LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 711-1 du code de la consommation ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. R... a formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant déclaré irrecevable sa demande tendant au traitement de sa situation financière ;
Attendu que pour statuer comme il le fait, le jugement retient, après avoir arrêté le passif professionnel à la somme de 84 447,51 euros, que le montant total de l'endettement retenu par la commission, non contesté par M. R..., étant de 129 377,41 euros, le montant des créances de nature professionnelle, exclues de la procédure de surendettement des particuliers, qui représente 65 % de l'endettement global, en constitue l'essentiel et que la demande est donc irrecevable ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les dettes non professionnelles de M. R... ne le plaçaient pas, à elles seules, en situation de surendettement, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 septembre 2017, entre les parties, par le juge du tribunal d'instance de Saint-Brieuc ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le juge du tribunal d'instance de Guingamp ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Gatineau et Fattaccini la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. R....
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable la déclaration de surendettement de M. U... R... déposée le 14 septembre 2016 ;
Aux motifs que « Sur la recevabilité ; a) sur les textes ; qu'il résulte des dispositions du code de la consommation notamment en ses articles : - L. 711-1 : « Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes non-professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. L'impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement » ; - L. 724-1 : « Lorsqu'il ressort de l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l'actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-7 et L. 733-8 » ; b) sur les principes ; qu'il convient de rappeler que sont exclus de la procédure de surendettement les commerçants, artisans et agriculteurs mais aussi toutes les personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ; que tous ces professionnels relèvent désormais des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce ; que cette exclusion concerne notamment les agents commerciaux, les mandataires non-salariés des agents immobiliers, les auto-entrepreneurs qui bénéficient de la procédure collective quelle que soit leur activité ; que la date de cessation de l'activité professionnelle indépendante est indifférente car à compter du 1er janvier 2006, une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire peut-être ouverte à la demande d'un professionnel ayant cessé son activité et qui n'est pas déjà soumis à une procédure collective dès lors qu'il se trouve en état de cessation des paiements et que tout ou partie de son passif provient de son activité professionnelle, peu important la date à laquelle il a cessé son activité ; que la dette professionnelle est celle née pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle ; que sont donc qualifiées de professionnelles les dettes qui sont en rapport direct avec l'exercice de la profession, étant précisé que cette appréciation se fait au jour où l'engagement est contracté ; que la présence de dettes professionnelles ne fait pas obstacle à la recevabilité de la demande d'ouverture d'une procédure de surendettement dès lors que les dettes non professionnelles caractérisent à elles seules la situation de surendettement ; que c'est à la date où il est statué sur la recevabilité du dossier qu'il convient de se placer pour apprécier si le débiteur relève de l'une des procédures visées à l'article L. 711-3 du code de la consommation l'excluant du bénéfice de la procédure de surendettement : c) sur l'application ; qu'en l'espèce, la commission de surendettement a jugé irrecevable la demande de M. U... R... dans la mesure où le débiteur a exercé une activité professionnelle dans le cadre d'un GAEC et que son endettement est composé de dettes de nature professionnelle ; que le débiteur, demandeur au recours, à qui incombe la charge de la preuve, ne conteste pas la présence de dettes professionnelles dans son endettement global même s'il précise qu'il a désormais cessé cette activité, a quitté le GAEC, même s'il en reste encore associé ; qu'il résulte des observations faites pour le compte de M. R... que celui-ci n'avait pas la qualité d'agriculteur mais était associé gérant du GAEC du Morbraz, lequel est actuellement en redressement judiciaire ; qu'il n'en est plus le gérant mais reste associé ; que M. U... R... ne relève donc pas d'une procédure collective, mais il convient d'examiner la nature de son endettement pour savoir s'il peut bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers ; que sur ce point, il convient de reprendre l'état des créances dressé par la commission et qui n'est pas contesté par le débiteur : - que tout d'abord, il y a trois dettes inscrites sous le libellé « dettes professionnelles » dont deux sont comptabilisées uniquement en situation contractuelle et une troisième qui constitue une créance du GAEC du Morbraz d'un montant de 74 334 euros qui est présentée par le débiteur lui-même comme étant de nature professionnelle ; que pour soutenir cependant que cette somme peut faire l'objet de la procédure de surendettement, sous-entendu des particuliers, le conseil du débiteur soutient que ce dernier n'exerce plus d'activité au sein du GAEC mais l'a quitté car l'exploitation ne permettait pas de faire vivre deux familles ; qu'il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une créance née directement de l'activité du GAEC et son intitulé « remboursement compte associé » confirme que c'est une dette de M. R... qui a une origine professionnelle ; - qu'ensuite, il a cinq dettes inscrites sous le libellé « dettes du débiteur en tant que caution » correspondant pour quatre d'entre elles à des prêts consentis par le Crédit agricole du Morbihan au GAEC du Morbraz, et la cinquième à un découvert bancaire du GAEC, que M. R..., en qualité de gérant, avait cautionnés ; que le montant total des sommes dues au titre de ces quatre créances est de 39 244,30 euros, ce qui correspond à un montant impayé de 44 929,90 euros ; qu'en application des textes ci-dessus rappelés, ces dettes peuvent être intégrées dans une procédure de surendettement des particuliers ; - qu'enfin, il y a une sixième dette inscrite sous le libellé « dettes du débiteur en tant que caution » correspondant à une créance de X... K... pour un montant de 10 113,51 euros qui a pour référence : tribunal paritaire des baux ruraux de Lorient, qui a été inscrite par M. R... dans son dossier comme correspondant à la location de terre ; qu'il précise dans une lettre d'accompagnement qu'il est locataire depuis 2007, de 21 hectares de terre appartenant aux époux K... ; qu'il s'agit là encore d'une dette de nature professionnelle qui porte à 84 447,51 euros le montant total de l'endettement de nature professionnelle ; que le montant total de l'endettement retenu par la commission, non contesté par M. R..., étant de 129 377,441 euros, le montant des créances de nature professionnelle, donc exclues de la procédure de surendettement des particuliers, qui représente 65% de l'endettement global, en constitue donc l'essentiel, la demande est donc irrecevable » (jugement attaqué, p. 2 à 4) ;
1) Alors que le juge doit rechercher si le débiteur tenu de dettes professionnelles ne se trouve pas en situation de surendettement en considération de ses seules dettes non professionnelles et de ses dettes professionnelles résultant d'un engagement de caution pris en faveur d'une société ; qu'en déclarant irrecevable la demande de surendettement de M. R..., dès lors que ses dettes professionnelles exclues de la procédure de surendettement des particuliers représentaient l'essentiel de son endettement global, sans rechercher si ses dettes non professionnelles et ses dettes professionnelles résultant de ses engagements de caution au profit du GAEC du Morbraz ne le plaçaient pas à elles seules en situation de surendettement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-1 du code de commerce ;
2) Alors que pour apprécier la recevabilité de la demande de traitement de surendettement, le juge doit tenir compte de la dette professionnelle résultant d'un engagement de caution pris en faveur d'une société ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a constaté que M. R... était tenu d'une dette inscrite sous le libellé « dettes du débiteur en tant que caution » correspondant à une créance de M. K... pour un montant de 10 113,51 € pour la location de 21 hectares de terre (jugement attaqué, p. 4, §9) ; qu'en retenant qu'il s'agissait d'une dette de nature professionnelle exclue du cadre de la procédure de surendettement des particuliers, quand il résultait de ses propres constatations que cette dette correspondait à un engagement de caution de M. R... au profit du GAEC du Morbraz, de sorte qu'il convenait d'en tenir compte pour apprécier la recevabilité de la demande de traitement de surendettement, la cour d'appel a violé l'article L. 711-1 du code de commerce.