LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 7 décembre 2018), et les pièces de la procédure, que M. O... a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation le 14 novembre 2018, sur décision du représentant de l'État dans le département, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, lequel a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de poursuite de la mesure d'hospitalisation sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code ;
Sur l'irrecevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur de l'hôpital Maison Blanche-Bichat, relevée d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique ;
Attendu que le pourvoi formé contre le directeur de l'hôpital Maison Blanche-Bichat, qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. O... fait grief à l'ordonnance de prescrire la poursuite de son hospitalisation complète, alors, selon le moyen :
1°/ que l'admission en soins psychiatriques d'une personne atteinte de troubles mentaux prononcée par le représentant de l'État doit être justifiée par le constat que le patient souffre de troubles mentaux qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; qu'en se bornant à retenir, pour ordonner la poursuite de l'hospitalisation de M. O..., qu'il s'évince de l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure que M. O... présente des troubles importants du comportement dont il n'a pas réellement conscience, sans constater ni que ses troubles compromettraient la sûreté des personnes, ni qu'ils porteraient atteinte de façon grave à l'ordre public, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-1, L. 3213-1 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique et de l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en retenant, pour ordonner la poursuite de l'hospitalisation de M. O..., que ce dernier aurait fait usage d'une arme à feu à son domicile, quand ce dernier contestait détenir une telle arme, le premier président de la cour d'appel s'est prononcé par des motifs dubitatifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en retenant, pour ordonner la poursuite de l'hospitalisation de M. O..., que ce dernier aurait fait usage d'une arme à feu à son domicile sans préciser sur quel élément de preuve reposait ce fait qui n'était établi par aucune pièce du dossier, le premier président de la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que l'hospitalisation complète sans son consentement d'une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l'intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en se bornant à relever que M. O... présentait des troubles du comportement dont il n'avait pas réelle conscience, sans préciser toutefois la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu'une surveillance médicale régulière, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-2-1 et L. 3211-3 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que la brigade de recherche et d'intervention était intervenue le 13 novembre 2018 au domicile de M. O..., alors que des voisins indiquaient l'avoir surpris avec une arme, l'ordonnance relève qu'il résulte de l'avis médical motivé du 21 novembre 2018 que l'intéressé, adressé par l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police du fait de la verbalisation d'éléments de délire à thématique de persécution et d'interprétation avec participation affective, n'a aucune conscience de ses troubles ; qu'elle ajoute que le certificat médical de situation du 4 décembre 2018 met en évidence que le patient présente un discours flou et hermétique dans lequel prédominent des idées délirantes de persécution et de mégalomanie ; qu'en l'état de ces énonciations, faisant ressortir que M. O... présentait des troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou de nature à porter atteinte, de façon grave, à l'ordre public, le premier président en a déduit la nécessité de poursuivre les soins sous la forme d'une hospitalisation complète ; qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par les deuxième et troisième branches, il a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur de l'hôpital Maison Blanche-Bichat ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le préfet de police et le procureur général près la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. O... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. O...
Il est fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée d'AVOIR ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète dont fait l'objet M. Philippe O... ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 3213-1 du code de la santé publique dispose que le représentant de l'État dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; que selon l'article L. 3211-12-1 du même code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'État dans le département ou par le directeur de l'établissement de soins, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission ; qu'en cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces médicales figurant au dossier, notamment de l'avis médical motivé du 21 novembre 2018, que M. Philippe O... a été adressé par l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police du fait de la verbalisation d'élément de délire à thématique de persécution et d'interprétation avec participation affective ; qu'il est rappelé que la police est intervenue le 13/11/18 à son domicile après intervention nécessaire de la BRI alors que des voisins rapportaient l'avoir surpris avec une arme et que des détonations de coups de feu auraient été entendues ; qu'à l'examen le patient est calme, plutôt coopérant, méfiant, rigide et parfois sténique ; qu'il ne comprend pas pourquoi il se trouve à l'hôpital ; que des idées délirantes de persécution de mécanismes intuitif et interprétatif ; qu'il croit que ses voisins se joueraient de lui, fausseté du jugement ; qu'isolement, n'a aucune conscience de ses troubles, agnosie totale ; qu'il est conclu à la nécessité de la poursuite des soins sans consentement en hospitalisation complète ; que le certificat médical de situation du 4 décembre 2018 décrit un patient calme le jour de l'examen, qui ne pose pas de problème au sein de l'unité, le contact étant relativement bon mais qui reste méfiant et rigide, ; qu'il présente un discours flou et hermétique dans lequel prédominent des idées délirantes de persécution et de mégalomanie ; qu'il multiplie les procédures pour faire appel de son hospitalisation actuelle ; qu'anosognosie totale rendant impossible pour lui la compréhension de cette hospitalisation ; qu'il est conclu à la nécessité de poursuite de la mesure d'hospitalisation complète ; qu'eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure, il apparait que M. Philippe O... présente des troubles importants du comportement dont il n'a pas réellement conscience justifiant la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte, il convient de confirmer l'ordonnance querellée ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE selon l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, le représentant de l'État dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux : 1. nécessitent des soins 2. et compromettent la sûreté des personnes ou portent attente de façon grave à l'ordre public ; que selon l'article L. 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre, sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'État, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission ; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement ; que M. Philippe O... fait l'objet, depuis une décision d'admission en date du 14 novembre 2018, d'une mesure de soins psychiatriques ; que par requête du 19 novembre 2018, reçu le 20 novembre 2018, le préfet de Police nous saisit pour que la poursuite de cette mesure soit ordonnée ; que le conseil de M. Philippe O... sollicite une expertise de l'intéressé ; qu'il ressort du certificat médical des 24 heures que l'intéressé a été hospitalisé en 2016 et bénéficiait d'un suivi au CMP, étant en rupture de soins depuis plusieurs mois, le certificat mentionnant des idées délirantes de persécution de mécanisme intuitif et interprétatif ; que le certificat du 14 novembre 2018 indiquait un vécu persécutif et des éléments délirants ; que les éléments du certificat des urgences du 14 novembre étant suffisamment précis comme les autres pièces médicales, la demande d'expertise sera rejetée ; que M. Philippe O... a été hospitalisé alors qu'il aurait fait usage d'arme à feu à son domicile, présentant des éléments délirants ; qu'il ressort des pièces médicales que M. Philippe O... était en rupture de suivi depuis plusieurs mois, qu'il exprime encore des idées délirantes ; qu'il est anosognosique et ne peut donc pas consentir aux soins de manière éclairée ; que son état de santé impose des soins psychiatriques assortis d'une surveillance médicale constante et justifie la poursuite de l'hospitalisation complète ; que la requête sera dès lors accueillie et la poursuite de l'hospitalisation complète ordonnée ;
1°) ALORS QUE l'admission en soins psychiatriques d'une personne atteinte de troubles mentaux prononcée par le représentant de l'Etat doit être justifiée par le constat que le patient souffre de troubles mentaux qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; qu'en se bornant à retenir, pour ordonner la poursuite de l'hospitalisation de M. O..., qu'il s'évince de l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure que M. O... présente des troubles importants du comportement dont il n'a pas réellement conscience, sans constater ni que ses troubles compromettraient la sûreté des personnes, ni qu'ils porteraient atteinte de façon grave à l'ordre public, le premier Président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-1, L. 3213-1 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique et de l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en retenant, pour ordonner la poursuite de l'hospitalisation de M. O..., que ce dernier aurait fait usage d'une arme à feu à son domicile, quand ce dernier contestait détenir une telle arme, le premier Président de la cour d'appel s'est prononcé par des motifs dubitatifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en retenant, pour ordonner la poursuite de l'hospitalisation de M. O..., que ce dernier aurait fait usage d'une arme à feu à son domicile sans préciser sur quel élément de preuve reposait ce fait qui n'était établi par aucune pièce du dossier, le premier Président de la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, l'hospitalisation complète sans son consentement d'une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l'intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en se bornant à relever que M. O... présentait des troubles du comportement dont il n'avait pas réelle conscience, sans préciser toutefois la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu'une surveillance médicale régulière, le premier Président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-2-1 et L. 3211-3 du code de la santé publique et l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.