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09/05/2019 | FRANCE | N°18-16051

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 mai 2019, 18-16051


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1328 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu qu'un acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), que la société Autrement immobilier, ayant acquis, le 7 novemb

re 2014, un appartement donné à bail le 18 décembre 2003 à M. M... G... et Mme I... G... p...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1328 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu qu'un acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), que la société Autrement immobilier, ayant acquis, le 7 novembre 2014, un appartement donné à bail le 18 décembre 2003 à M. M... G... et Mme I... G... par H... F..., les a assignés en résiliation du bail et en expulsion ; que Mme W... G..., se prévalant d'un avenant du 22 février 2007 signé par H... F... lui conférant, ainsi qu'à son époux, la qualité de « colocataires solidaires et indivis » du bail précité, a formé tierce opposition à l'arrêt ayant accueilli ces demandes ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la tierce opposition, l'arrêt retient que l'acte sous seing privé du 22 février 2007, qui a été signé en qualité de bailleur par H... F..., et au terme duquel M. O... G... et Mme W... G... sont devenus "colocataires solidaires et indivis" du bail consenti à M. M... G... et Mme I... G..., n'a pas acquis date certaine par l'un des trois procédés énumérés par l'article 1377 du code civil dès lors que le décès du bailleur originaire, H... F..., antérieur à la vente, ne peut donner date certaine au bail alors que les héritiers, vendeurs de l'immeuble, sont encore vivants et ont procédé à la vente, et n'est donc pas opposable à la société Autrement immobilier ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bail avait acquis date certaine du jour de la mort de H... F..., antérieur à la vente, et était dès lors opposable à la société Autrement immobilier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Autrement immobilier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Autrement immobilier et la condamne à payer à Mme W... G... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme L... épouse G....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la tierce opposition formée par Mme W... L..., épouse G..., d'avoir dit que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 décembre 2016 est applicable à Mme L..., épouse G..., occupante du chef de M. et Mme M... et I... G..., seuls titulaires d'un titre opposable à la société AUTREMENT IMMOBILIER et d'avoir confirmé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 décembre 2016 ;

Aux motifs que « sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme W... G...
La société AUTREMENT IMMOBILIER soulève in limine litis l'irrecevabilité de la tierce opposition formée par Mme W... G..., au motif que cette dernière n'a pas d'intérêt à agir.
Elle expose que :
- pour se prévaloir d'un intérêt légitime, Mme W... G... doit démontrer l'opposabilité de son titre de colocataire au bailleur,
- la chronologie des faits montre que la société AUTREMEMENT IMMOBILIER n'a jamais eu connaissance de l'existence d'un avenant au bail portant mention de M. et Mme O... et W... G... en qualité de co-preneurs.
Mme W... G..., tiers opposante, réplique que sa tierce opposition est recevable, parce qu'elle dispose d'un intérêt à agir contre l'arrêt du 15 décembre 2016 ayant prononcé la résiliation judiciaire du bail d'habitation dont elle est signataire depuis le 22 février 2007, sans qu'elle ait été appelée aux débats.
Sur ce
Il résulte des articles 582 et 583 du Code de procédure civile que la tierce opposition est une voie de recours extraordinaire ouverte "à tous les tiers quand ils sont lésés ou même simplement menacés d'un préjudice par l'effet d'un jugement auquel ils sont restés étrangers" et qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a un intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.
Il appartient au juge d'apprécier si cet intérêt est suffisant (Cass. 3ème civ. 25-6-1970 n°69- 70.173).
En outre, l'article 1377 du Code civil, anciennement article 1328, dispose que : " l'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique".
Les formalités exigées par l'article 1377 pour donner date certaine au bail sous seing privé ne peuvent, en principe, être suppléées par d'autres moyens. Toutefois, même si le bail n'a pas acquis date certaine par l'un des trois procédés énumérés dans l'article 1377 du Code civil, son opposabilité à l'acquéreur de l'immeuble peut être admise, dès lors que cet acquéreur a connu et accepté, lors de son acquisition, l'existence du bail en cours.
En l'espèce, il est constant que, par acte sous seing privé du 22 février 2007 à effet au 1er mars 2007, signé, en qualité de bailleur par M. H... F..., précédent propriétaire de l'immeuble, M. et Mme O... et W... G... sont devenus " colocataires solidaires et indivis" du bail consenti par M. H... F..., le 18 décembre 2003, à Mme I... A..., épouse G..., et à M. M... G....
Il est également constant que cet acte sous seing privé n'a pas acquis date certaine par l'un des trois procédés énumérés dans l'article 1377 du Code civil, dès lors que le décès du bailleur originaire, M. F..., antérieur à la vente ne peut donner date certaine au bail en application de l'article 1377 du Code civil, alors que les héritiers, vendeurs de l'immeuble sont encore vivants et ont procédé à la vente.
Dès lors, la société AUTREMENT IMMOBILIER se prévalant de l'inopposabilité à son encontre de l'avenant litigieux au motif qu'il n'a pas été porté à sa connaissance, il incombe à Mme W... G..., tiers opposante, pour démontrer que le titre d'occupation dont elle bénéficie est opposable à sa bailleresse, et, partant, son intérêt à agir dans le cadre d'une tierce opposition, de faire la preuve que l'acquéreur de l'immeuble, défenderesse à la tierce opposition, avait connaissance de l'avenant au moment du transfert de propriété.
A cette fin, Mme W... G... verse aux débats plusieurs pièces :
- un courrier de la société FONCIA, gestionnaire de l'immeuble de M. F..., informant les preneurs, M. et Mme M... et I... G..., M. et Mme O... et W... G..., du décès de leur bailleur et de la transmission de la gérance locative à la société Croitoru à compter du 1 er avril 2014,
- quatre quittances de loyer portant sur les mois d'avril, mai, août, octobre 2014, émanant de la société Philippe Croitoru, et adressées à M. et Mme M... et I... G..., M. et Mme O... et W... G...,
- une régularisation de charges portant sur l'exercice 2015 et adressée en 2016, par le gestionnaire de l'immeuble, la société JAC IMMOBILIER, à M. et Mme M... et I... G..., M. et Mme O... et W... G...,
- un courrier adressé par M. K... B..., le 13 avril 2016, à M. et Mme M... et I... G..., M. et Mme O... et W... G..., qualifiés de colocataires, donnant aux destinataires des éléments d'information sur la régularisation de charges pour l'année 2015 et indiquant que la société JAC IMMOBILIER est " en train d'étudier les éléments fournis par l'ancien cabinet de gestion (Croitoru), afin de procéder à la régularisation des charges pour les années antérieures (2011 à 2014)"
Outre ces pièces, Mme W... G... expose que M. R... B..., fils de M. K... B... et associé de la société AUTREMENT IMMOBILIER, a résidé dans l'immeuble dans lequel sont logés les consorts G... et que, dès lors, cette dernière ne pouvait ignorer la qualité de colocataire de Mme W... G....
Cependant, le courrier de la société FONCIA, gestionnaire de M. F..., aux droits duquel sont intervenus les époux U..., qui ont vendu l'immeuble à la société AUTREMENT IMMOBILIER est antérieur à l'acquisition par la défenderesse à la tierce opposition, la société AUTREMEMENT IMMOBILIER, de l'immeuble litigieux, qui est intervenue le 7 novembre 2014 et n'émane pas de cette société.
Il en va de même des quittances émises par la société Philippe Croitoru, gestionnaire des époux U..., précédent propriétaire de l'immeuble.
Par ailleurs, la régularisation des charges pour l'année 2015 est intervenue à la fin de l'année 2016 soit postérieurement à l'acquisition de l'immeuble du 7 novembre 2014 et ne peut, dès lors, apporter la preuve de l'avenant au bail litigieux par la société AUTREMENT IMMOBILIER au moment du transfert de propriété.
D'autant moins et à titre surabondant que le salarié de la société JAC IMMOBILIER, Mme Y... D..., qui a édité la régularisation mentionnant en qualité de colocataire, M. O... G... et Mme W... G... atteste avoir mentionné ces deux personnes en qualité de colocataires sans en référer à sa hiérarchie et à la suite d'un appel de M. M... G... sollicitant que soit mentionné le nom de ses parents sur leur outil de gestion, dès lors que ceux-ci participaient au paiement des loyers en émettant des chèques.
Pareillement, le courrier du 13 avril 2016, signé de M. K... B..., est postérieur à la vente du 7 novembre 2014 et ne peut donc démontrer que la société AUTREMENT IMMOBILIER avait connaissance de l'avenant litigieux au moment où elle a acquis l'immeuble.
Enfin, le seul fait que M. R... B..., fils de M. K... B... et associé de la société AUTREMENT IMMOBILIER ait pu résider dans l'immeuble ne démontre pas que la qualité de colocataire de Mme W... G... avait été portée à la connaissance de la société AUTREMENT IMMOBILIER.
Il y a lieu d'ajouter que cette connaissance ne ressort pas non plus de l'acte d'acquisition de la société AUTREMENT IMMOBILIER du 7 novembre 2014, qui indique, s'agissant de l'appartement occupé par les consorts G..., que le bien est loué à M. M... G... et à Mme I... G..., suivant bail d'habitation du 18 décembre 2003, le vendeur déclarant, en outre, " qu'aucune sous-location ou domiciliation n'a été portée à sa connaissance ou acceptée par lui et qu'il n 'y a pas d'autre locataire ou occupant de bonne foi que l'occupant susnommé". Il est indifférent que, Mme W... G... n'ayant pas été partie à cet acte de vente, cet acte ne lui soit pas opposable et ne puisse engager sa responsabilité, dès lors qu'il constitue seulement un élément d'appréciation livré à la Cour et visant à faire litière des allégations de Mme W... G... selon lesquelles l'acquéreur a eu connaissance, avant la vente, de sa qualité de colocataire.

Par suite, Mme W... G... ne rapportant pas la preuve que la société AUTREMENT IMMOBILIER connaissait, au moment où elle a acquis l'immeuble, l'avenant sous seing privé du 22 février 2007 conférant la qualité de colocataire à Mme W... G..., il y a lieu de considérer que cet avenant et, partant la qualité de colocataire de Mme W... G..., ne sont pas opposables à la société AUTREMENT IMMOBILIER.
En conséquence, Mme W... G... n'ayant pas d'intérêt légitime à agir en tierce opposition, la tierce opposition sera jugée irrecevable » ;

Alors que, si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le fermier, le métayer ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine ; que l'acte sous signature privée acquiert date certaine à l'égard des tiers du jour de la mort d'un signataire ; qu'en décidant, en l'espèce, que le bail sous seing privé du 22 février 2007 n'a pas acquis date certaine par l'un des trois procédés énumérés dans l'article 1377 du Code civil, dès lors que le décès du bailleur originaire, M. F..., antérieur à la vente, ne peut donner date certaine au bail en application de l'article 1377 du Code civil, les héritiers, vendeurs de l'immeuble, étant encore vivants et ayant procédé à la vente, quand le bail sous seing privé dont l'un des signataires est mort a pourtant date certaine et est opposable à celui ayant acquis le bien loué postérieurement à ce décès, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1377 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-16051
Date de la décision : 09/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 mai. 2019, pourvoi n°18-16051


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16051
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