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29/05/2019 | FRANCE | N°18-11613

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mai 2019, 18-11613


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-2, alinéa 2, et L. 641-1,I du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Foncière et développement, société par actions simplifiée ayant pour unique associé M. V..., a été mise en liquidation judiciaire le 24 juillet 2012 ; que le liquidateur a assigné la société De la Croisette, société civile immobilière détenue à hauteur de 95 % par M. V..., en extension de cette procédure pour conf

usion de leurs patrimoines ;

Attendu que pour accueillir la demande du liquidateur, l'ar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-2, alinéa 2, et L. 641-1,I du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Foncière et développement, société par actions simplifiée ayant pour unique associé M. V..., a été mise en liquidation judiciaire le 24 juillet 2012 ; que le liquidateur a assigné la société De la Croisette, société civile immobilière détenue à hauteur de 95 % par M. V..., en extension de cette procédure pour confusion de leurs patrimoines ;

Attendu que pour accueillir la demande du liquidateur, l'arrêt constate que la société Foncière et développement a vendu le 10 août 2010 à la société De la Croisette un ensemble immobilier dont le prix a été payé par compensation avec la créance de M. V... au titre de son compte courant d'associé de la société Foncière et développement, et retient que ce transfert d'immeuble de société à société, sans paiement du prix par l'acquéreur, constitue une relation financière anormale, constitutive d'une confusion de patrimoines entre la société De la Croisette, enrichie, et la société Foncière et développement, dépouillée de son bien ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le prix de vente avait été payé par compensation avec la créance en compte courant de M. V... sur la société Foncière et développement, créance dont ni le principe ni le montant n'étaient contestés, de sorte qu'à l'égard de la société Foncière et développement, la vente avait eu une contrepartie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement rendu le 10 mars 2017 par le tribunal de commerce du Mans, l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne M. T..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Foncière et développement, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société De la Croisette

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé l'extension de la procédure de liquidation judiciaire initialement ouverte à l'égard de la société SNC du Château, elle-même étendue à la société Foncière et développement, à la SCI de la Croisette et d'avoir décidé que la procédure de liquidation judiciaire se poursuivrait dans le cadre d'une seule et unique procédure avec les organes déjà désignés, dont Maître T... en qualité de liquidateur ;

AUX MOTIFS QU' en application de l'article L.621-2 alinéa 2 du code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire en vertu de l'article L.641-1 du même code, la procédure collective ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale ; qu'il est constant que suivant acte authentique du 10 août 2010 ( pièce nº 7 de Me T...) la société Foncière et développement, représentée par M. Y... V..., son président, a vendu à la SCI de la Croisette, représentée par M. Y... V..., son gérant, un immeuble à usage d'habitation et ses dépendances ainsi que des parcelles de terre, sises commune de Damigny, dans l'Orne, une parcelle de terre sise à Saint-Denis-sur-Sarthon, également dans l'Orne et diverses parcelles de terre, sises commune de la Ferrière-Bochard, toujours dans l'Orne, moyennant le prix de 165.000 euros se décomposant en 150 000 euros pour les biens bâtis situés à Damigny et 15.000 euros pour le surplus ; Qu'il était mentionné "lequel prix, l'acquéreur a payé comptant ce jour, par incorporation d'un compte courant d'associé de pareil montant que M. Y... V... détient dans la sas Foncière et développement" ; que Me T... ès qualités soutient que la SCI de la Croisette, créée le 20 mars 2010 par M. Y... V... et M. L... V..., le premier détenant 95 % du capital social de 1.000 euros et le second 5 %, est une société fictive et blâme le tribunal de ne l'avoir pas retenu ; Mais attendu que la fictivité de la SCI de la Croisette ne ressort pas des pièces produites ; Qu'au contraire celle-ci, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 26 mars 2010 (pièce nº 3 de l'appelante) justifie avoir payé les frais d'acte (pièce nº 4 de l'appelante ), effectué ses déclarations auprès de l'administration fiscale de 2010 à 2015 (pièce nº 6 de l'appelante), assuré les immeubles acquis (pièce nº 9 de l'appelante ) et tenu une assemblée générale extraordinaire le 11 juillet 2011 (pièce nº 11 de l'appelante) décidant le remplacement de M. Y... V... par Mme D... B..., non associée, en qualité de gérante ; qu'en revanche, que l'opération de cession litigieuse caractérise une relation financière anormale entre la société Foncière et développement et la sci de la Croisette constitutive d'une confusion de patrimoines ; Qu'en effet, abstraction faite de la formulation ambiguë sus-reproduite relative au paiement du prix, qui ne précise pas à quoi le compte courant d'associé a été 'incorporé' et que le notaire n'a pu adopter qu'en la soumettant à M. Y... V... dirigeant des deux sociétés concernées, le mécanisme mis en place ne convainc pas du paiement du prix des immeubles concernés à la société Foncière et développement par la SCI de la Croisette ; Qu'il ressort des explications fournies par la SCI de la Croisette, qu'en réalité, le montant fixé pour prix des immeubles serait venu en déduction des sommes figurant sur le compte associé de M. Y... V... au sein de la société Foncière et développement et aurait été "apporté" par M. Y... V... à la SCI de la Croisette qui aurait, ainsi, réglé le prix de leur acquisition ; Mais attendu que si les écritures comptables de la société Foncière et développement versées aux débats (pièce nº 8 de l'appelante) font apparaître que le solde du compte associé détenu par M. Y... V... au sein de cette société de 196.461,47 euros le 1er janvier 2010 a été diminué de la somme de 165.000 euros le 31 décembre 2010, correspondant au prix de la cession, aucune pièce comptable de nature à montrer comment la même somme de 165.000 euros a été "apportée" par M. Y... V... à la SCI de la Croisette n'est produite ; Que la SCI de la Croisette fait allusion dans ses écritures à un compte courant ouvert dans ses livres à M. Y... V... mais n'en justifie pas ; Qu'en tout état de cause, la SCI de la Croisette n'alléguant pas avoir remboursé à M. Y... V... la moindre avance, elle ne justifie en aucune façon avoir personnellement supporté le prix d'acquisition ; Que par ailleurs le but poursuivi par cette opération n'est pas précisé par la SCI de la Croisette qui ne justifie pas avoir tiré le moindre parti des immeubles mis en sa possession, ainsi que le démontrent ses propres déclarations à l'administration fiscale faisant état pendant au moins cinq ans d'une absence totale de revenus, frais, charges, paiements de travaux ou encore de remboursements d'emprunts relatifs à ces immeubles, étant ici observé qu'elle n'allègue pas gérer non plus d'autres immeubles ; Qu'à l'inverse, il ressort de la lettre adressée le 13 juillet 2015 par Me Beliard, notaire instrumentaire de l'acte de cession du 10 août 2010 (pièce nº 7 de l'intimé), une allusion à la "situation obérée" qui ne peut être que celle de la société Foncière et développement au moment où l'acte a été dressé ; Que le notaire explique encore, dans ce courrier, avoir avisé M. Y... V... de ce que la vente d'un immeuble grevé de sûretés réelles était juridiquement possible mais que les créanciers hypothécaires disposaient d'un droit de suite sur les biens cédés ; Que Me T..., ès qualités, qui fait en outre valoir que la société Foncière et développement avait réalisé des travaux onéreux dans les immeubles de Damigny dont le montant apparaît dans sa comptabilité pour une somme supérieure à 300.000 euros soit le double de leur prix de cession (pièce nº 13 de l'intimé), est fondé à analyser la cession opérée, à un prix avantageux pour l'acquéreur, comme constitutive d'une tentative par la société Foncière et développement qui s'est trouvée en état de cessation des paiements le 3 janvier 2011, soit moins de cinq mois plus tard, de soustraire partie de son actif à ses créanciers, peu important que cette tentative ait été vaine s'agissant des créanciers hypothécaires bénéficiaires d'un droit de suite sur les biens cédés ; qu'il résulte de ce qui précède que la SCI de la Croisette s'est vu conférer la propriété d'immeubles dont son gérant majoritaire a seul supporté le prix par compensation avec les sommes figurant sur le compte courant associé par lui détenu en sa qualité de président associé unique de la société venderesse ; Que ce transfert d'immeubles de société à société dénoncé par Me T..., ès qualités, sans paiement du prix par la nouvelle propriétaire caractérisant une relation financière anormale constitutive d'une confusion de patrimoine entre la SCI de la Croisette enrichie et la société Foncière dépouillée de son bien, la demande de Me T... tendant à voir la procédure de liquidation judiciaire dont la seconde est l'objet étendue à la première sera accueillie (arrêt attaqué pp. 6-7-8) ;

ALORS, d'une part, QUE l'existence de relations financières anormales de nature à caractériser une confusion de patrimoines suppose l'existence de versements sans contrepartie, à l'origine d'une telle confusion ; qu'en retenant l'existence d'une confusion de patrimoines entre la SCI de la Croisette et la société Foncière et Développement, au motif que le prix de vente de l'immeuble de la société Foncière et Développement à la SCI de la Croisette avait été supporté par M. Y... V... "par compensation avec les sommes figurant sur le compte courant d'associé par lui détenu en sa qualité de président associé unique de la société venderesse", et que "ce transfert d'immeubles de société à société (
) sans paiement du prix par la nouvelle propriétaire caractéris(e) une relation financière anormale constitutive d'une confusion de patrimoine entre la SCI de la Croisette enrichie et la société Foncière dépouillée de son bien" tout en constatant que "les écritures comptables de la société Foncière et développement versées aux débats (pièce nº 8 de l'appelante) font apparaître que le solde du compte d'associé détenu par M. Y... V... au sein de cette société de 196.461,47 euros le 1er janvier 2010 a été diminué de la somme de 165.000 euros le 31 décembre 2010, correspondant au prix de la cession", d'où il résultait nécessairement que la société Foncière et Développement avait reçu paiement sous la forme d'une diminution de son passif à hauteur du prix de cession de l'immeuble litigieux et qu'elle ne s'était donc pas trouvée "dépouillée de son bien" sans contrepartie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.621-2 du code de commerce et l'article 1236 ancien du code civil, applicable en la cause ;

ALORS, d'autre part, QUE l'existence de relations financières anormales de nature à caractériser une confusion de patrimoines suppose l'existence de versements sans contrepartie, à l'origine d'une telle confusion ; qu'un paiement peut être fait par toute personne qui y est intéressée ; qu'en retenant l'existence d'une confusion de patrimoines entre la SCI de la Croisette et la société Foncière et Développement, au motif que le prix de vente de l'immeuble de la société Foncière et Développement à la SCI de la Croisette avait été supporté par M. Y... V..., sans que la SCI de la Croisette allègue avoir remboursé celui-ci, de sorte que la SCI de la Croisette ne justifiait pas "avoir personnellement supporté le prix d'acquisition", quand les relations entre M. V... et la SCI de la Croisette dont il est le gérant sont en toute hypothèse sans lien avec une prétendue confusion de patrimoines impliquant la SCI de la Croisette et la société Foncière et Développement, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.621-2 du code de commerce et de l'article 1236 ancien du code civil, applicable en la cause ;

ALORS, de troisième part, QUE l'existence de relations financières anormales de nature à caractériser une confusion de patrimoines suppose l'existence de versements sans contrepartie, à l'origine d'une telle confusion ; qu'en retenant l'existence de relations financières anormales entre la SCI de la Croisette et la société Foncière et Développement, au motif que la SCI de la Croisette "ne justifie pas avoir tiré le moindre parti des immeubles mis en sa possession" quand l'usage fait par la SCI de la Croisette de l'immeuble vendu ne pouvait en aucun cas être tenu pour révélateur de relations financières anormales avec la société Foncière et Développement, la SCI de la Croisette étant libre d'user de son bien de la manière la plus absolue, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.621-2 du code de commerce ;

ALORS, enfin, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que la vente de l'immeuble litigieux constituait une tentative de la société Foncière et Développement de soustraire une partie de son actif à ses créanciers, au seul motif que, selon le liquidateur judiciaire, la cession s'était opérée "à un prix avantageux pour l'acquéreur", la cour d'appel, qui s'est bornée sur ce point à reproduire les allégations de Maître T... sans étayer sa décision par une motivation propre, a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-11613
Date de la décision : 29/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 14 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mai. 2019, pourvoi n°18-11613


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11613
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