La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2019 | FRANCE | N°18-18855

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 juin 2019, 18-18855


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 34 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition du 23 juillet 1963 entre la France et le Gabon et l'article 370-3 du code civil ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que MM. K... et V... U... ont assigné Mme R... devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, pour voir déclarer inopposable en France, sur le fondement de la Convention précitée, le jugement rendu le 23 déce

mbre 2004 par le tribunal de première instance de Lambaréné (Gabon) prononçan...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 34 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition du 23 juillet 1963 entre la France et le Gabon et l'article 370-3 du code civil ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que MM. K... et V... U... ont assigné Mme R... devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, pour voir déclarer inopposable en France, sur le fondement de la Convention précitée, le jugement rendu le 23 décembre 2004 par le tribunal de première instance de Lambaréné (Gabon) prononçant l'adoption plénière de Mme R... par P... U..., leur père, qui est décédé le [...] ;

Attendu que, pour accueillir la demande de MM. U..., après avoir énoncé d'une part que l'article 370-3 du code civil est applicable, la loi française régissant les effets du mariage de l'adoptant, d'autre part, que ce texte impose que le représentant légal de l'enfant donne son consentement à l'adoption plénière, l'ordonnance relève qu'il ne résulte pas du jugement gabonais que ce consentement ait été recueilli ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la violation de l'article 370-3 du code civil ne peut être opposée à l'exequatur d'un jugement d'adoption gabonais, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 avril 2018, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Nantes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire ;

Condamne MM. K... et V... U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme R... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme R....

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré inopposable dans l'ordre juridique français le jugement gabonais n°86/2004-2005 rendu le 23 décembre 2004 par le tribunal de première instance de Lambaréné et prononçant l'adoption plénière de l'enfant J... R..., née le [...] à Lambaréné de nationalité gabonaise par monsieur P... U..., né le [...] à Meursac (17) et Y... S..., née le [...] à Lambaréné ;

Aux motifs qu'il est constant que l'action en inopposabilité exercée à l'encontre d'un jugement rendu par une juridiction gabonaise est soumise aux dispositions de l'article 36 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire d'exequatur des jugements et d'extradition du 23 juillet 1963 entre la France et le Gabon ; en conséquence, une telle action doit être exercée devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, dont la décision ne peut faire l'objet que d'un recours en cassation ; l'article 34 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire d'exequatur des jugements et d'extradition du 23 juillet 1963 entre la France et le Gabon dispose qu' « en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant sur le territoire de la République française et sur le territoire de la République du Gabon ont de plein droit autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat si elles réunissent les conditions suivantes : a) La décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée ; b) La décision a fait application de la loi applicable au litige en vertu des règles de solution des conflits de la loi admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée ; c) La décision est, d'après la loi de l'Etat où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution ; d) Les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ; e) La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée »; l'article 370-3 du code civil dispose que ‘les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l'un et l'autre époux la prohibe. L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. Quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant' ; en l'espèce, la loi française était donc applicable en ce qu'elle régissait les effets de l'union de P... U... et de Y... S... ; or le jugement gabonais ne fait pas référence au consentement du représentant de l'enfant en vue d'une adoption plénière ; il est fait référence à une décision du conseil de famille dont le procès-verbal en date du 13 novembre 2004 indiquait seulement que l'enfant J... est confiée à madame S... Y... (sa tante), épouse U... et qu'il s'agit « au cours de ce conseil de partager la responsabilité des enfants aux frères et soeurs de Feue B... X... D... décédée le [...] à Lambaréné » ; étant observé au surplus que le conseil de famille confie l'enfant à madame S... et non pas au couple U.../S... ; il n'est pas produit l'acte de naissance de J... privant ainsi la possibilité de vérifier l'existence ou l'absence de filiation paternelle ; si la filiation paternelle existait, il n'est pas produit d'acte de décès du père biologique ; si les deux parents étaient bien décédés, aucun consentement du conseil de famille n'a été recueilli en la forme authentique ou devant les agents diplomatiques et consulaires gabonais ; en conséquence, et sans remettre en question les liens d'affection ayant existé entre P... U... et J... R..., il convient de déclarer inopposable dans l'ordre juridique français le jugement gabonais n°86/2004-2005 rendu le 23 décembre 2004 par le tribunal de première instance de Lambaréné et prononçant l'adoption plénière de l'enfant J... R... née le [...] à Lambaréné de nationalité gabonaise par P... U... né le [...] à Meursac (17) et Y... S... née le [...] à Lambaréné ;

1°) Alors que la règle de droit matériel posée par l'article 370-3, alinéa 3, du code civil, concerne l'hypothèse où un juge français statue sur l'adoption ; qu'elle est, en revanche, inapplicable à l'hypothèse dans laquelle l'adoption résulte d'un jugement étranger ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé, par fausse application, l'article 370-3 alinéa 3 du code civil ;

2°) Alors que, en tout état de cause, la règle de droit matériel posée par l'article 370-3, alinéa 3, du code civil est en tout cas étrangère à l'hypothèse dans laquelle le juge français statue sur la base de l'article 34 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire d'exequatur des jugements et d'extradition du 23 juillet 1963 entre la France et le Gabon ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 34 de cette Convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-18855
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nantes, 26 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 jui. 2019, pourvoi n°18-18855


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18855
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award