La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2019 | FRANCE | N°18-12284

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 juin 2019, 18-12284


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le congé par lequel le propriétaire s'oppose au renouvellement du bail doit, à peine de nullité, mentionner les motifs allégués et, en cas de reprise, indiquer les nom, prénom, âge, domicile et profession, ainsi que la future habitation, de son bénéficiaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 décembre 2017), que, par acte du 10 mai 2013, M. V...

a donné congé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée P... I... (l'EARL), tit...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le congé par lequel le propriétaire s'oppose au renouvellement du bail doit, à peine de nullité, mentionner les motifs allégués et, en cas de reprise, indiquer les nom, prénom, âge, domicile et profession, ainsi que la future habitation, de son bénéficiaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 décembre 2017), que, par acte du 10 mai 2013, M. V... a donné congé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée P... I... (l'EARL), titulaire d'un bail verbal sur diverses parcelles, aux fins de reprise pour les exploiter ; que l'EARL a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la désignation des parcelles est essentielle puisqu'elle informe le preneur de l'objet de l'acte et de l'étendue de ses effets, la seule allusion à l'existence du bail et à dix sept parcelles ne lui permettant pas de les identifier ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition du code rural et de la pêche maritime n'impose la mention dans le congé de la désignation cadastrale et de la superficie de chacune des parcelles reprises, la cour d'appel, qui a constaté que le congé portait sans équivoque sur l'intégralité des biens loués, a, en ajoutant à la loi une condition qu'elle ne contient pas, violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société P... I... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société P... I... et la condamne à payer à M. V... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. V....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé le congé pour reprise délivré le 10 mai 2013 par M. H... V... à l'EARL P... I...;

AUX MOTIFS QUE
« Sur la validité du congé
Le congé est ainsi libellé :
« Il vous est signifié, rappelé et déclaré:
- que vous êtes titulaire d'un bail à ferme concernant dix-sept parcelles sises sur le ban de Rouffach (68) pour une superficie totale de 10ha 10a 88ca.
Par le présent acte, le requérant entend mettre fin à cette location vous donnant congé pour la date du 11 novembre 2014 (11.11.2014) pour les motifs ci-après : le requérant entend exercer le droit de reprise prévu par l'article L 411-58 du Code rural pour exploiter lui-même les biens loués à partir des bâtiments dans lesquels il compte s‘installer. ».
Monsieur V... fait valoir que l'article L 411-47 du Code Rural et de la pêche maritime ne prévoit pas la désignation cadastrale et la contenance des parcelles concernées, il rappelle que le nom de la commune, le nombre et la surface totale des parcelles sont indiqués et il considère que l'omission de la désignation des parcelles ne cause aucun préjudice au preneur, il fait observer que Monsieur P... n'a jamais voulu répondre aux interrogations concernant les parcelles qu'il exploitait, il ajoute que les parcelles ont été clairement identifiées dans une lettre du notaire, Maître N..., du 7 mai 2013, leur contenance totale étant, à une infime différence près, celle qui est mentionnée au congé, il affirme que le preneur connaissait parfaitement les parcelles ayant appartenu à Madame U... qu'il déclarait chaque année à la MSA, le fermage étant acquitté chaque année par le preneur, calculé sur la base de 10 ha, 10 a, 88 ca, il explique en outre que la reprise de ces parcelles est vitale pour son exploitation; il indique également que l'EARL P... I... a procédé à des sous-échanges prohibés de certaines parcelles et considère qu'il répond aux conditions de la reprise posées par les articles L 411-58 et L 411-59 du Code Rural et de la pêche maritime.
L'EARL P... I... explique quant à elle, que le congé ne se réfère ni à la lettre de Maître N... du 7 mai 2013 ni à l'acte d'échange qu'il a établi, que la surface totale des parcelles visée à l'acte ne correspond pas à celle que mentionne le notaire et que la désignation des parcelles est essentielle puisqu'elle circonscrit la portée du congé, il ajoute que l'habitation de Monsieur V... n'est pas précisée dans le congé, que la justification du cheptel et du matériel, des diplômes ou de l'expérience nécessaires, du respect du contrôle des structures n'est pas apportée et précise qu'elle a procédé à des échanges en jouissance tels que prévus par l'article L 411-39 du Code Rural et de la pêche maritime, connus du bailleur.
Il est constant que la désignation des parcelles ne figure pas au nombre des mentions que l'article L 411-47 du Code rural et de la pêche maritime énumère et qui doivent figurer à peine de nullité.
Toutefois, en raison des effets mêmes du congé, à savoir la fin du bail, la désignation des parcelles est essentielle puisqu'elle informe le preneur de l'objet de l'acte et de l'étendue de ses effets.
En l'espèce, le congé mentionne "dix-sept parcelles sises sur le ban de Rouffach (68) pour une superficie totale de 10 ha 10 a 88 ca".
Or, s'agissant d'un bail verbal dont l'assiette ne résulte d'aucun écrit, la seule allusion à l'existence du bail et à dix-sept parcelles ne permettait pas au preneur d'identifier ces parcelles.
Si, par lettre du 7 mai 2013, Maitre N..., notaire, avait informé l'EARL P... I... du changement de bailleur par échange de terres, mentionnant les parcelles affectées par cet échange, cet écrit ne peut suppléer les mentions faisant défaut au congé d'autant que la superficie totale mentionnée dans cette lettre ne correspond pas à celle qui figure dans le congé.
Il en va de même de la lettre du 5 février 2013 par laquelle Monsieur et Madame A..., légataires de la propriétaire, Madame O... U..., ont interrogé l'EARL sur les parcelles occupées par celle-ci, puisque le congé doit préciser son étendue, son objet et ses limites.
Dans la mesure où il ne résulte d'aucun écrit déterminant sans équivoque la connaissance exacte qu'avait le preneur des effets du congé et des lieux qu'il a l'obligation de libérer, l'absence de désignation des parcelles dans l'acte prive ce dernier d'un élément essentiel à sa validité et est de nature à l'induire en erreur.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont annulé le congé.
Le jugement sera donc confirmé » (arrêt, p. 2, dernier al. à p. 4, al. 3) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur le principal
Attendu que le congé pour exercice du droit de reprise reçu par l'EARL P... I... le 10 mai 2013 est ainsi libellé :
"Il vous est signifié, rappelé et déclaré que vous êtes titulaire d'un bail à ferme concernant 17 parcelles sises sur le ban de Rouffach pour une superficie totale de 10 ha 10 ares et 88 centiares. Par le présent acte, le requérant entend mettre fin à cette location en vous donnant congé pour la date du 11 novembre 2014 pour les motifs ci-après : le requérant entend exercer le droit de reprise prévu par l'article L 411-58 du code rural pour exploiter lui-même les biens loués, à partir des bâtiments dans lesquels il compte s'installer (
);
Attendu qu'il est acquis que monsieur V... venait aux droits de madame A... selon acte notarié du 7 mai 2013, madame A..., venant elle-même aux droits de madame O... E... U..., décédée le [...] ;

Attendu que l'article L 411-47 du code rural dispose d'une part, que le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail et par acte extra-judiciaire et d'autre part, que le congé doit à peine de nullité mentionner expressément les motifs du congé et indiquer un certain nombre de précisions et mentions, la nullité ne devant être prononcée que si l'omission ou l'inexactitude constatées sont de nature à induire en erreur le preneur;
Attendu qu'en l'espèce, le congé ne mentionne pas les parcelles sur lesquelles s'exerce le droit de reprise, les mentions relatives à leurs références cadastrales et leur superficie étant absentes;
Attendu qu'en agissant ainsi, monsieur V... n'a pas mis en mesure 1'EARL P... I... de connaître avec exactitude les parcelles qu'elle devait libérer, alors que cette connaissance constitue l'essence même du congé; que l'omission de cette mention ne peut qu'être de nature à induire en erreur le preneur; qu'à cet égard, le fait que l'EARL P... I... ait pu recevoir un courrier du notaire qui lui a été signifié le 9 mai 2013 l'informant du fait que ce dernier était chargé d'établir un acte d'échange entre monsieur et madame A... et monsieur V... sur des parcelles dont la liste est mentionnée n'a pas d'influence puisque le congé pour reprise doit se suffire à lui-même, étant précisé qu'au surplus, le total des parcelles mentionné dans cet acte ne correspond pas à celui figurant dans le congé pour reprise;
Attendu que dans ces conditions, le congé délivré le 10 mai 2013 doit être annulé; » (jugement, p. 4) ;

1°) ALORS QU'aucune disposition du code rural et de la pêche maritime n'impose la mention dans le congé de la désignation cadastrale et de la superficie de chacune des parcelles reprises ; qu'a fortiori, en cas de reprise portant sur l'ensemble des terres données à bail, l'absence des références cadastrales et de la superficie des parcelles est indifférente ; qu'en retenant, pour annuler le congé, d'une part, que la désignation des parcelles est essentielle puisqu'elle informe le preneur de l'objet de l'acte et de l'étendue de ses effets et, d'autre part, que le congé délivré par M. V..., ne mentionnant pas les références cadastrales et la superficie des parcelles sur lesquelles s'exerce le droit de reprise, n'avait pas permis au preneur d'identifier les parcelles qu'il devait libérer, quand elle constatait par ailleurs qu'il ressortait des termes du congé, dépourvus de toute équivoque, qu'il portait sur l'intégralité des biens loués initialement par O... U... aux droits de laquelle venait M. V..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE le congé est valable s'il est avéré que le preneur avait des connaissances lui permettant de rectifier de lui-même l'omission ou l'erreur ; qu'en retenant, pour annuler le congé, qu'en l'absence des références cadastrales et de la superficie des parcelles, l'Earl P... I... avait été induite en erreur, n'ayant pu identifier les parcelles qu'elle devait libérer sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'Earl P... I... n'avait pas en réalité parfaitement connaissance de la nature des 17 parcelles sises sur le banc de Rouffach pour une superficie totale de 10ha 10a et 88ca pour lesquelles le congé avait été délivré, ainsi que cela ressortait tant de la facture du 6 novembre 2012 établie par l'Earl sur laquelle figurait la superficie des terres louées, objet du bail litigieux, soit « 1010,88 ares », que de l'attestation parcellaire de la MSA de Mme T..., directrice de la MSA d'Alsace, du 11 avril 2013, établie à partir des déclarations de l'Earl, pièces régulièrement produites aux débats et spécialement invoquées par M. V..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime.

3°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'une décision de justice doit se suffire a elle-même et qu'il ne peut être suppléé au défaut ou à l'insuffisance de motifs par le seul visa de documents de la cause et la seule référence aux débats, n'ayant fait l'objet d'aucune analyse, les juges du fond ne pouvant accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à affirmer, pour annuler le congé, qu' « il ne résulte d'aucun écrit déterminant sans équivoque la connaissance exacte qu'avait le preneur des effets du congé et des lieux qu'il a l'obligation de libérer », sans viser ni analyser les pièces sur lesquelles elle s'est fondée pour conclure en ce sens, et sans examiner la facture du 6 novembre 2012 établie par l'Earl P... I... ni l'attestation parcellaire de la MSA de Mme T..., directrice de la MSA d'Alsace, du 11 avril 2013, pièces régulièrement produites aux débats et spécialement invoquées par M. V... qui établissaient avec certitude que l'Earl P... I... avait pleinement connaissance des parcelles sur lesquelles portait le congé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-12284
Date de la décision : 20/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 19 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 20 jui. 2019, pourvoi n°18-12284


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12284
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award