LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 septembre 2017), que MM. A... et S... G... (les consorts G...) ont assigné la commune de Gras (la commune) en revendication, par prescription acquisitive trentenaire, de la propriété d'une parcelle jouxtant leur fonds ;
Attendu que les consorts G... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande et de dire que la parcelle n'appartient ni à eux ni à la commune ;
Mais attendu qu'ayant relevé que des actes de possession avaient été accomplis concurremment par les consorts G... et par la commune, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche non demandée sur le point de départ de chacune des possessions respectives, a souverainement retenu que ces actes étaient équivoques et en a exactement déduit, sans violer l'article 4 du code civil, que ni l'une ni l'autre des parties ne démontrait son droit de propriété sur la parcelle litigieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. A... et S... G... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. A... et S... G... et les condamne à payer à la commune de Gras la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. A... et S... G...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté MM. A... et S... G... de leurs demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les titres, la seule compatibilité prétendue des confronts dont se prévalent les appelants au regard des actes de donation des 20 avril 1931 et 18 septembre 1952, contestée par l'intimée et non corroborée par un schéma explicite, ne vaut pas reconnaissance du droit de propriété litigieux ; qu'à l'inverse, l'expert judiciaire a relevé que :
- les titres sont muets sur la propriété de la partie en litige,
- sur les plans cadastraux, la partie revendiquée devant le presbytère n'a jamais été représentée comme une parcelle affectée à un compte de propriétaire ;
qu'ainsi, en l'absence d'un document écrit confirmant l'intégration de la bande de terrain en cause dans leur propriété, MM. G... ne peuvent se prévaloir d'aucun titre ; que, sur la prescription acquisitive, pour être acquisitive de propriété, la possession doit être paisible, continue, publique et non équivoque ; qu'ainsi que l'a exactement retenu le premier juge, en l'état d'actes concurrents, la possession de chacune des parties est équivoque, de sorte que l'utilisation à la fois particulière et partagée pendant de nombreuses années de la bande de terrain revendiquée, ne permet de fonder ni la propriété des consorts G..., ni celle de la commune de Gras ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'envisager la question de la domanialité publique ou privée du bien en cause, ni de s'interroger sur la juridiction compétente pour statuer sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, comme l'expert l'a relevé dans son rapport, il n'existe pas de titre de nature à établir la propriété du terrain revendiqué, dont il apparaît également qu'il n'est pas identifié au cadastre ; que, par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats que des actes de possession ont été accomplis concurremment par les consorts G..., d'une part (entretien du terrain, déplacement de la descente d'eau pluviale...) et par la commune de Gras, d'autre part (entretien du terrain, installation de l'assainissement, étendage du linge par l'occupant du presbytère...) ; qu'en conséquence, les actes de possession dont se prévalent les parties sont équivoques, d'où s'ensuit qu'ils n'ont pu donner lieu à prescription acquisitive ; qu'ainsi, le bien litigieux n'appartient ni aux consorts G..., ni à la commune de Gras ;
1°) ALORS QUE pour pouvoir prescrire, il faut une possession trentenaire continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; qu'en affirmant « qu'en l'état d'actes concurrents, la possession de chacune des parties est équivoque », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les actes de possession invoqués par la commune n'avaient pas débuté au plus tôt en 1986, date à laquelle les consorts G... avaient prescrit depuis plus de trente ans le terrain litigieux, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2258, 2261 et 2272 du code civil ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE le juge ne peut refuser de statuer ; qu'en refusant de trancher le litige qui lui était soumis pour affirmer que le bien litigieux n'appartient ni aux consorts G..., ni la commune de Gras, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la commune de Gras
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la commune de Gras tendant à voir la cour d'appel se déclarer incompétente pour statuer sur la détermination de la domanialité publique ou privée du bien immobilier litigieux et tendant à voir ordonner que soit posée une question préjudicielle devant le tribunal administratif de Lyon afin de déterminer si le bien immobilier litigieux dépend du domaine public ou du domaine privé de la commune de Gras et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la juridiction administrative ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'
« il n'y a pas lieu d'envisager la question de la domanialité publique ou privée du bien en cause, ni de s'interroger sur la juridiction compétente pour statuer sur ce point » (cf. arrêt p. 4, motifs, § 8) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« la commune de Gras soutient que la question de la domanialité publique ou privée du bien immobilier a une incidence directe sur la solution du litige, au motif que le biens relevant du domaine public d'une commune sont imprescriptibles ;
qu'elle en déduit que le tribunal devait se déclarer incompétent pour statuer sur ce point au profit de la juridiction administrative ;
attendu qu'en posant le problème en ces termes, la commune de Gras laisse croire qu'il serait d'ores et déjà acquis aux débats qu'elle serait propriétaire de la bande de terrain située entre le presbytère et le chemin communal ;
qu'en effet, un bien ne peut être rattaché ni au domaine public, ni au domaine privé d'une personne morale de droit public lorsque celle-ci n'en est pas propriétaire ;
qu'il en résulte que la question de la domanialité publique ou privée du terrain litigieux ne se pose qu'à la condition qu'il soit la propriété de la commune, ce qui est contesté en l'espèce ;
qu'il appartient donc au tribunal de trancher préalablement la question de la propriété de ce terrain avant de statuer sur sa compétence ;
que c'est seulement s'il est établi que la commune en est propriétaire qu'il y aura lieu de renvoyer à la juridiction administrative la question de sa domanialité publique ou privée » (cf. jugement p. 3, A) Sur la question préjudicielle) ;
ALORS QUE le domaine public est imprescriptible ; que les tribunaux de l'ordre judiciaire, saisis par une personne privée d'une revendication immobilière sur le fondement de la prescription acquisitive, doivent, en cas de contestation sérieuse relative à l'étendue et aux limites du domaine public, surseoir à statuer jusqu'à ce que soit tranchée, par la juridiction administrative, la question préjudicielle de l'appartenance du bien revendiqué au domaine public ; qu'en énonçant qu'il appartenait au juge judiciaire de trancher préalablement la question de la propriété du terrain que les consorts G... prétendaient avoir usucapé à l'encontre de la commune de Gras, laquelle avait soulevé l'exception de domanialité publique du terrain revendiqué, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a ainsi violé la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.