac et Cie à payer à M. D... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 13 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Banque Delubac et Cie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. D... est sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la Banque Delubac et Cie à payer à M. D... la somme de 204.600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ALORS QUE les arrêts de la cour d'appel sont rendus par trois magistrats au moins, président compris ; que les jugements qui ne mentionnent pas le nom des juges sont nuls ; que ce vice ne peut être réparé, l'inobservation des prescriptions légales résultant de la décision elle-même ; que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel était composée, lors du délibéré, de Mme Jacqueline Lesbros faisant fonction de présidente, de M. Christophe Baconnier en qualité de conseiller et de Mme Jacqueline Lesbros en qualité également de conseiller ; que l'arrêt a donc été prononcé par deux magistrats ; qu'en conséquence, il est nul en application des articles 454 et 458 du code de procédure civile, ensemble l'article 459 du même code et l'article L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. D... est sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la Banque Delubac et Cie à payer à M. D... la somme de 204.600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ; qu'il est reproché en premier lieu Monsieur D... d'avoir proposé à la société SAPAR un placement de sa trésorerie d'un montant de 3.200.000 euros ne répondant pas aux objectifs de rentabilité fixés par le client et par ailleurs inconciliables comme visant la préservation du capital investi à 3 ans et la garantie d'un rendement annuel de 3,5 % ; ce faisant, d'avoir manqué à son obligation de conseil et aux dispositions de l'article 9 du règlement intérieur imposant aux collaborateurs de la banque d'assurer le respect des intérêts de la clientèle et d'avoir également exposé la banque à un risque de sanction de l'AMF et à une action en responsabilité civile du client ; que le 4 novembre 2011, la société SAPAR s'était plainte auprès de la société DELUBAC ASSET MANAGEMENT d'une perte de 258.161,87 euros sur le capital investi et mettait en cause les choix de placement faits dès l'origine sur les conseils de Monsieur D... avant, selon ce qu'indique selon la Banque Delubac et Cie, de mettre un terme anticipé en août 2002 du mandat de gestion ; que Monsieur D... objecte d'une part que les actes reprochés dans le cadre du mandat de gestion ne l'ont pas été en sa qualité de salarié de la banque mais de son mandat social de sorte qu'il ne peuvent justifier le licenciement ; qu'il soutient par ailleurs qu'en raison de la différenciation réglementaire entre dépositaire des actifs et gestionnaire de portefeuilles la Banque Delubac et Cie n'encourait aucun risque puisqu'elle ne relève pas de l'AMF et n'avait d'ailleurs provisionné aucun risque en 2011 et 2012 sur le dossier SAPAR : qu'il conteste toute faute dans la gestion de ce dossier, ce que le tribunal de commerce, saisi par la société DELUBAC ASSET MANAGEMENT, a admis par jugement du 13 novembre 2015 en déboutant la demanderesse de sa demande de sa demande de dommages-intérêts ; qu'il est constant que la commercialisation de produits de placement auprès de la société SAPAR relevait des attributions de Monsieur D... dans l'exercice de ses fonctions de Directeur de la gestion privée de la banque et de celles de Monsieur Y... en sa qualité de Directeur Général de la Gestion d'Epargne, de sorte que la faute qui lui est reprochée est à examiner au regard des obligations de son contrat de travail ; que l'article L 533-13 du code monétaire et financier impose aux prestataires de services d'investissement de s'enquérir auprès de leurs clients de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation ; qu'en l'espèce, le questionnaire renseigné par le Président de la société SAPAR mentionne «Objectif de placement financier des fonds: préservation impérative du capital avec une rentabilité nette annuelle de 3,5 à 3,7 %
cet investissement (placement) constitue le patrimoine famille » ; que cet objectif ne contredit pas la mention portée en page 6 selon laquelle « aucune perte n'est acceptée en capital au terme de 3 ans » et ne permet pas à Monsieur D... de soutenir que le client acceptait une relative prise de risque sous réserve que le capital soit préservé au bout de 3 ans ; que le client a au contraire écrit le 4 novembre 2011 pour se plaindre de ce que « les objectifs de rendement de 3,5 % par an pendant une période de 3 ans ne seront pas atteints, la contre-performance constatée dès aujourd'hui handicape l'objectif accepté par Monsieur D... à la signature du mandat de gestion » et encore : « il est souhaitable de confirmer votre engagement verbal, qui m'a conduit à vous confier cette trésorerie d'entreprise et voir apparaître en page 5 les objectifs de rendement de 3,5 % par an pendant une période de 3 ans. » ; que dans la fiche de renseignement, le client a indiqué n'avoir aucune expérience et pratique des marchés financiers, des instruments financiers, ni des techniques financières, et n'être pas averti des critères légaux et réglementaires ; que dès lors, le fait de laisser le client opter pour une gestion discrétionnaire d'une durée de 36 mois en engageant jusqu'à 100 % des actifs confiés impliquant des risques élevés de perte en capital, en contradiction avec l'objectif de placement recherché, risque qui s'est réalisé dès la première année, constitue un manquement fautif au devoir de conseil de Monsieur D... ; que toutefois, ce fait isolé reproché certes à un cadre de haut niveau mais auquel aucun reproche n'a été adressé dans le cadre de ses fonctions de conseil en gestion privée en 12 ans de carrière ne peut justifier à lui seul le licenciement même pour faute simple, d'autant que la banque ne démontre pas avoir perdu le mandat de gestion de ce client ; qu'il est ensuite reproché à Monsieur D... d'avoir négligé de renégocier le contrat d'assurance DELUBAC ORCHESTRAL I concernant les frais d'entrée auprès de la société NATIXIS Assurances malgré plusieurs relances de la banque au cours de l'année 2011, occasionnant un préjudice financier pour son employeur de plus de 200.000 euros ; que la Banque Delubac et Cie explique qu'elle a mis en place en décembre 2004, en partenariat avec la Société Foncier Assurances un produit d'assurance- vie dénommé « Delubac Orchestral », dont elle assurait la distribution par le biais d'un réseau d'indicateurs, de courtiers et de mandataires. La société NATIXIS ASSURANCES qui a succédé à la Société Foncier Assurances a refusé à partir du 1er mai 2009 de prélever sur les nouveaux contrats souscrits les frais d'entrée de 2 % qu'elle lui reversait et que la banque était tenue de verser à son réseau d'apporteurs à titre de commissions ; qu'elle indique que malgré plusieurs relances depuis janvier 2011, Monsieur D... qui avait mis en place le contrat de partenaire d'origine a négligé de poursuivre auprès de la compagnie d'assurance les modifications nécessaires afin de pouvoir obtenir le règlement des commissions de 2 %, exposant la banque à une perte financière de 219.000 euros qu'elle n'a pu récupérer qu'à l'issue d'une procédure judiciaire ; que Monsieur D... réplique qu'il n'y pas eu de négligence dans le suivi de ce dossier pour lequel il était en relation avec l'assureur depuis 2009, et que le retard apporté au règlement des rétrocessions de 2 % a été exclusivement imputable à l'inertie administrative de la société NATIXIS ASSURANCES ainsi que l'a reconnu son représentant X... L... dans un email; que contrairement à ce qui lui est reproché, il a assuré un suivi régulier du montant des rétrocessions de 2 % à recevoir de la Compagnie NATIXIS ASSURANCES, en lien avec le Back Office de la banque qui était parfaitement informé , qu'il a eu de nombreux contacts sur cette question avec la Compagnie d'assurances, depuis mai 2009 jusqu'à sa mise à pied le 29/11/11, cette situation étant bien connue de la Banque Delubac et Cie depuis mai 2009 ; qu'il ajoute qu'en dépit de ce problème, la Banque Delubac et Cie a poursuivi sa relation d'affaires avec la Compagnie NATIXIS ASSURANCES dont elle était un client important qui avait plusieurs dizaines de millions d'euros de stocks en assurance chez elle, justifiant que la question des arriérés face l'objet d'une gestion souple et intelligente du problème qui devait être réglé par la mise en place du contrat ORCHESTRAL II ; qu'il résulte d'échanges de mails que Monsieur D... est intervenu en octobre 2009 auprès de Monsieur L..., Directeur général la société NATIXIS ASSURANCES, pour le règlement des frais d'entrée; Monsieur L... concédait dans un mail du 26 novembre 2009 : « Je plaide coupable. Aucune excuse ne sera valable. » et promettait que « les aspects financiers seront réglés selon nos précédents échanges. Nous relançons effectivement la juriste pour avoir très vite la nouvelle version des CG [conditions générales] et nous organisons un nouveau rendez-vous dès votre analyse sur le nouveau document. », le document final n'étant produit en définitive que deux ans plus tard ; que pour pallier cette difficulté, Monsieur D... proposait dans un mail du 26 janvier 2010 d'émettre des factures mensuelles des frais à passer en « produits à recevoir » que la société NATIXIS ASSURANCES refusera ensuite de payer en l'absence de contrat écrit et dont la Banque Delubac et Cie poursuivra le paiement en justice pour la somme de 209.769 euros au titre des rétrocessions depuis mai 2009 ; que la cour considère au vu de ces éléments que Monsieur Y... et Monsieur D... ne peuvent être tenus pour responsables du retard pris dans le traitement de ce dossier et de la situation créée par la société NATIXIS ASSURANCES qui n'a pas, en raison de problèmes techniques qui la concernait, honoré le calendrier qu'elle avait fixé pour la mise en place du contrat ORCHESTRAL 2 qui devait permettre d'apurer la situation, ni les engagements qu'elle avait pris pour le règlement de l'arriéré ; qu'au regard des circonstances, du renom de la société NATIXIS ASSURANCES dont la Banque DelubacetCIE était un client important détenant plusieurs dizaines de millions d'euros de stock en assurance et dont il n'y avait a priori aucune raison de penser qu'elle ne tiendrait ses engagements, du montant relativement modeste des commissions impayées rapporté au montant total des commissions perçues pour l'activité banque assurance , la cour considère qu'il n'y a pas eu de gestion fautive de ce dossier par Monsieur Y... et Monsieur D... et que le grief ne peut justifier le licenciement ; qu'il est encore reproché à Monsieur D... d'avoir introduit dans le contrat DELUBAC ORCHESTRAL II des frais de suivi et d'assistance ne correspondant à aucune prestation existante, sans informer la banque, nuisant à son image et l'exposant à des réclamations de clients, et qui de surcroît ne permettait pas de régler le problème des pertes enregistrées dans le contrat DELUBAC ORCHESTRAL I; il lui est aussi fait grief d'avoir mis en place de son propre chef le contrat global, sans respecter la procédure de conformité interne ; que Monsieur D... objecte qu'il n'avait aucun pouvoir pour intervenir dans la rédaction du contrat établi par les services juridiques de la société NATIXIS ASSURANCES pour se conformer aux exigences de son autorité de tutelle, la Banque Delubac et Cie n'étant que le distributeur du contrat ; il assure que la modification consistant à verser les frais de suivi et d'assistance de 2 % au titre de l'assistance directement au courtier plutôt qu'à la banque qui en faisait l'avance était neutre pour elle et sans conséquence sur le remboursement des commissions de 2 % en souffrance ; que de ce seul fait, le grief est insuffisamment établi ; que concernant le défaut de validation préalable du contrat ORCHESTRAL II selon la procédure interne 51, Monsieur D... fait observer à juste titre que cette procédure établie en application du règlement CRBF 97.02 qui définit le risque de non conformité comme celui «
qui naît du non respect de dispositions propres aux activités bancaires et financières
» (cf. article 1 Préambule de la procédure n° 51) n'avait pas vocation à s'appliquer à un contrat de la société NATIXIS ASSURANCES régi par le code des assurances, auquel la Banque Delubac et Cie a adhéré et non à un produit de la banque et que la Direction de la conformité n'avait ni la qualité ni le pouvoir de « valider » ; qu'il fait d'ailleurs observer que le contrat ORCHESTRAL I, commercialisé jusqu'en mai 2009 n'a jamais été soumis à une quelconque validation préalable de la Direction de la Conformité et que la Banque Delubac et Cie a distribué durant plus de 10 ans des contrats de plusieurs compagnies d'assurances (Axa, ESCA, AIG, SwissLife, AXERIA, Foncier Assurances devenue NATIXIS Assurances) sans que jamais un responsable de la conformité ou un quelconque audit ou contrôleur ait affirmé ou exigé que les contrats d'assurance soient soumis à une procédure d'approbation de la banque ; que le grief n'est donc pas suffisamment établi et ne pouvait justifier la décision de licencier ; qu'au vu de ce qui précède, la cour estime donc que les motifs invoqués à l'appui du licenciement ne sont pas justifiés ou insuffisamment caractérisés pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement à l'égard de Monsieur D.... Le jugement sera donc infirmé » ;

1. ALORS QUE les juges doivent examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à M. D... non seulement d'avoir manqué de professionnalisme, en proposant à la société SAPAR un support d'investissement comportant des risques élevés de perte en capital, en dépit du souhait exprimé par ce client, novice en matière d'investissement sur les marchés financiers, de ne subir aucune perte en capital, mais aussi d'avoir proposé à ce client, lorsque ce dernier avait manifesté son mécontentement, la suppression de tous les frais et commissions facturés par la banque sur cet investissement, sans en référer au comité hebdomadaire de la banque ; qu'en s'abstenant d'examiner ce dernier grief et de rechercher s'il n'était pas de nature, cumulé avec le manquement fautif au devoir de conseil reconnu par elle, à justifier le licenciement de M. D... en dépit de son ancienneté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et 1235-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE la gravité d'une faute doit être appréciée au regard de l'expérience et du niveau de responsabilité du salarié, mais aussi de la règlementation applicable à l'entreprise ; qu'en l'espèce, il est constant que M. D..., qui disposait d'une ancienneté de douze années dans l'entreprise, occupait le poste de Directeur de l'épargne privée et pouvait, compte tenu de sa position, engager la responsabilité de la Banque Delubac soumise au respect d'une réglementation impérative destinée à protéger le consentement et les intérêts des clients ; qu'en se bornant à affirmer que le manquement de M. D... à son devoir de conseil ne pouvait justifier à lui seul le licenciement, même pour faute simple, compte tenu de son caractère isolé et de l'absence d'antécédent disciplinaire du salarié en douze années de carrière, sans examiner l'importance de ce manquement au regard des responsabilités exercées par le salarié, de la réglementation bancaire applicable et des sanctions auxquelles la Banque Delubac était elle-même exposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE la gravité d'une faute du salarié n'est pas fonction du préjudice effectivement subi par l'employeur ; qu'en relevant encore, pour dire que le manquement de M. D... à son devoir de conseil n'était pas suffisamment grave pour justifier son licenciement, que la Banque Delubac ne démontre pas avoir perdu le mandat de gestion de ce client, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

4. ALORS QU' il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, bien que la société NATIXIS Assurances ait refusé dès l'année 2009 de verser à la Banque les droits d'entrée de 2 % sur les contrats Delubac Orchestral souscrits par les clients de cette dernière et que le dirigeant de la société NATIXIS Assurances se soit engagé en novembre 2009 à régler rapidement la difficulté, M. D..., qui avait seulement émis une proposition pour obtenir le règlement de ces frais d'entrée en janvier 2010, n'avait toujours pas obtenu, en novembre 2011, le règlement effectif des sommes dues qui s'élevaient à plus de 200.000 euros ; qu'en affirmant que M. D... ne pouvait être tenu pour responsable du retard pris dans le traitement de ce dossier et de la situation créée par la société NATIXIS Assurances, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que M. D... était chargé de la gestion du dossier, qu'il négociait parallèlement un nouveau contrat d'assurances avec la société NATIXIS Assurances et qu'il n'avait accompli aucune diligence depuis le mois de janvier 2010 pour obtenir le paiement de ces frais, de sorte que la Banque Delubac a été finalement contrainte d'engager une procédure judiciaire pour obtenir le paiement des sommes dues, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

5. ALORS QUE la Banque Delubac reprochait encore à M. D... d'avoir accepté, sans le soumettre à la Direction de la conformité, de diffuser auprès des clients de la Banque un nouveau contrat d'assurances dénommé Delubac Orchestral II, proposé par la société NATIXIS Assurances, qui remplaçait les droits d'entrée de 2 % prévus dans le contrat Delubac Orchestral I par une commission de 2 % au titre de « frais de suivi et d'assistance » inexistants ; que la Banque Delubac soulignait, à cet égard, qu'il s'agissait d'une mention mensongère mettant en cause son honorabilité et susceptible d'être contestée en justice, comme devant les autorités de contrôle, par ses clients ; qu'en se bornant encore à relever, pour écarter ce grief, que M. D... « assure que la modification consistant à verser les frais de suivi et d'assistance de 2 % au titre de l'assistance directement au courtier plutôt qu'à la banque qui en faisait l'avance était neutre pour elle et sans conséquence sur le remboursement des commissions de 2 % en souffrance », sans rechercher si cette stipulation des nouveaux contrats ne présentait pas un caractère mensonger mettant en cause l'honorabilité de la Banque et l'exposant à des poursuites judiciaires et sanction des autorités de contrôle, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Banque Delubac et Cie à payer à M. D... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur D... demande réparation du préjudice résultant des circonstances fautives de son licenciement, à savoir son éviction brutale et vexatoire par une mise à pied et une dispense de préavis donnant à son licenciement un caractère de gravité injustifié ; qu'il reproche également à la Banque Delubac et Cie d'avoir tenté de faire pression sur lui pour qu'il abandonne son instance prud'homale en déposant de mauvaise foi trois plaintes pénales pour des faits imaginaires qualifiés de faux et usage, plaintes qui ont été classées sans suite, mais traduisant la volonté de la banque de lui nuire en empêchant son retour dans le secteur de la banque et de la bourse où il était bien connu, s'agissant d'activités réglementées pour l'exercice desquelles la loi impose une parfaite honorabilité, et ayant effectivement compromis son retour à l'emploi. Il évoque également l'action intentée par la banque devant le tribunal de commerce pour les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à son licenciement ; que la Banque Delubac et Cie fait valoir au contraire que les faits justifiaient les actions entreprises et le licenciement de Monsieur D... dont elle indique qu'il dénigre publiquement son ancien employeur depuis son licenciement ; qu'il ressort des pièces produites que la Banque Delubac et Cie a déposé une plainte contre X le 13 novembre 2012 pour faux et usage de faux pour des faits non visés dans la lettre de licenciement ; le 20 février 2014, pour des faits de faux et usage et escroquerie à l'occasion de l'ouverture d'un compte de tiers; le 15 novembre 2012, la banque a assigné Monsieur D... devant le tribunal de commerce pour obtenir sa condamnation pour des faits identiques à ceux visés dans la lettre de licenciement ; que ces différentes plaintes sont postérieures au licenciement et concernent des faits distincts sans incidence sur la procédure prud'homale ; qu'en revanche, la mise à pied et l'éviction brutale de Monsieur D... ne se justifiaient pas au regard des faits reprochés et de la qualification que leur a donné l'employeur qui ne lui reprochait pas une faute grave, de sorte que les conditions du licenciement sont effectivement vexatoires. Il sera alloué à Monsieur D... en réparation la somme de 10.000 euros » ;

ALORS QUE la mise à pied conservatoire du salarié ne caractérise pas, à elle seule, une mesure vexatoire, même lorsque l'employeur décide finalement de ne pas invoquer une faute grave à l'appui du licenciement ou lorsque le juge estime que le licenciement n'est pas justifié ; qu'en l'espèce, il est constant que la Banque Delubac, qui avait convoqué M. D... à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave et prononcé en même temps sa mise à pied conservatoire, a finalement renoncé à invoquer une faute grave et a en conséquence versé au salarié les salaires correspondant à la durée de sa mise à pied ; qu'en se bornant à relever, pour condamner l'exposante à réparer un préjudice moral distinct, que la mise à pied et l'éviction brutale subséquente du salarié ne se justifiaient pas au regard des faits reprochés et de la qualification que leur a donnée l'employeur, la cour d'appel n'a pas caractérisé de circonstances vexatoires susceptibles d'engager la responsabilité de l'exposante, privant en conséquence sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26897
Date de la décision : 26/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2019, pourvoi n°17-26897


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26897
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