LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.835), que M. Barbaste, ayant entrepris en qualité de maître de l'ouvrage un projet d'aménagement d'un logement locatif, avec la perspective d'obtenir une subvention de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat, a conclu le 16 mars 2007 un contrat de maîtrise d'oeuvre avec l'association Pact du Pays Basque (le Pact), aux droits de laquelle vient Soliha Pays Basque ; que, le Pact ayant assigné M. Barbaste en paiement de factures, celui-ci a demandé reconventionnellement le paiement de la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts et une expertise pour chiffrer les malfaçons et les non-conformités ;
Attendu que M. Barbaste fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la perte de chance réparable consiste en la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en retenant, pour dénier toute perte de chance, que le dépôt du dossier complet de subvention en 2007 n'en garantissait pas l'octroi à M. Barbaste, quand il importait toutefois peu que l'octroi de la subvention n'ait pas été garanti et qu'il suffisait que M. Barbaste ait perdu une chance sérieuse de l'obtenir, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°/ que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en énonçant que M. Barbaste ne justifie pas que le dépôt tardif de la demande de subvention avait eu pour effet de lui faire perdre une chance d'obtenir la subvention prévue, sans toutefois caractériser l'impossibilité qui était la sienne d'obtenir la subvention si le dossier avait été déposé dans les délais requis, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu qu'après avoir constaté qu'à compter de 2007, les demandes de subvention pour des projets de réhabilitation de logements de propriétaires privés étaient soumises à l'avis de la commission locale d'amélioration de l'habitat, qui, ne pouvant répondre à toutes les demandes, avait modifié ses critères d'attribution, l'arrêt relève que des dossiers de demandes de subvention, bien que déposés complets plusieurs mois avant la fin de l'année 2007, ont été refusés au motif que les transformations envisagées ne répondaient plus aux priorités de cet organisme, de sorte que, même si le dossier de M. Barbaste avait été déposé courant 2007, ce dernier n'avait aucune chance d'obtenir l'aide sollicitée ; que de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire l'absence de lien de causalité entre la faute reprochée au Pact et le préjudice allégué ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Barbaste aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. Barbaste
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Barbaste de ses demandes de dommages et intérêts ;
Aux motifs propres que « Sur le bien-fondé des demandes
M. Barbaste rappelle que la cassation est intervenue en ce que l'arrêt de la cour de Toulouse a rejeté la demande de dommages et intérêts pour perte de chance d'obtenir une subvention et celle en réparation d'un préjudice moral au motif que : " en statuant ainsi, sans rechercher si la faute de l'association, qui n'avait pas déposé le dossier en 2007 comme elle le devait, n'avait pas fait perdre à M. Barbaste la chance d'obtenir une subvention qui aurait été appréciée selon les critères favorables en 2007, et non selon ceux apparus en 2008, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ".
Selon M. Barbaste, il résulte de ce second arrêt de cassation comme du premier du 25 mars 2014 qui a consacré le manquement du PACT à ses obligations d'information et de conseil justifiant la résolution du contrat à ses torts exclusifs, que la faute du PACT est acquise comme le principe de sa responsabilité et que la seule question qui se pose pour évaluer le préjudice subi, est de savoir quel aurait été le montant de la subvention selon les critères favorables de 2007.
le Pact considère de son côté que la faute retenue par la cour de cassation n'implique pas sa responsabilité civile faute de lien de causalité avec la perte de chance d'obtenir la subvention prévue. Il se fonde sur les trois éléments suivants :
- il n'existait aucune obligation contractuelle pour le Pact d'avoir à déposer le dossier de demande de subvention dans un délai ou à une date précise, la convention signée avec M. Barbaste étant muette à ce sujet,
- le Pact s'est trouvé dans l'impossibilité de déposer le dossier avant le 8 février 2008 du fait de son co-contractant qui ne lui a pas fourni en temps utiles les renseignements et pièces requis et a modifié certains éléments du dossier,
- certains dossiers de "transformation d'usage" déposés en 2007 ont quand même été rejetés, considérés comme non prioritaires.
Les deux premiers éléments avancés par l'intimée reviennent à contester, non pas le lien de causalité entre sa faute et la perte de chance invoquée mais en réalité, le caractère fautif du dépôt tardif du dossier de demande de subvention alors que la faute de l'association consistant à "n'avoir pas déposé le dossier en 2007 comme elle le devait ", est acquise en vertu de l'arrêt de cassation saisissant la cour de ce siège.
En revanche, si la faute de l'intimée n'est plus discutable, le Pact est fondé à contester sa responsabilité civile en l'absence de lien de causalité entre cette faute et la perte de chance d'obtenir la subvention prévue.
Il résulte en effet d'une attestation du président du conseil départemental des Pyrénées Atlantiques établie le 16 septembre 2017 que, dans le cadre de la mise en oeuvre locale de la politique nationale de l'ANAH, les demandes de subvention pour des projets de réhabilitation de logements de propriétaires privés étaient soumises à l'avis de la CLAH (commission locale d'amélioration de l'habitat) et que: "A partir de 2007, les crédits de l'ANAH ne pouvant répondre à l'ensemble des demandes, les dossiers soumis â la CLAH ont été étudiés par priorité selon les recommandations de l'ANAH .Ainsi, des dossiers qualifiés de transformation d 'usage déposés dès 2007 ont été considérés comme non prioritaires, ce qui a pu se traduire dès l'année 2007 par des avis défavorables de la CLAH pour ce type de dossiers "( pièce 38 de l'intimée) .
Le rejet de dossiers de demande de subvention déposés complets en 2007 mais refusés au motif que les "transformations d'usage" ne rentraient plus dans les priorités de l'ANAH est confirmé par la production de l'accusé de réception d'un dossier complet n° 064001830 daté du 2 octobre 2007 et de la notification du rejet de cette demande le 20 novembre 2008 pour ce motif (pièce 36 et 37 de l'intimée).
Ainsi, s'il est vrai que la décision de ne plus financer les dossiers de " transformation d'usage " a été prise le 7 novembre 2008, il est vérifié que cette décision a été appliquée à des dossiers régulièrement déposés à la fin de l'année 2007.
Dans ces conditions, M. Barbaste ne justifie pas que le dépôt en 2008 par le Pact de sa demande de subvention lui a fait perdre une chance d'obtenir la subvention prévue puisque le dépôt du dossier complet en 2007 ne lui en garantissait pas l'octroi.
Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance et de celle formée au titre du préjudice moral qui en est la conséquence » ;
Alors que, d'une part, la perte de chance réparable consiste en la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en retenant, pour dénier toute perte de chance, que le dépôt du dossier complet de subvention en 2007 n'en garantissait pas l'octroi à Monsieur Barbaste, quand il importait toutefois peu que l'octroi de la subvention n'ait pas été garanti et qu'il suffisait que l'exposant ait perdu une chance sérieuse chance de l'obtenir, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
Alors que, d'autre part, toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en énonçant que Monsieur Barbaste ne justifie pas que le dépôt tardif de la demande de subvention avait eu pour effet de lui faire perdre une chance d'obtenir la subvention prévue, sans toutefois caractériser l'impossibilité qui était la sienne d'obtenir la subvention si le dossier avait été déposé dans les délais requis, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.