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05/06/2019 | FRANCE | N°17-31789

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juin 2019, 17-31789


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que M. I..., engagé à compter du 17 janvier 1996 par la société AOM Industries CIP aux droits de laquelle se trouve la société Sabena Technics Fni, a été licencié par lettre du 31 août 2012 ; que, contestant le bien-fondé de ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'e

st manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que M. I..., engagé à compter du 17 janvier 1996 par la société AOM Industries CIP aux droits de laquelle se trouve la société Sabena Technics Fni, a été licencié par lettre du 31 août 2012 ; que, contestant le bien-fondé de ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes formées par le salarié au titre de la réintégration, l'arrêt retient que l'entreprise à qui doit être demandée cette réintégration, la société Sabena Technics dont le siège social se trouve en métropole, n'était pas partie en première instance et n'a pas été appelée en cause d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Sabena Technics Fni, dont le siège social est [...], [...] , était partie au jugement de première instance et avait conclu en qualité d'intimée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par M. I... au titre de la réintégration, l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne la société Sabena Technics Fni aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sabena Technics Fni à payer à M. I... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. I...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir dit que le licenciement de M. I... par la société Sabena Technics Fni était fondé sur une cause réelle et sérieuse et n'était pas abusif et de l'avoir débouté de toutes ses demandes à ce titre ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. I... a été licencié par lettre du 31 août 2012 ainsi rédigée : « Vous avez été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au jeudi 23 août 2012 auquel vous ne vous êtes pas présenté. Vous avez donc été convoqué à un nouvel entretien fixé au lundi 27 août. 1. Comme suite à celui-ci, nous vous notifions, par les présentes, votre licenciement fondé sur votre refus d'accepter une modification de votre contrat de travail dans les conditions suivantes : Lors de votre évaluation individuelle réalisée en date du 05 juin 2012, la Direction vous a exposé vos faiblesses relationnelles et managériales dans votre fonction de « Chef de service des ateliers ». Dans ce contexte, la Direction vous a proposé la mise en place d'un adjoint, réorganisation que vous avez refusée, empêchant votre maintien dans les fonctions que vous occupiez. Une proposition de mutation au service Contrôle en qualité de Contrôleur, assortie du maintien de votre rémunération et coefficient hiérarchique de référence antérieurs, vous a alors été faite, entraînant un nouveau refus de votre part. Ce refus nous a été confirmé par les réserves figurant à la notification de cette modification ainsi que par l'assignation en référé qui nous a été signifiée en date du 13 août 2012 dans laquelle vous contestez la modification de votre contrat et demander votre «réintégration» dans vos fonctions de « Chef de service des ateliers ». Face à un refus de modification du contrat, que l'employeur ne peut imposer au salarié, nous ne disposons que d'une alternative, soit nous renonçons à cette modification, soit nous procédons à votre licenciement. Nous ne pouvons renoncer à cette modification, conforme à l'intérêt de l'entreprise et à la nécessité d'assurer la bonne marche du service, imposée par la situation de votre service et vos carences managériales, par votre refus, raisonnablement et objectivement inexplicable, de vous voir adjoindre un second. Votre préavis d'une durée de 4 mois prendra effet à compter du premier jour ouvrable suivant la présentation et la remise en mains propres de la présente lettre. Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc au mois le mois l'indemnité compensatrice correspondante. Vous pourrez retirer votre solde de tout compte ainsi que votre certificat de travail dans les locaux du CIP à l'issue du préavis. 2. Restitutions et accès : vous êtes d'autre part prié de vous présenter dès que possible au CIP afin de restituer vos badges d'accès (invalidé dès le 1er jour du préavis dont vous êtes dispensé) à la base aérienne ainsi qu'à la zone aéroportuaire ; de libérer votre ou vos casiers individuels et récupérer vos effets personnels encore présents au sein de l'établissement. 3. En ce qui concerne la procédure disciplinaire, portant sur des enregistrements clandestins, qui faisait également l'objet de la convocation à l'entretien préalable et après la saisine du Conseil de Discipline, en l'état de l'avis de celui-ci et de vos contestations relatives à la matérialité des faits ; il n'y est donné aucune suite
» ; (
) ; que sur le bien-fondé du licenciement, la modification d'une des conditions substantielles du contrat de travail nécessite le consentement du salarié et, dans l'hypothèse où celui-ci refuse une telle modification, l'employeur doit, soit le rétablir dans son emploi, soit tirer les conséquences du refus en engageant la procédure de licenciement ; que la lecture des pièces versées aux débats fait ressortir que le tribunal du travail a analysé de façon précise et exacte les éléments de la cause et leur a appliqué les textes et principes juridiques adéquats ; que c'est ainsi que les premiers juges ont pertinemment relevé que le refus de M. I... d'accepter avant le licenciement la modification de ses conditions de travail est établi par les pièces versées aux débats et notamment par la mention apposée le 3 août 2012 sur la lettre que lui a adressée le 1er août 2012 le directeur d'établissement ainsi que par sa saisine du juge des référés du tribunal du travail aux fins de réintégration dans ses fonctions en date du 3 août 2012, que les attestations des cadres qui ont assisté à la réunion de coordination production doivent être prises en considération et qu'elles établissent que M. I... y a exprimé son total désaccord sur la réorganisation de l'entreprise, que les carences managériales de M. I... étaient avérées et nécessitaient une nouvelle répartition des tâches, qu'en n'acceptant pas l'assistance de l'adjoint proposé par l'employeur, ce qui lui aurait permis de conserver son poste, M. I... a contraint la SAS Sabena Technics Fni CIP à rechercher une autre solution, que celle consistant à offrir au salarié un poste de contrôleur sans diminution de rémunération ne possède aucun caractère vexatoire, ni discriminatoire, ni abusif, et que le licenciement n'est pas intervenu dans des circonstances brutales ; qu'il convient également de souligner que M. I... ne démontre pas que son employeur lui ait imposé d'intégrer le service contrôle avant le licenciement dans la mesure où, dans sa lettre du 1er août 2012, celui-ci se contente de demander une réponse au salarié concernant la mutation sans lui parler de licenciement ; que par ailleurs, M. I... ne verse aux débats aucune pièce contredisant le directeur d'établissement qui écrit : « nous tenons à vous rappeler qu'en sus de votre salaire de base demeurant inchangé, le poste de contrôleur bénéficie de primes de fin de chantier dont le montant varie selon une grille de critères prédéfinis alors que votre poste actuel de Chef de service des Ateliers ne bénéficie d'aucune prime particulière. Enfin, il semble important de souligner que le poste de contrôleur qui vous est aujourd'hui proposé est un poste clé au sein du C1P ; situé au coeur de la Production, il est essentiel à la sécurité des biens et des personnes » ; qu'enfin, la seule attestation de M. M... R... n'est pas susceptible de rapporter la preuve que M. I... ne possédait ni les compétences, ni l'expérience pour assumer les fonctions de contrôleur qui lui ont été confiées ; que ces motifs associés à ceux du tribunal du travail que la cour adopte donc purement et simplement conduisent à considérer que la modification de son contrat de travail proposé au salarié était justifié par l'intérêt de l'entreprise ; qu'elle ne lésait pas M. I... ; que le refus de celui-ci n'est donc pas légitime et que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'accord du salarié avant la notification du licenciement met obstacle à ce dernier, dont il supprime en effet la cause ; qu'en l'espèce, l'employeur conteste cette acceptation, dont le représentant se prévaut lors de l'entretien préalable ; qu'au demeurant, M. I... admet lui-même que son acceptation prétendue était subordonnée à une rectification de la proposition salariale ; qu'il en résulte qu'il ne peut être question d'une acceptation, en l'absence d'une proposition rectifiée de l'employeur quant à la rémunération du nouveau poste ; qu'en outre, en saisissant le juge des référés d'une demande de réintégration dans son ancien poste, et en mentionnant qu'il assurait la passation « par contrainte et sur ordre », M. I... avait clairement signifié son opposition à occuper volontairement son nouveau poste ; qu'il convient donc d'examiner si la modification refusée était justifiée par un motif réel et sérieux ; que le tribunal est lié par le contenu de la lettre de licenciement ; que celle-ci fonde la modification litigieuse sur les carences managériales du requérant, sur son refus de voir adjoindre un second et sur la nécessité consécutive de réorganiser le service ; qu'il résulte des attestations de M. Q... K... et de M. G... F... que M. I... « a exprimé son total désaccord sur la solution de réorganisation retenue par la direction » ; que M. V... L... a confirmé cette position en précisant que M. I... a « rejeté cette opportunité » ; que le requérant ne pouvait subordonner, comme il a tenté de le faire, son adhésion à la nomination d'un adjoint choisi par ses soins, outre que l'intéressé avait décliné cette perspective ; qu'il ne peut être fait grief à l'employeur de produire les témoignages d'autres cadres, seuls ces derniers ayant pu assister à la réunion au cours de laquelle M. I... a exprimé son opposition ; que les difficultés managériales de M. I... son incontestables et mettaient obstacle à la poursuite de l'organisation antérieure ; qu'en refusant la nomination de l'adjoint choisi par la direction, M. I... a contraint l'employeur à rechercher une autre solution ; qu'imposer la solution initialement retenue ne pouvait qu'être inopportune face à son rejet par M. I..., même si installer un adjoint relevait du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en effet, la solution ne pouvait qu'être vouée à l'échec en l'absence d'adhésion du principal intéressé ; que la proposition d'occuper un poste de contrôleur rémunéré aux mêmes conditions salariales n'avait en outre rien de vexatoire ni de déraisonnable ; que cette proposition, justifiée par l'intérêt de l'entreprise et refusée par M. I..., légitime son licenciement, qui repose consécutivement sur une cause réelle et sérieuse ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des pièces versées aux débats par les parties ; qu'en considérant que le refus de M. I... d'accepter, avant son licenciement, la modification de son contrat de travail, était établi « notamment par la mention apposée le 3 août 2012 sur la lettre que lui a adressé le 1er août 2012 le directeur d'établissement » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), cependant que la mention litigieuse, – ainsi libellée : « J'intégrerai par ordre le service contrôle au 16 août comme imposé mais affirme que je ne suis pas d'accord avec cette mutation et dégradation hiérarchique et financière »–, établissait à l'inverse la volonté de M. I... de rejoindre sa nouvelle affectation, ce qu'il a d'ailleurs effectivement fait, la cour d'appel a dénaturé le sens de cette mention et a violé l'article 1192 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'accord du salarié sur la modification de son contrat de travail peut intervenir tant que son licenciement ne lui est pas notifié ; qu'en affirmant que M. I... n'avait pas accepté la modification de son contrat de travail avant son licenciement, au motif qu'il avait contesté la réorganisation de l'entreprise dans le cadre d'une réunion de coordination et engagé une procédure de référé prud'homale, ce qui démontrait selon elle le refus du salarié d'accepter la mutation litigieuse (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), cependant que ces circonstances n'étaient nullement incompatibles avec le fait que M. I... avait accepté, en l'état, de rejoindre sa nouvelle affectation, ce qui privait de cause son licenciement, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par M. I... à l'encontre de la « SAS Sabena Technics Fni CIP » au titre de la réintégration ;

AUX MOTIFS QUE dans sa lettre du 22 décembre 1995, la société AOM Industries ayant son siège social en métropole précise à M. I... : « A l'issue de votre affectation au CIP, nous nous engageons à vous réintégrer au sein du groupe AOM. Une indemnité de réinstallation vous sera alors versée suivant les modalités fixées au sein de notre entreprise. » ; que l'article 2 du contrat de travail conclu entre AOM Industries-CIP et M. I... dispose : « A l'issue de cette affectation en Polynésie française, Monsieur I... sera réintégré dans le groupe AOM. » ; que lorsque le contrat de travail a été repris par la société Sabena Technics Fni CIP, ces dispositions n'ont pas fait l'objet de modifications et M. I... peut donc revendiquer un droit à réintégration ; que toutefois, l'entreprise à qui doit être demandée cette réintégration, la société Sabena Technics dont le siège social se trouve en métropole n'était pas partie en première instance et n'a pas été appelée en cause d'appel ; que c'est, d'ailleurs, au directeur général de Sabena Technics Fni France que M. I... a adressé une lettre ayant pour objet sa réintégration et que c'est ce directeur général qui lui a répondu négativement ; que les demandes formées au titre de la réintégration à l'encontre de la SAS Sabena Technics Fni CIP seront donc rejetées comme irrecevables ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges sont tenus de faire respecter et de respecter eux-mêmes le principe de la contradiction ; qu'à ce titre, il leur appartient, dès lors qu'ils décident de relever d'office une fin de non-recevoir, d'inviter au préalable les parties à formuler leurs observations ; qu'en l'espèce, en relevant d'office la fin de non-recevoir tirée de ce que M. I... serait irrecevable en ses demandes à l'encorne de la société « Sabena Technics Fni CIP » au titre de la réintégration, la cour d'appel a opposé un moyen qui n'était nullement dans la cause ; qu'en se prononçant de la sorte, sans solliciter les observations préalables des parties, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française, ensemble l'article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU' en énonçant que la société Sabena Technics Fni « France », débitrice de l'obligation de réintégration et « dont le siège se trouve en métropole n'était pas partie en première instance et n'a pas été appelée en cause d'appel » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 5), cependant que le jugement du 11 décembre 2014 a été rendu au contradictoire de la « SAS Sabena Technics Fni dont le siège et sis [...] [...] - [...] ou [...], [...] » et que les conclusions de l'employeur intimé ont été déposées dans l'intérêt de la « société Sabena Technics Fni, [...], SAS au capital de 5 855 220 €, inscrite au RCS sous le numéro N 379 411 028, ayant son siège social [...] [...] – [...] – [...] – [...] », d'où il suit que la société Sabena Technics Fni « France » avait bien été partie en première instance et appelée en cause d'appel, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé ce faisant l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31789
Date de la décision : 05/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 09 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2019, pourvoi n°17-31789


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31789
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