LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
Attendu que l'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
Que l'article 7, alinéa 2, du décret du 4 janvier 1955 prévoit que, lorsqu'il y a division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division ;
Que le dernier alinéa de cet article dispose que, dans la plupart des cas, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre ;
Que l'article 25 du décret du 30 avril 1955 relatif à la conservation du cadastre précise que tout changement de limite de propriété doit être constaté par un document d'arpentage qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en cas d'expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document ;
Attendu que, pour transférer, au profit de la commune de Millau, des parcelles appartenant à Mmes D... F..., Q... F..., M... F... et L... U..., à M. N... U... et à M. et Mme P..., l'ordonnance attaquée (juge de l'expropriation du département de l'Aveyron, 28 décembre 2017) désigne les biens expropriés en annexant un état parcellaire ;
Qu'en statuant ainsi, en l'absence de document d'arpentage désignant les parcelles issues de la division opérée par l'expropriation partielle, le juge de l'expropriation a violé les textes susvisés ;
D'où il suit que l'ordonnance est entachée d'un vice de forme qui doit en faire prononcer l'annulation ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 28 décembre 2017, entre les parties, par le juge de l'expropriation du département de l'Aveyron ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la commune de Millau aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Millau et la condamne à payer à Mmes Q... C..., épouse P..., D... F..., Q... F..., M... F..., L... U..., MM. N... U... et R... P... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mmes Q... C..., épouse P..., D... F..., Q... F..., M... F..., L... U... et MM. N... U... et R... P....
M. et Mme R... et Q... P..., Mmes D..., Q... et M... F... ainsi que M. N... U... et Mme L... U... font grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré expropriés immédiatement pour cause d'utilité publique au profit de la commune de Millau les immeubles, portions d'immeubles et droits réels immobiliers désignés dans les documents annexés dont ils sont propriétaires (
) et dont l'acquisition est nécessaire pour parvenir à l'exécution de l'acte déclaratif, et ce, conformément au plan parcellaire, annexé, situés sur la commune de Millau ;
1°) ALORS QUE l'arrêté du préfet de l'Aveyron n°12-2017-05-29-001 du 29 mai 2017 ayant déclaré d'utilité publique l'opération d'expropriation de biens immobiliers exposés à un risque naturel majeur de mouvements de terrain sur le territoire de la commune de Millau (quartier des Bêches) et l'arrêté n°12-2017-10-04-003 en date du 4 octobre 2017 ayant déclaré cessibles les parcelles litigieuses, qui constituent le fondement de la présente procédure d'expropriation, ont fait l'objet de recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Toulouse ; que leur annulation par le juge administratif entraînera l'annulation par voie de conséquence de l'ordonnance du juge de l'expropriation du département de l'Aveyron en application des articles L. 1, L. 121-1 et L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
2°) ALORS QUE le juge de l'expropriation doit se prononcer dans un délai de quinze jours à compter de la réception du dossier complet transmis par le préfet au greffe de la juridiction ; qu'en omettant de préciser la date à laquelle avait été reçue par le greffe de la juridiction la requête du 4 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Aveyron avait transmis le dossier prévu à l'article R. 221-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge de l'expropriation a empêché la Cour de cassation de s'assurer qu'il avait respecté le délai précité et a, par conséquent, commis un excès de pouvoir par violation de l'article R. 221-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
3°) ALORS QUE l'ordonnance d'expropriation doit viser les dates auxquelles l'avis d'ouverture de l'enquête parcellaire a été publié un journal diffusé dans le département ; qu'en se contentant de viser « le numéro du journal ‘Centre Presse et Midi Libre' publiant [l'] arrêté [n°2016-16-01 du préfet de l'Aveyron ordonnant l'ouverture d'enquêtes conjointes préalables à la déclaration d'utilité publique et parcellaire] », sans préciser la date de publication de ce numéro, l'ordonnance a violé les articles R. 112-14, R. 131-5 et R. 221-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
4°) ALORS QUE l'ordonnance d'expropriation doit désigner chaque immeuble ou fraction d'immeuble, conformément à l'article 7 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, de sorte qu'en cas d'expropriation partielle ayant pour effet de diviser la propriété des parcelles concernées entraînant changement de limite, elle doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de la division ; qu'en se bornant à désigner les parcelles litigieuses par une référence cadastrale unique, avant de distinguer, au sein de ces parcelles, la surface de l'emprise, objet de l'expropriation, et la surface restante, sans désigner ensuite par une nouvelle référence cadastrale chacune de ces surfaces, issue de la division opérée par l'expropriation partielle, le juge de l'expropriation a violé les articles R. 132-2 et R. 221-4 du code de l'expropriation, ensemble l'article 7 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 ;
5°) ALORS QUE l'ordonnance d'expropriation doit désigner avec précision chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié en indiquant non seulement leur désignation cadastrale mais également leur nature, leur contenance et leur situation ; qu'en désignant les fractions des parcelles expropriées de Mme C... épouse P... et des consorts F..., comme représentant « environ 130m² bâtis » de la parcelle totale de Mme C... épouse P... et « environ 185m² bâtis » de la parcelle totale des consorts F..., sans préciser la nature, la contenance et la situation exactes de ces fractions de parcelles bâties sur lesquelles porte l'expropriation, le juge de l'expropriation a violé les articles R. 132-2 et R. 221-4 du code de l'expropriation, ensemble l'article 7 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955.