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09/05/2019 | FRANCE | N°18-83487

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 mai 2019, 18-83487


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Pollen, partie civile,

contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 14 mai 2018, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée, notamment des chefs d'escroqueries et abus de confiance, a déclaré irrecevable la saisine de la chambre de l'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 mars 2019 où étaient présents dans la formation prÃ

©vue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Guéry,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Pollen, partie civile,

contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 14 mai 2018, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée, notamment des chefs d'escroqueries et abus de confiance, a déclaré irrecevable la saisine de la chambre de l'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller Guéry, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 novembre 2018, ordonnant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, ensemble les articles 173, 194, 221-2 et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a dit irrecevable la requête portant sur l'inaction du magistrat instructeur pendant plus de quatre mois ;

"aux motifs qu'une confrontation a été organisée par le magistrat instructeur le 10 avril 2018 ; qu'un délai de quatre mois ne s'est donc pas écoulé depuis la date du dernier acte d'instruction ;

"1°) alors que, selon l'article 221-2 du code de procédure pénale, les parties peuvent saisir la chambre de l'instruction d'une demande de dessaisissement d'un magistrat instructeur lorsqu'un délai de quatre mois s'est écoulé depuis la date du dernier acte d'instruction ; que le président de la chambre de l'instructeur peut décider qu'il n'y a pas lieu de saisir ladite chambre par ordonnance motivée ; que si l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction prévue par ce texte n'est pas susceptible de recours, il en est autrement lorsque cette décision est entachée d'excès de pouvoir ; qu'il résulte de l'article précité, qui renvoie à l'article 173 du même code, que le président de la chambre de l'instruction peut déclarer irrecevable la requête déposée à fin de voir constatée la carence du magistrat instructeur, s'il résulte de ses termes et éventuellement des pièces de la procédure, que le magistrat instructeur a accompli des actes d'instruction moins de quatre mois avant le dépôt de la requête ; qu'en affirmant que la requête était irrecevable, aux motifs qu'un acte d'instruction avait été accompli postérieurement au dépôt de cette requête, le président de la chambre de l'instruction a méconnu l'article 212-1, alinéa 1er et 2, du code de procédure pénale et a ainsi excédé ses pouvoirs, la réalisation d'actes postérieurs à la requête n'étant pas une condition de la recevabilité du recours exercé ;

"2°) alors que, constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de refuser de se prononcer sur le bien-fondé de la demande de dessaisissement du magistrat instructeur ; que, dès lors, le président de la chambre de l'instruction qui a déclaré la requête irrecevable, par un motif manifestement erroné en faisant état de la réalisation d'un acte d'instruction postérieur à la requête, et a ainsi refusé de se prononcer sur l'éventuelle carence du magistrat instructeur dans les quatre mois précédent la requête et, en présence d'un tel constat, sur les motifs justifiant de ne pas saisir la chambre de l'instruction, le président de ladite chambre a excédé ses pouvoirs ;

"3°) alors que, si le délai de huit jours dans lequel le président de la chambre de l'instruction peut décider qu'il n'y pas lieu de saisir ladite chambre n'est pas impératif, il n'appartient pas à ce magistrat, saisi d'un recours des parties, d'attendre la réalisation d'actes d'instruction, afin de rendre une ordonnance d'irrecevabilité empêchant la saisine de la chambre de l'instruction ; qu'en l'espèce, il résulte des termes mêmes de l'ordonnance que le président de la chambre de l'instruction s'est fondé sur une pièce postérieure à la requête, pour rendre une décision d'irrecevabilité, pièce qui ne pouvait se trouver au dossier de la procédure transmis au procureur général en vue de la mise en état du dossier, le procès-verbal de confrontation faisant état d'une convocation de l'avocat du témoin assisté en date du 28 mars 2018, soit plus d'un mois après la requête, confrontation intervenue le 10 avril suivant ; qu'en attendant la réalisation d'actes d'instruction effectués plus d'un mois après le dépôt de la requête en dessaisissement du magistrat instructeur, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;

"4°) alors que, saisie d'une requête fondée sur l'inaction du magistrat instructeur depuis plus de quatre mois, la chambre de l'instruction qui constate la réalité de cette inaction, doit en donner acte dans sa décision et, en ce cas, expliquer les motifs qui justifient de renvoyer l'affaire au juge d'instruction et non de l'en dessaisir ; qu'une telle décision ouvre alors un nouveau délai de deux mois, à l'issue duquel, en cas d'inaction persistante du magistrat instructeur, l'une des parties peut à nouveau saisir la chambre de l'instruction, qui doit alors dessaisir le magistrat instructeur ; qu'il en résulte que le président de la chambre de l'instruction ne peut dire n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction que s'il constate, au vu des actes d'instruction antérieurs à la requête, la justification de l'inaction du magistrat instructeur ; qu'en effet, si l'inaction du magistrat instructeur n'est pas justifiée par les actes antérieurs à la requête, le président de la chambre de l'instruction qui ne saisirait pas cette juridiction, afin que celle-ci constate la carence du magistrat instructeur et, en cas de carence persistante, le dessaisisse de l'affaire, méconnaîtrait l'obligation ainsi prévue par l'article 221-2 ; qu'en prenant en considération des faits postérieurs au dépôt de la requête, pour refuser d'en saisir la chambre de l'instruction, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;

"5°) alors que, le président de la chambre de l'instruction ne saurait avoir plus de pouvoirs que la chambre de l'instruction ; que, saisie d'une requête fondée sur l'inaction du magistrat instructeur depuis quatre mois, la chambre de l'instruction qui constate la réalité de cette inaction, doit en donner acte dans sa décision et, en ce cas, expliquer les motifs qui justifient de renvoyer l'affaire au juge d'instruction qui en est saisi et non de l'en dessaisir ; qu'elle ne peut faire état de pièces qui ne se trouvaient pas au dossier, sans avoir assuré le respect du principe du contradictoire et les droits de la défense ; que la procédure devant le président de la chambre de l'instruction n'ayant pas de caractère contradictoire, ce magistrat ne peut refuser de saisir la chambre de l'instruction, en se fondant sur des actes réalisés postérieurement au dépôt de la requête ; qu'en l'espèce, le président de la chambre de l'instruction qui a déclaré la requête irrecevable, empêchant la saisine de la chambre de l'instruction, en se fondant sur des pièces postérieures au dépôt de la requête tendant au constat de la carence du juge d'instruction et son dessaisissement, sans avoir et pouvoir organiser le respect du principe du contradictoire, a de plus ample excédé les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 221-2 du code de procédure pénale" ;

Vu l'article 221-2, al 1 et 2, du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de cet article que, pour l'appréciation du délai de quatre mois qui s'est écoulé depuis la date du dernier acte d'instruction, après lequel les parties peuvent saisir la chambre de l'instruction dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article 173 du code de procédure pénale, il ne peut être tenu compte d'un acte accompli postérieurement à la présentation de la requête ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure qu'une information judiciaire a été ouverte auprès du juge d'instruction de Versailles le 4 octobre 2013, contre personne non dénommée, des chefs d'escroquerie, abus de confiance, abus de biens sociaux, et complicité et recel de ces délits, commis au préjudice des sociétés Duval Investissement Participation, Auxiliaire des Alizés, Patrimoine et commerce, Alizés Invest, Infined 2, Financière Duval, Fined 2 ; que, le 16 janvier 2014, la Société Pollen, agissant tant en son nom personnel qu'au nom des sociétés précitées, s'est constituée partie civile ; qu'elle a présenté le 19 février 2018 une requête sur le fondement des dispositions de l'article 221-2 du code de procédure pénale ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la saisine de la chambre de l'instruction sur le fondement de l'article 221-2 du code de procédure pénale, l'ordonnance relève qu'une confrontation a été organisée par le magistrat instructeur le 10 avril 2018 et qu'en conséquence un délai de quatre mois ne s'est pas écoulé depuis la date du dernier acte d'instruction ;

Mais attendu qu'en disposant ainsi, le président de la chambre de l'instruction, qui ne pouvait retenir pour apprécier le délai de quatre mois prévu par l'alinéa premier de cet article, un acte accompli postérieurement à la présentation de la requête, a excédé ses pouvoirs ;

Par ces motifs :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 mai 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, autrement présidée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf mai deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-83487
Date de la décision : 09/05/2019
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Président de la Chambre de l'Instruction de Versailles, 14 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 mai. 2019, pourvoi n°18-83487


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.83487
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