LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1324 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
Attendu que, dans le cas où une partie désavoue son écriture ou sa signature, il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose, après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 décembre 2016), que, par acte du 10 février 1987, M. A... a cédé son exploitation agricole à son gendre, M. W... ; que, par acte du 16 novembre 1991, il a, avec son épouse, donné à bail des parcelles à M. et Mme W... ; que, par acte du 12 mars 2009, postérieurement au divorce des preneurs, il a, avec son épouse, donné congé à M. W... pour le 30 septembre 2009 ; que, par déclaration du 25 juin 2012, celui-ci a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en restitution de la somme versée à l'entrée dans les lieux, outre les intérêts ; que Mme A... et Mme S..., ayants droit de F... A... décédée en cours d'instance, y sont intervenues volontairement ;
Attendu que , pour accueillir la demande, l'arrêt retient que les stipulations de l'acte de cession du 10 février 1987 prévoient que l'acquéreur aurait la propriété et la jouissance, à compter du 1er octobre 1986, du matériel, des animaux, objets ou effets vendus, destinés à l'exploitation de la ferme dont il prendrait possession le même jour en qualité de fermier ;
Qu'en statuant ainsi, sans procéder, comme elle y était tenue, à une vérification de la signature figurant sur cet acte, expressément déniée par M. A..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. W... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. W... et le condamne à payer à M. A..., Mme A... et Mme S... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour les consorts A....
Les consorts A... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. A... à verser à M. W... la somme de 17.607,86 euros au titre de la répétition de l'indu et celle de 40.504,57 euros au titre des intérêts acquis depuis le 26 mars 1987, outre les intérêts à parfaire courant au taux légal majoré de trois points jusqu'à complet règlement ;
AUX MOTIFS QU' aux termes des dispositions de l'article L. 411-74 du code rural, « Sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30.000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiées, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci. Ces sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points » ; que cet article interdit donc le versement d'une somme d'argent au bailleur par le preneur d'un bail rural lors de l'entrée dans les lieux de ce dernier, sans contrepartie justifiée ; qu'aux termes de l'acte sous seing privé de cession régularisé le 10 février 1987 dans le paragraphe intitulé « Propriété-Jouissance » que : « à compter que 1er octobre 1986, l'acquéreur a la propriété et la jouissance du matériel, des animaux, objets ou effets vendus, destinés à l'exploitation de la ferme dont il prend possession le même jour en qualité de fermier sur 27,50 hectares » ; qu'en outre il résulte des relevés de la caisse de mutualité sociale agricole que M. W... exploitait les parcelles litigieuses appartenant à M. A... avant le 1er janvier 1987 ; que de plus, il résulte tant de l'attestation établie le 7 janvier 2016 par la société CER France, expert-comptable de M. W... que de l'extrait de fichier fiscal et de l'état des immobilisations de l'exploitation de M. W... au 19 novembre 2015 que l'inscription au titre des améliorations du fonds d'une surface de 27 ha 50 a pour un montant de 115.000 francs est constamment reprise dans la comptabilité agricole de M. W..., le versement étant intervenu le 26 mars 1987 ; que ces éléments établissent que M. W... a effectivement réglé à M. et Mme A... au titre de l'amélioration des fonds la somme de 115.500 francs (17.607,86 euros), le fait qu'un bail à long terme n'ait été consenti que postérieurement étant indifférent en l'espèce dès lors qu'il résulte des termes même de l'acte de cession que dès le 1er octobre 1986 que M. W... a pris possession de l'exploitation en qualité de fermier, le changement d'exploitant étant concomitant au versement de la somme de 115.500 francs par M. W... ; que dès lors, la preuve de ce que le paiement litigieux concernait la cession est rapportée en l'espèce en l'absence de justificatif de toute cession de matériel, de cheptel ou même de récolte en terre ; qu'en outre, l'acte de cession de l'exploitation a été conclu entre les seuls M. B... A... et M. R... W..., sans que Mme F... O... ne soit partie à l'acte ; que dès lors, M. W... sera débouté de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Mme E... A... et Mme Q... A... épouse S... ; qu'en conséquence, il y a lieu de condamner M. B... A... au paiement de la somme de 17.607,86 euros au titre de la répétition de l'indu, la décision entreprise étant infirmée sur ce point ; que l'article L. 411-74 du code rural dispose que les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition ; qu'elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux d'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points ; qu'il résulte de l'article 9 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 que : I° - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du même code est complété par ces mots : « Et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de 3 points ». II° - Le I° s'applique aux instances en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ; qu'il résulte des développements précédents que M. A... doit être condamné à payer à M. W... la somme de 17.607,86 euros au titre de la répétition de l'indu, ce versement ayant été réalisé le 26 mars 1987 ; la cour relève que si le taux d'intérêt légal était fixé à 9,50 % pour la période du 1er janvier 1978 au 14 juillet 1989, ce taux a varié annuellement à partir du 15 juillet 1989 de sorte que le calcul des intérêts dûs par M. A... en application des dispositions de l'article L. 411-74 est le suivant :
- pour la période du 26 mars 1987 au 14 juillet 1989 : 17.607,86 euros x 12,50 % x 2 ans = 4.401,96 euros ;
- pour la période du 15 juillet 1989 au 31 décembre 1989 : 17.607,86 euros x 10,82 % = 1.905,17 euros ;
- pour l'année 1990 : taux de 12,36 % soit 2.176,33 euros,
- pour l'année 1991 : taux de 13,26 % soit 2.334,80 euros,
- pour l'année 1992 : taux de 12,69 % soit 2.234,43 euros,
- pour l'année 1993 : taux de 13,40 % soit 2.359,45 euros,
- pour l'année 1994 : taux de 11,40 % soit 2.007,29 euros,
- pour l'année 1995 : taux de 8,82 % soit 1.553,01 euros,
- pour l'année 1996 : taux de 9,65 % soit 1.699,15 euros,
- pour l'année 1997 : taux de 6,87 % soit 1.209,65 euros,
- pour l'année 1998 : 6,36 % soit 1.119,85 euros,
- pour l'année 1999 : 6,47 % soit 1.139,22 euros,
- pour l'année 2000 : 5,74 % soit 1.010,69 euros,
- pour l'année 2001 : 7,26 % soit 1.278,33 euros,
- pour l'année 2002 : 7,26 % soit 1.278,33 euros,
- pour l'année 2003 : 6,29 % soit 1.107, 53 euros,
- pour l'année 2004 : 5,27 % soit 927,93 euros,
- pour l'année 2005 : 5,05 % soit 889,19 euros,
- pour l'année 2006 : 5,11 % soit 899,76 euros,
- pour l'année 2007 : 5,95 % soit 1.047,66 euros,
- pour l'année 2008 : 6,99 % soit 1.230,78 euros,
- pour l'année 2009 : 6,79 % soit 1.195,57 euros,
- pour l'année 2010 : 3,65 % soit 642,68 euros,
- pour l'année 2011 : 3,38% soit 595,14 euros,
- pour l'année 2012 : 3,71% soit 653,25 euros,
- pour l'année 2013 : 3,04% soit 535,27 euros,
- pour l'année 2014 : 3,04% soit 535,04 euros,
- pour l'année 2015 : 7,06% soit 1.243,31 euros,
- pour l'année 2016 : 7,35% soit 1.294,17 euros,
Soit un total de 40.504,57 euros au titre des intérêts acquis depuis le 26 mars 1987 ; que M. A... sera condamné à verser à M. W... la somme de 40.504,57 euros au titre des intérêts acquis depuis le 26 mars 1987 outre les intérêts à parfaire courant au taux légal majoré de trois points jusqu'à complet règlement ;
1°) ALORS QUE dans le cas où une partie, à qui on oppose un écrit, déclare ne pas reconnaître l'écriture qui lui est attribuée, il appartient au juge de vérifier l'écrit contesté et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer ; que la cour d'appel en se fondant, pour faire droit à la demande de M. W... en répétition de l'indu, sur les stipulations de l'acte de cession du 10 février 1987 selon lesquelles l'acquéreur avait la propriété et la jouissance, à compter du 1er octobre 1986, du matériel, des animaux, objets ou effets vendus, destinés à l'exploitation de la ferme dont il prenait possession le même jour en qualité de fermier, sans procéder, comme elle y était tenue, à une vérification de la signature figurant sur cet acte, qui était expressément déniée par l'exposant, a violé, par refus d'application, l'article 1324 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU' il incombe au demandeur en restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement ;
que la cour d'appel qui, pour faire droit à la demande de M. W... en répétition de l'indu, s'est fondée sur l'absence de justificatif de toute cession de matériel, de cheptel ou même de récolte en terre, a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut faire droit à une demande en répétition de l'indu sans caractériser l'existence du paiement dont la restitution est sollicitée au profit de la personne à laquelle on l'oppose ; qu'en déduisant la preuve du versement par ce dernier aux époux A..., au titre de l'amélioration des fonds, de la somme dont la répétition est demandée, des seules circonstances selon lesquelles l'acte de cession du 10 février 1987 stipulait que l'acquéreur avait la propriété et la jouissance, à compter du 1er octobre 1986, du matériel, des animaux, objets ou effets vendus, destinés à l'exploitation de la ferme dont il prenait possession le même jour en qualité de fermier, l'inscription au titre des améliorations du fonds pour un montant de 115.000 francs était constamment reprise dans la comptabilité agricole du nouvel exploitant et le versement était intervenu le 26 mars 1987, sans caractériser autrement l'existence d'un paiement effectué au profit de l'ancien exploitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause.