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19/06/2019 | FRANCE | N°18-16774

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 juin 2019, 18-16774


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 19 février 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 25 novembre 2015, n° 14-16.210), qu'alléguant avoir prêté une certaine somme à M. A..., Mme U... l'a assigné en paiement ;

Attendu que Mme U... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. A... à lui verser la somme de 90 707 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2000, alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsque le c

réancier s'est trouvé dans l'impossibilité morale d'établir un contrat de prêt par écrit et...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 19 février 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 25 novembre 2015, n° 14-16.210), qu'alléguant avoir prêté une certaine somme à M. A..., Mme U... l'a assigné en paiement ;

Attendu que Mme U... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. A... à lui verser la somme de 90 707 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2000, alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsque le créancier s'est trouvé dans l'impossibilité morale d'établir un contrat de prêt par écrit et qu'il est ainsi autorisé à rapporter par tous moyens la preuve de l'obligation à restitution des fonds, les juges sont tenus d'examiner toutes les présomptions, indices et circonstances qu'il invoque à cette fin et notamment le comportement et l'argumentation du défendeur, pour déterminer l'existence de l'obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'était caractérisée l'impossibilité morale pour Mme K... d'établir un écrit au moment de la remise des fonds litigieux, d'autre part, que M. A... n'avait pas contesté avoir reçu de celle-ci, et avoir encaissé les quatre chèques et, de troisième part, que, si celui-ci avait prétendu que la remise desdits chèques avait été causée par un prêt qu'il aurait fait à Mme K..., cette argumentation était mal fondée pour être notamment contredite par la condamnation pénale prononcée à son encontre ; qu'en jugeant pourtant que Mme K... ne rapportait pas la preuve que les sommes litigieuses avaient été remises à M. A... dans le cadre d'un prêt et devaient donc lui être remboursées, sans rechercher si, comme le soutenait Mme K... et conformément au raisonnement des premiers juges, le fait que M. A... n'ait jamais prétendu que l'opération aurait constitué un don et le fait qu'il se soit contenté tout au long de la procédure d'une explication reconnue fausse pour justifier la remise des fonds sans fournir aucun raisonnement alternatif à la qualification de prêt qui soit de nature à expliquer l'opération litigieuse, ne constituaient pas des indices de nature à fonder une présomption et à démontrer l'existence de l'obligation invoquée par Mme K..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315, devenu l'article 1353, et 1353, devenu l'article 1382 du code civil ;

2°/ que, obligés de trancher le litige conformément aux règles de droit, les juges du fond doivent donner leur exacte qualification juridique aux actes litigieux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que Mme K... ne rapportait pas la preuve que les sommes litigieuses avaient été remises à M. A... dans le cadre d'un prêt et qu'elles devaient donc lui être remboursées, tout en écartant comme fausse la qualification revendiquée par ce dernier ; qu'en statuant ainsi, sans qualifier juridiquement l'acte passé entre les parties, bien que l'absence d'autre qualification envisageable ait été de nature à démontrer que l'opération en cause ne pouvait constituer qu'un prêt, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de base légale au regard des articles 1315, devenu 1353, et 1353, devenu 1382 du code civil, et de violation de l'article 12 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, après avoir admis l'existence d'une impossibilité morale pour Mme K... de se procurer un écrit et procédé à l'examen des éléments de preuve produits, a estimé qu'à défaut de tout élément extrinsèque autre que la lettre de mise en demeure réitérant ses prétentions, Mme K... n'établissait pas que les sommes litigieuses avaient été prêtées à M. A... et devaient être remboursées ; qu'il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme U...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR, réformant le jugement entrepris, débouté Madame U..., épouse K..., de sa demande tendant à la condamnation de Monsieur A... à lui verser la somme de 90.707 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2000 et jusqu'à parfait paiement, outre indemnités au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « attendu qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil (devenu 1353) celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; Attendu que l'existence entre les parties d'une relation sentimentale lors de la remise à Monsieur A... des chèques litigieux caractérise l'existence d'une impossibilité morale d'établir un écrit au moment de la délivrance des fonds ; Attendu que Monsieur X... A... n'a pas contesté la remise par Madame B... U... de 4 chèques de banque dont cette dernière a versé des photocopies aux débats, le premier de 300.000 FF en date du 6 juillet 1999, le second et le troisième de 50.000 FF chacun en date du 1er septembre 1999, le quatrième de 195.000 FF en date du 27 septembre 1999 et qu'il n'a pas contesté non plus avoir encaissé lesdits chèques ; Attendu qu'il résulte de l'audition réalisée sur commission rogatoire le 15 février 2002 d'un préposé de l'agence Saint Laurent du Var du CIC Lyonnaise détentrice des comptes bancaires de Mme U..., cliente de la banque de plusieurs années qu'en 1999 cette dernière a déposé une grosse somme d'argent sur le compte de ses enfants provenant de notaires à la suite d'une succession et par la suite lui a demandé d'établir quatre chèques de banque à des dates différentes en lui confiant qu'ils étaient destinés à financer un prêt qu'elle avait consenti à Monsieur A... ; Attendu que si cette déposition recueillie sous serment permet d'établir la réalité du dépôt à la banque par Madame U... d'importantes sommes d'argent, dont le montant n'est toutefois pas précisé, et éventuellement leur origine, elle n'est pas de nature à prouver la réalité du prêt dès qu'une telle affectation des chèques signés au profit de Monsieur X... A... ne repose que sur les affirmations de leur signataire et n'a fait de la part de son banquier l'objet d'aucune constatation personnelle ; Qu'il en va de même des autres auditions recueillies auprès de divers membres de l'entourage de Mme U... qui ont rapporté les propos de cette dernière affirmant avoir consenti le prêt qu'elle invoque ; Attendu en conséquence qu'à défaut de tout autre élément extérieur que la lettre de mise en demeure réitérant cette affirmation, la remise des chèques litigieux, pas plus que leur encaissement, qui n'emportent pas en eux-mêmes obligation de la part de la leur destinataire à remboursement, n'établissent pas la preuve d'un prêt consenti par leur auteur à leur bénéficiaire ; Qu'il s'ensuit que Mme U... n'est pas fondée à réclamer le paiement du montant des quatre chèques de banque remis à Monsieur X... A... et que le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a accueilli sa demande ; Attendu que si Monsieur X... A... a prétendu que l'émission des chèques litigieux avait été réalisée en vue du remboursement d'un prêt de 700.000 FF qu'il avait lui-même consenti à Mme U... à l'époque de leur liaison qui fonderait sa réclamation reconventionnelle au paiement d'un solde représentant la différence entre le montant des chèques de banque qu'il a encaissé et celui du prêt dont il se prévaut, il a produit à cette fin deux chèques en provenance du chéquier de cette dernière d'un montant de 100.000 FF et de 600.000 FF qui ont donné lieu à des poursuites à l'issue desquelles la juridiction pénale l'a définitivement condamné pour usage de faux après qu'il ait été établi que la signature y figurant n'était pas celle de Mme U... ; Attendu qu'en l'absence de la signature de Mme U... sur ces deux chèques également dépourvus de date, la corrélation entre les chèques de banque et les chèques falsifiés sur laquelle se fonde Monsieur X... A... pour étayer ses prétentions ne peut non plus être établie ; que les circonstances que les ressources de Monsieur X... A... lui aurait permis de consentir un prêt d'un tel montant et qu'il avait l'habitude d'avances des fonds aux membres de son entourage ne sont pas plus de nature à établir la réalité de ce prêt, en sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle » ;

1°) ALORS QUE, lorsque le créancier s'est trouvé dans l'impossibilité morale d'établir un contrat de prêt par écrit et qu'il est ainsi autorisé à rapporter par tous moyens la preuve de l'obligation à restitution des fonds, les juges sont tenus d'examiner toutes les présomptions, indices et circonstances qu'il invoque à cette fin et notamment le comportement et l'argumentation du défendeur, pour déterminer l'existence de l'obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'était caractérisée l'impossibilité morale pour Madame K... d'établir un écrit au moment de la remise des fonds litigieux, d'autre part, que Monsieur A... n'avait pas contesté avoir reçu de l'exposante, et avoir encaissé les quatre chèques et, de troisième part, que, si celui-ci avait prétendu que la remise desdits chèques avait été causée par un prêt qu'il aurait fait à Madame K..., cette argumentation était mal fondée pour être notamment contredite par la condamnation pénale prononcée à son encontre ; qu'en jugeant pourtant que Madame K... ne rapportait pas la preuve que les sommes litigieuses avaient été remises à Monsieur A... dans le cadre d'un prêt et devaient donc lui être remboursées, sans rechercher si, comme le soutenait Madame K... et conformément au raisonnement des premiers juges, le fait que Monsieur A... n'ait jamais prétendu que l'opération aurait constitué un don et le fait qu'il se soit contenté tout au long de la procédure d'une explication reconnue fausse pour justifier la remise des fonds sans fournir aucun raisonnement alternatif à la qualification de prêt qui soit de nature à expliquer l'opération litigieuse, ne constituaient pas des indices de nature à fonder une présomption et à démontrer l'existence de l'obligation invoquée par l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 (devenu art. 1353) et 1353 (devenu art. 1382) du Code civil ;

2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE, obligés de trancher le litige conformément aux règles de droit, les juges du fond doivent donner leur exacte qualification juridique aux actes litigieux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que Madame K... ne rapportait pas la preuve que les sommes litigieuses avaient été remises à Monsieur A... dans le cadre d'un prêt et qu'elles devaient donc lui être remboursées, tout en écartant comme fausse la qualification revendiquée par ce dernier ; qu'en statuant ainsi, sans qualifier juridiquement l'acte passé entre les parties, bien que l'absence d'autre qualification envisageable ait été de nature à démontrer que l'opération en cause ne pouvait constituer qu'un prêt, la cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-16774
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 19 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jui. 2019, pourvoi n°18-16774


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16774
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