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13/06/2019 | FRANCE | N°18-10079

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2019, 18-10079


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, statuant en la forme des référés, que le centre hospitalier régional universitaire de Tours (le centre hospitalier) a demandé au président du tribunal de grande instance, en application des articles L. 4614-2 et suivants du code du travail, d'annuler les délibérations du 16 novembre 2017 du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier (le CHSCT) décidant, l'une de l'organisation d'une expertise pour le service de chirurgie ambulatoire

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, statuant en la forme des référés, que le centre hospitalier régional universitaire de Tours (le centre hospitalier) a demandé au président du tribunal de grande instance, en application des articles L. 4614-2 et suivants du code du travail, d'annuler les délibérations du 16 novembre 2017 du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier (le CHSCT) décidant, l'une de l'organisation d'une expertise pour le service de chirurgie ambulatoire, l'autre de l'organisation d'une expertise pour le service d'urologie ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 4612-8 et L. 4614-12, 2°, du code du travail ;

Attendu que pour annuler la délibération du CHSCT du 16 novembre 2017 décidant de l'organisation d'une expertise pour le service de chirurgie ambulatoire, l'ordonnance retient que le projet était déjà mis en oeuvre à la date de la délibération comme ayant débuté le lundi précédant la réunion, que les questions soulevées ont concerné des dispositions actuellement en vigueur et qu'il ne s'agissait plus d'un projet mais d'une extension d'un service en cours d'exécution pour lequel le CHSCT avait les moyens de s'informer directement auprès des agents, alors que l'article L. 4612-8 du code du travail impose la consultation du CHSCT avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, et notamment avant toute transformation importante des postes de travail, ce qui n'était pas le cas de l'espèce, la réorganisation du service évoquée lors de la délibération du 16 novembre 2017 ne constituant manifestement pas un projet au sens de l'article L. 4614-12, la nouvelle organisation du service de chirurgie ambulatoire étant acquise et en cours d'exécution au 16 novembre 2017 ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'extension du service en cours d'exécution ne caractérisait pas un projet important, alors que les dispositions de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail permettent au CHSCT de recourir à un expert pour l'éclairer sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d'avancer des propositions concrètes de prévention, quand bien même cette nouvelle organisation a commencé à être mise en oeuvre, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle annule la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier régional universitaire de Tours du 16 novembre 2017 décidant de l'organisation d'une expertise pour le service de chirurgie ambulatoire, l'ordonnance rendue le 6 décembre 2017, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Tours ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance d'Orléans, statuant en la forme des référés ;

Condamne le centre hospitalier régional universitaire de Tours aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne le centre hospitalier régional universitaire de Tours à payer la somme de 3 600 euros TTC à la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du centre hospitalier régional universitaire de Tours

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir annulé la délibération du 16 novembre 2017 du CHSCT du CHRU de Tours décidant de l'organisation d'une expertise pour le service de chirurgie ambulatoire ;

AUX MOTIFS QUE « Il résulte du procès-verbal de la séance du 16 novembre 2017, que l'impact de la réorganisation de l'unité de chirurgie ambulatoire a été présentée, comme ayant pour objet d'accueillir la totalité des patients pris en charge en ambulatoire dans l'ensemble des disciplines exercées à l'hôpital au sein d'un service, avec des modalités de prise en charge dédiées, aménagement nécessitant de remplacer les lits par des brancards lits adaptés à toutes les prises en charge, étant remarqué selon les propos mentionnés dans le procès-verbal : - que le projet était déjà mis en oeuvre à la date de la délibération comme ayant débuté le lundi précédent la réunion, - que les questions soulevées ont concerné des dispositions actuellement en vigueur. La mesure d'expertise a été votée par 7 voix contre 3 voix et elle a été fondée sur le besoin d'une aide pour formuler des recommandations et un avis sur le projet dans le cadre de la prévention des risques professionnels et de l'amélioration des conditions de travail, mais il apparaît de l'ensemble des débats qu'il ne s'agissait plus d'un projet, mais d'une extension d'un service en cours d'exécution pour lequel le Comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail avaient les moyens de s'informer directement auprès des agents. Or, l'article L 4612-8 du code du travail impose la consultation du CHSCT avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et notamment avant toute transformation importante des postes de travail : il convient donc de constater que tel n'est pas le cas de l'espèce, la réorganisation du service évoqué lors de la délibération du 16 novembre 2017, ne constituant manifestement pas un projet au sens de l'article L 4614-12, la nouvelle organisation du service de chirurgie ambulatoire étant acquise et en cours d'exécution au 16 novembre 2017. Il sera en conséquence fait droit à la demande du Centre hospitalier en vue de voir annuler la délibération du 16 novembre 2017 décidant de l'organisation d'une expertise pour le service de chirurgie ambulatoire » ;

ALORS d'abord QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, si dans les procédures sans représentation obligatoire de tels moyens sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve du contraire ; qu'en l'espèce, dans son assignation, pour demander l'annulation de la délibération du CHSCT décidant de recourir à une mesure d'expertise sur le projet de réorganisation de l'unité de chirurgie ambulatoire, l'employeur ne se prévalait nullement du fait que la réorganisation de cette unité était déjà mise en oeuvre à la date de la délibération du CHSCT et ne constituait donc plus un projet au sens de l'article L. 4614-12 du Code du travail ; qu'il ne ressort pas plus des énonciations de l'ordonnance attaquée que ce moyen aurait été invoqué lors de l'audience de plaidoiries, l'employeur n'ayant fait que reprendre les moyens soulevés dans son assignation au cours de cette audience ; que dès lors, en soulevant d'office le moyen tiré du fait que le projet de réorganisation de l'unité de chirurgie ambulatoire était en cours d'exécution à la date de la délibération du CHSCT pour annuler cette délibération, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS ensuite et en toute hypothèse QUE le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'en présence d'un tel projet, il peut faire appel à un expert agréé ; que la circonstance que l'employeur, en méconnaissance de ses obligations, ait pris l'initiative de mettre en oeuvre un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail avant d'avoir consulté le CHSCT sur ce projet ne saurait faire obstacle au droit pour ce comité de recourir à une mesure d'expertise concernant ledit projet ; qu'en décidant le contraire, le Président du Tribunal de Grande Instance a violé les dispositions des articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du Code du travail dans leur version applicable au litige ;

ALORS enfin QUE la contestation de l'employeur sur la nécessité de l'expertise ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'en l'espèce pour faire droit à la demande du CHRU de Tours de voir annuler la délibération du CHSCT décidant de l'organisation d'une expertise concernant la réorganisation du service de chirurgie ambulatoire, le Président du Tribunal de Grande Instance a relevé que, compte tenu de la mise en oeuvre de cette réorganisation, le CHSCT avait les moyens de s'informer directement auprès des agents concernés par ladite réorganisation ; qu'en statuant par ces motifs inopérants sans rechercher si la réorganisation en cause constituait un projet important au sens des dispositions de l'article L. 4614-12 du Code du travail dans sa version applicable au litige, le Président du Tribunal de Grande Instance a privé sa décision de base légale au regard de ces dispositions.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10079
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Tours, 06 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jui. 2019, pourvoi n°18-10079


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10079
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