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19/06/2019 | FRANCE | N°17-19305

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2019, 17-19305


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 avril 2017), que la société Aperam Alloys Imphy (la société Aperam), entreprise du secteur sidérurgique, qui utilise, dans son établissement industriel d'Imphy, du gaz naturel pour les besoins de ses procédés métallurgiques, est assujettie à ce titre à la taxe intérieure de consommation de gaz naturel (TICGN) ; que l'administration des douanes, considérant que la société Aperam ne remplissait pas les conditions prévues par le dispositif d'exonération de la

TICGN, entré en vigueur le 1er avril 2008, en faveur d'une utilisation du...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 avril 2017), que la société Aperam Alloys Imphy (la société Aperam), entreprise du secteur sidérurgique, qui utilise, dans son établissement industriel d'Imphy, du gaz naturel pour les besoins de ses procédés métallurgiques, est assujettie à ce titre à la taxe intérieure de consommation de gaz naturel (TICGN) ; que l'administration des douanes, considérant que la société Aperam ne remplissait pas les conditions prévues par le dispositif d'exonération de la TICGN, entré en vigueur le 1er avril 2008, en faveur d'une utilisation du gaz à un double usage, au sens du 2° du I de l'article 265 C du code des douanes, lui a demandé de s'acquitter de la taxe pour la période commençant le 1er avril 2008, puis a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement (AMR) de la somme de 181 440 euros ; que sa contestation de l'AMR ayant été rejetée, la société Aperam a assigné l'administration des douanes en remboursement de cette somme ;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société Aperam fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le juge judiciaire des accises est pleinement compétent pour apprécier la validité des dispositions réglementaires qui sont le fondement normatif des impositions et a dès lors compétence pour connaître de leur constitutionnalité, sans que doive être préalablement posée une question prioritaire de constitutionnalité, laquelle ne concerne que les dispositions de nature législative ; qu'en se refusant à exercer le contrôle de constitutionnalité du décret réglementaire du 24 septembre 2008 au regard des normes constitutionnelles invoquées devant elle, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires résultant de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 61-1 de la Constitution ;

2°/ que le principe d'égalité devant l'impôt comporte comme composante le principe d'égalité devant la loi fiscale, qui exige que des contribuables placés dans des situations semblables fassent l'objet d'un traitement identique et que le législateur ne puisse déroger à cette exigence qu'en réglant de façon différente des situations différentes ou pour des raisons d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi, c'est-à-dire en l'espèce avec l'exonération législative de l'utilisation de produits énergétiques à double usage, dont fait partie le gaz utilisé comme combustible dans les procédés métallurgiques en débat ; que la société Aperam soutenait que les procédés métallurgiques qu'elle mettait en oeuvre répertoriées sous les rubriques de la nomenclature ICPE n° 2560 (laminage à chaud), 2561 (traitement thermique), 2564 et 2565 (décapage) et qui n'avaient pas été exonérés de la TICGN, ne se distinguaient nullement, au regard de la notion de double usage, de ceux exonérés par l'article 3 du décret du 24 septembre 2008 (code ICPE 2545) et que cette absence de distinction se manifestait de façon éclatante par la circonstance que le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012 avait modifié l'article 3 du décret du 24 septembre 2008 pour notamment y ajouter le code ICPE 2561, qui inclut le procédé de four de traitement de surface mis en oeuvre par la société Aperam ainsi que le procédé de laminage à chaud, ce qui montrait bien que le pouvoir réglementaire avait, en 2008, fixé une liste incomplète de procédés métallurgiques exonérés de la TICGN ; qu'en se bornant à relever que le code ICPE sous lequel sont classés des procédés correspond au traitement juridique de certaines installations particulières faisant l'objet d'une réglementation spécifique au titre du code de l'environnement en fonction de la gravité des dangers ou des inconvénients qu'elles peuvent présenter, sans caractériser en aucune façon en quoi les installations non exonérées comporteraient des dangers ou des inconvénients supérieurs ou différents de ceux relatifs aux installations exonérées et en invoquant, par une pure et péremptoire pétition de principe, la protection de l'environnement, la cour d'appel n'a nullement mis en exergue une situation différente ou des motifs d'intérêt général justifiant les différences de traitement au regard de l'objet de la loi ainsi indûment introduites par l'article 3 décret du 24 septembre 2008 et a, ce faisant, violé le principe d'égalité devant l'impôt, en tant qu'il inclut le principe d'égalité devant la loi fiscale résultant de la combinaison des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que le Conseil constitutionnel, par une décision du 29 janvier 2015, avait déclaré conforme à la Constitution le 2° du paragraphe I et le paragraphe II de l'article 265 C du code des douanes, en considérant que le législateur avait pu renvoyer au décret le soin de fixer des règles relatives à l'assiette des taxes intérieures de consommation dont un contribuable peut être exonéré lorsqu'un produit énergétique fait l'objet d'un « double usage », le moyen, qui invoque l'inconstitutionnalité du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008, ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Aperam fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'elle invoquait l'illégalité des dispositions du décret réglementaire du 24 septembre 2008 en ce qu'elles méconnaissaient les stipulations combinées des articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1 du premier protocole additionnel à cette Convention, dont il résulte la prohibition des discriminations en matière de protection du droit de propriété ; qu'en se fondant, pour écarter ce moyen d'inconventionnalité, uniquement sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, applicable à la loi et relative au principe d'égalité devant l'impôt ou au principe d'égalité devant les charges publiques, jurisprudence pourtant inopérante dès lors qu'elle exerçait un contrôle distinct de celui de sa constitutionnalité, la cour d'appel a donc violé les stipulations susvisées ;

Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt énonce que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un ou l'autre de ces cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il relève que la différence de traitement fiscal en cause découle de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) qui classe les entreprises en fonction de la gravité des dangers ou des inconvénients que peuvent présenter leurs différentes activités ou les substances différentes qu'elles utilisent, c'est-à-dire en fonction d'objectifs d'intérêt général, dont le droit à la protection de l'environnement ; qu'il retient que le décret qui exonère de TICGN certaines activités utilisant du gaz naturel par double usage selon le classement ICPE, en tenant compte de la situation différente des activités classées sous différents codes, n'est pas discriminatoire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe de non-discrimination consacré par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Aperam Alloys Imphy aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur régional des douanes et droits indirects de Bourgogne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf et signé par Mme Orsini, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme RIFFAULT-SILK.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Aperam Alloys Imphy.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de l'exposante ;

AUX MOTIFS QUE « l'appelante prétend que le décret du 24 septembre 2008 viole le principe d'égalité devant l'impôt dès lors que la loi ne fait pas de différence entre les procédés métallurgiques taxables ou exonérés lesquels doivent être traités de la même manière lorsqu'ils appliquent le double usage du gaz naturel, et qu'il viole également le principe d'égalité devant les charges publiques, puisqu'il est impossible de justifier la différence entre procédés métallurgiques taxables ou exonérés par des critères objectifs et rationnels ; qu'elle se prévaut également d'une violation de la liberté d'entreprendre, la distinction opérée par le décret risquant d'instaurer des distorsions de concurrence, et d'une violation du droit de propriété, dès lors que, par cette restriction, le pouvoir réglementaire l'exclut du bénéfice de l'exonération de taxe qui conduit à une taxation portant atteinte à son droit de propriété ; qu'il est constant que la déclaration des droits de 1789 fait partie du bloc de constitutionnalité, ayant été intégrée dans le préambule de la Constitution de 1958 ; qu'il n'entre pas dans les attributions du juge judiciaire d'apprécier la constitutionnalité d'un texte réglementaire ou législatif, cette appréciation relevant de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité ; que l'exception d'inconstitutionnalité du décret du 24 septembre 2008 ne pourra dès lors qu'être rejetée » ;

ALORS QUE le juge judiciaire des accises est pleinement compétent pour apprécier la validité des dispositions réglementaires qui sont le fondement normatif des impositions et a dès lors compétence pour connaître de leur constitutionnalité, sans que doive être préalablement posée une question prioritaire de constitutionnalité, laquelle ne concerne que les dispositions de nature législative ; qu'en se refusant à exercer le contrôle de constitutionnalité du décret réglementaire du 24 septembre 2008 au regard des normes constitutionnelles invoquées devant elle, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires résultant de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 61-1 de la Constitution.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de l'exposante ;

AUX MOTIFS QU' « aucune discrimination ne peut être utilement invoquée par l'appelante dès lors que le Conseil constitutionnel a déjà jugé que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur traite de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général ; que le code ICPE sur lequel sont classées les entreprises correspond au traitement juridique de certaines installations particulières faisant l'objet d'une réglementation spécifique au titre des dispositions législatives et réglementaires du code de l'environnement en fonction de la gravité des dangers et des inconvénients qu'elles peuvent présenter de par leurs activités, c'est-à-dire en fonction d'objectifs d'intérêt général, dont le droit à la protection de l'environnement ; que, par ailleurs, la SAS Aperam Alloys Imphy ne justifie pas du caractère confiscatoire de la TICGN, ni de ce que cette taxe constituerait une charge excessive au regard de ses facultés contributives, conditions posées par le Conseil constitutionnel au droit reconnu au législateur de déroger au principe d'égalité, de sorte qu'aucune violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est caractérisée par l'appelante » ;

1°) ALORS QUE l'exposante invoquait l'illégalité des dispositions du décret réglementaire du 24 septembre 2008 en ce qu'elles méconnaissaient les stipulations combinées des articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1 du premier protocole additionnel à cette Convention, dont il résulte la prohibition des discriminations en matière de protection du droit de propriété ; qu'en se fondant, pour écarter ce moyen d'inconventionnalité, uniquement sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, applicable à la loi et relative au principe d'égalité devant l'impôt ou au principe d'égalité devant les charges publiques, jurisprudence pourtant inopérante dès lors qu'elle exerçait un contrôle distinct de celui de sa constitutionnalité, la cour d'appel a donc violé les stipulations susvisées ;

2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le principe d'égalité devant l'impôt comporte comme composante le principe d'égalité devant la loi fiscale, qui exige que des contribuables placés dans des situations semblables fassent l'objet d'un traitement identique et que le législateur ne puisse déroger à cette exigence qu'en réglant de façon différente des situations différentes ou pour des raisons d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi, c'est-à-dire en l'espèce avec l'exonération législative de l'utilisation de produits énergétiques à double usage, dont fait partie le gaz utilisé comme combustible dans les procédés métallurgiques en débat ; que l'exposante soutenait que les procédés métallurgiques qu'elle mettait en oeuvre répertoriées sous les rubriques de la nomenclature ICPE n° 2560 (laminage à chaud), 2561 (traitement thermique), 2564 et 2565 (décapage) et qui n'avaient pas été exonérés de la TICGN, ne se distinguaient nullement, au regard de la notion de double usage, de ceux exonérés par l'article 3 du décret du 24 septembre 2008 (code ICPE 2545) et que cette absence de distinction se manifestait de façon éclatante par la circonstance que le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012 avait modifié l'article 3 du décret du 24 septembre 2008 pour notamment y ajouter le code ICPE 2561, qui inclut le procédé de four de traitement de surface mis en oeuvre par l'exposante ainsi que le procédé de laminage à chaud, ce qui montrait bien que le pouvoir réglementaire avait, en 2008, fixé une liste incomplète de procédés métallurgiques exonérés de la TICGN ; qu'en se bornant à relever que le code ICPE sous lequel sont classés des procédés correspond au traitement juridique de certaines installations particulières faisant l'objet d'une réglementation spécifique au titre du code de l'environnement en fonction de la gravité des dangers ou des inconvénients qu'elles peuvent présenter, sans caractériser en aucune façon en quoi les installations non exonérées comporteraient des dangers ou des inconvénients supérieurs ou différents de ceux relatifs aux installations exonérées et en invoquant, par une pure et péremptoire pétition de principe, la protection de l'environnement, la cour d'appel n'a nullement mis en exergue une situation différente ou des motifs d'intérêt général justifiant les différences de traitement au regard de l'objet de la loi ainsi indûment introduites par l'article 3 décret du 24 septembre 2008 et a, ce faisant, violé le principe d'égalité devant l'impôt, en tant qu'il inclut le principe d'égalité devant la loi fiscale résultant de la combinaison des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-19305
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 11 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jui. 2019, pourvoi n°17-19305


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lesourd

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.19305
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