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15/05/2019 | FRANCE | N°18-11845

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2019, 18-11845


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. W..., engagé par la société Les publications grand public, le 1er février 2005, en qualité de directeur comptable, exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur financier ; que la rupture du contrat de travail pour motif économique est intervenue le 7 février 2014 après acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle ;
r>Attendu que, pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. W..., engagé par la société Les publications grand public, le 1er février 2005, en qualité de directeur comptable, exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur financier ; que la rupture du contrat de travail pour motif économique est intervenue le 7 février 2014 après acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle ;

Attendu que, pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement dès lors que la recherche auprès des sociétés du groupe d'un poste à l'étranger a été exprimée en des termes très généraux sans la moindre référence à la situation spécifique du salarié, ni au parcours professionnel de ce dernier ;

Attendu cependant qu'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise ou s'il y a lieu dans le groupe auquel elle appartient ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur ne justifiait pas de l'absence de poste disponible en rapport avec les aptitudes et capacités de l'intéressé, autres que ceux écartés par le salarié, y compris dans les autres sociétés du groupe situées à l'étranger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge le licenciement de M. W... dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamne la société Les publications grand public à verser à M. W... les sommes de 20 392,23 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 039,22 euros au titre des congés payés y afférents et 40 800 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonne la remise par la société Les publications grand public à M. W... d'un certificat de travail, de bulletins de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt, ordonne le remboursement par la société Les publications grand public aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versés à M. W... à concurrence de six mois, condamne la société Les publications grand public à verser à M. W... la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société Les publications grand public de sa demande sur ce même fondement et condamne la même société aux dépens, l'arrêt rendu le 7 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. W... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Les publications grand public.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 10 septembre 2015 en ce qu'il admis l'existence d'une cause réelle et sérieuse à l'origine du licenciement du salarié, d'AVOIR dit que le licenciement de M. W... était dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Les Publications Grand Public à verser à M. W... les sommes de 20 392,23 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 039,22 euros au titre des congés payés y afférents outre 40 800 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR ordonné la remise par l'employeur à M. W... d'un certificat de travail, de bulletins de paie et d'une attestation Pôle-Emploi conformes au présent arrêt dans le mois suivant la notification de la décision, d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Les Publications Grand Public aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées au salarié à la suite de son licenciement à concurrence de 6 mois, d'AVOIR condamné la société Les Publications Grand Public à verser à M. W... la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté cette dernière de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la société Les Publications Grand Public aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'obligation de reclassement
Selon l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ; à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Il ressort des pièces versées aux débats qu'au cours d'un premier entretien avec la directrice adjointe des ressources humaines, M. W... avait pris connaissance des 5 postes pouvant lui être offerts au titre du reclassement mais celui-ci avait expliqué qu'ils ne correspondaient ni à sa formation, ni à son profil (finance et comptabilité) ni à ses souhaits d'évolution dans la mesure où les postes en cause correspondaient à des postes de commerciaux ; il avait précisé pouvoir être intéressé par un poste à l'étranger (soit à Barcelone soit à Singapour).
Sur les possibilités de reclassement à l'étranger, une demande a été adressée à ce propos le 7 novembre 2013 pour savoir si des postes étaient disponibles dans le domaine de la finance et de la comptabilité.
Il doit être observé que cette interrogation a été exprimée en des termes très généraux sans la moindre référence à la situation spécifique de M. W... ni au parcours professionnel de ce dernier de telle sorte qu'il apparaît que la recherche menée n'a pas été conduite dans le respect des exigences de la loi et que dans ces conditions il convient de considérer que le licenciement intervenu est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- sur l'indemnité compensatrice de préavis : à ce titre il apparaît, en l'espèce, que seules les sommes versées par l'employeur au salarié peuvent être déduites de la créance invoquée par ce dernier.
Dans ces circonstances, M. W... peut obtenir le versement de la somme de 20 392, 22 euros et de 2 039, 22 euros au titre des congés payés y afférents.
- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : en raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement (50 ans), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer en réparation du préjudice qu'il a subi la somme de 40 800 euros.
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage versées le cas échéant à M. W... à compter du jour de son licenciement et ce à concurrence de 6 mois.
Sur les intérêts et sur la remise de documents
Les créances salariales sont productives d'intérêts à compter de la demande et les créances indemnitaires à compter de la décision qui en admet le bien fondé.
Il y aura lieu pour la société de remettre au salarié les documents afférents à la rupture du contrat de travail rectifiés en fonction du présent arrêt et ce dans les délais prévus au dispositif ci-après sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte dont le principe n'est pas justifié en l'espèce compte tenu de la situation de la société PGP.
Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure
La société PGP qui succombe pour l'essentiel dans la présente procédure sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande formée par la société ASF, compte tenu des circonstances de l'espèce, il convient de condamner M. W..., par application de l'article 700 du code de procédure civile, à lui verser une somme qu'il est équitable de fixer à 500 euros.
En ce qui concerne M. W... il convient de condamner la société PGP à lui verser par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros » ;

1°) ALORS QUE procède à une recherche personnalisée des possibilités de reclassement, l'employeur qui consulte les sociétés du groupe, en leur précisant les postes concernés par un éventuel licenciement outre les domaines de reclassement privilégiés, et qui les invite à lui communiquer la liste des postes à pourvoir accompagnée de leur descriptif détaillé ; qu'il n'est pas nécessaire que le profil personnalisé des salariés concernés soit précisé ; qu'en l'espèce, dans le cadre d' « un projet de réorganisation pouvant déboucher, à défaut de reclassement, sur 7 licenciements pour motif économique », la société Les Publications Grand Public (PGP) avait adressé, par voie électronique, aux autres sociétés du groupe un courrier leur précisant « les postes concernés par ces éventuels licenciements », dont celui de « Directeur Financier » occupé par M. W..., les remerciant « de bien vouloir [lui] indiquer si des postes [étaient] actuellement ou ser[aient] prochainement à pourvoir [en leur sein], notamment dans les domaines suivants : Finances, comptabilité, audit, ressources humaines, recrutement, paie, achats et services généraux » et les invitant à lui « communiquer la liste à jour des postes à pourvoir (
) ainsi que le descriptif détaillé de ces postes missions, localisation, rémunération, compétences requises
) » ; qu'en retenant, pour déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que cette interrogation était exprimée en des termes « très généraux sans la moindre référence spécifique de M. W..., ni au parcours professionnel de ce dernier », la cour d'appel a violé l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QU' aucun manquement à l'obligation de reclassement ne peut être retenu lorsque l'entreprise et le groupe auquel elle appartient ne disposent d'aucun emploi disponible compatible avec les compétences du salarié et les restrictions qu'il a lui-même posées quant aux postes qu'il accepterait à titre de reclassement ; qu'en l'espèce, la société PGP faisait valoir, preuves à l'appui (cf. productions n° 4 à 12), que reçu en entretien, le 11 décembre 20123, afin de faire préciser sa situation, son positionnement et ses souhaits éventuels de mobilité, le salarié avait exprimé son désintérêt pour les seuls postes disponibles au sein du groupe, ceux-ci, de nature commerciale, ne correspondant ni à sa formation, ni à son profil comptable et financier, ni à son souhait d'évolution professionnelle dans ces deux seuls domaines, position qu'il avait réitérée au cours des deux entretiens ultérieurement organisés par l'employeur pour favoriser son reclassement ; qu'en se bornant à constater que le courrier par lequel la société PGP avait interrogé les sociétés du groupe à l'étranger était rédigé en termes très généraux et sans référence à la situation spécifique du salarié, sans rechercher si l'absence, dans l'entreprise et le groupe auquel elle appartenait, de poste disponible conforme à la formation du salarié et aux restrictions qu'il avait lui-même posées quant aux domaines d'intervention susceptibles de lui convenir, n'avait pas rendu son reclassement impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Les Publications Grand Public à verser à M. W... les sommes de 20 392,23 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 039,22 euros au titre des congés payés y afférents, d'AVOIR ordonné la remise par la société Les Publications Grand Public à M. W... d'un certificat de travail, de bulletins de paie et d'une attestation Pôle-Emploi conformes au présent arrêt dans le mois suivant la notification de la décision, d'AVOIR condamné la société Les Publications Grand Public à verser à M. W... la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté cette dernière de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la société Les Publications Grand Public aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les conséquences pécuniaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- sur l'indemnité compensatrice de préavis : à ce titre il apparaît, en l'espèce, que seules les sommes versées par l'employeur au salarié peuvent être déduites de la créance invoquée par ce dernier.
Dans ces circonstances, M. W... peut obtenir le versement de la somme de 20 392, 22 euros et de 2 039, 22 euros au titre des congés payés y afférents.
- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : en raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement (50 ans), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer en réparation du préjudice qu'il a subi la somme de 40 800 euros.
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage versées le cas échéant à M. W... à compter du jour de son licenciement et ce à concurrence de 6 mois.
Sur les intérêts et sur la remise de documents
Les créances salariales sont productives d'intérêts à compter de la demande et les créances indemnitaires à compter de la décision qui en admet le bien fondé.
Il y aura lieu pour la société de remettre au salarié les documents afférents à la rupture du contrat de travail rectifiés en fonction du présent arrêt et ce dans les délais prévus au dispositif ci-après sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte dont le principe n'est pas justifié en l'espèce compte tenu de la situation de la société PGP.
Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure
La société PGP qui succombe pour l'essentiel dans la présente procédure sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande formée par la société ASF, compte tenu des circonstances de l'espèce, il convient de condamner M. W..., par application de l'article 700 du code de procédure civile, à lui verser une somme qu'il est équitable de fixer à 500 euros.
En ce qui concerne M. W... il convient de condamner la société PGP à lui verser par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros » ;

ALORS QU'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle devient sans cause de sorte qu'il y a lieu à compensation entre les sommes que l'employeur a versées, sans cause, au Pôle emploi pour le financement de l'allocation spécifique de reclassement en application de l'article L 1233-69 du code du travail, et celles qu'il doit au titre de sa condamnation à rembourser les allocations chômage versées au salarié ; qu'en condamnant la société Les Publications Grand Public à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées le cas échéant au salarié à compter du jour de son licenciement et ce à concurrence de six mois, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé l'article L.1233-69 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-4 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-11845
Date de la décision : 15/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mai. 2019, pourvoi n°18-11845


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11845
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