LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :
Vu l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte notarié du 9 novembre 2009, la société Banque populaire du Sud (la banque) a consenti à la société Classic corner un prêt d'un montant de 45 000 euros pour lequel Mme R... J... s'est portée caution solidaire et hypothécaire ; que par acte notarié du 10 novembre 2009, un second prêt de moindre montant était consenti dans les mêmes conditions ; que le 11 septembre 2012, Mme R... J... et la société Classic corner ont fait assigner la banque devant un tribunal de commerce aux fins de la voir condamnée à restituer la somme de 4 380 euros correspondant à des intérêts indûment prélevés, qu'il soit jugé que le billet à ordre créé le 11 février 2010 s'est substitué à l'acte de prêt du 9 novembre 2009, et qu'il soit dès lors dit que la caution solidaire et hypothécaire figurant dans l'acte authentique de prêt du 9 novembre 2009 était dépourvue de cause et que soit en conséquence ordonnée la mainlevée de cette caution ; que par jugement du 25 novembre 2013, le tribunal de commerce de Perpignan a débouté la société Classic corner de l'ensemble de ses demandes, dit que la banque a prélevé à tort la somme de 2 439 euros, condamné solidairement Mme R... J... et la société Classic corner à payer à la banque la somme de 4 502,22 euros au titre du solde débiteur d'un compte, et dit que la somme de 2 439 euros s'imputera sur celle de 4 505,22 euros ; que sur le fondement des deux actes notariés, la banque a ensuite fait délivrer à Mme R... J... un commandement valant saisie immobilière ; que sur l'assignation de la banque par Mme R... J... devant lui, un juge de l'exécution a rejeté l'ensemble des contestations présentées par Mme R... J... , à l'exception de celle relative à la déchéance encourue pour défaut d'information annuelle de la caution, sursis à statuer et ordonné la réouverture des débats pour que la banque produise un décompte prenant en compte la déchéance des pénalités ou intérêts de retard échus depuis le 24 février 2012 ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les contestations de Mme R... J... , la cour d'appel retient que c'est à juste titre que la banque avance que les demandes de Mme R... J... sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Perpignan le 25 novembre 2013, ce jugement statuant en ce sens que la banque détient, au titre des deux prêts, un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;
Qu'en se déterminant ainsi, sur le fondement des seuls motifs du jugement du tribunal de commerce, qui ne s'est pas prononcé dans son dispositif sur ce point, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si le titre contenait les éléments nécessaires à l'évaluation de la créance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier, sauf en ce qu'elle a confirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan en ce qu'il s'est déclaré compétent matériellement pour connaître des demandes présentées par Mme R... J... , et a constaté que Mme R... J... ne conteste pas le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 14 janvier 2016 mais seulement les commandements de payer valant saisie signifiés le 30 novembre 2015 et le 14 janvier 2016 ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Banque populaire du Sud aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme R... J... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme R... J... .
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté l'ensemble des contestations de madame R... J... hormis celle relative à la déchéance encourue pour défaut d'information annuelle de la caution ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'appel interjeté dans les formes et délais de la loi est recevable. L'article L. 137-2 (désormais L. 218-2) du Code de la Consommation, dont se prévaut I... J..., dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Cependant, I... J..., associée de la SARL CLASSIC CORNER emprunteuse, garantissant les engagements de cette dernière dans le cadre d'un crédit non soumis au code de la consommation comme accordé à une société commerciale pour les besoins de son activité, ne peut être considérée comme un consommateur au sens de l'article susvisé, le contrat de cautionnement ne relevant pas de ces dispositions. Ainsi en jugeant que la prescription biennale n'avait pas vocation à s'appliquer en l'espèce et en rejetant ce moyen soulevé par I... J... le premier juge a fait une exacte analyse des éléments de la cause qu'il convient de confirmer. Concernant le prêt objet de l'acte notarié en date du 9 novembre 2009, contenant ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 45.000,00 euros, c'est à juste titre que la BANQUE POPULAIRE DU SUD avance que les demandes d'I... J... sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée au jugement définitif rendu par le Tribunal de commerce de PERPIGNAN le 25 novembre 2013, qui constate que, selon rapport d'expertise, la BANQUE POPULAIRE DU SUD a avancé la somme de 45.000,00 euros et que l'engagement de caution de I... J... est valable. Par ailleurs, ce même jugement statue en ce sens que la BANQUE POPULAIRE DU SUD détient, tant au titre du prêt de 45.000,00 euros que-celui de 35.400,00 euros, un titre-exécutoire-constatant une créance liquide et exigible. C'est ainsi à juste titre que le premier juge a : - constatant l'existence d'un titre exécutoire que constituent les deux actes de prêt notariés en date du 9 et 10 novembre 2009, retenu que le taux d'intérêt, sans précision sur sa périodicité, est présumé annuel, - relevé qu'il a été statué sur le montant du taux d'intérêt par le jugement du 25 novembre 2013 qui déboute la SARL CLASSIC CORNER de ses demandes portant, notamment, sur ce point, - rejeté l'ensemble des moyens de nullité présentés par I... J... relativement au commandement de payer valant saisie immobilière du I 4 janvier 2016 (étant précisé que seul celui-ci a fait l'objet d'une publication, et que celui du 30 novembre 2015 est caduque) » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « par ailleurs Mme I... H... R... J... soutient que la Banque Populaire du Sud ne se fonde pas sur une créance liquide étant donné qu'elle indique dans les commandements de payer valant saisie que sa créance réclamée en vertu de l'acte notarié du 09 novembre 2009 produit intérêt au taux de 10,20 % alors que cet acte indique que le taux effectif global s'élève à 8,10 % ; qu'en outre il existe une incertitude sur l'objet de ce contrat puisque celuici est dénommé « facilité de caisse » en page 6, alors qu'il devient une « ouverture de crédit en compte courant » en page 11 ; que sur ce dernier point, les expressions « facilité de caisse »et « ouverture de crédit en compte courant » n'apparaissent ni contradictoires ni incompatibles ; que cette différence de terminologie ne suffit donc pas à faire naître un doute sur la nature et l'objet du contrat garanti par le cautionnement, qui résultent clairement de l'acte notarié ; qu'en ce qui concerne le taux d'intérêt applicable, que le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 25 novembre 2013 indique ce qui suit : « Attendu qu'il découle des documents produits que deux taux sont prévus : 8,10 % et 10,20 % ; Attendu en l'espèce, et nonobstant l'erreur. matérielle, il conviendra de constater que les demandeurs la -SARL CLASSIC CORNER et Mme I... H... R... J... n'ont jamais contesté les relevés de compte mensuels et qu'ainsi, ils n'ont pas utilisé les possibilités de l'article IV 3 des conditions générales ; Attendu de même, qu'ils n'ont pas utilisé les possibilités de contestation prévues dans l'acte authentique ; Attendu qu'il conviendra de retenir le taux contractuel de 10,20 % » ; que cette contestation a donc été tranchée par une décision de justice qui a acquis l'autorité de la chose jugée, et dont aucune partie n'indique avoir relevé appel ; qu'en outre, lorsqu'un document contractuel ne donne aucune précision sur la périodicité des intérêts, le taux d'intérêt est présumé annuel ; que par conséquent les deux commandements de payer valant saisie attaqués, qui mentionnent, 's'agissant du crédit N° [...], un taux d'intérêt de 10,20 %, apparaissent conformes aux stipulations de l'acte notarié du 09 novembre 2009 valant titre exécutoire ; que Mme I... H... R... J... fait valoir par ailleurs que l'ouverture de crédit en compte courant constatée par l'acte notarié du 09 novembre 2009 n'a jamais été mobilisée ; que toutefois qu'il ressort en page 11 de l'acte notarié que l'ouverture de crédit en compte courant est matérialisée par un prêt de 45.000 € dont les modalités de remboursement sont précisées ; qu'il est constant que cette ouverture de crédit en compte courant a reçu un commencement d'exécution de la part des parties contractantes puisque le débiteur principal en a remboursé une partie, ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'avait pas bénéficié des fonds dont l'acte authentique constate la mise à sa disposition ; que cet argument n'apparait donc pas fondé ; que dans ces conditions le créancier se prévaut d'une créance liquide et exigible ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande de nullité des commandements de payer valant saisie des 30 novembre 2015 et 14 janvier 2016 ; que de même est rejetée la demande tendant à enjoindre le créancier de faire radier sous astreinte la publication au service de la publicité foncière du commandement de payer valant saisie du 14 janvier 2016 » ;
ALORS, premièrement, QUE madame R... J... demandait l'annulation des commandements des 30 novembre 2015 et 14 janvier 2016 (conclusions d'appel de madame R... J... , dispositif, p. 20 et 21 ; arrêt, p. 3 et 4 ; jugement, p. 3), et articulait à cet effet des moyens pris de l'absence de déblocage de la somme de 45 000 € en exécution du prêt notarié du 9 novembre 2009, de l'erreur des commandements quant au taux d'intérêts, de l'impossibilité de liquider la créance de la banque au titre de l'acte notarié du 9 novembre 2009 sur la base des seules énonciations de cet acte (conclusions de madame R... J... , motifs p. 11 à 19) ; qu'en refusant d'examiner ces moyens au prétexte de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 25 novembre 2013, quand l'autorité de chose jugée est une fin de non-recevoir applicable à une demande et non pas à un moyen, la cour d'appel a violé les articles 122 du code de procédure civile et 1351 devenu 1355 du code civil ;
ALORS, deuxièmement, QU'en opposant aux moyens de madame R... J... l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 25 novembre 2013, cependant que l'exposante demandait l'annulation des commandements des 30 novembre 2015 et 14 janvier 2016 (conclusions d'appel de madame R... J... , dispositif, p. 20 et 21 ; arrêt, p. 3 et 4 ; jugement, p. 3), postérieurs de plus de deux ans au jugement du 25 novembre 2013, de sorte qu'il ne pouvait y avoir identité d'objet entre les demandes formulées lors de l'instance ayant donné lieu au jugement du 25 novembre 2013 et les demandes émises lors de l'instance ayant abouti à l'arrêt attaqué, ce qui excluait l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil ;
ALORS, troisièmement, QU'en opposant au moyen de madame R... J... pris de l'erreur des commandements quant au taux d'intérêts, l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 25 novembre 2013, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce jugement n'était pas dépourvu de chef de dispositif afférent au taux d'intérêts (conclusions d'appel de madame J..., motifs p. 19), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 devenu 1355 du code civil et de l'article 480 du Code de procédure civile ;
ALORS, quatrièmement, QU'en écartant le moyen de madame R... J... pris de ce que les commandements litigieux mentionnaient un taux d'intérêts de 10,20 % au lieu des 8,10 % stipulés par l'un des titres exécutoires, au motif inopérant, adopté du premier juge, qu'en l'absence de précision d'un acte sur la périodicité des intérêts le taux d'intérêts est présumé être annuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2 et L. 331-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS, cinquièmement, QU'en retenant, par motifs adoptés, que l'acte notarié du 9 novembre 2009 mentionnait une ouverture de crédit en compte courant de 45 000 € matérialisée par un prêt, et que cette ouverture de crédit avait reçu un commencement d'exécution puisqu'une partie en avait été remboursée par la débitrice, sans s'expliquer sur le point de savoir si les 45 000 € dont la banque poursuivait le recouvrement ne correspondaient pas à trois billets à ordre successivement souscrits à son profit par la société Classic Corner en novembre 2009 et février 2010 et dont le paiement n'était pas garanti par madame J... (conclusions d'appel de madame R... J... , motifs p. 11 à 14), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2 et L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution et 2292 du code civil ;
ALORS, sixièmement, QUE madame R... J... soulignait que le prêt notarié du 9 novembre 2009 ne constituait pas un titre exécutoire constatant une créance liquide dès lors qu'il se référait à des éléments extrinsèques en stipulant que les modalités de fonctionnement du compte courant étaient déterminées par une convention signée par ailleurs, et que les intérêts et commissions, qui deviendraient des articles du compte courant, seraient calculés conformément aux conditions générales de la banque et aux usages bancaires (conclusions d'appel de madame R... J... , motifs p. 16 à 19) ; qu'en se s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2, L. 311-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution.