LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. O... R...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 9e chambre, en date du 16 octobre 2017, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 mai 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;
Vu les mémoire produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par jugement du 2 février 2015, le tribunal correctionnel de Lyon a déclaré M. O... R... coupable d'abandon de famille et ajourné le prononcé de la peine au 7 septembre 2015 ; que, faisant suite à cette décision, qui n'avait fait l'objet d'aucune voie de recours, le tribunal a prononcé, par second jugement, sur la peine et sur les intérêts civils ; que le condamné et le ministère public ont interjeté appel de ce jugement ;
En cet état ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-19 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine de cinq mois d'emprisonnement et a dit n'y avoir lieu à aménagement de la peine ;
"alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit justifier de sa nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; qu'en se bornant à énoncer les antécédents judiciaires du prévenu sans s'expliquer autrement sur les éléments de personnalité qu'elle a pris en considération pour le condamner à une peine d'emprisonnement ferme, la cour d'appel a méconnu les textes précités ;"
Attendu que, pour prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis, l'arrêt retient que M. R... a déjà été condamné à trois reprises avant la commission des faits, objet de la présente procédure, que la mauvaise volonté de M. R... à remplir ses obligations alimentaires, sa précédente condamnation pour des faits similaires, son absence à l'audience, rendent illusoire la mise en place d'une mesure d'encadrement sous forme d'un sursis avec mise à l'épreuve et que le prononcé d'une telle sanction est nécessaire en dernier recours au regard de la gravité de l'infraction et de la personnalité de son auteur, toute autre sanction étant, en l'espèce, désormais inadéquate ; qu'enfin les mesures d'aménagement des articles 132-25 à 132-28 du code pénal ne peuvent être ordonnées en l'état, la cour ne disposant par ailleurs d'aucun élément quant à la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui, par une appréciation souveraine, a jugé que la gravité de l'infraction, la personnalité de son auteur et le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, rendaient nécessaire une peine d'emprisonnement sans sursis et qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de prononcer une mesure d'aménagement de cette peine, en l'absence d'éléments suffisants sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-58 et 132-60 du code pénal, 6, 469-1 et 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoir ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement sur la culpabilité et, infirmant sur l'appel, a condamné le prévenu à une peine de cinq mois d'emprisonnement et a dit n'y avoir lieu à aménagement de la peine ;
"alors que lorsque, par application des articles 132-58, 132-60 du code pénal et 469-1 du code de procédure pénale, le tribunal après avoir, par un premier jugement devenu définitif, déclaré le prévenu coupable a, par un jugement ultérieur, statué sur la peine, la cour d'appel, saisie du seul recours formé contre cette dernière décision, ne peut, sans méconnaître à la fois l'autorité de la chose jugée et les règles de sa saisine, se prononcer de nouveau sur la culpabilité ; qu'en statuant sur la culpabilité du prévenu, alors qu'elle n'était saisie que d'un appel dirigé contre le jugement par lequel le tribunal correctionnel, après ajournement de la peine avait prononcé cette dernière et statué sur les intérêts civils, la cour d'appel a méconnu les dispositions précitées et entaché sa décision d'un excès de pouvoir ;
Vu les articles 132-58 et 132-60 du code pénal, 6, 469-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, lorsque le tribunal, après avoir, par un premier jugement devenu définitif, déclaré le prévenu coupable, a, par un jugement ultérieur, statué sur la peine, la cour d'appel, saisie du seul recours formé contre cette dernière décision, ne saurait, sans méconnaître à la fois l'autorité de la chose jugée et les règles de sa saisine, prononcer de nouveau sur la culpabilité ;
Attendu que la cour d'appel, saisie uniquement d'un appel portant sur la peine prononcée, a, par motifs propres, confirmé la culpabilité du prévenu ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le jugement sur la culpabilité n'avait fait l'objet d'aucune voie de recours et était devenu définitif, la cour a violé les textes susvisés et le principe sus-énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la déclaration de culpabilité, le prononcé de la peine n'encourant pas la censure ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L.411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon en date du 16 octobre 2017, en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application des articles 618-1 du code de procédure pénale et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf juin deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.