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23/05/2019 | FRANCE | N°18-10938

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 mai 2019, 18-10938


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 novembre 2017), rendu en référé, que la société civile immobilière [...] (la SCI) a acquis des bâtiments pour les transformer en hôtel ; que les sociétés Margot et KNC Hôtels, qui viennent aux droits de la SCI, ont confié à la société U... les lots électricité, détection incendie et désenfumage, sanitaires, ventilation, chauffage et conditionnement d'air ; qu'après réception, la société U... a as

signé, en référé, les sociétés Margot et KNC Hôtels en paiement d'une indemnité provisio...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 novembre 2017), rendu en référé, que la société civile immobilière [...] (la SCI) a acquis des bâtiments pour les transformer en hôtel ; que les sociétés Margot et KNC Hôtels, qui viennent aux droits de la SCI, ont confié à la société U... les lots électricité, détection incendie et désenfumage, sanitaires, ventilation, chauffage et conditionnement d'air ; qu'après réception, la société U... a assigné, en référé, les sociétés Margot et KNC Hôtels en paiement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur ses situations de travaux ; que les sociétés Margot et KNC Hôtels ont formé reconventionnellement une demande de provisions à valoir sur les pénalités de retard dans la levée des réserves et le coût des travaux nécessaires pour lever ces réserves ;

Attendu que les sociétés Margot et KNC Hôtels font grief à l'arrêt de les condamner au paiement d'une provision au profit de la société U... et de rejeter leurs demandes ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres, que le retard dans l'exécution du chantier était de quatorze jours, que les pénalités contractuelles imputables à la société U... étaient donc inférieures à celles retenues par le maître d'oeuvre dans un certificat pour paiement n° 3, que les montants mentionnés dans ce certificat constituaient un minimum auquel la société U... pouvait prétendre et, par motifs adoptés, non critiqués, que l'établissement du décompte général des travaux par l'architecte au mois de janvier 2017 militait pour une levée des réserves figurant au procès-verbal de réception conformément aux dispositions du marché, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions et n'a pas interprété les documents contractuels, a pu, par ces seuls motifs, accueillir la demande de la société U... et rejeter celles des sociétés Margot et KNC Hôtels ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Margot et KNC Hôtels aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Margot et KNC Hôtels et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société U... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les sociétés Margot et KNC hôtels.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés Margot et KNC Hôtels de leurs demandes reconventionnelles en paiement d'une provision au titre des pénalités de retard pour absence de levée des réserves, et au titre du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves et d'avoir condamné solidairement les sociétés Margot et KNC Hôtels au paiement de la somme de 33.839,50 euros TTC à la société U... ;

Aux motifs que sur la demande en paiement provisionnel, l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que « dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

a - date de début des travaux

Il a été stipulé au paragraphe « 8-1 Délai d'exécution des travaux » des marchés en date du 1er avril 2016 que : « A compter de la date fixée par l'ordre de service de commencer les travaux, le délai imparti TCE compris pose mobilier est dans tous les cas de 15 semaines compris période de congés avec un démarrage des travaux, à la signature du présent marché ». Les ordres de travaux n° 1 sont en date du même jour. Ils fixent une date de début des travaux au même 1er avril. La société U... qui a accusé réception de ces ordres de service le 17 mai suivant, n'a pas contesté cette date de début des travaux.

La date de fin des travaux était ainsi le 15 juillet 2016 (1er avril 2016 + 15 semaines).

b - retard

1 - de chantier

L'article 1792-6 du code civil dispose que « la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves » et que « les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné ».

Il a été stipulé au paragraphe « 8-2-1 Pénalités pour retard d'exécution et remise de documents » que « tout retard d'exécution constaté par le Maître d'oeuvre par rapport au calendrier d'exécution contractuel fera l'objet de l'application d'une pénalité d'un montant de 1/1000e du montant du marché TTC avec un minimum de 1 500 € TTC par jour calendaire de retard, à chaque entrepris et par tâche de réalisation concernée » et due ces pénalités sont « plafonnées à 15 % du montant global du marché »..

Il résulte du procès-verbal de constat du 28 juillet 2016 dressé par Madame M... Q..., clerc habilité de la SCP J..., S..., D... et P..., huissiers de justice associés à La Rochelle, que les travaux d'électricité et de climatisation n'étaient pas achevés.

Le procès-verbal de réception avec réserves, 793 pour le chantier, 134 pour le lot électricité et 58 pour le lot chauffage ventilation plomberie, mentionne une réception au 4 août 2016. Il a à cette date été signé de la société ABP Architectes et de la société U..., et le 5 août suivant des sociétés Margot et KNC Hotels. Le chantier doit être considéré achevé à cette date, à compter de laquelle court le délai contractuellement fixé de levée des réserves.

Le retard de chantier est de 14 jours (du 16 juillet au 3 août 2016). Les pénalités contractuelles stipulées peuvent pour ces motifs être imputées à la société U..., pour chacun des lots confiés. Leur montant unitaire est de 21.000 euros (1.500 euros TTC x 14), inférieur aux limites retenues par le maître d'oeuvre.

2 - levée des réserves

Il a été stipulé au paragraphe 8-2-1 précité que « tout retard pour la levée des réserves constaté par la maître d'oeuvre par rapport aux dates prévues au PV de réception fera l'objet de l'application d'une pénalité de 1/500e du montant du marché TTC avec un minimum de 1 000 € TTC par jour calendaire de retard ».

La société U... sollicitant paiement de sommes au titre des certificats pour paiement n° 3 en date du 30 juillet 2016 établis par la société ABP Architectes antérieurement à la réception, des pénalités pour retard dans la levée des réserves ne peuvent être retenues.

c - retenue de garantie

Il a été stipulé en page 7 du marché liant les parties, à l'article 11 « Retenue de garantie » que :

« ll est appliqué, sur les sommes dues au titre d'acompte, une retenue de garantie de 5 % destinée à garantir le Maître de l'Ouvrage du paiement des sommes dont ce dernier peut être créancier à un titre quelconque dans le cadre du marché.

[...]

La retenue de garantie ou l'engagement de caution seront libérés dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai de garantie, sauf opposition motivée notifiée par la maîtrise d'ouvrage à la caution ou consignataire, effectuée par lettre recommandée avec accusé réception ».

Les certificats pour paiement n° 3 n'ont pas fait application de ces stipulations.

d - caractère non sérieusement contestable de la créance et quantum

La société ABP Architectes, maître d'oeuvre, a postérieurement à la transmission par la société U... d'une situation n° 3 pour chacun des lots établi un « certificat pour paiement n° 3 » pour chacun d'eux.

Pour le lot n° 14, il a été précisé : « pénalités de retard provisoires : retard dans l'exécution des travaux prévus terminés le 08/07/2016 suivant marché signé le 1er avril 2016. Retard constaté de 22 jours, travaux non terminés le 30/07/2016. 22 x 1 500 € = 33 000 € TTC mais plafonnées à 15 % du montant du marché, soit HT 18 186,63 € et TTC 21 826,36 €'. Le solde restant dû est de 30.824,12 euros (montant toutes taxes comprises).

Pour le lot n° 15, il a été précisé : « pénalités de retard provisoires : retard dans l'exécution des travaux prévus terminés le 08/07/2016 suivant marché signé le 1er avril 2016. Retard constaté de 22 jours, travaux non terminés le 30/07/2016. 22 x 1 500 € = 33 000 € TTC mais plafonnées à 15 % du montant du marché, soit HT 26 273,31 € et TTC 31 527,97 € ». Le solde restant dû est de 3.015,38 euros (montant toutes taxes comprises).

Ainsi que pertinemment retenu par le premier juge, les montants mentionnés demeurant dus à la société U... sont, le montant des pénalités étant supérieur à ce qui devrait être retenu, le minimum auquel elle pourrait prétendre. Sa créance n'est dès lors pas sérieusement contestable, à hauteur de 33.839,50 euros, montant toutes taxes comprises (30.824,12 euros + 3.015,38 euros).

L'ordonnance sera pour ces motifs confirmée sur ce.

B -- Sur les demandes des sociétés Margot et KNC Hôtels

1 - sur le coût des travaux de levée des réserves

L'antériorité à la réception et à la formulation de réserves des situations n° 3 et le défaut de justification du coût de ces travaux excluent le bien-fondé de cette demande.

1°- Alors que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ; qu'en rejetant la demande des sociétés Margot et KNC Hôtel en paiement d'une provision au titre des pénalités de retard dans la levée des réserves, après avoir constaté que le marché prévoit des pénalités en cas de retard dans la levée des réserves et après avoir admis que le procès-verbal de réception comporte des réserves dont elle ne conteste pas qu'elles n'avaient pas été levées, ce dont il résulte que la créance des sociétés Margot et KNC Hôtel n'était pas sérieusement contestable, la Cour d'appel a violé l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°- Alors que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ; qu'il en va ainsi dès lors que la créance est certaine même si son montant exact n'est pas encore déterminé ; qu'en rejetant la demande des sociétés Margot et KNC Hôtel en paiement d'une provision au titre du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves, après avoir admis que le procès-verbal de réception mentionne des réserves dont elle ne conteste pas qu'elles n'avaient pas été levées, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations quant au caractère non sérieusement contestable de la créance des sociétés Margot et KNC Hôtel et violé l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;

3°- Alors que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ; qu'en se fondant pour écarter la demande en paiement d'une provision au titre des pénalités de retard dans la levée des réserves et du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves, sur l'antériorité à la réception et à la formulation de réserves, des situations n° 3 dont le paiement est demandé par la société U..., sans préciser en quoi cette circonstance serait de nature à exclure l'existence d'une créance non sérieusement contestable au titre des pénalités de retard de levée des réserves et du coût des travaux de levée des réserves, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;

4°- Alors que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ; qu'en énonçant que la créance de la société U... figurant dans des situations n° 3 pour une somme de 33.839,50 euros ne serait pas sérieusement contestable, quand la société U... n'ayant pas levé les réserves figurant au procès-verbal de réception dans les délais convenus, l'obligation était sérieusement contestable à hauteur des pénalités de retard dues en vertu de l'article 8.2.1 du marché, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile qu'elle a violé ;

5°- Alors que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ; qu'en énonçant que la créance de la société U... figurant dans des situations n° 3 pour une somme de 33.839,50 euros ne serait pas sérieusement contestable, tout en admettant que des travaux restaient à exécuter pour la levée des réserves ce dont il résulte que la créance était sérieusement contestable à hauteur du coût de ces travaux, la Cour d'appel a violé l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;

6°- Alors que le juge des référés doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse en se plaçant à la date de sa décision ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, en raison de l'antériorité à la réception et à la formulation de réserves, des situations n° 3 dont le paiement est demandé par la société U..., la Cour d'appel a violé l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ;

7°- Alors que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ; qu'en se fondant, pour réduire le montant des pénalités retenues par le maitre d'oeuvre au titre du retard dans l'exécution des travaux et dire que la créance de la société U... figurant dans des situations n° 3 ne serait pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 33.839,50 euros, sur une interprétation des documents contractuels selon elle exclusive du nombre de jours de retard retenu par le maitre d'oeuvre, la Cour d'appel a tranché une contestation sérieuse en violation de l'article 873, alinéa 2,du code de procédure civile ;

8°- Alors que l'absence d'acceptation de travaux supplémentaires dans un marché à forfait constitue une contestation sérieuse exclusive de la compétence du juge des référés ; qu'en accueillant la demande de provision de la société U..., sans répondre aux conclusions des maitres de l'ouvrage qui faisaient valoir (conclusions p. 11) que le marché régularisé avec la société U... était à prix forfaitaire et qu'elles n'avaient pas accepté les avenants 3 et 4 au certificat de paiement n° 3 du lot de la société U... prévoyant des travaux supplémentaires, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

9°- Alors qu'en ne répondant pas non plus aux conclusions des maitres de l'ouvrage qui invoquaient (conclusions p. 10) une contestation sérieuse en raison de l'omission de moins-values qui avaient été convenues avec la société U..., dans les certificats de paiement n° 3 dont le paiement était demandé, la Cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-10938
Date de la décision : 23/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 07 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 mai. 2019, pourvoi n°18-10938


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10938
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