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19/06/2019 | FRANCE | N°18-12671

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 juin 2019, 18-12671


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 décembre 2017), que Mme L..., avocate titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat délivré en Algérie et inscrite au barreau d'Alger, a sollicité son inscription au barreau des Hauts-de-Seine, sur le fondement, notamment, de l'article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ;

Attendu que Mme L... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

/ que l'alinéa 3 de l'article 15 du Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 196...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 décembre 2017), que Mme L..., avocate titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat délivré en Algérie et inscrite au barreau d'Alger, a sollicité son inscription au barreau des Hauts-de-Seine, sur le fondement, notamment, de l'article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ;

Attendu que Mme L... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'alinéa 3 de l'article 15 du Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 dispose que « les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée » ; que l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 subordonne l'accès à la profession d'avocat à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat sans exiger qu'il ait été délivré par les autorités françaises, ainsi que l'arrêt le constate, si bien qu'en rejetant la demande de Mme L... motif pris de ce que le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont elle est titulaire lui a été délivré en Algérie, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les textes précités ;

2°/ qu'il résulte de l'article 5 de la déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 relative à la coopération culturelle entre la France et l'Algérie que « les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examen, sont valables de plein droit dans les deux pays » ; qu'en affirmant par un motif purement abstrait que les programmes du CAPA en France et en Algérie ne peuvent être délivrés dans les mêmes conditions de programme sans s'expliquer sur les différences concrètes faisant obstacle à la validité en France du diplôme obtenu par Mme L... en Algérie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu que l'article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 prévoit qu'à titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays peuvent demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée ; que, selon le dernier alinéa de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2018-310 du 27 avril 2018 relative à l'exercice par les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne de l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui, l'avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen, s'il n'est pas titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, doit subir, pour pouvoir s'inscrire à un barreau français, les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ;

Attendu que le droit d'inscription à un barreau français ainsi conféré par cette disposition à un avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen est subordonné à la condition, soit d'être titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, soit, à défaut, de subir les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français ; que les connaissances en droit français exigées d'un avocat répondant à ces critères, aux fins de son inscription, et destinées à garantir les droits de la défense ainsi qu'une bonne administration de la justice devant les juridictions françaises, ne peuvent être considérées comme acquises que si le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont celui-ci se prévaut a été délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; que, par suite, en relevant que la condition édictée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, tenant à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, s'entend d'un titre délivré par les autorités françaises et que les programmes portant sur des matières dont les certificats d'aptitude à la profession d'avocat français et algérien sanctionnent la connaissance ne peuvent être identiques, dès lors que les droits enseignés en vertu de ces programmes sont différents, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par un motif purement abstrait, a rejeté à bon droit la demande d'inscription de Mme L... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme L... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme L....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du Conseil de l'Ordre des avocats du Barreau des Hauts-de-Seine refusant l'inscription au tableau de Mme B... L... ;

AUX MOTIFS QUE l'article 15 alinéa 3 du Protocole franco algérien du 28 août 1962 est ainsi rédigé:

"A titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée. Ils peuvent avoir accès à toutes les fonctions dans les organismes professionnels dans le cadre de la législation en vigueur dans chacun des deux pays" ;

que, conformément à l'article 55 de la Constitution française, ce protocole a une valeur supérieure à celle des lois et règlements et est applicable ; qu'il s'applique donc à la demande de Mme L... ;

Mais qu'il résulte des propres termes de cette disposition que les citoyens concernés doivent "satisfaire aux conditions légales requises pour" une telle inscription dans le pays où l'inscription est demandée ;

que cette obligation résulte du Protocole lui -même ; que celui-ci n'a donc pas besoin d'être dénoncé ou modifié pour que cette obligation s'impose ;

que la réciprocité n'est nullement remise en cause par ce renvoi aux conditions requises dans le "pays d'accueil", cette obligation s'imposant aux citoyens de chacun des deux pays et étant, donc, réciproque';

que l'identité de droits entre les ressortissants algériens résidant en France et les nationaux français est sans incidence sur l'obligation pour eux, en l'espèce, conformément au Protocole, de satisfaire aux "conditions légales requises" en France ;

que le Protocole subordonne donc expressément l'inscription au Barreau au respect de conditions légales du pays dans lequel l'inscription est demandée et, ainsi, au respect de la législation de ce pays ; qu'il renvoie en conséquence expressément à la législation interne de ce pays ; qu'il ne contient aucune réserve quant à la date de cette règlementation ; que ces conditions peuvent donc résulter d'une loi postérieure à cet accord ; qu'une loi interne, même postérieure au Protocole, peut donc, en application de celui-ci, subordonner l'inscription à une condition ;

que l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 précité impose à l'avocat ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen - et donc à un avocat algérien - de subir des épreuves de contrôle des connaissances "en droit français" s'il n'est pas titulaire du CAPA ;

que cet article ne vise pas expressément, contrairement à des dispositions concernant d'autres diplômes, un CAPA "français" soit délivré par des autorités françaises ;

que l'article 11 est inclus dans le chapitre sur l'organisation et l'administration de la profession ; qu'il fixe les conditions d'accès à la profession d'avocat ; que, parmi ces conditions, figure, sauf exception non applicable en l'espèce, celle d'être titulaire du CAPA ;

que, fixant les conditions d'accès à une profession règlementée en France, le CAPA visé ne peut s'entendre que du CAPA "français" ; que la loi française ne peut réglementer un CAPA "étranger" ;

que l'économie du texte qui prévoit des exceptions et qui permet à un avocat étranger non ressortissant de l'Union européenne de passer un examen de contrôle des connaissances en droit français renvoie à l'obtention d'un CAPA nécessairement délivré en France ;

que la condition prévue par ce texte évoque sans ambiguïté la détention d'un CAPA délivré par les CRFPA ;

que le Protocole renvoie l'inscription au Barreau au respect des conditions de la législation du pays dans lequel l'inscription est demandée soit, s'agissant de la France, à la détention d'un CAPA "français" ;

que l'article 5 de la Déclaration de principe relative à la coopération culturelle intégrée dans les "Accords d'Evian" énonce que "les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examens sont valables de plein droit dans les deux pays" ;

que cette disposition a, comme les traités, une valeur supra légale ;

Mais que les "programmes" ne peuvent être identiques, le droit enseigné étant différent ; que les diplômes relatifs à l'exercice de la profession d'avocat ne sont donc pas délivrés "dans les mêmes conditions de programme" ; que cette disposition n'est, dès lors, pas applicable ;

que l'alinéa 2 de cet article prévoit que "des équivalences entre les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans des conditions différentes de programme, de scolarité et d'examens seront établies par voie d'accords particuliers" ; qu'aucun "accord particulier" n'est intervenu'; qu'il ne résulte pas de cette Déclaration une équivalence des CAPA ;

que la Convention sur la reconnaissance des études, des diplômes et des grades de l'enseignement supérieur dans les Etats arabes et les Etats européens riverains conclue le 17 décembre 1976 prévoit l'assimilation des diplômes délivrés en l'espèce en Algérie à un diplôme de l'Etat en l'espèce français mais précise que "suivant la portée donnée à la reconnaissance, ces droits ont trait soit à la poursuite des études, soit à l'exercice d'une activité professionnelle, soit à ces deux fins à la fois"; que cette assimilation n'est donc pas automatique ;

que le droit français-auquel renvoie cette disposition - n'a pas posé le principe d'une reconnaissance ou d'une équivalence du CAPA obtenu dans un des Etats concernés avec le CAPA délivré en France ;

que Mme L... n'est donc pas, par équivalence, titulaire du CAPA exigé ;

qu'elle ne remplit pas les conditions lui permettant d'être inscrite dans un Barreau sans devoir se présenter au préalable à l'examen de contrôle des connaissances en droit français prévu par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ;

ALORS QUE l'alinéa 3 de l'article 15 du Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 dispose que "les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée" ; que l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 subordonne l'accès à la profession d'avocat à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat sans exiger qu'il ait été délivré par les autorités françaises, ainsi que l'arrêt le constate, si bien qu'en rejetant la demande de Mme L... motif pris de ce que le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont elle est titulaire lui a été délivré en Algérie, la cour d'appel , qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les textes précités ;

ALORS QU'il résulte de l'article 5 de la déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 relative à la coopération culturelle entre la France et l'Algérie que "les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examen, sont valables de plein droit dans les deux pays" ; qu'en affirmant par un motif purement abstrait que les programmes du CAPA en France et en Algérie ne peuvent être délivrés dans les mêmes conditions de programme sans s'expliquer sur les différences concrètes faisant obstacle à la validité en France du diplôme obtenu par Mme L... en Algérie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-12671
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Conditions - Article 11, dernier alinéa, de la loi du 31 décembre 1971 - Titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat - Certificat délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 - Exclusion - Cas - Certificat délivré en algérie

Le droit d'inscription à un barreau français conféré par l'article 11, dernier alinéa, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, à un avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen est subordonné à la condition, soit d'être titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, soit, à défaut, de subir les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français. Les connaissances en droit français exigées d'un avocat répondant à ces critères, aux fins de son inscription, et destinées à garantir les droits de la défense ainsi qu'une bonne administration de la justice devant les juridictions françaises, ne peuvent être considérées comme acquises que si le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont celui-ci se prévaut a été délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Par suite, rejette à bon droit la demande d'inscription d'un avocat titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat délivré en Algérie, la cour d'appel qui relève que la condition édictée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, tenant à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, s'entend d'un titre délivré par les autorités françaises et que les programmes portant sur des matières dont les certificats d'aptitude à la profession d'avocat français et algérien sanctionnent la connaissance ne peuvent être identiques, dès lors que les droits enseignés en vertu de ces programmes sont différents


Références :

article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962

article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 22 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jui. 2019, pourvoi n°18-12671, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12671
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