LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué, (tribunal d'instance de Paris, 14 novembre 2018), que le syndicat Rassemblement syndical RATP (RS-RATP) a présenté aux élections des membres du comité social et économique de la RATP des listes de candidats au premier collège de l'établissement n° [...] ; que contestant que le syndicat remplisse la condition de transparence financière, la RATP a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des listes de candidatures ;
Attendu que le syndicat fait grief au jugement de dire qu'il ne remplit pas la condition de transparence financière et d'annuler les listes de candidature, alors, selon le moyen :
1°/ que le critère de transparence financière doit être considéré comme satisfait lorsque les documents comptables dont la loi impose la confection sont publiés, peu important le non-respect, par le syndicat, des obligations comptables prévues par ses statuts ; que, par ailleurs, les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière d'un syndicat, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d'autres documents que le juge doit examiner ; qu'en considérant que le syndicat RS-RATP ne remplissait par la condition de transparence financière, après avoir pourtant relevé qu'il avait publié ses comptes au titre des années 2015 à 2017, que ces comptes sont établis sous forme chronologique, en distinguant les ressources des dépenses, et pour les ressources en mentionnant les versements en espèces et ceux par chèques, qu'il n'est fait aucune mention de références de pièces justificatives mais que les éléments versés aux débats permettent de compléter utilement cette publication et d'établir que les données présentes dans ces comptes chronologiques correspondant exactement aux données figurant sur les relevés bancaires du syndicat, aux bulletins d'adhésion, aux récépissés de dépôt de chèques et de dépôt d'espèces et donc que le relevé chronologique publié correspond aux éléments comptables concrets du syndicat, le tribunal d'instance, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;
2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en relevant, pour en déduire que le syndicat ne remplissait pas le critère de la transparence financière, qu'il ne produit aucun élément permettant d'établir que les comptes clos et publiés ont été approuvés par l'assemblée générale conformément aux statuts, cependant que l'employeur ne contestait pas l'existence de cette approbation, le tribunal d'instance, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que le critère de transparence financière doit être considéré comme satisfait lorsque les documents comptables dont la loi impose la confection sont publiés, peu important le non-respect, par le syndicat, des obligations comptables prévues par ses statuts ; qu'en l'espèce, le tribunal a relevé, pour en déduire que la condition de transparence financière n'était pas remplie, qu'aucun élément présenté par le syndicat ne permet d'établir que les comptes clos et publiés ont été approuvés par l'assemblée générale conformément aux statuts, que s'agissant du versement des cotisations, les statuts prévoient une cotisation forfaitaire et annuelle, laquelle peut être réduite par décision du bureau syndical, qu'il n'y a pas eu de décision du bureau sur ce point puisque le syndicat soutient que des cotisations partielles de 2017 ont été régularisées en 2018 et présente la comptabilité de 2018 en ce sens, que cette régularisation demeure contraire aux statuts, lesquels imposent le paiement de l'intégralité de la cotisation au cours de l'année civile d'adhésion, que la présence d'un seul adhérent en 2016 et la réalisation de dépenses uniquement de frais bancaires en 2016 et 2017, ne peuvent établir à eux-seuls l'existence d'irrégularités comptables et de dissimulation mais démontrent la fragilité des adhésions et des cotisations d'un syndicat créé récemment ; qu'en se fondant sur ces considérations, impropres à établir l'absence de transparence financière, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;
4°/ que la transparence financière du syndicat doit être appréciée au moment où la prérogative syndicale est exercée ; qu'en se fondant sur des irrégularités comptables commises en 2017, cependant qu'il lui appartenait d'apprécier la condition de transparence financière au moment du dépôt des listes de candidats présentées par le syndicat et, partant, sans s'arrêter aux irrégularités affectant les comptes de 2017, de tenir compte des régularisations opérées en 2018, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;
5°/ et en tout état de cause, qu'en considérant, après avoir relevé que des cotisations 2017 ont été régularisées en 2018, que cette régularisation demeure contraire aux statuts, lesquels imposent le paiement de l'intégralité de la cotisation au cours de l'année civile d'adhésion, quand lesdits statuts indiquaient que la cotisation pouvait « être payée en plusieurs fois » sans exiger que ce paiement intervienne nécessairement au cours de l'année de référence, le tribunal d'instance a dénaturé les statuts du syndicat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Mais attendu que le tribunal d'instance, après avoir examiné les comptes publiés par le syndicat pour les années 2015 à 2017, a constaté que ces comptes n'avaient pas été approuvés par l'organe statutaire compétent pour le faire, qu'il a pu en déduire que ces comptes ne correspondaient pas aux obligations prévues par les articles L. 2135-1 et L. 2135-4 du code du travail et que le syndicat ne remplissait pas la condition de transparence financière ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour le syndicat Rassemblement syndical RATP et trente et un autres demandeurs.
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR dit que le syndicat RS-RATP ne remplissait pas la condition de transparence financière et, en conséquence, D'AVOIR annulé les listes de candidats présentées par le syndicat RS-RATP dans le cadre du premier tour des élections des représentants du personnel, titulaires et suppléants, au sein du premier collège « opérateur » du comité social et économique d'établissement n° [...] » ;
AUX MOTIFS QUE, par application des articles L. 2314-5 et L. 2314-29 du code du travail, sont habilités à présenter des listes de candidats au premier tour des élections professionnelles, les organisations syndicales « qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise ou l'établissement concernés » ; qu'ainsi que « les organisations syndicales reconnues représentatives dans l'entreprise ou l'établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel » ; que selon l'article L. 2121-1 du code du travail, « la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° le respect des valeurs républicaines, 2° l'indépendance, 3° la transparence financière, 4° une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts, 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9, 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations » ; que conformément à l' article D. 2135-8 du code, « les syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et leurs unions, et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures à 230 000 euros à la clôture d'un exercice assurent la publicité de leurs comptes (...) soit dans les conditions prévues à l'article D. 2135-7, soit par publication sur leur site internet ou, à défaut de site, en direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. A cette fin, ils transmettent, le cas échéant par voie électronique, leurs comptes accompagnés (...) du livre mentionné à l'article D. 2135-4 5 à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le ressort de laquelle est situé leur siège social » ; que l'article D. 2135-4 du code du travail précise que « les comptes annuels des syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et de leurs unions, et des associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures à 2 000 euros à la clôture d'un exercice peuvent être établis sous la forme d'un livre mentionnant chronologiquement le montant et l'origine des ressources qu'ils perçoivent et des dépenses qu'ils effectuent, ainsi que les références aux pièces justificatives. Pour les ressources, il distingue les règlements en espèces des autres règlements. Une fois par année civile, un total des ressources et des dépenses est établi » ; que, selon l'article L. 2135-4 du code du travail, « les comptes sont arrêtés par l'organe chargé de la direction et approuvés par l'assemblée générale des adhérents ou par un organe collégial de contrôle désigné par les statuts » ; que le syndicat doit ainsi satisfaire au critère de transparence financière exigé par les articles susvisés de manière autonome et permanente à l'occasion de chaque exercice des prérogatives syndicales dans l'entreprise ; que la publicité des comptes permet d'assurer une diffusion des informations comptables mais ne suffit pas à répondre à l'obligation de transparence financière dans la mesure où il est nécessaire que soient publiés des éléments comptables réguliers et que des éléments de publication insuffisants peuvent être complétés par tous éléments de preuve ; qu'en l'espèce, le syndicat RS-RATP établit avoir publié des comptes 2015, 2016 et 2017 (respectivement ses pièces 20, 19 et 14) ; que ces comptes sont établis sous forme chronologique, en distinguant les ressources des dépenses, et pour les ressources en mentionnant les versements en espèces et ceux par chèques ; qu'il n'est fait aucune mention de références de pièces justificatives ; que toutefois sur ce point, les éléments versés aux débats à l'audience permettent de compléter utilement cette publication et d'établir que les données présentes dans ces comptes chronologiques correspondant exactement : aux données figurant sur les relevés bancaires du syndicat, aux bulletins d'adhésion, aux récépissés de dépôt de chèques et de dépôt d'espèces et donc que le relevé chronologique publié correspond aux éléments comptables concrets du syndicat ; que cependant il est également possible de relever les irrégularités suivantes : le non-respect de l'article L. 2135-4 du code du travail dans la mesure où aucun élément présenté par le syndicat ne permet d'établir que les comptes clos et publiés ont été approuvés par l'assemblée générale conformément aux statuts (article 6 paragraphe intitulé : rôle du trésorier), notamment le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 7 août 2018 ne contient aucune mention relative à l'approbation des comptes, le non-respect des statuts quant au versement des cotisations ; qu'en effet sur ce point, les statuts prévoient une cotisation forfaitaire et annuelle, laquelle peut être réduite par décision du bureau syndical ; qu'il n'y a pas eu de décision du bureau sur ce point puisque le syndicat soutient que des cotisations partielles de 2017 ont été régularisées en 2018 et présente la comptabilité de 2018 en ce sens ; que cependant cette régularisation demeure contraire aux statuts, lesquels imposent le paiement de l'intégralité de la cotisation au cours de l'année civile d'adhésion (article 5 des statuts : la cotisation est forfaitaire et annuelle) ; qu'enfin la présence d'un seul adhérent en 2016 et la réalisation de dépenses uniquement de frais bancaires en 2016 et 2017, ne peuvent établir à eux-seuls l'existence d'irrégularités comptables et de dissimulation mais démontrent la fragilité des adhésions et des cotisations d'un syndicat créé récemment ; qu'il ressort donc de ces éléments qu'à défaut de respecter ses propres statuts, le syndicat ne peut se prévaloir de la condition de transparence financière, laquelle impose tant la publicité des comptes que leur régularité (mathématique comme statutaire) ; que ne réunissant pas cette condition de transparence financière, le syndicat n'est donc pas habilité à présenter des candidats aux élections de l'entreprise, notamment dans l'établissement considéré, ce qui permet d'accueillir la demande de la RATP ;
ALORS, 1°), QUE le critère de transparence financière doit être considéré comme satisfait lorsque les documents comptables dont la loi impose la confection sont publiés, peu important le non-respect, par le syndicat, des obligations comptables prévues par ses statuts ; que, par ailleurs, les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière d'un syndicat, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d'autres documents que le juge doit examiner ; qu'en considérant que le syndicat RS-RATP ne remplissait par la condition de transparence financière, après avoir pourtant relevé qu'il avait publié ses comptes au titre des années 2015 à 2017, que ces comptes sont établis sous forme chronologique, en distinguant les ressources des dépenses, et pour les ressources en mentionnant les versements en espèces et ceux par chèques, qu'il n'est fait aucune mention de références de pièces justificatives mais que les éléments versés aux débats permettent de compléter utilement cette publication et d'établir que les données présentes dans ces comptes chronologiques correspondant exactement aux données figurant sur les relevés bancaires du syndicat, aux bulletins d'adhésion, aux récépissés de dépôt de chèques et de dépôt d'espèces et donc que le relevé chronologique publié correspond aux éléments comptables concrets du syndicat, le tribunal d'instance, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;
ALORS, 2°), QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en relevant, pour en déduire que le syndicat ne remplissait pas le critère de la transparence financière, qu'il ne produit aucun élément permettant d'établir que les comptes clos et publiés ont été approuvés par l'assemblée générale conformément aux statuts, cependant que l'employeur ne contestait pas l'existence de cette approbation, le tribunal d'instance, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°), QUE le critère de transparence financière doit être considéré comme satisfait lorsque les documents comptables dont la loi impose la confection sont publiés, peu important le non-respect, par le syndicat, des obligations comptables prévues par ses statuts ; qu'en l'espèce, le tribunal a relevé, pour en déduire que la condition de transparence financière n'était pas remplie, qu'aucun élément présenté par le syndicat ne permet d'établir que les comptes clos et publiés ont été approuvés par l'assemblée générale conformément aux statuts, que s'agissant du versement des cotisations, les statuts prévoient une cotisation forfaitaire et annuelle, laquelle peut être réduite par décision du bureau syndical, qu'il n'y a pas eu de décision du bureau sur ce point puisque le syndicat soutient que des cotisations partielles de 2017 ont été régularisées en 2018 et présente la comptabilité de 2018 en ce sens, que cette régularisation demeure contraire aux statuts, lesquels imposent le paiement de l'intégralité de la cotisation au cours de l'année civile d'adhésion, que la présence d'un seul adhérent en 2016 et la réalisation de dépenses uniquement de frais bancaires en 2016 et 2017, ne peuvent établir à eux-seuls l'existence d'irrégularités comptables et de dissimulation mais démontrent la fragilité des adhésions et des cotisations d'un syndicat créé récemment ; qu'en se fondant sur ces considérations, impropres à établir l'absence de transparence financière, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;
ALORS, 4°), QUE la transparence financière du syndicat doit être appréciée au moment où la prérogative syndicale est exercée ; qu'en se fondant sur des irrégularités comptables commises en 2017, cependant qu'il lui appartenait d'apprécier la condition de transparence financière au moment du dépôt des listes de candidats présentées par le syndicat et, partant, sans s'arrêter aux irrégularités affectant les comptes de 2017, de tenir compte des régularisations opérées en 2018, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;
ALORS, 5°) et en tout état de cause, QU'en considérant, après avoir relevé que des cotisations 2017 ont été régularisées en 2018, que cette régularisation demeure contraire aux statuts, lesquels imposent le paiement de l'intégralité de la cotisation au cours de l'année civile d'adhésion, quand lesdits statuts indiquaient que la cotisation pouvait « être payée en plusieurs fois » sans exiger que ce paiement intervienne nécessairement au cours de l'année de référence, le tribunal d'instance a dénaturé les statuts du syndicat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis.