LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 29 juin 2017), que, suivant protocole conclu avec des agriculteurs le 12 janvier 1998 et réitéré le 14 février 2012, la commune du Robert s'est engagée à viabiliser un terrain et à aménager une retenue d'eau collinaire ; que, par acte du 19 mars 2012, elle a consenti à M. K... un bail à ferme sur l'une des parcelles ; que, par déclaration du 18 novembre 2014, celui-ci a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de consignation des fermages, exécution des travaux sous astreinte et paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes ;
Mais attendu qu'ayant retenu exactement qu'en sa qualité de bailleresse, la commune était tenue de livrer la parcelle en bon état d'exploitation et constaté, sans être tenue de s'expliquer sur les éléments qu'elle décidait d'écarter, que la commune n'avait pas exécuté ses engagements quatre ans après la signature des protocoles, de sorte que M. K... ne pouvait exploiter son fonds de façon convenable, les eaux pluviales, non canalisées, du chemin communal se déversant sur son ténement, la cour d'appel a pu en déduire que la commune, qui ne rapportait pas la preuve lui incombant d'une cause d'exonération, avait failli à son obligation d'accomplir les travaux dans un délai raisonnable et a, par une décision motivée, répondant aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune du Robert aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune du Robert et la condamne à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la commune du Robert
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR autorisé le preneur d'un bail à ferme à consigner les loyers dus au bailleur jusqu'à la réalisation des travaux de viabilisation du terrain loué, D'AVOIR condamné le bailleur au paiement d'une astreinte de 10 € par jour de retard en cas de non-exécution des travaux dans un délai de 6 mois ET DE L'AVOIR condamné à payer au preneur la somme de 1.300 € à titre de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE le contrat est la loi des parties et doit être exécuté de bonne foi et que le bailleur doit délivrer une parcelle en bon état d'exploitation ; qu'il est incontestable qu'aux termes des deux protocoles d'accord des 12 janvier 1998 et 14 février 2012, la commune s'est engagée à réaliser une retenue collinaire et à viabiliser les terrains (voirie, réfection des traces et réseau d'eau potable) ; qu'il résulte du contrat d'huissier du 8 août 2014 que les travaux de réfection des traces n'ont pas été réalisés et que les eaux pluviales non canalisées du chemin communal se déversent sur l'exploitation de l'intimé ; que la commune ne conteste pas ne pas avoir réalisé la retenue collinaire ; que le fait que le protocole d'accord ne prévoit aucun délai ne saurait l'exonérer de sa responsabilité dans la mesure où il est évident que M. K... n'aurait pas contracté s'il avait su que quatre ans après il ne pourrait toujours pas exploiter l'intégralité de sa parcelle dans des conditions convenables ; que c'est donc à bon droit qu'il demande la consignation des fermages dans l'attente de la réalisation des travaux et que le jugement doit donc être confirmé de ce chef ; que s'il est certain que l'absence de réalisation des travaux par la commune a causé un préjudice certain à M. K... en l'empêchant d'exploiter de manière optimale sa parcelle, ce dernier ne fournit toutefois aucun élément chiffré (bilan d'exploitation) pour permettre à la cour d'évaluer son préjudice ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 1.300 € (arrêt attaqué p. 3, alinéas 4 et suivants ; p. 4, alinéas 1 à 3) ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU'il résulte des pièces que par accord du 14 février 2012 visé dans le bail, la commune du Robert s'est engagée à aménager une retenue collinaire et à viabiliser les terrains (voirie, réfection des traces et réseau d'eau potable) : qu'en sa qualité de bailleur, la commune est tenue de livrer la parcelle en parfait état et l'accord susvisé n'indique pas que la réhabilitation soit limitée aux traces desservant les lots des agriculteurs ; que le constat d'huissier du 8 août 2014 démontre que les travaux de réfection des traces n'ont pas été réalisés et que les eaux pluviales non canalisées du chemin communal se déversent à l'entrée de l'exploitation de M. K... ; que de la même manière, il ressort des pièces versées aux débats que la retenue collinaire n'a pas été réalisée par la commune et que les études de faisabilité ont été commencées tardivement ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande principale de M. K... et de l'autoriser à consigner les loyers dus au bailleur à la caisse des dépôts et consignations jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à la viabilisation du terrain ; qu'à défaut de réalisation des travaux de viabilisation du terrain dans un délai de 6 mois à compter de la notification du présent jugement, la commune du Robert sera soumise à une astreinte de 10 € par jour de retard ; que M. K... qui a été confronté à des difficultés d'exploitation en raison de la carence de la commune mais ne rapporte pas la preuve d'une perte financière verra sa demande indemnitaire réduite à la somme de 1.300 € (jugement entrepris, p. 3) ;
1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusion constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que les travaux de réfection des traces n'avaient pas été réalisés, sans répondre au moyen selon lequel le bailleur faisait valoir que son obligation résultant du protocole d'accord du 14 février 2012 se limitait à la réfection des traces (chemin ou sentier) desservant les différents lots et ne concernait pas les traces situées à l'intérieur de ces lots, dont l'aménagement incombait au preneur à bail (conclusions d'appel, p. 6, alinéas 10 et suivants ; p. 7, alinéas 1 et 2) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à influencer la solution du litige, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se bornant à affirmer, au regard d'un constat d'huissier du 8 août 2014 produit par la partie adverse, que les travaux de réfection des traces n'avaient pas été réalisés, sans analyser, même sommairement, le procès-verbal de constat en date du 9 mars 2017 produit par la commune qui soutenait avoir rempli son obligation de réfection des traces desservant les différents lots donnés à bail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge doit justifier sa décision par des motifs suffisants permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; qu'en se bornant à affirmer « qu'il [était] évident » (arrêt attaqué, p. 3, dernier alinéa) que le preneur à bail n'aurait pas contracté s'il avait su que quatre années après il ne pourrait toujours pas exploiter l'intégralité de sa parcelle dans des conditions convenables, sans étayer cette assertion d'aucun fait, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une simple affirmation ne constituant pas une motivation permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en l'absence de stipulation dans le contrat d'un délai d'exécution, il appartient au débiteur d'exécuter ses obligations dans un délai raisonnable compte tenu de la nature des prestations qu'il s'était engagé à réaliser ; qu'en retenant la responsabilité du bailleur du fait du retard dans l'exécution des travaux d'aménagement, au seul motif que le preneur n'aurait pas contracté s'il avait su que quatre années plus tard il ne pourrait toujours pas exploiter l'intégralité de la parcelle louée dans des conditions convenables, sans rechercher si un délai de quelques années ne constituait pas un délai raisonnable au regard de la nature des travaux que la commune s'était engagée à réaliser (extension d'un réseau d'eau potable et aménagement d'une retenue collinaire), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil ;
5°) ALORS QU'à tout le moins, la cour d'appel s'est déterminée sans répondre au moyen par lequel la commune faisait valoir d'une part que l'extension d'un réseau d'eau potable au sein d'un lotissement agricole impliquait nécessairement des travaux d'une durée de trois années minimum, qu'en outre, elle ne détenait pas la compétence « eau potable »
et que l'organisme compétent avait été supprimé et remplacé par arrêté préfectoral du 16 novembre 2015, ce qui avait causé un retard dans l'instruction des dossiers (conclusions d'appel, p. 7 à 9) ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux moyens soulevés par la commune et de nature à influencer la solution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.