La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2019 | FRANCE | N°18-10596;18-10597;18-10598;18-10599;18-10600

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mai 2019, 18-10596 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Q 18-10.596, R 18-10.597, S 18-10.598, T 18-10.599 et U 18-10.600 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. E..., U..., X..., Y... et V... ont exercé des missions d'interim au sein de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (ci-après la SEITA) avant d'être engagés, dans le courant de l'année 2011, en contrat à durée indéterminée sans reprise d'ancienneté ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, de ré

clamer la requalification de leurs contrats de missions en contrat à durée in...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Q 18-10.596, R 18-10.597, S 18-10.598, T 18-10.599 et U 18-10.600 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. E..., U..., X..., Y... et V... ont exercé des missions d'interim au sein de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (ci-après la SEITA) avant d'être engagés, dans le courant de l'année 2011, en contrat à durée indéterminée sans reprise d'ancienneté ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, de réclamer la requalification de leurs contrats de missions en contrat à durée indéterminée dès l'origine et bénéficier des avantages liés à l'ancienneté ainsi acquise ; qu'ils ont été licenciés pour motif économique le 11 février 2015 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident des salariés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur pris en ses deux premières branches :

Vu les articles 65, 66, 68 et 69 de la convention d'entreprise Seita du 28 avril 1995 ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de rappels sur prime d'ancienneté et congés payés afférents, les arrêts retiennent que le salaire de base ne peut comprendre l'ancienneté puisqu'aux termes de l'article 66, la rémunération est composée du salaire de base auquel est ajoutée, notamment, la majoration pour ancienneté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention collective institue, non pas une prime d'ancienneté, mais une rémunération globale calculée en fonction de l'ancienneté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de rappels de salaires dû au déroulement de carrière et congés payés afférents les arrêts retiennent qu'il est dû aux salariés, non seulement un rappel de salaire tenant compte de la majoration pour ancienneté, mais également du déroulement qu'aurait dû avoir leur carrière, et ce tant en ce qui concerne la période pendant laquelle ils ont travaillé dans le cadre de contrats à durée déterminée, laquelle est requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du premier jour, mais également pendant la période pendant laquelle ils ont poursuivi leur activité dans le cadre d'un nouveau contrat à durée indéterminée, sous réserve de l'application de la prescription dont les derniers calculs tiennent compte ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre conclusions oralement soutenues par l'employeur qui faisait valoir que les salariés ne pouvaient cumulativement bénéficier de la majoration conventionnelle pour ancienneté et d'un rappel de salaire au titre du déroulement de carrière, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident des salariés ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à payer à MM. E..., U..., X..., Y... et V... des rappels sur prime d'ancienneté, des rappels de salaire sur déroulement de carrière, outre les congés payés afférents, les arrêts rendus le 21 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne MM. E..., U..., X..., Y... et V... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen commun produit aux pourvois principaux n° Q 18-10.596 à U 18-10.600 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes.

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Seita à payer à chacun des salariés défendeurs aux pourvois un rappel de salaire sur prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents, et un rappel de salaire dû au déroulement de carrière, outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « la SEITA reconnaît que, dans l'hypothèse où les contrats sont requalifiés en contrats à durée indéterminée, les salariés peuvent prétendre, par application des dispositions de l'article L.1251-40 du code du travail, à une reprise d'ancienneté depuis le premier jour de leur mission. Elle ajoute, suivie en cela et justement par les premiers juges, que le calcul de cette ancienneté doit être effectué, conformément aux dispositions de l'article 69 de la convention d'entreprise, à partir du seul salaire de base. Le jugement doit être confirmé sur le principe retenu, ayant en effet relevé que les calculs réalisés par les salariés l'avaient été sur le salaire de base incluant les heures supplémentaires, de même que des accessoires du salaire tels que la prime d'horaires décalés, le complément salarial, la prime d'habillage et de déshabillage, ainsi que les indemnités de fin de mission ou compensatrices de congés payés. Les salariés ont alors été déboutés de leurs demandes lesquelles n'étaient pas conformes à l'article 69 sus indiqué. Devant la cour les salariés précisent avoir repris leurs calculs, d'une part pour se conformer aux observations du jugement et reprendre l'ancienneté sur la base du seul salaire de base, et d'autre part en tenant compte de la prescription de cinq ans opposée par l'employeur. Reste en discussion la question de savoir si le salaire de base comprend ou non la majoration pour ancienneté comme l'affirme la SEITA. L'article 69 de la convention d'entreprise est intitulé "majoration pour ancienneté". Il indique : "La majoration pour ancienneté est égale à 1% par année d'ancienneté du salaire mensuel correspondant au coefficient minimum de base de la catégorie à laquelle le salarié appartient. Elle est plafonnée à 20% et intégrée dans le salaire de base mensuel pour l'application des articles 71, 73, 85-e, 105, 109." L'article 66 intitulé "composante de la rémunération" stipule quant à lui : "La rémunération du personnel comprend : a) un salaire de base mensuel payé à terme échu et correspondant à la rémunération de la durée conventionnelle du travail, b) une majoration pour ancienneté, c) une prime annuelle, d) un complément salarial pour les salariés chargés de famille, e) le cas échéant une indemnité de résidence, f) des primes et indemnités diverses, y compris les Apports Complémentaires de Compétence et les Apports Complémentaires de Langues - ACC et ACL.". Enfin l'article 68 intitulé "salaire de base" précise que : "Le salaire de base est égal au produit de la valeur du point de base par le coefficient correspondant à la classe de la catégorie à laquelle le salarié appartient". Il s'ensuit que le salaire de base ne peut comprendre l'ancienneté puisqu'aux termes de l'article 66 la rémunération est composée du salaire de base auquel est ajouté, notamment, la majoration pour ancienneté. Il est ainsi dû aux salariés, non seulement un rappel de salaire tenant compte de la majoration pour ancienneté, mais également du déroulement qu'aurait dû avoir leur carrière, et ce tant en ce qui concerne la période pendant laquelle ils ont travaillé dans le cadre de contrats à durée déterminée, laquelle est requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du premier jour, mais également pendant la période pendant laquelle ils ont poursuivi leur activité dans le cadre d'un nouveau contrat à durée indéterminée, sous réserve de l'application de la prescription dont les derniers calculs tiennent compte » ;

1. ALORS QUE les dispositions d'une convention collective s'interprètent les unes par rapport aux autres ; que l'article 69 de la convention collective d'entreprise du 28 avril 1995 institue une majoration pour ancienneté égale à 1% du salaire mensuel du coefficient minimum de base de la catégorie par année d'ancienneté dans l'entreprise, plafonnée à 20 % ; que si l'article 66, qui définit les composantes de la rémunération, distingue le salaire de base et la majoration pour ancienneté, l'article 69 prévoit que la majoration pour ancienneté est « intégrée dans le salaire de base mensuel », et non ajoutée au salaire de base mensuel, « pour l'application des articles 71, 73, 85-e, 105, 109 » et les grilles de coefficient annexées à la convention qui, selon l'article 65, servent à déterminer le montant du salaire mensuel de base, instituent, pour chaque classe de chaque catégorie d'emploi, un coefficient qui évolue en fonction de l'échelon l'ancienneté, lequel est compris entre 0 et 20 ; qu'à cette progression automatique du coefficient en fonction de l'ancienneté du salarié, s'ajoute un dispositif de « parcours minimal », prévu par l'article 61, qui assure au salarié une progression automatique, à l'ancienneté, dans les classes d'emploi et donc une évolution de son salaire de base mensuel en fonction de l'ancienneté ; que ces dispositions conventionnelles, qui ont pour effet d'intégrer la majoration d'ancienneté dans le salaire de base mensuel, excluent que cette majoration s'ajoute au salaire de base ; qu'en affirmant cependant que le salaire de base ne peut comprendre l'ancienneté, compte tenu des seules dispositions de l'article 66, la cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles précitées ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE les dispositions d'une convention ou d'un accord collectif doivent s'interpréter au regard du préambule de cette convention ou de cet accord, dès lors qu'il exprime clairement la commune intention des parties signataires ; que le Préambule de la convention collective d'entreprise du 28 avril 1995, conclue lors du transfert de la Seita du secteur public au secteur privé, prévoit clairement que l'objet de cette convention est de « préserver (...) les garanties sociales du statut du personnel » antérieur ; que le statut du personnel antérieur, issu de deux décrets du 6 juillet 1962 et du 8 août 1985, comportait déjà une majoration d'ancienneté qui était « incorporée dans la grille de façon à déterminer, pour une ancienneté donnée, un coefficient correspondant à une catégorie et une classe déterminée » ; qu'en affirmant cependant que la majoration d'ancienneté prévue à l'article 69 de cette convention collective doit s'ajouter au salaire mensuel de base, dès lors que l'article 66 de cet accord distingue le salaire de base et la majoration d'ancienneté, la cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles précitées ;

3. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la garantie conventionnelle de « carrière minimale », prévue par l'article 61 de la convention collective d'entreprise, assure au salarié une progression dans la grille de salaire en fonction de son ancienneté et donc une évolution automatique de son salaire de base à l'ancienneté ; que la société Seita contestait en conséquence la prétention des salariés au paiement d'un rappel de salaire au titre de la majoration d'ancienneté et d'un rappel de salaire au titre de la « carrière minimale » ; qu'en affirmant cependant que les salariés peuvent prétendre non seulement à un rappel de salaire tenant compte de la majoration pour ancienneté, mais également au déroulement qu'aurait dû avoir leur carrière, sans rechercher si les garanties conventionnelles relatives au déroulement de carrière n'assurent pas précisément une progression du salaire de base en fonction de l'ancienneté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 61, 66 et 68 de la convention collective de la société Seita du 28 avril 1995. Moyen commun produit aux pourvois incidents n° Q 18-10.596 à U 18-10.600 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour MM. E..., U..., X..., Y... et V....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les licenciements reposent sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence débouté les salariés de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique de licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'un emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; une réorganisation de l'entreprise ne peut constituer une cause économique de licenciement si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou une mutation technologique, qu'à la condition d'être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité dont elle relève ; par ailleurs, la lettre de licenciement doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié ; la réorganisation de l'entreprise constituant un motif économique de licenciement, il suffit que la lettre de rupture fasse état de cette réorganisation et de son incidences sur le contrat de travail ; l'employeur peut ensuite invoquer que cette réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou qu'elle était liée à des difficultés économiques actuelles ou à une mutation technologique, et il appartient au juge de le vérifier ; en outre par application de l'article L. 1233-4 la recherche d'un reclassement, avant tout interne, est un préalable à tout licenciement pour motif économique ; une recherche en vue du reclassement du salarié concerné doit être effective, les offres de reclassement proposées doivent être écrites et précises, les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel, enfin, l'employeur doit proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure ; il appartient à l'employeur, même, quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à l'évolution de leur emploi ; le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre.droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts ; - sur le motif économique : la lettre de licenciement est ainsi libellée : «Nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique en raison de la suppression de votre emploi consécutive à la réorganisation de notre entreprise. Cette réorganisation est l'un des volets d'un plan de réorganisation européen décidé dans le but de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe Impérial Tobacco (ITG), secteur auquel appartient la SEITA en France. La compétitivité de ce secteur est en effet menacée par une baisse inéluctable du marché du tabac, qui a déjà largement débuté et qui aura d'importantes conséquences dans les années à venir si aucune mesure d'anticipation n'est prise. Les marchés matures, et en particulier le marché européen sur lequel le groupe ITG est principalement présent (70% de son chiffre d'affaires) sont ainsi marqués par un ralentissement très sensible de la demande. Ce ralentissement ne pourra que perdurer compte tenu des événements qui en sont à l'origine et qui sont les suivants : des politiques de santé publique antitabac de plus en plus drastiques, se traduisant notamment par des augmentations tarifaires continues et par des réglementations de plus en plus contraignantes sur le marketing et la commercialisation du tabac ; le développement important du commerce illicite (contrefaçon et ventes transfrontalières) directement lié à l'augmentation des prix ; ce marché parallèle représente en France près de 25% du marché de la cigarette ; la croissance des produits de substitution (tels que l'ecigarette), qui devrait se poursuivre dans les années à venir. Ce ralentissement de la demande s'est traduit par une forte baisse des volumes de ventes des cigarettes, qui, pour le Groupe ITG, a été de 12% entre 2009 et 2013 et s'est poursuivie en 2014. En France, le marché de la cigarette en France a chuté de 45% de 2000 à 2014, pendant que le prix du paquet de cigarettes faisait plus que doubler. Dans le même temps la part revenant au fabricant diminuait de 40% du fait des hausses des taxes perçues par l'Etat. Les volumes de cigarettes vendus par la SEITA en France (segment le plus affecté par la baisse des volumes) ont chuté de près de 30% depuis 2010. Cette baisse continue et inexorable est notamment due au fait qu'en raison des hausses successives, les prix ont atteint un niveau à partir duquel les augmentations de prix non seulement ne compensent plus les baisses de volumes mais, désormais, les aggravent. Ces baisses des volumes ne peuvent malheureusement pas être compensées par les marchés émergents qui nécessitent d'importants investissements et qui restent en partie fermés aux entreprises étrangères du fait des barrières à l'exportation (comme la Chine). La forte contraction de la demande a par ailleurs entraîné un renforcement de la concurrence qui a conduit le groupe ITG à perdre des parts marchés sur ses principaux marchés (c'est notamment le cas en France où les parts de marché de la SEITA ont baissé de 3,9 points sur le segment des cigarettes entre 2010 et 2014). Conséquences de ce qui précède, le groupe ITG se trouve désormais en situation de surcapacité de production massive (plus de 50 % en Europe) sons aucun espoir de pouvoir la résorber autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production. En France, la réorganisation s'est traduite par: l'arrêt des activités de l'usine de Nantes et de celles de l'Institut du tabac de Bergerac ; la réorganisation d'une partie des activités de la Division Industrie, Recherche et Développement ; l'adaptation d'une partie de la Division Supply Chain en lien avec la rationalisation de l'outil industriel ; la consolidation des activités marketing Groupe au siège du Groupe à Bristol le renforcement de l'activité cigare avec la création d'une force de vente dédiée ; l'adaptation de l'organisation Sales etamp; Marketing et des fonctions support afin de tenir compte de la baisse d'activité actuelle et anticipée. Cette adaptation se traduit en particulier par une nouvelle organisation des équipes commerciales France, avec un nouveau découpage des zones géographiques et une clarification des rôles. Le Comité Central d'Entreprise ainsi que les Comités d'Etablissement ont été informés et consultés sur ce projet de réorganisation ainsi que sur 1e projet de licenciement collectif et de Plan de sauvegarde de l'Emploi (PSE) l'accompagnant. Le PSE a fait l'objet d'un accord collectif majoritaire qui a été conclu le 23 octobre 2014 et a été validé le 7 novembre 2014 par l'administration (la Direccte). Malgré nos recherches nous ne sommes pas parvenus à procéder à votre reclassement, tant au sein de notre entreprise que du groupe. Nous vous rappelons à cet égard que nous vous avons adressé des propositions écrites de reclassement interne sur les postes de : opérateur de production en journée, localisé au Havre ; opérateur de production en 2x8, localisé au Havre ; opérateur de production en 3x8, localisé au Havre ; opérateur de production confection paquetage, localisé à Riom ; opérateur de production Préparations Générales horaire 7h -15h, localisé à Riom ; opérateur de production Préparations Générales horaire 15h - 23h, localisé à Riom ; opérateur logistique en journée, localisé au Havre ; opérateur logistique en 2x8, localisé au Havre ; opérateur logistique, localisé à Riom. Vous avez refusé l'ensemble de ces propositions et nous n'avons pas pu identifier d'autre solution de reclassement interne. Nous sommes par conséquent contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.» ; il doit être d'abord relevé que la lettre de licenciement est régulière en la forme en ce qu'elle comprend tant le motif économique invoqué à l'appui de la mesure, correspondant à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou du secteur d'activité dont elle relève, que son incidence sur l'emploi du salarié concerné dont le poste est supprimé ; ce courrier reprend ensuite le détail des conditions qui ont conduit l'entreprise à procéder à la réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ; ces motifs sont justifiés par les pièces versées au débat desquelles il ressort que pour justifier le licenciement économique, la SEITA a invoqué la nécessité de sauvegarder sa compétitivité en faisant valoir que le secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco a connu une baisse de son chiffre d'affaires et de son résultat en 2014 ; qu'il n'est pas contesté que le secteur d'activité tabac du groupe a bien connu ces baisses ; que s'il est constant que la marge d'exploitation a progressé depuis plusieurs années, cela ne remet pas en cause l'existence de la diminution du chiffre d'affaire et des résultats lesquels doivent évidemment être pris en compte pour mesurer la menace sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'en outre il est justifié que l'augmentation du résultat net du secteur du tabac provient de l'acquisition par le groupe de nouvelles marques, sans lesquelles il est justifié d'une baisse de résultat ; que le chiffre d'affaire a continué à diminuer en 2015 ; il ne peut par ailleurs être omis de préciser que ces résultats s'inscrivent dans un contexte européen de baisse des ventes de cigarettes depuis plusieurs années et de pertes de parts de marché pour le groupe, alors que le chiffre d'affaires de cette région, quelles que soient les données retenues, représentait plus de la moitié de celui du secteur tabac du groupe. ; de même il est justifié de la situation de surcapacité de production de certains sites, notamment de l'usine de Carquefou et il n'est aucunement établi par le salarié que le groupe Imperial Tobacco a délibérément organisé cette diminution des volumes de production en France en transférant cette activité en Pologne, en Espagne ou au Maroc ; compte tenu de l'ensemble de ces éléments et alors même que sur cette période le groupe a augmenté de façon régulière le montant des dividendes distribues et vu le cours de son action progresser, il doit être considéré que l'entreprise justifie de la réalité d'une menace pesant sur sa compétitivité ; il sera considéré que le motif économique invoqué est justifié ; - sur le respect de l'obligation de recherche de reclassement : le salarié n'invoque pas le non respect par l'employeur de son obligation de reclassement interne résultant de l'application des dispositions de l'article L1233-4 du code du travail et ne conteste pas avoir refusé les propositions de reclassement qui lui ont été faites et qui sont rappelées dans le courrier de licenciement telles que détaillées ci-dessus ; II considère toutefois que l'employeur, lequel a des implantations en dehors du territoire national, n'a pas respecté les dispositions de l'article L1233-4-1 du même code ; il résulte cependant des pièces versées au débat qu'il a été remis au salarié un "questionnaire de mobilité à l'étranger" conforme à ces dispositions, afin de savoir s'il acceptait de recevoir des offres de reclassement à l'étranger et dans l'affirmative sous quelles restrictions éventuelles; le salarié devant répondre dans les 6 jours et l'absence de réponse équivalent à un refus (pièce IV-2) ; il sera en conséquence dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et le salarié sera débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1 ° ALORS QUE la réorganisation de l'entreprise ne peut constituer un motif économique de licenciement que si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en jugeant fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé en suite d'une réorganisation, au motif que l'entreprise justifie de la réalité d'une menace pesant sur sa compétitivité après avoir pourtant constaté que la société Seita appartenait à un groupe en sorte que la nécessité de sauvegarder la compétitivité économique devait être appréciée au niveau du secteur d'activité concerné du groupe et non au niveau de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L.1233-3 du code du travail.

2° ALORS en toute hypothèse QUE la réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif économique de licenciement que si elle est justifiée par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, dans une période concomitante aux licenciements prononcés, le résultat net du secteur d'activité tabac du groupe a augmenté, que la marge d'exploitation a progressé, que le groupe a augmenté de façon régulière le montant des dividendes distribués et vu le cours de son action progresser ; qu'en l'état de ces constatations excluant toute menace sur la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe, la cour d'appel ne pouvait dire les licenciements fondés sur une cause économique réelle et sérieuse ; qu'en jugeant le contraire, elle a violé l'article L. 1233-3 du code du travail.

3° ALORS QUE le seul constat d'une baisse du chiffre d'affaires ne suffit pas à caractériser une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont l'entreprise relève ; qu'en se bornant à retenir l'existence d'une baisse du chiffre d'affaires du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tabacco en 2014 et 2015 sans nullement préciser le volume ou l'ampleur de cette baisse, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.

4° ALORS QUE la réorganisation de l'entreprise ne peut constituer un motif économique de licenciement que si elle est liée à la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou à celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que pour juger fondés sur une cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés en suite d'une réorganisation, la cour d'appel s'est bornée à retenir que l'entreprise justifiait d'une menace pesant sur sa compétitivité ; qu'en statuant ainsi sans constater que ladite réorganisation avait été décidée pour faire face à cette menace, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1233-3 du code du travail.

5° ALORS QUE le licenciement n'a de cause économique réelle et sérieuse que si l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute méconnaissance de l'obligation de reclassement, qu'il a été remis aux salariés un « questionnaire de mobilité à l'étranger » conforme aux dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, sans caractériser l'absence de poste disponible à l'étranger ou le refus des salariés de recevoir des propositions de reclassement à l'étranger, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10596;18-10597;18-10598;18-10599;18-10600
Date de la décision : 22/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 21 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mai. 2019, pourvoi n°18-10596;18-10597;18-10598;18-10599;18-10600


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10596
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award