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19/06/2019 | FRANCE | N°18-50017

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2019, 18-50017


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme V..., engagée en qualité de responsable pôle marketing services à compter du 2 novembre 2011 par la société Bridge communication (la société), a été licenciée le 20 mars 2012 ; que contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater que la salariée a subi un harcèlement moral et de le condamner à l

ui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme V..., engagée en qualité de responsable pôle marketing services à compter du 2 novembre 2011 par la société Bridge communication (la société), a été licenciée le 20 mars 2012 ; que contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater que la salariée a subi un harcèlement moral et de le condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application de l'article L. 1154-1 du code du travail, il incombe au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en l'espèce, pour considérer que la salariée établissait de tels faits, la cour d'appel a retenu qu'elle se prévalait de témoignages d'anciens salariés, versés aux débats, concernant les méthodes managériales de M. I..., d'un échange de mails du 23 février 2012 entre Mme V... et M. I... dont il résultait que le président de la société exerçait un management brutal et un certificat médical daté du 21 mars 2012, soit le lendemain de son licenciement attestant d'une dégradation de son état de santé, la CPAM n'ayant pourtant pas reconnu l'arrêt de travail comme étant justifié par une cause professionnelle, qu'ainsi, le seul fait imputable à l'employeur était l'échange de mail du 23 février 2012 démontrant que le président de la société Bridge communication entendait imposer à Mme V... sa volonté, l'entretien du 20 mars, soit le jour de la lettre de licenciement de Mme V... n'ayant eu aucun témoin direct ; que cet acte unique ne caractérise pas un harcèlement moral ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en l'état d'éléments qui auraient été impropres à étayer une demande de harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que sont constitutifs de harcèlement moral les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'un même agissement de l'employeur, ayant plusieurs manifestations, ne relève pas du harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour considérer que la salariée avait été victime d'un harcèlement moral, la cour d'appel a retenu un seul échange de mail du 23 février 2012 démontrant la volonté de M. I..., président de la société, d'imposer brutalement son point de vue ainsi que des attestations relatives aux méthodes de management de ce dernier émanant d'anciennes salariées et à un entretien n'ayant eu aucun témoin direct du 20 mars 2012, jour du licenciement de Mme V... dont elle serait ressortie bouleversée et un certificat médical, étant rappelé que la CPAM a refusé de considérer que l'arrêt de travail de Mme V... comme étant justifié par une cause professionnelle ; qu'ainsi, tous les éléments retenus par la cour d'appel se rapportaient à deux faits isolés constitutifs de relations normales entre le président de la société et l'une de ses salariées ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le pourvoi principal de la salariée :

Vu les articles L. 1152-3 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-5 du même code ;

Attendu que pour allouer à la salariée la somme de 9 500 euros à titre d'indemnité au titre du préjudice né de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que la salariée ayant moins de deux ans d'ancienneté, elle ne peut prétendre qu'à l'indemnisation du préjudice qu'elle justifie avoir subi ;

Attendu, cependant, que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors, d'une part, qu'elle avait jugé que le licenciement était nul en raison de faits de harcèlement moral dont la salariée avait été victime, d'autre part, qu'elle avait constaté que le salaire mensuel de base de la salariée s'élevait à 3 877 euros, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi incident auquel la société Bridge communication et M. Robert Louis A..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Bridge communication, ont déclaré renoncer :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bridge communication à payer à Mme V... la somme de 9 500 euros au titre du préjudice né de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le [...] , entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Bridge communication aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bridge communication et M. Robert Louis A..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Bridge communication et les condamne à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme V....

Il est fait grief à la décision attaquée D'AVOIR condamné la société Bridge Communication à payer à Mme V... la somme de seulement 9.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi né de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en présence d'un harcèlement moral, le licenciement est nul, et produit les effets d'un licenciement abusif ; il convient de confirmer de ce chef le jugement entrepris ; Mme V... comptant moins de deux ans d'ancienneté au moment de la rupture, elle ne peut prétendre qu'à l'indemnisation du préjudice qu'elle justifie avoir subi ; la moyenne des salaires bruts des trois mois précédant la rupture s'élève à 3.877 euros ; Mme V... avait mois d'ancienneté au moment de la rupture ; malgré une recherche active d'emploi en 2012, elle est restée au chômage, dont elle justifie jusqu'au 10 janvier 2012 ; elle ne justifie pas de sa situation entre janvier 2013 et mars 2015, date à laquelle elle a retrouvé du travail d'abord en CDD puis en CDI ; au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a évalué à la somme de 9.500 euros le préjudice né de la rupture du contrat de travail ; cette somme produira intérêts à compter du jugement du 30 août 2013 ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'attendu donc de ce qui précède que le conseil après en avoir délibéré dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que Mme V... au regard de son ancienneté et des effectifs de la société relève des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail ; que le conseil est en possession d'éléments pertinents pour fixer les dommages et intérêts à la somme de 9.500 euros ;

ALORS QUE le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire ; qu'en limitant à tort à 9.500 euros la somme devant être allouée à ce titre à Mme V..., quand elle avait constaté que la salariée bénéficiait d'un salaire mensuel de 3.877 euros en sorte que l'indemnité allouée ne pouvait être inférieure à la somme de 23.262 euros, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-3 du code du travail ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Bridge communication et M. A..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir constaté que Madame F... V... a subi un harcèlement moral et d'avoir en conséquence condamné la SAS Bridge communication à payer à ce titre à Madame F... V... la somme de 1.500 € de dommages-intérêts pour préjudice moral

- AU MOTIF QUE par application de l'article 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi, ou refusé de subir, des actes de harcèlement moral. L'article L 1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toute disposition nécessaire en vue de prévenir ces agissements. Il résulte de l'article L 1154-1 du code du travail, que lorsque survient un litige relatif à l'application de ces dispositions, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant suspecter un harcèlement moral. Il revient au juge d'apprécier sur ces éléments sont établis, et si pris dans leur ensemble, ils permettent de suspecter un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Madame V... présente les éléments suivants :

- l'attestation de Madame W... B... qui occupait le poste de consultante média au sein de la SAS Bridge Communication et qui a quitté l'entreprise deux mois avant elle, qui décrit Monsieur I..., le président de la société, comme exerçant un management brutal et inconstant

- l'attestation de Madame Laëtitia J..., ancienne salariée de l'entreprise, décrivant Monsieur I... comme violent verbalement, et précisant que le 20 mars 2012, Madame V... l'a appelée complètement bouleversée après un entretien avec celui-ci,

- des attestations de son compagnon Monsieur T..., et de son amie Madame S..., qui rapportent avoir constaté cet état dépressif, et un état de choc le 20 mars 2012,

- un échange de mails entre Madame V... et Monsieur I... au cours de la journée du 23 février 2012, à propos de la communication d'un devis de photographe. La salariée avait proposé de mettre en relation Bridge Communications avec un photographe qu'elle avait connu dans de précédentes fonctions, puis a fait savoir à Monsieur I... que compte tenu des exigences de Bridge Communication pour cette prestation, elle préférait ne pas lui demander de devis pensant que les conditions posées ne lui conviendraient pas. Après que Madame V..., dont il convient de rappeler qu'elle occupait dans la société des fonctions de Responsable marketing, ait expliqué sa position, Monsieur I... a insisté à quatre reprises par mail, sur un ton de plus en plus ferme, pour obtenir ce devis malgré son opposition. Il lui a ainsi écrit à 16H49 : "Que je sache, ce n'est pas toi qui décide qui embauche qui pour tel ou tel job. Ce n'est pas toi qui instaure des relations de confiance, tu travailles pour une société, je te le rappelle. C'est toi qui a proposé de faire appel à ce photographe afin qu'il nous envoie un devis, et tu as ensuite refusé de me faire passer ce devis ou de lui demander des précisions, alors que je t'ai expressément demandé de le faire. Je te prie de me faire passer le devis avant 17 h car je dois prendre mon TGV. J'aimerais ne pas avoir à le répéter une énième fois". Il a ensuite pris acte de son refus qui selon lui "minait d'une manière certaine leur relation de confiance", et était "préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise" tel qu'il l'entendait.

- un certificat médical du Docteur E..., en date du 21 mars 2012, constatant chez Madame V... un "syndrome dépressif franc", avec "anorexie, perte de poids, troubles du sommeil, tristesse, idées noires", et prescription d'un arrêt de travail du 21 mars au 18 avril 2012.

L'échange de mail du 23 février 2012 constitue un élément de preuve objectif d'un incident causé par la volonté de Monsieur I... d'imposer de façon assez brutale sa volonté, sur un point où son adjointe n'avait aucune obligation contractuelle de lui fournir un contact qu'elle détenait indépendamment de ses fonctions à Bridge Communication, quand bien même aurait-elle émis auparavant l'idée de cette mise en contact. Cette situation est corroborée par des pièces médicales et des témoignages, de telle sorte que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent suspecter un harcèlement moral. L'employeur produit des mails envoyés par Madame V... dans le cadre de ses fonctions, qui ne traduisent pas de volonté particulière d'exercer celles-ci comme elle l'entend, sans respecter les directives de l'employeur. La SAS Bridge Communication produit également les attestations de Madame X... et de Monsieur P... , ayant côtoyé Madame V... et Monsieur I..., et n'ayant relevé aucune tension entre eux ni aucun comportement autoritariste du président. Cette appréciation est cependant contredite par les constatations contraires versées aux débats par la salariée. Par courrier du 16 avril 2012, Monsieur I... a écrit à Madame V... pour lui reprocher d'avoir eu contact pendant son arrêt maladie avec le client Calais Promotion, soulignant que les responsables de cette entreprise s'étaient inquiétés de savoir si elle travaillerait toujours au sein de Bridge Communication dans les mois suivants, et si elle pourrait assurer la suite de la prestation commandée. Toutefois, le fait pour Madame V... d'avoir informé ce client pendant son arrêt maladie de ce qu'elle quittait Bridge Communication ne saurait constituer un acte de déloyauté à l'égard de l'employeur ou un manquement à son obligation de discrétion, dès lors qu'à la date de ce contact, elle avait déjà reçu sa lettre de licenciement, et qu'aucune tentative de récupération du marché pour elle-même ou pour un tiers n'est établie. Enfin, le fait que Madame V... se soit parfois absentée de l'entreprise ou qu'elle soit arrivée avec retard pour des rendez-vous médicaux ou de livraison à domicile ne peut être considéré comme un manquement grave à ses obligations contractuelles, au regard de son niveau de responsabilité dans l'entreprise (Responsable du pôle Marketing Services), du fait qu'elle était soumise au régime du forfait-jour, et surtout de l'absence toute répercussion établie sur l'activité de l'entreprise, de ces quelques absences ou retards. L'employeur ne justifie donc pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. En présence d'un harcèlement moral, le licenciement est nul, et produit les effets d'un licenciement abusif. Il convient de confirmer de ce chef le jugement entrepris. Madame V... comptant moins de deux ans d'ancienneté au moment de la rupture, elle ne peut prétendre qu'à l'indemnisation du préjudice qu'elle justifie avoir subi. La moyenne des salaires bruts des trois mois précédant la rupture s'élève à 3.877 euros. Madame V... avait (
) mois d'ancienneté au moment de la rupture. Malgré une recherche active d'emploi en 2012, elle est restée au chômage, dont elle justifie jusqu'au 10 janvier 2013. Elle ne justifie pas de sa situation entre janvier 2013 et mars 2015, date à laquelle elle a retrouvé du travail d'abord en CDD, puis en CDI. Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a évalué à la somme de 9.500 euros le préjudice né de la rupture du contrat de travail. Cette somme produira intérêts à compter du jugement du 30 août 2013. Le préjudice moral causé par le harcèlement moral sera évalué à la somme de 1.500 euros, montant qui sera ajouté au jugement. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

- ALORS QUE D'UNE PART en application de l'article L. 1154-1 du code du travail, il incombe au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en l'espèce, pour considérer que la salariée établissait de tels faits, la cour d'appel a retenu qu'elle se prévalait de témoignages d'anciens salariés, versés aux débats, concernant les méthodes managériales de Monsieur I..., d'un échange de mails du 23 février 2012 entre Madame V... et Monsieur I... dont il résultait que le président de la société exerçait un management brutal et un certificat médical daté du 21 mars 2012, soit lendemain de son licenciement attestant d'une dégradation de son état de santé, la CPAM n'ayant pourtant pas reconnu l'arrêt de travail comme étant justifié par une cause professionnelle, qu'ainsi, le seul fait imputable à l'employeur était l'échange de mail du 23 février 2012 démontrant que le Président de la société Bridge entendait imposer à Madame V... sa volonté, l'entretien du 20 mars, soit le jour de la lettre de licenciement de Madame V... n'ayant eu aucun témoin direct ; que cet acte unique ne caractérisait pas un harcèlement moral ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en l'état d'éléments qui étaient impropres à étayer une demande de harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail

- ALORS QUE D'AUTRE PART et en tout état de cause sont constitutifs de harcèlement moral les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'un même agissement de l'employeur, ayant plusieurs manifestations, ne relève pas du harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour considérer que la salariée avait été victime d'un harcèlement moral, la cour d'appel a retenu un seul échange de mail du 23 février 2012 démontrant la volonté de Monsieur I..., président de la société, d'imposer brutalement son point de vue ainsi que des attestations relatives aux méthodes de management de ce dernier émanant d'anciennes salariées et à un entretien n'ayant eu aucun témoin direct du 20 mars 2012, jour du licenciement de Madame V... dont elle serait ressortie bouleversée et un certificat médical, étant rappelé que la CPAM a refusé de considérer que l'arrêt de travail de Madame V... comme étant justifié par une cause professionnelle ; qu'ainsi, tous les éléments retenus par la cour d'appel se rapportaient à deux faits isolés constitutifs de relations normales entre le président de la société et l'une de ses salariés ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Bridge Communication à payer à Madame F... V... la somme de 18.609,60 € bruts au titre de l'indemnisation de la clause de non-concurrence

- AU MOTIF QUE L'employeur produit un contrat de travail daté du 30 octobre 2011 non signé par la salariée mais stipulant que Madame V... s'engageait postérieurement à la rupture de son contrat quelle qu'en soit la cause, à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non-salarié pour une entreprise concurrente, à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée ou non, d'entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles que la société Bridge Communication et à ne pas y exercer directement ou indirectement, des fonctions similaires de celles exercées au sein de cette dernière. Cet engagement était valable pour la France entière, et pour une durée d'un an. En contrepartie, la société Bridge Communication s'engageait à lui verser une indemnité mensuelle égale à quatre dixièmes de la moyenne mensuelle des appointements, ainsi que des avantages et gratifications contractuels dont elle avait bénéficié au cours des 12 derniers mois de présence dans l'établissement, à la condition que Madame V... fournisse chaque mois un justificatif attestation de sa situation : nouvel employeur ou ASSEDIC. La société Bridge Communication avait la faculté de renoncer à l'application de cette clause en en informant par écrit la salariée dans un délai de huit jours à compter de la notification de la rupture. Madame V... produit le même contrat de travail mais signé par elle, et non par l'employeur, comportant une pagination et une numérotation différentes, mais strictement identique dans son contenu à celui qui est produit par la société. Il y a donc eu rencontre de la volonté des parties sur ces dispositions contractuelles, mêmes si elles ne les ont pas signées en même temps. Il n'est d'autre part pas contesté que l'employeur n'a pas notifié à Madame V... dans les huit jours suivant la rupture, qu'il renonçait à l'application de la clause. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a fait application de la clause contestée, et condamné à ce titre l'employeur à payer à la salariée la somme de 18.609,60 euros. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 07 mai 2012, date de la saisine du conseil de prud'hommes. Conformément à la demande de la salariée, la capitalisation des intérêts sera ordonnée, en application de l'article 1154 du code civil.

- ALORS QUE D'UNE PART le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce dans ses dernières conclusions d'appel (notamment p 13 et 14) la société Bridge Communication avait fait valoir que si Madame V... avait produit en pièce 9 un contrat de travail du 10 octobre 2011 comportant une clause de non concurrence signé par elle et non par la société Bridge Communication comportant des différences de numérotation et de pagination avec l'exemplaire signé par la société Bridge Communication, elle n'avait pu signer comme elle l'avait prétendu dans ses conclusions de première instance (p 13) ce contrat de travail le 10 octobre 2011 dès lors que par mail du 17 novembre 2011, elle avait écrit à Monsieur I... « je n'ai toujours pas de nouvelles de mon contrat, en as-tu de ton côté ? (
). Peux-tu relancer le cabinet RH ? » et que le 21 décembre 2011, ce contrat n'était toujours pas signé ; que dès lors en se bornant à énoncer qu'il y avait eu rencontre de la volonté des parties sur ces dispositions contractuelles, mêmes si elles ne les avaient pas signées en même temps dès lors que le contrat de travail signé par Madame V... et celui signé par l'employeur étaient strictement identiques dans son contenu sans répondre aux conclusions de l'employeur qui étaient de nature à démontrer que Madame V... ne pouvait pas avoir signé un contrat de travail le 10 octobre 2011, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile

- ALORS QUE D'AUTRE PART en se bornant à constater que Madame V... produisait le même contrat de travail mais signé par elle, et non par l'employeur, comportant une pagination et une numérotation différentes, mais strictement identique dans son contenu à celui qui est produit par la société pour en déduire qu'il y avait eu rencontre de la volonté des parties sur ces dispositions contractuelles, mêmes si elles ne les avaient pas signées en même temps sans rechercher si Madame V... justifiait avoir remis à la société l'exemplaire signé de son contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1101 alors en vigueur du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-50017
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2019, pourvoi n°18-50017


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.50017
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