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19/12/2017 | FRANCE | N°17/00077

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 19 décembre 2017, 17/00077


ARRET N° 17/

CKD/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 19 DECEMBRE 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 31 octobre 2017

N° de rôle : 17/00077



S/renvoi d'une décision

de la Cour de Cassation de PARIS

en date du 17 novembre 2016

Code affaire : 52B

Demande tendant à l'exécution des autres obligations du preneur et/ou tendant à faire prononcer la résiliation et l'expulsion pour un motif autre que le non paiement des loyers

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APPELANTS



Monsieur [C] [Q] [O] [I], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de son père [B] [I], décédé, demeurant [Adresse 1]

Madame [T] [I] épouse [S], ...

ARRET N° 17/

CKD/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 19 DECEMBRE 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 31 octobre 2017

N° de rôle : 17/00077

S/renvoi d'une décision

de la Cour de Cassation de PARIS

en date du 17 novembre 2016

Code affaire : 52B

Demande tendant à l'exécution des autres obligations du preneur et/ou tendant à faire prononcer la résiliation et l'expulsion pour un motif autre que le non paiement des loyers

APPELANTS

Monsieur [C] [Q] [O] [I], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de son père [B] [I], décédé, demeurant [Adresse 1]

Madame [T] [I] épouse [S], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de son père [B] [I], décédé, demeurant [Adresse 2]

Madame [E] [I] épouse [A], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de son père [B] [I], décédé, demeurant [Adresse 3]

Monsieur [G] [I], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de son père [B] [I], décédé, demeurant [Adresse 4]

Monsieur [K] [Y] [I], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de son père [B] [I], décédé, demeurant [Adresse 5]

SCEA [I], prise en la personne de son gérant M. [C] [I], [Adresse 6]

représentés par Me Samuel CREVEL, avocat au barreau de PARI, avocat plaidant et Me ECONOMOU Jean-Michel, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

INTIMEE

Etablissement Public HOPITAL [Localité 1] pris en la personne de ses représentants légaux demeurant pour ce audit siège, [Adresse 7]

représenté par Me Thierry CHIRON, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 31 Octobre 2017 :

Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

M. Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Gaëlle BIOT, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 19 Décembre 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 5 juin 1959, M. [M] [P] a consenti à M. [B] [I] et Mme [Z] [K] son épouse, un bail rural sur un domaine d'une superficie totale de 84ha05a01ca, sis sur les communes d'[Localité 1] (21) et d'[Localité 2] (21).

Le bail a été renouvelé par acte authentique à deux reprises et pour la dernière fois à effet du 23 avril 1982, par Mme [L] [P], ayant-droit de M. [M] [P].

Mme [Z] [K] est décédée le [Date décès 1] 2000 laissant pour lui succéder son époux et leurs cinq enfants.

Mme [L] [P] est également décédée le [Date décès 2] 2008 et l'hôpital [Localité 1] est devenu légataire universel de ses biens.

Le 20 octobre 2010, l' hôpital [Localité 1] a signifié un congé à M. [B] [I] sur le fondement de l'article L 411-64 du code rural au motif qu'il aurait atteint l'âge de la retraite à l'échéance du bail, le 23 avril 2012.

M. [B] [I] et ses enfants ont saisi le 3 avril 2012, le tribunal paritaire des baux ruraux de Dijon afin de contester la validité du congé et subsidiairement de voir ordonner une expertise afin de déterminer le montant de l'indemnité due au titre des améliorations apportées au fond.

Par jugement du 16 décembre 2013, le tribunal paritaire a :

- débouté les consorts [I] de leurs demandes,

-validé le congé délivré le 20 octobre 2010,

- condamné les demandeurs à payer la somme de 700€ à l'hôpital [Localité 1] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [I] ont interjeté appel de la décision et par arrêt du 11 juin 2015, la cour d'appel de Dijon a confirmé le jugement déféré et condamné les époux [I] à payer la somme de 1500€ à l'hôpital [Localité 1] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [I] se sont pourvus en cassation.

M. [B] [I] est décédé en cours de procédure le [Date décès 3] 2015 laissant pour lui succéder ses cinq enfants Mmes et MM. [C], [T], [E], [G] et [K] [I].

Par arrêt du 17 novembre 2016, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt déféré, remis les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt et a ordonné le renvoi devant la cour de céans.

Selon conclusions visées par le greffe le 26 septembre 2017, les consorts [I], ainsi que la Scea [I], intervenante volontaire à l'instance demandent de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 décembre 2013,

-annuler le congé délivré par l'hôpital [Localité 1] le 20 octobre 2010,

- déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondé la demande de résiliation du bail,

- reconnaître la qualité de co-preneur de Mmes et MM. [C], [T], [E], [G] et [K] [I],

- ordonner la réintégration des consorts [I] et de la Scea [I] sur les biens objets du congé à compter de l'enlèvement des récoltes pendantes au jour de l'arrêt sous astreinte de 500€ par jour à la charge de l'hôpital,

À titre additionnel

- condamner l'hôpital [Localité 1] à payer aux consorts [I] et à la Scea [I] une indemnité totale de 221.091€ en cas de réintégration à l'issue de la campagne 2017/2017, à majorer de 63.697€ à défaut de réintégration pour chaque campagne postérieure,

- réserver à la Scea [I] et aux consorts [I] le droit de ressaisir pour demander indemnisation de la perte de droits à paiement de base correspondant aux périodes litigieuses pour le cas où nonobstant la validation du congé, ils seraient réintégrés dans la réserve nationale,

- constater que le droit au bail de M. [B] [I] s'est transmis de plein droit à Mmes et MM. [C], [T], [E], [G] et [K] [I] à titre de co-preneurs,

A titre subsidiaire, en cas de validation du congé

- ordonner une mesure d'expertise pour déterminer l'éventuel droit des consorts [I] à indemnité du chef de l'article L 411-69 du code rural,

En tout état de cause

- condamner l'hôpital [Localité 1] à leur payer la somme de 8000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions visées le 23 octobre 2017, l'hôpital [Localité 1] demande de:

A titre principal :

- dire que la faute par les consorts [I] d'être en règle avec le contrôle des structures, la dévolution du bail dont étaient titulaires leurs auteurs [B] et [Z] [I] n'a pu s'opérer à leur profit,

-en conséquence confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré au besoin par substitution de motifs,

A titre subsidiaire :

- constater l'irrégularité de la situation des consorts [I] et de la Scea au regard du contrôle des structures,

- constater la mise à disposition irrégulière du bail par M.[B] [I] au profit de la Scea [I],

- prononcer la résiliation du bail,

En tout état de cause :

-condamner les consorts [I] et la Scea [I] à lui payer la somme de 6000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 31 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la validité du congé délivré le 20 octobre 2010

Il résulte de l'article L 411-34 du code rural qu'en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint et de ses descendants participant ou ayant participé à l'exploitation, le bailleur pouvant le résilier dans les six mois du décès, lorsque le preneur ne laisse pas d'héritier réunissant ces conditions.

En l'espèce, [Z] [I] est décédée le [Date décès 1] 2000 en laissant pour lui succéder son époux et leurs cinq enfants et le bailleur a délivré congé, en 2010, uniquement au co-preneur survivant, [B] [I].

Or, en l'absence de résiliation par le bailleur dans les six mois du décès de l'un des co-preneurs, le droit au bail passe à son conjoint et à ses enfants de sorte que le congé devait également être signifié aux autre ayants droits.

Le bailleur fait certes valoir que le bail n'a pu être dévolu aux enfants de [Z] [I] faute d'être en règle avec 'le contrôle des structures'.

Toutefois l'éventuelle irrégularité de la situation des héritiers au regard de la réglementation relative au contrôle des structures ne fait pas obstacle à la dévolution successorale du bail, même si le continuateur du bail a l'obligation de satisfaire aux obligations en résultant.

Sans qu'il y ait lieu, à ce stade, de rechercher si les héritiers respectaient ou non les dispositions légales en matière de contrôle des structures, le congé doit donc être annulé, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

2 - Sur la demande de résiliation du bail

2- 1 Sur la recevabilité de la demande

Les consorts [I] font valoir que la demande est irrecevable au motif qu'elle est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors que la validation du congé et la résiliation ne reposent pas sur le même régime juridique et ne produisent pas effet au même moment.

Toutefois des prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Or, la demande de validation du congé formée par l hôpital devant le premier juge et celle de résiliation du bail tendent aux mêmes fins, dès lors qu'elles ont toutes deux pour objet la cessation des rapports locatifs et l'expulsion du locataire de sorte qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle.

2-2 Sur le respect du contrôle des structures par les héritiers

Les consorts [I] font valoir que pour se prononcer sur la résiliation le juge doit apprécier les manquements du preneur au jour de la demande et qu'à ce jour les terres louées sont exploitées dans le respect du contrôle des structures, dès lors que la Scea [I] est issue de l'exploitation individuelle des époux [I] et qu'elle est donc réputée exploiter tout aussi régulièrement en vertu de l'article L 331-2 I du code rural.

En application de ces dispositions, dans leur rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014, sont soumises à autorisation préalable les opérations d'installation, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole lorsque la surface qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.

Il n'est pas contesté que les surfaces mises en valeur excèdent le seuil fixé par la schéma directeur départemental des structures de la Côte d'Or.

Les consorts [I] s'appuient toutefois sur les dispositions du même article selon lesquelles 'la constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable, lorsqu'elle résulte de la transformation sans autre modification d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux qui en deviennent les associés'.

Or à la date de création de la société le 26 décembre 2012, Mme [Z] [K] était décédée et M. [B] [I] était âgé de 84 ans.

Il avait, dès le 21 novembre 2010, adressé, en réponse au congé que lui avait délivré le bailleur adressé, un courrier à l'huissier précisant : ' je vous informe, de ce que mon fils, [K], [Y] [I], né en 1972 est le successeur de mon bail. En effet cela

fait déjà plusieurs années qu'il conduit la moissonneuse batteuse et s'intéresse à la culture de ces terres'.

Il résulte clairement de ce courrier que M. [B] [I], au moins depuis 2010, n'était plus exploitant des terres puisqu'il considérait ne plus être le titulaire du bail et il n'était donc pas associé exploitant de la nouvelle société.

Il en résulte que la Scea [I] était donc soumise à autorisation au titre du contrôle des structures, peu important qu'un autre des fils, M. [C] [I] ait obtenu, après création de la société, un diplôme agricole en 2013.

La non-conformité de l'exploitation aux règles du contrôle des structures n'était donc pas régularisée jusqu'à la date de demande de résiliation de bail et celle-ci doit en conséquence être ordonnée.

3 - Sur les demandes additionnelles des époux [I]

Compte-tenu de la résiliation du bail, il n'y a pas lieu d'examiner ces demandes, dont les consorts [I] seront déboutés.

4- Sur la demande d'expertise aux fins de déterminer l'indemnisation du preneur sortant

Aux termes de l'article L 411-69 du code rural, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au bien loué a droit, à l'expiration du bail , à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.

Les consorts [I] se prévalent de l'existence de travaux d'amélioration culturale, durant les cinquante ans d'exploitation du domaine par leurs auteurs.

Le premier juge a rejeté la demande d'expertise au motif que les travaux n'ont pas été agréés préalablement par le bailleur.

Or l'autorisation prévue à l'article L 411-29 du code rural (anciennement 836-1), repris par le bail, ne vise que les travaux de retournement des parcelles en herbe et à la mise en herbe des parcelles de terre.

Par ailleurs, l'autorisation prévue par l'article L 411-28 également invoqué par le bailleur, ne concerne que certains travaux de suppression de talus, haies et arbres.

Le bailleur fait également valoir qu'il a été alerté sur le défaut d'entretien de certaines parcelles, ce qui ne constitue toutefois pas la preuve de l'absence de toute amélioration culturale.

Enfin l'absence d'un état des lieux ne constitue pas un obstacle à l'instauration d'une mesure d'expertise, dès lors qu'en application de l'article R 411-15 du code rural, la preuve des améliorations peut résulter d'un état des lieux mais également de tout autre moyen de preuve admis par le droit commun.

L'expertise sollicitée par les consorts [I] sera donc ordonnée, le jugement étant infirmé sur ce point.

5 - Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les demandes des parties sur ce point seront réservées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [I] de leurs demandes et validé le congé délivré le 20 octobre 2010 ;

Statuant à nouveau,

ANNULE le congé délivré par l'hôpital [Localité 1] le 20 octobre 20101;

DECLARE recevable la demande de résiliation du bail ;

PRONONCE la résiliation du bail ;

DEBOUTE les consorts [I] de leurs demandes additionnelles ;

ORDONNE une expertise confiée à M. [U] [J], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Dijon avec pour mission de :

- se faire communiquer toutes pièces utiles à sa mission,

- dire si les preneurs ont apporté des améliorations aux fonds loué ,

-dans l'affirmative donner à la cour tous éléments permettant de fixer le montant de l'indemnité due au preneur sortant;

FIXE à la somme de 1500€ le montant de la provision qui sera consignée par les consorts [I] dans le mois du prononcé de la présente décision ;

DIT qu'au terme de ses opérations, l'expert communiquera aux parties un pré-rapport en les invitant à présenter leurs observations ;

DIT que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine ;

DESIGNE le président de la Chambre sociale aux fins de surveiller les opérations d'expertise ;

DEBOUTE les consorts [I] du surplus de leurs demandes :

SURSOIT à statuer sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RESERVE les dépens.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le dix neuf décembre deux mille dix sept et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de la Chmabre Sociale, et Mme Karine MAUCHAIN, Greffière.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/00077
Date de la décision : 19/12/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°17/00077 : Autre décision avant dire droit


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-19;17.00077 ?
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