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04/06/2019 | FRANCE | N°18-82504

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 2019, 18-82504


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Y... D...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 27 février 2018, qui pour atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel et entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, dont 1 000 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 avril 2019 où étaient présents d

ans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, prési...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Y... D...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 27 février 2018, qui pour atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel et entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, dont 1 000 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller Ricard, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, 111-4, 112-1 du code pénal, L. 2314-4, L. 2316-1, L. 2324-5, L. 2328-1 anciens, L. 2317-1 nouveau du code du travail, 6, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. Y... D... coupable de délit d'entrave à la mise en place d'élection de délégués du personnel et à la constitution du comité d'entreprise dans le cadre de la délégation unique du personnel au sein de la société R.E.M.I (Réalisation d'équipements et de maintenance industrielle) ;

"aux motifs que Mme L... N... avait été désignée représentante de la section syndicale CFDT de l'entreprise R.E.M.I ; que
cette information était parvenue à M. D... par courrier recommandé avec accusé de réception le 29 décembre 2014 ; que par courrier recommandé avec accusé de réception des 27 et 28 janvier 2015, Mme N..., représentante CFDT et le syndicat CFDT SYMETAL 38 demandaient officiellement à M. D... d'organiser l'élection d'une délégation unique du personnel et du comité d'entreprise en application de l'article L. 2326-1 du code du travail, outre la fourniture d'un panneau d'affichage standard 75 cm x 100 cm vitré, fermant à clef et la mise en place de ce panneau à un endroit choisi d'un commun accord, visible de tout salarié entrant dans l'entreprise ; que ces élections n'ont finalement eu lieu qu'en octobre 2015, soit près de huit mois après l'expiration du délai légal prévu pour lancer le processus électoral - Sur le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical entre le 1er janvier 2015 et le 18 mai 2015 : ce délit, tel que poursuivi par le ministère public dans la prévention, n'est pas constitué car M. D... n'a entravé ni les droits d'une section syndicale, ni ceux d'un délégué syndical strictement définis aux articles L. 2141-11 à L. 2143-22 du code du travail, d'autant plus que l'employeur n'a pas vocation à intervenir dans les élections syndicales ; que s'agissant par ailleurs du local confidentiel dont Mme N... aurait demandé l'attribution, en application de l'article L. 2142-8 et L. 2142-9 du code du travail, cette obligation n'est imposée que dans les entreprises de plus de 200 salariés, ce qui n'était pas le cas de la société R.E.M.I ; - Sur le délit d'entrave à la mise en place d'élection de délégués du personnel et à la constitution du comité d'entreprise dans le cadre d'une délégation unique du personnel au sein de la société R.E.M.I : ce délit d'entrave suppose la preuve d'un élément matériel, acte ou abstention répréhensible, et d'un élément moral défini comme le caractère volontaire de cette entrave, quel que soit le mobile ou le but recherché ; qu'une simple inertie, en connaissance de cause ou un retard délibéré dans l'organisation des élections suffisent à engager la responsabilité pénale de l'employeur ; que le fait de ne pas donner le temps et les structures pour recevoir les salariés en toute confidentialité, le fait de ne pas avoir mis à temps les moyens utiles pour l'organisation des élections et de les avoir repoussées à une date ultérieure sans motif légitime caractérise le délit d'entrave à la mise en place d'élection de délégués du personnel et à la constitution du comité d'entreprise dans le cadre d'une délégation unique du personnel, faits prévus et réprimés par les articles L. 2314-4, L. 2324-5, L. 2316-1 et L. 2328-1 du code du travail recodifiés à l'article L. 2317-1 en application de l'ordonnance du 22 septembre 2017 ; qu'en l'espèce, par courriers recommandés avec accusés de réception des 27 janvier et 28 janvier 2015, Mme N..., représentante CFDT et le syndicat SYMETAL 38 demandaient à M. D... d'organiser l'élection d'une délégation unique du personnel et du comité d'entreprise en application de l'article L. 2326-1 du code du travail ; que Mme N... lui demandait également la fourniture d'un panneau d'affichage standard de 75 cm x 100 cm vitré, fermant à clef et la pause de ce panneau à un endroit choisi d'un commun accord, visible de tout salarié entrant dans l'entreprise ; que dans une lettre du 3 février 2015, Mme J... Q... inspectrice du travail faisait notamment observer à M. D..., suite à sa visite du 26 janvier 2015, qu'il devait mettre à disposition de la section syndicale CFDT un panneau d'affichage en application de l'article L. 2142 (sic) du code du travail ; qu'il lui était aussi demandé d'engager, sous un mois à compter de la réception de la demande, la procédure des élections représentatives du personnel en invitant les organisations syndicales représentatives à négocier un protocole pré-électoral en application de l'article L. 2324-5 du code du travail ; qu'en application de l'article L. 2314-4 du code du travail, l'employeur doit organiser les élections dans le mois qui suit les demandes soit, en l'espèce, au plus tard à compter du 28 février 2015 ; que l'obligation légale de l'employeur exige qu'il informe par tous moyens les salariés de la préparation des prochaines élections professionnelles au sein de l'entreprise et qu'il invite les organisations syndicales à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux élections ; que par un courrier du 23 mars 2015, M. D... invitait les organisations syndicales de salariés (CFTC, FO, CFDT, CGT) à élaborer le protocole d'accord de ces élections professionnelles pour le 9 avril 2015, le premier tour des élections devant se tenir le 11 mai 2015 ; que le 9 avril 2015, M. D... annonçait que la réunion de négociation sur le protocole pré-électoral ne se tiendrait pas en raison des tensions dans l'entreprise et cette réunion était remise à une date indéterminée ; que le 24 avril 2015, l'inspection du travail demandait à l'employeur de remettre les listes électorales des salariés éligibles et des salariés électeurs aux organisations syndicales s'étant présentées le 9 avril précédent ; que le 18 mai 2015, M. D... a reconnu devant les services d'enquête au cours de sa garde à vue que les élections n'avaient toujours pas eu lieu ; que dans son courrier du 11 juin 2015, l'inspection du travail a pu noter que M. D... n'avait pas remis les listes électorales des salariés éligibles et des salariés électeurs aux deux organisations syndicales s'étant présentées le 9 avril 2015 et que, depuis, rien n'avait même été préparé ; que selon ce courrier, M. D... n'avait pas fait état d'un supposé conseil de M. I... de repousser les élections lorsque les tensions se seraient apaisées, mais de son intention d'attendre le retour de Mme N... ; qu'un procès-verbal d'infraction a été établi le 29 juin 2015 par l'inspection du travail à la suite de sa dernière visite le 11 juin 2015 puisqu'en dépit des instructions claires formulées par courrier du 3 février 2015 et sur le site, l'employeur n'avait toujours pas satisfait à son obligation d'engager le processus électoral tel que défini à l'article L. 2324-4 du code du travail ; que la régularisation en date du 15 juin 2015 par l'envoi de nouvelles invitations aux organisations syndicales à une réunion d'élaboration des protocoles électoraux relatifs aux élections de la délégation unique du personnel prévues le 30 juin 2015, dont la cour relève au surplus qu'elle n'est intervenue qu'en raison de l'annonce par l'inspectrice du travail dans son courrier du 11 juin 2015 qu'elle allait dresser procès-verbal, est sans effet sur la constitution de l'infraction ; que de même, le mail du 26 février 2015 de Mme S... transférant à Mme N... un mail de M. I... comportant les procédures papiers pour les élections syndicales pour lui déléguer tous les préparatifs électoraux ne saurait avoir eu pour conséquence de dédouaner M. D..., en tant qu'employeur, de son obligation personnelle en la matière ; que de même, si le fait que le responsable des achats, M. H..., avait, à la demande de son employeur échangé le 25 mars 2015 [
] avec Mme N... sur la question du matériel nécessaire à l'organisation des élections (enveloppes, étiquettes, urnes, tableau d'affichage...) constituait une démarche importante pour l'organisation matérielle des élections, il ne saurait en résulter la preuve que l'employeur avait satisfait à ses obligations liées à l'engagement de la procédure des élections par l'information des salariés et l'invitation des organisations syndicales à négocier le protocole d'accord préélectoral ; que le 9 avril 2015, M. D... a reconnu qu'il avait mis fin à la réunion de négociation sur le protocole pré-électoral compte tenu des tensions dans l'entreprise, remettant d'autorité et sine die cette réunion ; que le fait de mettre en avant les difficultés économiques de l'entreprise, le congé maladie de Mme N... ou les tensions dans l'entreprise ne constitue qu'un mobile, sans effet sur l'élément moral de l'infraction ; que c'est bien de manière délibérée, consciente et volontaire que M. D... s'est abstenu de remplir ses obligations en la matière durant plusieurs mois et ce, malgré les incitations répétées et rappels à l'ordre de l'inspection du travail ; que par conséquent, la Cour requalifie les faits reprochés à M. D... sous la qualification d'entrave au droit syndical en le délit d'entrave à la mise en place de délégués du personnel et d'un comité d'entreprise dans le cadre d'une délégation unique du personnel et déclare M. D... coupable de ces faits ainsi requalifiés » ;

"alors que la loi pénale nouvelle qui abroge une incrimination est d'application immédiate, tandis que la loi pénale nouvelle qui institue une nouvelle incrimination ne saurait s'appliquer à des faits antérieurs à sa promulgation ; qu'en l'espèce, en faisant application des articles L. 2314-4, L. 2316-1, L. 2324-5 et L. 2328-1 anciens du code du travail, d'une part, et de l'article L. 2317-1 nouveau du même code, d'autre part, quand ces premiers textes d'incrimination avaient été abrogés par l'ordonnance n° 2017-1.386 du 22 septembre 2017 et que le second texte n'était, quant à lui, pas en vigueur à l'époque des faits, n'avait pas recodifié à droit constant les dispositions antérieures, auxquelles il n'était ni identique ni équivalent, et avait, au contraire, créé des infractions nouvelles relatives à de nouvelles institutions représentatives de salariés, qui n'existaient pas encore à l'époque des faits objets de la prévention, la cour d'appel a méconnu les règles d'application de la loi pénale dans le temps" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que plusieurs plaintes ont été déposées au cours du premier semestre de l'année 2015, notamment, par la représentante de la section syndicale CFDT de la société Réalisation équipement maintenance industrielle (la société REMI) à l'encontre de M. D..., dirigeant de ladite société, pour ne pas avoir organisé les élections pour le comité d'entreprise et les délégués du personnel dans les délais réglementaires ; que, cité devant le tribunal correctionnel, notamment pour entrave à l'exercice du droit syndical entre le 1er janvier et le 18 mai 2015, ainsi que pour diverses autres infractions, le prévenu a été déclaré coupable de ces chefs ; que M. D..., de même que le procureur de la République, ont interjeté appel de ce jugement ;

Attendu qu'après avoir requalifié les faits d'entrave au droit syndical en délits d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise dans le cadre d'une délégation unique du personnel, l'arrêt, pour dire le prévenu coupable de ces chefs, relève que l'inspection du travail, qui avait demandé à l'intéressé, par courrier du 3 février 2015 d'engager la procédure relative aux élections représentatives du personnel, sous un mois à compter de la réception de cette demande, et avait constaté, dans un nouveau courrier en date du 11 juin 2015 adressé au prévenu, l'absence d'organisation desdites élections, malgré de précédentes demandes en ce sens et une visite dans l'entreprise le 24 avril 2015 à cette fin, a dressé un procès-verbal d'infraction le 29 juin 2015 des chefs susvisés ; que les juges énoncent que, de manière délibérée, M. D... s'est abstenu de remplir ses obligations en la matière durant plusieurs mois et ce, malgré les incitations répétées et les rappels à l'ordre émis par l'inspection du travail ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen dès lors que les mesures transitoires visées au paragraphe V de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, énoncent que, pendant la durée des mandats en cours, les dispositions du chapitre VIII du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de ladite ordonnance, incluant les articles L. 2316-1 et L. 2328-1 du code du travail dans leur version en vigueur au moment des faits, qui prévoient et répriment l'atteinte à l'exercice régulier des fonctions de délégués du personnel et l'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, et dans les prévisions desquelles entre l'atteinte à la libre désignation des délégués du personnel et l'entrave à la constitution d'un comité d'entreprise ou à la libre désignation de leurs membres, telles que mentionnées aux articles L. 2314-4 et L. 2324-5 du même code, demeurent applicables, tant que le comité social et économique n'a pas été élu ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M.D... devra payer à Mme L... T... épouse N... et à Mme X... V... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre juin deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-82504
Date de la décision : 04/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 27 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 2019, pourvoi n°18-82504


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.82504
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