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13/06/2019 | FRANCE | N°17-27819

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2019, 17-27819


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou par sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'Etat et n'est donc pas un acte de gestion ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou par sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'Etat et n'est donc pas un acte de gestion ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, rendu après cassation (Soc., 21 janvier 2016, pourvois n° 14-22.698, 14-22.702), que M. N... a été engagé à compter du 2 mai 2006 par le consulat d'Algérie à Montpellier pour exercer les fonctions d'agent de bureau ; que faisant valoir qu'il avait accompli de nombreuses heures supplémentaires dans le cadre de ses fonctions sans être rémunéré, son employeur ayant en outre augmenté, sans son accord, la durée de travail convenue, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant à obtenir le paiement de rappels de salaire et la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Attendu que, pour faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par la République algérienne démocratique et populaire tirée du principe de l'immunité de juridiction, l'arrêt retient que le salarié, agent consulaire affecté dans un service administratif dont les fonctions consistaient à délivrer des passeports et des documents de voyage aux ressortissants algériens participait ainsi directement à l'exercice de la souveraineté de l'Etat algérien puisqu'il exerçait des responsabilités particulières dans l'exercice du service public consulaire et de prérogatives de puissance publique ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, impropres à établir que les fonctions exercées par le salarié lui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice du service public consulaire ou de prérogatives de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application du principe d'immunité de juridiction, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la République algérienne démocratique et populaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. N... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. N....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevable et bien fondée la fin de non-recevoir tirée de l'immunité de juridiction opposée à l'action de M. N... par la République Algérienne Démocratique et Populaire et déclaré en conséquence irrecevables l'ensemble des demandes, fins et prétentions de M. H... N... ;

AUX MOTIFS QUE «Sur l'immunité de juridiction revendiquée par l'appelante sur le fondement de la convention de Vienne, il convient de souligner que les débats devant la cour de renvoi mettent en exergue des éléments complémentaires et distincts de ceux discutés et retenus par la cour de Montpellier censurée par la Cour de cassation. En effet, au-delà de la participation de M. N... aux opérations électorales précédemment examinée, l'appelante fait valoir le rôle de celui-ci dans l'établissement des documents de voyage, tels que passeports. Elle soutient ainsi que M. N... était au nombre restreint des agents chargés de la délivrance des documents de souveraineté dans la mesure où il était affecté au Service public du consulat, chargé de l'immatriculation des ressortissants algériens et de la gestion des dossiers personnels de ressortissant, disposant d'un code confidentiel lui permettant d'accéder à la base de données sécurisée et confidentielle contenant les données personnelles de chaque ressortissant algérien immatriculé, laquelle permet l'établissement et l'impression des documents de souveraineté tels que carte consulaire, carte d'identité algérienne et passeport. En réponse, M. N... conteste avoir exercé des actes de souveraineté au sens de la convention de Vienne, soulignant qu'il avait pour seules fonctions d'accueillir le public, de l'informer et de réceptionner les pièces justificatives demandées par le consulat pour l'établissement de documents d'identité et de voyage, sans aucune appréciation de leur validité. Or, d'une part, cette dernière condition est indifférente à l'appréciation de son implication dans l'acte de souveraineté ; d'autre part, elle est formellement contredite par l'aveu judiciaire de la réalité de l'étendue de ses fonctions puisqu'il écrit page 24 de ses écritures au soutien de sa demande relative aux permanences à Perpignan que "lors de ces permanences, tenues de 9h00 à 15h30 ou 16 heures, sans interruption, M. N... avait pour fonction de recevoir le public, de l'informer, de recueillir les documents nécessaires à l'établissement des passeports et cartes d'identité et d'établir ces documents ". Il s'ensuit que la République Algérienne Démocratique et Populaire est bien fondée à opposer l'immunité de juridiction de l'article 43 2 de la convention de Vienne, M. N..., agent consulaire affecté dans un service administratif dont les fonctions consistaient à délivrer des passeports et documents de voyage aux ressortissants de l'Etat algérien, participant, ainsi directement à l'exercice de la souveraineté de l'Etat Algérien puisque exerçant des responsabilités particulières dans l'exercice du service public consulaire et prérogatives de puissance publique».

1- ALORS QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'Etat et n'est donc pas un acte de gestion ; que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par un salarié en raison du non-respect par l'Etat étranger de la réglementation française applicable au temps de travail et à la rémunération ne met pas en cause, quelles que soient les fonctions exercées par le salarié, la souveraineté de cet Etat justifiant l'immunité de juridiction ; que dès lors, la Cour d'appel ne pouvait opposer aux demandes de M. N... en paiement de divers rappels de salaire et en résiliation de son contrat de travail, le litige s'analysant en actes de gestion exclusifs de l'exercice de la souveraineté de l'Etat, l'immunité de juridiction ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, la Cour a violé les principes susvisés, ensemble l'article 43 de la Convention de Vienne, 6 § 1 de la CEDH et 11 de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et l'article 17 de la Convention bilatérale consulaire du 24 mai 1974 ;

2- ALORS QU'est un acte de gestion administrative par nature, l'acte consistant pour un Etat étranger à refuser à un salarié le paiement d'heures supplémentaires et à augmenter sans contrepartie et sans l'accord du salarié sa durée mensuelle de travail, décision qui touche exclusivement à l'exécution du contrat de travail, indépendamment des fonctions exercées ; qu'ainsi, en déclarant recevable et bien fondée la fin de non-recevoir tirée de l'immunité de juridiction opposée à l'action de M. N... par la République algérienne démocratique et populaire, la Cour a méconnu le principe général de l'immunité de juridiction ainsi que l'article 43 de la Convention de Vienne de 1963, ensemble l'article 11 de la Convention des Nations Unies et 6 § 1 de la CEDH ;

3- ALORS QU'un Etat étranger ne bénéficie de l'immunité de juridiction que pour les actes de puissance publique et ceux accomplis dans l'intérêt d'un service public ; qu'un salarié ne peut être considéré comme participant à un service public que lorsque lui sont conférées des responsabilités particulières dans l'exercice de ce service public ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui relevait que M. N... conteste avoir exercé des actes de souveraineté, ayant pour seule fonction d'accueillir le public, de l'informer et de réceptionner les pièces justificatives demandées par le consulat pour l'établissement des documents d'identité et de voyage sans aucune appréciation de leur validité, ne pouvait affirmer que cette dernière condition est indifférente à l'appréciation de son implication dans l'acte de souveraineté sans expliciter en quoi l'accomplissement de tâches matérielles de confection des documents dont s'agit pouvait s'analyser comme participant par leur nature et leur finalité à l'exercice de la souveraineté de l'Etat emportant l'application du principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 43 de la Convention de Vienne de 1969, ensemble 11 de la Convention des Nations Unies et 6 § 1 de la CEDH ;

4- ALORS QUE la circonstance selon laquelle M. N... a indiqué qu'il avait pour fonction de « recevoir le public, de l'informer, de recueillir les documents nécessaires à l'établissement des passeports et carte d'identité et d'établir ces documents» ne caractérise pas son implication dans un acte de souveraineté, ni l'exercice de prérogatives de puissance publique, rien n'établissant que M. N... ait été investi d'une responsabilité particulière dans la conduite du service public relevant de la compétence de l'Etat algérien et n'ait pas seulement exercé les fonctions subalternes d'établissement matériel des documents concernés sous le contrôle du consul et des agents consulaires autorisés, sans prendre part aux décisions de l'Etat algérien envers ses ressortissants ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 43 de la Convention de Vienne, ensemble l'article 11 de la Convention des Nations Unies et 6 § 1 de la CEDH.

5- ALORS QU'en toute hypothèse, comme le faisait valoir M. N... dans ses conclusions, le fonctionnaire consulaire chargé de l'exercice de fonctions consulaires doit avoir la nationalité de l'Etat d'envoi et ne pas posséder celle de l'Etat de résidence, ni être résident permanent dans ce dernier Etat, ainsi que cela résulte des articles 1er et 2 de la convention bilatérale consulaire du 24 mai 1974 ; qu'il indiquait avoir la double nationalité française et algérienne et n'exercer aucune compétence de fonctionnaire consulaire, lequel seul participe à des actes de souveraineté ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a privé sa décision de motif au sens de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27819
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 10 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jui. 2019, pourvoi n°17-27819


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27819
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