LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 janvier 2017), que, par acte du 1er mars 1997, D... B... et trois des six enfants issus de son union avec M... B..., E..., A... et N..., ont consenti un bail rural à Mme V..., épouse de M. H... B... ; que, par acte du 9 juillet 2012, Mme E... B..., Mme A... B..., Mme G... H... B... , M. R... H... B... , Mme O... H... B... , M. F... H..., Mme U... H..., M. W... H... et M. M... L... H... ont constitué un groupement foncier agricole de la Ferme de Sailly (le GFA) ; que les statuts stipulaient que certaines parcelles apportées au groupement étaient grevées d'un bail rural consenti en 2011 à M. I... H... B... ; que, par déclaration du 19 septembre 2012, Mme G... H... B... , M. R... H... B... , Mme O... H... B... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en inopposabilité du bail conclu en 1997 et expulsion de Mme V..., divorcée de M. I... H... B... ; que, par déclaration du 8 février 2013, Mme V... a saisi le tribunal en inopposabilité des baux verbaux et écrits mentionnés dans l'acte d'apport au GFA ; que, par acte du 15 mai 2013, Mme G... H... B... , M. R... H... B... , Mme O... H... B... , M. I... H... B... , M. F... H..., Mme U... H..., M. W... H..., M. M... L... H..., Mme A... B... et Mme E... B... lui ont délivré congé, pour le 28 février 2015, des terres données à bail en 1997, sans renoncer aux instances déjà introduites ; que Mme V... a contesté le congé ;
Attendu que Mme V... fait grief à l'arrêt de déclarer le bail du 1er mars 1997 nul, de rejeter ses demandes et d'ordonner son expulsion ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la qualité de nues-propriétaires de Mmes E... B..., A... B... et N... H... et celle d'usufruitière de feue D... B..., mentionnées à l'acte du 1er mars 1997, révélait l'existence d'une donation-partage consentie en 1976 par D... B... et son époux au profit de leurs héritiers, devant conduire la preneuse à s'interroger sur les droits de son conjoint et des frère et soeurs de celui-ci venant eux-mêmes par représentation de C... H..., leur mère prédécédée, et retenu que Mme V..., en s'abstenant de procéder à cette vérification et ne soutenant pas y avoir été empêchée d'une quelconque façon, ne rapportait pas la preuve, dont elle avait la charge, que les personnes figurant à l'acte comme bailleresses présentaient dans leur ensemble l'apparence de propriétaires des parcelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le bail consenti sans le concours de tous les nus-propriétaires était nul ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme V... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme V....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul et de nul effet le bail rural en date du 1er mars 1997 conclu par feue D... B..., Mme E... B..., Mme A... B..., Mme N... B... au profit de Mme Y... V... portant sur les parcelles de terres sises sur le terroir de la commune de Watigny aux contenances et désignations ci-après : section [...] pour 09 ha 64 a 00 ca, section [...] pour 07 ha 25 a 60 ca, section [...] pour 10 ha 18 a 52 ca, section [...] pour 06 ha 44 a 83 ca, section [...] pour 01 ha 28 a 97 ca, section [...] pour 13 ha 53 a 36 ca, section [...] pour 00 ha 06 a 35 ca, section [...] pour 03 ha 38 a 84 ca, section [...] pour 06 ha 77 a 68 ca, et, en conséquence, d'avoir débouté Mme Y... V... de sa demande tendant à voir déclarés inopposables à son égard tous les baux tant oraux qu'écrits ainsi que le bail rural reçu par acte authentique le 6 octobre 2011 au profit de M. I... H... B... ; d'avoir dit que la demande en contestation du congé délivré le 15 mai 2013 était devenue sans objet, d'avoir ordonné l'expulsion de Mme Y... V... et de tout occupant de son chef des parcelles objet du bail rural du 1er mars 1997, avec le concours s'il y a lieu de la force publique, d'avoir dit que Mme Y... V... était redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à son délaissement des terres ou son expulsion de 500 euros par mois passé un délai de quinze jours courant à compter du prononcé du présent arrêt et d'avoir dit que pour la période antérieure cette indemnité d'occupation s'élevait au montant du fermage prévu à l'acte du 1er mars 1997, outre revalorisation du droit ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande d'inopposabilité du bail consenti le 1er mars 1997 à Mme Y... V... ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 595 du code civil, l'usufruitier ne peut sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ; que la règle énoncée à l'article 1122 du code civil selon laquelle on est sensé avoir stipulé pour soi et ses héritiers et ayants cause à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention n'autorisait pas feue D... B... à outrepasser ses droits en donnant à bail rural à Mme Y... V..., les parcelles [...] et [...] dont elle était seulement usufruitière, Mme G... H... B... , M. R... H... B... , M. I... H... B... et Mme O... H... B... , ses petits-enfants en étant devenus nus-propriétaires indivis avec Mme A... B... par l'effet de la donation-partage du 18 septembre 1976 qu'elle avait consentie avec son époux ; que le bail rural conclu le 1er mars 1997 contrevient, en conséquence, aux dispositions de l'article 595 du code civil et encourt dès lors la nullité ; que pour retenir la qualité de propriétaire apparent de feue D... B..., le tribunal a considéré qu'il était impossible de concevoir que Mme Y... V... ait pu connaître l'existence de la donation notariée du 18 septembre 1976 réalisée au profit de son mari, mineur à l'époque et de ses frères et soeurs ; que la conclusion d'un bail rural aux termes duquel un preneur s'engage pour une durée de neuf années à exploiter les terres données à bail requiert préparation et vérification ; qu'en l'espèce, la qualité de nues-propriétaires de Mme E... B..., Mme A... B... et N... B... épouse H... et celle d'usufruitière de feue D... B... mentionnées à l'acte du 1er mars 1997 laissaient apparaître l'existence d'une donation-partage consentie par feue D... B... au profit de ses héritiers devant amener Mme Y... V... à vérifier les droits de son mari et de ses frère et soeurs venant en représentation de leur mère décédée ; que Mme Y... V... en s'abstenant de procéder à cette vérification et ne soutenant pas, par ailleurs, y avoir été empêchée d'une quelconque façon, ne peut pas valablement prétendre que les personnes figurant comme bailleresses à l'acte du 1er mars 1997 avaient dans leur ensemble l'apparence de propriétaires des parcelles données à bail rural ;
que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que feue D... B... avait agi vis à vis de Y... V... en qualité de propriétaire apparente et a rejeté la demande des consorts B... H... B... H... et du GFA de la Ferme de Sailly aux fins de voir dire inopposable à leur égard le bail rural consenti le 1 er mars 1997 ; que le bail conclu en violation des dispositions de l'article 595 du code civil est par conséquent nul et de nul effet dans son intégralité en application du principe d'indivisibilité qui s'attache au bail rural ; que du fait de la nullité de ce bail, Madame Y... V... est déboutée de sa demande tendant à voir déclaré inopposables à son égard tous les baux tant oraux qu'écrits ainsi que le bail rural reçu par acte authentique le 6 octobre 2011 au profit de M. I... H... B... ; que le congé, acte ayant pour objet de mettre fin à un bail suppose l'existence d'un bail ; que la demande en validation du congé délivré le 15 mai 2013 comme la contestation de ce même congé du fait de l'absence de titre locatif découlant de la nullité du bail du 1er mars 1997 devient sans objet ; qu'il en de même de la demande subsidiaire en résiliation de bail ; que Mme Y... V... étant dénuée de titre locatif, il y a lieu d'ordonner son expulsion des terres objet de l'acte en date du 1er mars 1997 avec le concours de la force publique s'il y a lieu ; que n'étant pas démontré que Mme Y... V... opposerait une résistance à l'exécution de l'arrêt, étant affirmé dans les écritures des intimés que les terres objet de l'acte précité ont toujours été exploitées par M. I... H... B... , il est prématuré d'assortir le présent arrêt d'une astreinte ; qu'il y a lieu de fixer une indemnité d'occupation à la charge de Mme Y... V... égale à 500 euros par mois passé un délai de quinze jours courant à compter du prononcé de l'arrêt, pour la période antérieure, cette indemnité d'occupation est fixée au montant du fermage prévu à l'acte du 1er mars 1997 outre revalorisation de droit ;
1°) ALORS QUE la partie qui demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs et les juges d'appel sont, dès lors, tenus de s'expliquer sur les motifs du jugement entrepris ; qu'en relevant, pour déclarer nul et de nul effet le bail rural en date du 1er mars 1997, que la qualité de nues-propriétaires de Mme E... B..., Mme A... B... et N... B... épouse H... et celle d'usufruitière de feue D... B... mentionnées à l'acte du 1er mars 1997 laissaient apparaître l'existence d'une donation-partage consentie par feue D... B... au profit de ses héritiers devant amener Mme V... à vérifier les droits de son mari et de ses frères et soeurs venant en représentation de leur mère décédée, que Mme V... en s'abstenant de procéder à cette vérification et ne soutenant pas, par ailleurs, y avoir été empêchée d'une quelconque façon, ne pouvait pas valablement prétendre que les personnes figurant comme bailleresses à l'acte du 1er mars 1997 avaient dans leur ensemble l'apparence de propriétaires des parcelles données à bail rural sans rechercher, ainsi que l'avait fait le jugement entrepris dont Mme V..., preneur à bail, avait demandé la confirmation, si à la lecture du bail, il n'apparaissait pas que Mme D... B... l'avait consenti à Mme V..., épouse H... en qualité de « propriétaire usufruitière », Mme E... B..., Mme A... P... B... et Mme N... B... H... étant intervenues en qualité de nues-propriétaires, de sorte que Mme V..., qui était mariée à l'époque sous le régime de la séparation des biens, pouvait raisonnablement penser que la qualité d'usufruitière de Mme D... B... s'attachait aux biens dont Mmes E... B..., A... P... B... et N... B... H... étaient nues-propriétaires et que la qualité de propriétaire de Mme D... B... s'appliquait aux biens donnés à bail ne concernant pas la nue-propriété de Mmes E... B..., A... P... B... et N... B... H... , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 954 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la partie qui demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs et les juges d'appel sont, dès lors, tenus de s'expliquer sur les motifs du jugement entrepris ; qu'en relevant, pour déclarer nul et de nul effet le bail rural en date du 1er mars 1997, que la qualité de nues-propriétaires de Mme E... B..., Mme A... B... et N... B... épouse H... et celle d'usufruitière de feue D... B... mentionnées à l'acte du 1er mars 1997 laissaient apparaître l'existence d'une donation-partage consentie par feue D... B... au profit de ses héritiers devant amener Mme V... à vérifier les droits de son mari et de ses frères et soeurs venant en représentation de leur mère décédée, que Mme V... en s'abstenant de procéder à cette vérification et ne soutenant pas, par ailleurs, y avoir été empêchée d'une quelconque façon, ne pouvait pas valablement prétendre que les personnes figurant comme bailleresses à l'acte du 1er mars 1997 avaient dans leur ensemble l'apparence de propriétaires des parcelles données à bail rural sans rechercher, ainsi que l'avait fait le jugement entrepris dont l'exposante, preneur à bail, avait demandé la confirmation, s'il n'était pas impossible que Mme V... ait pu connaître l'existence de la donation notariée du 18 septembre 1976 réalisée au profit de son mari, de surcroît mineur âgé de neuf ans à l'époque, et des frères et soeurs de ce dernier, et ce, alors qu'elle avait contracté mariage avec M. I... H... presque 18 ans après la souscription de cet acte, et s'il n'était pas tout aussi inconcevable qu'il puisse être exigé d'elle des vérifications sur la qualité de propriétaire des parcelles données à bail dès lors que Mme D... B... était la propre grand-mère de son époux, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 954 du code de procédure civile.