LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. T... du désistement de son pourvoi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2017), qu'un jugement du 6 juillet 2009 a prononcé le divorce de M. T... et Mme Y... ; que le 31 octobre 2013, M. T... a été mis en liquidation judiciaire, la SCP D...-F...-I... étant nommée liquidateur ; qu'après avoir déclaré au passif une créance de prestation compensatoire, Mme Y... s'est désistée de sa déclaration et a saisi le juge-commissaire d'une requête afin d'obtenir, sur les fonds détenus par le liquidateur, le paiement d'une provision à valoir sur cette créance ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de provision formée contre le liquidateur alors, selon le moyen, que les interdictions de payer qui concernent les créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective ne sont pas applicables aux créances alimentaires, qui doivent être payées sans devoir être déclarées au passif du débiteur ; que ce paiement peut être réalisé sur l'ensemble des fonds du débiteur, même sur ceux affectés à la procédure collective ; qu'en considérant au contraire que la créance alimentaire de Mme Y... T... ne pouvait pas être recouvrée sur les sommes et actifs soumis au dessaisissement, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, ensemble l'article L. 622-24 du même code ;
Mais attendu que la créance née d'une prestation compensatoire, qui présente, pour partie, un caractère alimentaire, si elle échappe à la règle de l'interdiction des paiements, demeure soumise à celle de l'interdiction des poursuites ; que, dès lors, en cas de liquidation judiciaire de son débiteur, elle doit, en principe, être payée hors procédure collective, c'est-à-dire sur les revenus dont celui-ci conserve la libre disposition, ou être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires, sans que son règlement puisse intervenir sur les fonds disponibles dans la procédure ; que le créancier d'une prestation compensatoire peut cependant, et en outre, être admis aux répartitions, mais à la condition qu'il ait déclaré sa créance, comme il en a la faculté, la participation d'un créancier à la distribution de sommes par le liquidateur étant subordonnée à la déclaration de sa créance, sauf dérogation légale expresse, laquelle ne résulte pas de la simple absence de soumission des créances alimentaires aux dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce prévue par le dernier alinéa de ce texte, ce dernier n'ayant ni pour objet ni pour effet de permettre à leur titulaire de concourir aux répartitions sans déclaration de créance ; qu'ayant relevé que Mme Y... avait renoncé à la déclaration de sa créance pour saisir le juge-commissaire d'une demande de provision à valoir sur le montant de celle-ci payable sur les fonds détenus par le liquidateur, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté cette demande ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir reçu la SCP D...-F...-I..., es qualités, en son appel ;
Aux motifs que « 2. Le jugement dont appel mentionne : « à la barre, la SCP D...-F...-I..., représentée par Me P... I..., ès qualités, ne s'oppose pas aux demandes de la requérante ».
La SCP D...-F...-I..., qui ne conteste pas qu'elle était ainsi représentée, prétend en revanche qu'elle s'est opposée aux demandes adverses et que le reste de la mention procède donc d'une erreur matérielle.
A l'inverse, s'attachant à la force probante du jugement, au sens de l'article 457 du code de procédure civile, Mme Y... prétend que la cour ne peut que constater le désistement de la SCP D...-F...-I....
3. Mais le jugement frappé d'appel mentionne aussi en première page que la « SCP D...-F...-I..., représentée par Me P... I..., est non comparant ».
Cette mention a la même force probante et fait foi jusqu'à inscription de faux.
Or, ne pouvant se concilier avec la mention que conteste le liquidateur, il en résulte une incertitude sur la position qui a été la sienne devant le tribunal.
D'ailleurs, dès la notification du jugement, il a introduit une requête en rectification d'erreur matérielle.
Ainsi, la preuve d'un désistement dénué d'ambiguïté, tel qu'il est invoqué par les intimés n'est nullement rapportée et le droit du liquidateur de faire appel du jugement est demeuré intact » (arrêt p 4) ;
Alors que les mentions d'un jugement relatives aux déclaration des parties font foi jusqu'à inscription de faux ; qu'en cas d'incertitude sur la portée de déclarations, résultant notamment d'une contradiction avec d'autres mentions du jugement, le juge est tenu de lever la contradiction, en se référant par exemple au registre d'audience ; qu'en l'espèce, Mme Y... a fait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 2 et 3), que selon les mentions du jugement, le liquidateur ne s'était pas opposé à ses demandes, de sorte qu'il était irrecevable à interjeter appel du jugement ; que pour rejeter ce moyen, la cour a relevé que le jugement mentionnait que le liquidateur était « non comparant » et qu'il existait une incertitude sur sa position devant le tribunal, de sorte que la preuve d'un désistement dénué d'ambiguïté n'était pas rapportée ; qu'en statuant ainsi, sans avoir précisé quelle avait été exactement la position du liquidateur devant le premier juge, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 446-1, 457 et 459 du code de procédure civile.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme Y... tendant au paiement d'une provision sur les fonds détenus par la SCP D...-F...-I..., es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. T... ;
Aux motifs que « 4. L'article L 622-7 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 dispose que : "le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation des créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires".
5. Mme Y... soutient que la prestation compensatoire est de nature alimentaire et qu'elle entre donc dans les prévisions de cet article, ce qui n'est pas contesté.
Elle fait valoir que l'article L 622-7 du code de commerce écarte le principe de l'interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, en ce qui concerne les créances alimentaires, ce qui signifie qu'elles peuvent et doivent même être payées, sous peine de sanctions pénales ; que la thèse adverse selon laquelle cette obligation ne peut s'exécuter que sur des fonds dont le débiteur conserve la libre disposition et non sur les fonds que détient le mandataire liquidateur est tirée d'une jurisprudence antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; qu'or, la liquidation judiciaire de M. T... relève de la loi du 26 juillet 2005 et est postérieure à cette ordonnance, laquelle a instauré le primat des créances alimentaires en les soustrayant à la procédure de déclaration et de vérification de créances, ce qui n'aurait aucun sens si ce paiement ne pouvait lui-même être prioritaire et sans distinction d'assiette sur les biens du débiteur.
6. Mais, avant même l'instauration de la règle issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, codifiée à l'article L 622-7, la Cour de cassation a admis que "la créance née de la prestation compensatoire, qui présente pour partie un caractère alimentaire, n'a pas à être déclarée au passif du débiteur soumis à la procédure collective et échappe ainsi à l'extinction faute de déclaration" (Cass. com., 8 octobre 2003, n° 99-21.682).
Pour autant, tout en énonçant encore que "la créance née de la pension alimentaire peut être payée sans avoir été déclarée au passif du débiteur soumis à la procédure collective", elle a jugé que "la créance d'aliments, qui est une dette personnelle du débiteur soumis à une procédure collective, doit être payée sur les revenus dont il conserve la disposition ou bien être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires" (Cass. com., 8 oct. 2003, n° 00-14.760)
Cet état de droit, n'est pas remis en cause par l'article L 622-7, modifié par l'ordonnance du 18 décembre 2008, qui n'instaure aucune règle nouvelle quant à la nature des biens sur lesquels les dettes alimentaires doivent être payées.
7. La position du liquidateur judiciaire qui en appelle aux commentaires des dispositions issues de l'ordonnance de 2008 du professeur H... C... ("observons toutefois, d'une part, que les textes nouveaux ne précisent pas sur quels biens le débiteur pourra payer ses dettes alimentaires et, d'autre part, que la règle de l'arrêt des poursuites individuelles n'est pas mise en échec au profit du créancier d'aliments") et à ceux du professeur L... Q... (La semaine juridique, édition générale n° 6, 4 février 2009, I 110 : "Ces créances peuvent être payées ; elles n'ont pas à être déclarées ; pour autant elles ne bénéficient pas du privilège de procédure lorsqu'elles naissent après le jugement d'ouverture, faute de satisfaire au critère des articles L 622-17 et L 641-13. C'est-à-dire que ces créances sont soumises au régime autonome que la Cour de cassation leur a assigné dans un arrêt bien connu (cf Cass. com., 8 oct. 2003, n° 00-14.760) : personnelles au débiteur, elles doivent être payées durant la procédure grâce aux revenus dont il conserve la libre disposition ou être recouvrées par la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires"), est donc fondée, de sorte qu'échappant à la procédure collective, en raison de leur caractère alimentaire, les sommes en cause ne peuvent être recouvrées sur les sommes et actifs soumis au dessaisissement.
En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé » (arrêt p 4 et 5) ;
Alors que les interdictions de payer qui concernent les créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective ne sont pas applicables aux créances alimentaires, qui doivent être payées sans devoir être déclarées au passif du débiteur ; que ce paiement peut être réalisé sur l'ensemble des fonds du débiteur, même sur ceux affectés à la procédure collective ; qu'en considérant au contraire que la créance alimentaire de Mme Y... T... ne pouvait pas être recouvrée sur les sommes et actifs soumis au dessaisissement, la cour d'appel a violé l'article L 622-7 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, ensemble l'article L 622-24 du même code.