LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 331-6, L. 411-31 et L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que seul le refus définitif de l'autorisation d'exploiter lorsqu'elle est nécessaire ou la non-présentation par le preneur de la demande dans le délai imparti par l'autorité administrative emporte la nullité du bail et, du deuxième, que les motifs de résiliation à la demande du bailleur sont limitativement énumérés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 19 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ.,17 novembre 2016, pourvoi n° 15-21814), que, par acte notarié du 8 juin 1959, Z... T... a consenti un bail rural à I... F... et à son épouse, A... ; que A... F... est décédée le [...] , en laissant pour lui succéder son époux et leurs enfants ; que K... T..., propriétaire des terres louées, est décédée le [...] ; que, par acte du 20 octobre 2010, l'hôpital d'Is-sur-Tille, légataire universel de ses biens, a délivré congé pour cause d'âge à I... F... ; que celui-ci et ses cinq enfants ont saisi le tribunal paritaire en annulation du congé ; qu'il est décédé en cours d'instance le [...] ; que, par conclusions du 23 octobre 2017, le bailleur a demandé en appel la résiliation du bail transmis à ses héritiers ; que la société civile d'exploitation agricole F..., à la disposition de laquelle les terres louées ont été mises, est intervenue à l'instance ;
Attendu que, pour prononcer la résiliation du bail, l'arrêt retient que l'exploitation n'est pas conforme aux règles du contrôle des structures ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la méconnaissance, en cours de bail, du dispositif de contrôle des structures ne constitue pas un motif de résiliation prévu par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'hôpital d'Is sur Tille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'hôpital d'Is sur Tille et le condamne à payer à MM. R..., J... et G... F..., à Mmes H... et M... F..., et à la société F... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la C our de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le vingt juin deux mille dix-neuf par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour MM. R..., J... et G... F..., Mmes H... et M... F... et la société F....
il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation du bail liant l'hôpital d'Is sur Tille aux consorts F...,
AUX MOTIFS QUE « 2-2 Sur le respect du contrôle des structures par les héritiers
Les consorts F... font valoir que pour se prononcer sur la résiliation le juge doit apprécier les manquements du preneur au jour de la demande et qu'à ce jour les terres louées sont exploitées dans le respect du contrôle des structures, dès lors que la Scea F... est issue de l'exploitation individuelle des époux F... et qu'elle est donc réputée exploiter tout aussi régulièrement en vertu de l'article L 331-2 I du code rural.
En application de ces dispositions, dans leur rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014, sont soumises à autorisation préalable les opérations d'installation, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole lorsque la surface qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.
Il n'est pas contesté que les surfaces mises en valeur excèdent le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures de la Côte d'Or.
Les consorts F... s'appuient toutefois sur les dispositions du même article selon lesquelles "la constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable, lorsqu'elle résulte de la transformation sans autre modification d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux qui en deviennent les associés".
Or à la date de création de la société le 26 décembre 2012, Mme A... E... était décédée et M. I... F... était âgé de 84 ans.
Il avait, dès le 21 novembre 2010, adressé, en réponse au congé que lui avait délivré le bailleur adressé, un courrier à l'huissier précisant : '"je vous informe, de ce que mon fils, G... S... F..., né en [...] est le successeur de mon bail. En effet cela fait déjà plusieurs années qu'il conduit la moissonneuse batteuse et s'intéresse à la culture de ces terres".
Il résulte clairement de ce courrier que M. I... F..., au moins depuis 2010, n'était plus exploitant des terres puisqu'il considérait ne plus être le titulaire du bail et il n'était donc pas associé exploitant de la nouvelle société.
Il en résulte que la Scea F... était donc soumise à autorisation au titre du contrôle des structures, peu important qu'un autre des fils, M. R... F... ait obtenu, après création de la société, un diplôme agricole en 2013.
La non-conformité de l'exploitation aux règles du contrôle des structures n'était donc pas régularisée jusqu'à la date de demande de résiliation de bail et celle-ci doit en conséquence être ordonnée. » (arrêt, p. 5) ;
ALORS QUE la résiliation du bail ne peut être prononcée en dehors des cas limitativement énumérés par le statut d'ordre public du fermage ; qu'il en va a fortiori ainsi lorsque le bail a été transmis à cause de mort aux héritiers du preneur sans que le bailleur n'use, dans le délai de six mois posé à l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime, de la faculté de résiliation de plein droit du bail qui lui est ouverte dans certaines circonstances ; qu'en l'espèce, afin de prononcer la résiliation du bail transmis à cause de mort aux cinq enfants des copreneurs successivement décédés, la cour d'appel a retenu que l'exploitation de la SCEA F..., bénéficiaire de la mise à disposition des terres, n'était pas conforme aux règles du contrôle des structures ; qu'en statuant ainsi quand il n'existe aucun cas de résiliation pour méconnaissance du contrôle des structures, la cour d'appel a violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-31 et L. 331-6 du même code.