LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 2 novembre 2011, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse (la Caisse) a consenti un prêt de 70 000 euros remboursable en quatre-vingt-quatre mois à la société Antony (la société) ; que M. G..., gérant de celle-ci, s'est rendu caution de la société à concurrence de 91 000 euros ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. G..., qui lui a opposé la disproportion de son engagement ;
Attendu que pour condamner M. G... à payer à la banque une certaine somme, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résultait de la déclaration de situation familiale et patrimoniale signée le 7 octobre 2011 par M. G..., que ce dernier ne disposait pas de revenus et que son patrimoine net pouvait être évalué à environ 68 000 euros, déduction faite des charges qu'il supportait au titre d'un emprunt immobilier et d'un crédit à la consommation, retient qu'au vu de ces éléments, l'engagement de M. G... n'était pas manifestement disproportionné à ses biens ;
Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à écarter l'existence d'une disproportion manifeste dès lors qu'elle se bornait à constater que M. G... était dépourvu de tout revenu et que la valeur nette de son patrimoine n'excédait pas 68 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Caisse d'épargne Cepac aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. G... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. G....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné M. G... à verser à la Caisse d'Epargne la somme de 63 962,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015 et capitalisation dans les conditions de l'article 1342-2 du code civil.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M, G... soutient que le cautionnement souscrit était manifestement disproportionné à sa situation et que la banque a manqué à son obligation de mise en garde ;
Qu'il indique qu'il était un simple ouvrier pâtissier, sans notion de gestion et de comptabilité, et qu'il n'était pas en mesure d'apprécier le risque d'endettement auquel il s'exposait ;
Qu'il ne disposait pas d'un patrimoine immobilier suffisant pour répondre de son engagement ; qu'à cet égard, c'est à tort, selon lui que les premiers juges ont considéré que la valeur nette de ses actifs était de 67.766 euros ; qu'en effet, le bien immobilier acquis l'a été en indivision avec sa concubine, et qu'il leur reste à rembourser la somme de 86,289 euros jusqu'en 2033 ; qu'il estime également que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le banquier n'avait pas à -vérifier l'exactitude de la déclaration de patrimoine, alors qu'il serait, selon lui, tenu par ailleurs d'une obligation de conseil ;
Mais attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 341-4, devenu L 332-1 du code de la consommation dans sa rédaction; antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 applicable à la présente procédure, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus , à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Que c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ;
Attendu que la déclaration de situation familiale et patrimoniale souscrite par M. R... G... et signée par lui le 7 octobre 2011 mentionne que l'intéressé est propriétaire d'un bien de type F3 acquis en octobre 2003 pour un. prix de 100.000 5 euros et dont la valeur actualisée est de 160.000 euros ; qu'il est également mentionné que cette acquisition a donné lieu à un prêt dont le capital restant dû s'élève à la somme de 86.289 euros ;
Qu' il est encore mentionné un crédit à la consommation dont le capital restant dû s'élève à 5.945 euros, générant, avec le prêt immobilier, une charge de remboursement mensuelle de 788 euros ; qu'aucune charge de loyer n'est indiquée ;
Qu'en sens inverse, M. G... ne fait état d'aucun revenu ;
Qu'au vu de ces éléments, le patrimoine net de M. G... peut être évalué à 68.000 euros environ ;
Que la déclaration souscrite, qui mentionne, certes, que M. G... vit en concubinage et que sa concubine ne perçoit aucun revenu, ne précise à aucun moment que le bien immobilier aurait été acquis en indivision, ce dont au demeurant M. G... ne justifie aucunement ;
Que cette déclaration ne comportant aucune anomalie apparente, elle n'appelait pas de vérifications complémentaires de la part de la banque ;
Qu'au vu des éléments qui précèdent, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le cautionnement souscrit par M. G... à hauteur de 91.000 euros n'était pas manifestement disproportionné à ses biens ;
Que s'agissant du manquement de la banque à son devoir de misé en garde à l'égard de la caution, un tel manquement n'est susceptible d'être sanctionné que par l'allocation de dommages et intérêts, ce pour quoi M. G... ne présente aucune demande ».
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QU' « Sur le moyen tiré du caractère disproportionné de l'engagement de caution : il échet de rappeler que le banquier n'a pas à vérifier l'exactitude des informations déclarées sur la fiche patrimoniale sauf anomalie apparente ;
Attendu que Monsieur R... G... n'apporte aucun élément justifiant d'anomalies apparentes ;
Attendu que préalablement à la souscription du contrat de prêt que Monsieur R... G... a cautionné, ce dernier a mentionné sur sa « déclaration familiale et patrimoniale » un bien immobilier d'une valeur de 160 000 € et des engagements existants, à savoir un crédit immobilier de 86 289 € et un prêt à la consommation s'élevait à 5 945 € ; que dès lors, à la date de la souscription du prêt, la valeur nette de ses actifs était de 67 766 € ; qu'au vu de ces éléments, il échet de dire qu'il n'y avait pas de disproportion entre les engagements nés de sa caution et ses actifs lors de la souscription du prêt ;
Attendu que de même, au jour où sa dette née de son engagement de caution est devenue exigible, Monsieur R... G... dispose du même bien dont la valeur réactualisée n'est pas contestée ; que même en prenant en compte à ce jour l'indivisibilité de l'immeuble qu'il avait occultée auprès de la banque en faisant ainsi preuve d'un manque caractérisé de loyauté et de sincérité, sa valeur nette constitue une ressource qui lui permet, de faire face à ses engagements sans qu'il y ait lieu de considérer qu'il y a disproportion par rapport aux engagements souscrits ; qu'il échet donc de rejeter le moyen tiré de la disproportion de l'engagement de caution ;
Sur le moyen tiré du défaut de mise en garde : Attendu qu'il convient de rappeler qu'à l'égard d'une caution profane, la banque est tenue d'un devoir de mise en garde impliquant sa responsabilité en cas d'octroi d'un crédit excessif au regard de ses facultés contributives et qu'à l'égard d'une caution avertie, la responsabilité de la banque ne peut être engagée que si cette dernière détenait sur la situation financière de la société des informations que la caution ignorait ;
Attendu qu'en l'espèce, Monsieur R... G... était un professionnel de la pâtisserie ; qu'il exerçait les fonction de gérant de la société dont il avait acquis le fonds ; qu'il y avait un intérêt patrimonial incontestable puisqu'il en était le seul propriétaire ; que l'ensemble des éléments financiers du fonds acquis étaient connus de lui comme en atteste la déclaration qu'il a faite dans l'acte d'acquisition ; qu'il est donc inexact de considérer qu'il avait acquis un fonds déficitaire en ce que le dernier exercice avant l'acquisition était bénéficiaire ainsi que la somme des trois derniers exercices ; qu'il échet donc de dire et juger que Monsieur R... G... est une caution avertie ;
Attendu que Monsieur R... G... ne démontre pas que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE disposait sur la société d'informations que Monsieur R... G... lui-même aurait ignorées ;
Attendu qu'il échet donc de rejeter les demandes formées à ce titre ».
ALORS QUE, d'une part, la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit, suppose que la caution se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus ; que la cour d'appel a relevé que, lors de son engagement de caution, M. G... était propriétaire d'un bien immobilier acquis en octobre 2003 pour un prix de 100 000 euros dont la valeur actualisée était de 160 000 euros, que cette acquisition avait donné lieu à un prêt dont la capital restant dû s'élevait à la somme de 86 289 euros, qu'il était redevable d'un crédit à la consommation d'un montant de 5945 euros, qu'il ne faisait état d'aucun revenu ; qu'il en résulte que, lors de son engagement de caution, les dettes de M. G... s'élevaient à la somme de 92 234 euros et qu'il n'avait aucun revenu de sorte qu'il était dans l'impossibilité manifeste de faire face à un engagement de caution d'un montant de 91 000 euros quand bien même son patrimoine net pourrait être évalué à 68 000 euros ; que dès lors en énonçant que son engagement de caution à hauteur de 91 000 euros n'était pas disproportionné à ses biens, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige.
ALORS QUE, d'autre part, le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel a énoncé que, s'agissant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde à l'égard de la caution, un tel manquement n'est susceptible d'être sanctionné que par l'allocation de dommages et intérêts, ce pour quoi M. G... ne présente aucune demande ; qu'en relevant d'office un tel moyen qui n'était invoqué par aucune des parties, sans les avoir invitées à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.