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13/06/2019 | FRANCE | N°18-16833

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 juin 2019, 18-16833


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de la Loire (le Groupama) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. E... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 février 2018), que M. et Mme S... ont, sous la maîtrise d'oeuvre de M. E..., architecte, fait construire par M. V... , assuré auprès du Groupama, deux maisons d'habitation dont ils ont pris possession sans procès-verbal de réception ; que, s'étant p

laints, par lettre du 10 octobre 2010, de malfaçons sur l'enduit de l'une des ma...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de la Loire (le Groupama) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. E... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 février 2018), que M. et Mme S... ont, sous la maîtrise d'oeuvre de M. E..., architecte, fait construire par M. V... , assuré auprès du Groupama, deux maisons d'habitation dont ils ont pris possession sans procès-verbal de réception ; que, s'étant plaints, par lettre du 10 octobre 2010, de malfaçons sur l'enduit de l'une des maisons, de fuites des fenêtres de l'autre maison et de l'absence d'une porte de garage, M. et Mme S... ont, après expertise et obtention d'une provision, assigné en indemnisation le Groupama, qui a appelé en intervention forcée MM. V... et E... ;

Attendu que le Groupama fait grief à l'arrêt de constater la réception tacite le 30 septembre 2010 pour la maison "1e" et le 30 juin 2010 pour la maison "2" et de le condamner à payer diverses sommes à M. et Mme S... ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que, M. et Mme S... ayant fait construire deux maisons d'habitation, dont ils avaient pris possession en payant intégralement le prix des travaux le 30 juin 2010 pour l'une et le 30 septembre 2010 pour l'autre, rien ne s'opposait à ce que la réception de chacune des maisons fût prononcée à des dates différentes et relevé que les désordres avaient été dénoncés par une lettre du 10 octobre 2010 de sorte qu'ils étaient apparus après la réception, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu qu'ils auraient été apparents à la réception, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant et sans statuer par voie d'affirmation, que, la garantie décennale de M. V... étant engagée, le Groupama devait sa garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de la Loire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de la Loire et la condamne à payer à M. et Mme S... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de la Loire.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la réception tacite sans réserves le 30 septembre 2010 pour la maison 1 (située en fond de parcelle) et le 30 juin 2010 pour la maison 2 et d'AVOIR condamné la société Groupama Loire Bretagne à régler à Monsieur et Madame S... les sommes de 164 076,37 € au titre des travaux de reprise, ladite somme indexée sur le dernier indice du coût de la construction BT01 publié à la date du présent jugement, l'indice de référence étant le dernier publié au 7 septembre 2012 et de 6 000,00 € en réparation du trouble de jouissance ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la réception tacite des ouvrages, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a constaté la réception tacite des immeubles sans réserves après avoir caractérisé la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de les recevoir ; qu'il n'est au demeurant pas contesté que les travaux portaient sur la construction de deux maisons d'habitation sur la parcelle des époux S..., l'une au Nord et l'autre au Sud, constituant deux ensembles immobiliers distincts, comprenant chacun une maison et un garage et que les prises de possession sont intervenues à des dates différentes, à la fin des travaux de Monsieur V... , le 30 septembre 2010 pour la maison 1 au fond du jardin et le 30 juin 2010 pour la seconde, la chronologie du chantier ayant été entièrement vérifiée par l'expert au vu des factures produites ; que dès lors, rien ne s'opposait à ce que la réception soit prononcée à deux dates différentes, en fonction de la prise de possession de chaque ensemble immobilier ; que la société Groupama n'est pas fondée à opposer le principe d'unicité de réception qui s'applique à la réception par lots ou parties d'ouvrage ; que le jugement sera confirmé ; que, sur les désordres et la garantie de Groupama, les désordres affectant les deux maisons ont été dénoncés par un courrier du 10 octobre 2010 des époux S... ; qu'ils sont donc apparus postérieurement au 30 septembre 2010, date de la réception tacite de la maison 1, et, postérieurement au 30 juin 2010, date de la réception tacite de la maison 2 ; que Groupama ne rapporte pas la preuve de ce que les désordres en cause étaient apparents à la date de la réception et sa contestation sur leur date d'apparition n'est pas justifiée ; que le premier juge a justement retenu, en se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire, que tant les désordres de la maison 1 que ceux de la maison 2, qui occasionnent des infiltrations d'eau dans la maison, entraînent une impropriété à destination ; qu'en ce qui concerne le seuil de la baie coulissante en façade du séjour de la maison 1, si l'expert précise dans son rapport (page 6-point 2), ne pas avoir constaté d'infiltration d'eau à l'intérieur de l'habitation le jour de l'expertise, il a cependant bien fait ce constat sur la maison 2, suite à un arrosage extérieur des menuiseries (page 7- point 1) et il a relevé les mêmes défauts d'exécution sur les seuils des 2 maisons (seuil béton, appui et rejingot non conformes aux DTU) ; qu'en outre, il retient, pour les 2 maisons, que les infiltrations d'eau, sous la chape béton ou au droit des ouvrages, rendent l'ouvrage impropre à sa destination et il préconise leur démolition et réfection pour les deux maisons (page 9 et 10) ; que l'impropriété à destination des seuils des deux maisons, qui présentent les mêmes non conformités, doit donc être retenue ; que les désordres sont de nature décennale ; qu'ils engagent la responsabilité décennale de Monsieur V... et la garantie de Groupama est acquise ; que les sommes allouées à Monsieur et Madame S... au titre des travaux de reprise, du préjudice de jouissance et de l'article 700 ne sont au surplus pas contestées ; que Groupama sera par conséquent débouté de son appel incident et le jugement sera confirmé (arrêt, p. 6 et 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; que la qualité de maître de l'ouvrage est attachée à celle de propriétaire de l'immeuble et non d'occupant : en l'espèce, la demande de permis de construire établit que Monsieur et Madame S... sont propriétaires du terrain sur lequel les deux immeubles ont été construits, de sorte que l'argument tiré par la société Groupama de l'occupation de l'une des maisons par la fille des demandeurs pour en déduire qu'il n'y aurait pas eu de réception est inopérant ; que par ailleurs, la notion d'abandon de chantier, qui n'est de plus en l'espèce pas établie, n'est pas en soi incompatible avec celle de réception dans la mesure où la réception ne nécessite pas l'achèvement des travaux : ainsi, s'il convient de s'attacher à l'état d'avancement des travaux, il n'est cependant pas exigé que l'ouvrage soit terminé pour qu'une réception puisse être caractérisée mais il convient que l'ouvrage soit en état d'être reçu ; qu'en outre, l'article 1792-6 du code civil n'impose pas une date unique de réception et il sera rappelé qu'en l'espèce, les travaux confiés concernaient la construction de deux immeubles de sorte que rien ne s'oppose à l'existence d'une réception à deux dates différentes, l'une pour chaque ouvrage ; qu'enfin, pour qu'une réception tacite soit retenue, il est nécessaire de caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise (p. 12) que lors de la réunion du 25 février 2011, les maîtres de l'ouvrage et l'entrepreneur ont convenu que les travaux étaient entièrement terminés et payés ; que si la date n'est pas précisée, cependant il ressort des autres éléments du rapport (p. 5, 13 et 14) que les travaux étaient achevés et payés en septembre 2010 : l'argument de la société Groupama relatif au défaut de paiement d'une facture de 2 709,21 € ne peut donc pas être retenu étant précisé que si ce fait était avéré, la modicité de ce défaut de paiement ne ferait pas obstacle à une éventuelle réception tacite ; qu'enfin, l'expert indique (rapport p. 13) que l'occupation des lieux a eu lieu immédiatement en fonction de la fin des travaux pour chaque maison ; que de façon plus affinée et à l'examen d'un dire de Monsieur V... lors des opérations d'expertise (Annexe 15), il apparaît que la « maison 1 jardin » située en fond de parcelle était couverte et enduite au 30 juin 2010 et que son garage l'était au 30 septembre 2010 ; que s'agissant de la « maison 2 », le dire en question révèle que les travaux étaient totalement terminés en juin 2010, le garage de cette maison l'étant depuis décembre 2009 : il importe peu que les époux S... aient emménagé en 2011 dans cette construction puisque les intéressés s'étaient réservé les travaux d'aménagement intérieur ; que cet élément ne contredit pas le fait que les prestations confiées à l'entrepreneur étaient terminées et payées fin juin 2010, l'ouvrage étant en état d'être reçu ; que par courrier du 10 octobre 2010, les époux S... indiquaient à Monsieur V... avoir constaté de nombreuses malfaçons sur l'enduit de la maison au fond du jardin (maison dont ils avaient pris possession en juillet 2010) ainsi que des fuites aux fenêtres de la leur (sans doute la maison 2) et lui demandaient d'effectuer les réparations nécessaires : contrairement à ce que soutient la société Groupama, il ne s'agit pas d'une demande de finition de travaux, laquelle ne serait pas d'ailleurs nécessairement contraire à la notion de réception, mais de reprise de désordres ; qu'or, il sera rappelé qu'à cette époque, les maîtres de l'ouvrage avaient pris possession et payé l'intégralité des travaux ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en prenant possession des constructions terminées, en payant intégralement les travaux et en ne faisant une réclamation limitée qu'en octobre 2010, les époux S... ont manifesté de façon non équivoque leur volonté de recevoir les ouvrages sans réserves le 30 septembre 2010 pour la maison 1 et le 30 juin 2010 pour la maison 2 ; qu'en ce qui concerne les désordres affectant la « maison 1 », il ressort du rapport d'expertise qu'il s'agit de défauts d'adhérence de l'enduit extérieur, d'une mauvaise réalisation de la traverse basse d'un seuil béton et du dallage béton, d'une absence de continuité de l'isolation thermique, d'appuis de baies non conformes, de l'absence de réalisation en béton des chevronnières au-dessus de la charpente : tous ces désordres ont pour conséquence des infiltrations d'eau, ce qui rend l'immeuble impropre à destination et ils ne sont apparus qu'après le 30 septembre 2010 ; que les conditions de l'application de l'article 1792 du code civil sont donc remplies et la garantie décennale de la société Groupama est acquise au maître de l'ouvrage ; qu'en ce qui concerne les désordres affectant la « maison 2 », il ressort du rapport d'expertise qu'ils consistent en une réalisation non conforme des seuils béton, appuis et rejingots des menuiseries en rez de chaussée, d'une insuffisance de pente de l'appui zinc, d'une absence d'étanchéité entre appui zinc et bâti des menuiseries à l'étage, d'une absence de capotage zinc à la jonction acrotère béton et toiture au dessus de la porte d'entrée, une réalisation non conforme du dallage, une absence de continuité de l'isolation thermique, des appuis de baies non conformes : tous ces désordres ont pour conséquence des infiltrations d'eau, ce qui rend l'ouvrage impropre à sa destination et ils ne sont apparus que postérieurement au 30 juin 2010 ; que les conditions d'application de l'article 1792 du code sont donc également réunies concernant ces désordres ;
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qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le montant total des travaux de reprise relevant de la garantie décennale s'élève à 164 076,37 € ; qu'afin d'actualiser cette somme, elle sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT 01 à la date du jugement, l'indice de référence étant le dernier publié au 7 septembre 2012, date du devis par l'expert ; qu'en ce qui concerne le préjudice de jouissance, il résulte du rapport d'expertise que la durée des travaux de reprise est de trois mois pendant lesquels les lieux ne seront pas habitables : il sera alloué aux demandeurs la somme de 3 000,00 € en réparation de ce préjudice ; qu'en outre, compte tenu de la nature des désordres (infiltrations), les intéressés ont subi un préjudice de jouissance pour la période passée, lequel sera indemnisé par la même somme sans qu'il y ait lieu à indemnisation d'un préjudice d'agrément autre ; que c'est donc la somme totale de 6 000,00 € qui sera accordée ; qu'il sera observé que les demandes formées par Monsieur et Madame S... ne le sont qu'à rencontre de la société Groupama et que la franchise contractuelle n'est pas opposable à la victime en matière d'assurance décennale (jugement, p. 5 à 9) ;

1°) ALORS QU'en raison du principe d'unicité de la réception, il ne peut y avoir réception partielle à l'intérieur d'un même lot ; qu'en l'espèce, il est constant que dans l'opération de travaux de construction de deux maisons d'habitation et deux garages commandés par les époux S..., M. V... a été chargé des lots maçonnerie, couverture et charpente afférents à l'ensemble des bâtiments ; qu'en jugeant que les maisons et garages constituaient deux ensembles immobiliers distincts dont la réception tacite était intervenue à des dates différentes, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

Subsidiairement,

2°) ALORS QU'il appartient au maître de l'ouvrage qui se prévaut de la nature décennale des désordres de démontrer que ceux-ci n'étaient pas apparents à la date de la réception ; qu'en retenant que Groupama n'avait pas rapporté la preuve de ce que les désordres en cause étaient apparents à la date de la réception, la cour d'appel a violé l'article 1792 et l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;

3°) ALORS QU'en retenant que les désordres affectant les deux maisons avaient été dénoncés par un courrier du 10 octobre 2010 par les époux S... de sorte qu'ils étaient apparus postérieurement au 30 septembre 2010, date de la réception tacite de la maison 1, et, postérieurement au 30 juin 2010, date de la réception tacite de la maison 2, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation, et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-16833
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 08 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 jui. 2019, pourvoi n°18-16833


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16833
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