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09/05/2019 | FRANCE | N°17-20752

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 mai 2019, 17-20752


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que jusqu'à la fin de l'année 2011 la société Total Fina Elf raffinage marketing et la société BP France étaient membres du groupement d'intérêt économique GAO (Groupement d'aviation d'Orly), lequel assurait la gestion de leurs activités respectives de distribution de carburants destinés aux aéronefs, sur le site de [...] ; que M. U..., qui intervenait antérieurement sur ce site en qualité d'avitailleur d'aéronef intérimaire, a été engagé en qualité d'avitailleur par

la société Total Fina Elf raffinage marketing par contrat à durée indétermin...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que jusqu'à la fin de l'année 2011 la société Total Fina Elf raffinage marketing et la société BP France étaient membres du groupement d'intérêt économique GAO (Groupement d'aviation d'Orly), lequel assurait la gestion de leurs activités respectives de distribution de carburants destinés aux aéronefs, sur le site de [...] ; que M. U..., qui intervenait antérieurement sur ce site en qualité d'avitailleur d'aéronef intérimaire, a été engagé en qualité d'avitailleur par la société Total Fina Elf raffinage marketing par contrat à durée indéterminée du 1er juin 2004, avec reprise d'ancienneté au 1er mars 2004 ; qu'en janvier 2012 la société Total Fina Elf raffinage marketing et la société BP France ont créé la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (Sasca), à laquelle elles ont cédé leurs branches d'activité d'avitaillement d'aéronefs ; que contestant la réalité des motifs de recours aux contrats de mission successifs antérieurs à son engagement à durée indéterminée, le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'encontre de la société Sasca, aux fins de requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée et de condamnation de cette même société au paiement d'une indemnité de requalification et de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail ;

Sur les deux premiers moyens du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une prime d'habillage et de déshabillage, outre les congés payés et le treizième mois afférent alors, selon le moyen :

1°/ que le fait qu'un salarié soit astreint au port d'une tenue de travail et que l'entretien de celle-ci soit effectué par l'employeur suffit à justifier qu'il ait droit à la prime de déshabillage et d'habillage prévue par l'article L. 3121-3 du code du travail, peu important que d'autres salariés fassent le choix de ne pas se déshabiller et se vêtir sur le lieu de travail ; que la cour d'appel qui a débouté le salarié de sa demande de prime tout en constatant qu'il n'était pas contesté que le port d'une tenue de travail était obligatoire et que les salariés avaient l'obligation de confier leur tenue à l'entreprise de nettoyage de l'entreprise n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé l'article L. 3121-3 du code du travail ;

2°/ que les contreparties dont fait l'objet le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que la cour d'appel qui a débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir la prime de déshabillage et d'habillage prévue par l'article L. 3121-3 du code du travail au seul motif que ces opérations s'effectuaient sur le temps de travail déjà rémunéré a ajouté aux conditions légales une condition qui n'existe pas et a violé l'article susvisé ;

3°/ qu'une unique attestation ne saurait fonder le débouté de la demande, le fait que des salariés travaillant sur d'autres aéroports aient conforté cette attestation étant inopérant ; que la cour d'appel qui a justifié sa décision de débouté exclusivement sur la déclaration d'un adjoint d'aéroport non soumis au port d'une tenue d'avitailleur comme le faisait valoir l'exposant dans ses conclusions d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve, que pour les salariés ayant choisi de procéder aux opérations d'habillage et de déshabillage sur le lieu de travail, le temps nécessaire à ces opérations était décompté comme temps de travail, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de sommes à titre de rappel de salaire pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, de congés payés et de treizième mois afférents, en invitant les parties à imputer sur les sommes dues le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012 et pour dire que l'employeur devra régler à compter du mois de mars 2017 le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur de vingt minutes par quart effectué, l'arrêt retient qu'en vertu de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, que si le temps de trajet pour se rendre à son lieu de travail n'est pas considéré comme un temps de travail, il en est autrement quand, comme en l'espèce, le salarié, lorsqu'il arrive à son lieu de travail, est contraint de se soumettre d'une part, au contrôle de sécurité, d'autre part, à l'utilisation d'un véhicule spécifique, ces contraintes résultant de la spécificité de son emploi et de ses conditions de travail, qu'en effet, le salarié n'a d'autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte où est situé son lieu de travail et ne dispose pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles, que la demande du salarié est donc fondée dans son principe mais que le temps d'attente moyen sera évalué à dix minutes, soit vingt minutes par jour ;

Attendu, cependant, que selon l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que la circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l'intérieur de l'enceinte sécurisée de l'infrastructure aéroportuaire, au moyen d'une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à caractériser que le salarié se trouvait à la disposition de son employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation au paiement des sommes de 8 386,96 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, de 838,69 euros bruts au titre des congés payés et de 698,91 euros bruts au titre du treizième mois afférents, les parties étant invitées à imputer sur ces sommes le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012, et en ce qu'il dit que la société devra régler, à compter du mois de mars 2017, le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur de vingt minutes par quart effectué, l'arrêt rendu le 3 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 3 juin 2002 par M. X... U... en un contrat à durée indéterminée, et condamné la société Sasca à payer à M. U... la somme de 2 800 euros à titre d'indemnité de requalification,

AUX MOTIFS QUE

L'examen des contrats de missions versés aux débats par le salarié fait apparaître les éléments suivants :

- dès le 1er contrat de mission établi le 3 juin 2002, la société Total apparaît comme l'entreprise utilisatrice ;

- les contrats de mission conclus par la suite sont établis au nom du Gie Gao et le motif invoqué est le plus souvent le remplacement d'un salarié absent, la société Total figurant sur ces contrats en alternance avec les sociétés Mobil, Elf et Bp. M. U... étant ensuite engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société Total le 1er juin 2004,

En application des dispositions de l'article L. 1224-l du code du travail, la société Sasca est tenue aux obligations qui incombaient à la société Total,
En revanche, en l'état des pièces et explications des parties, il ne peut être considéré qu'elle serait également tenue de l'ensemble des obligations résultant des contrats de missions conclus entre le salarié et le Gie Gao, le seul fait que la société Total ait apporté à la société Sasca les parts qu'elle détenait dans le Gie ne suffisant pas à considérer que la société Sasca est substituée au Gie dans l'intégralité des obligations de celui-ci, contrairement à ce que soutient le salarié,

Cependant, il ressort des écritures de la Sasca qu'elle reconnaît, qu'au-delà de l'apparence des contrats de mission, c'étaient les sociétés composant le Gie, dont la société Total, qui étaient les entreprises utilisatrices des salariés liés par un contrat de mission,

Il sera donc considéré que la société Sasca est tenue des obligations découlant de ces contrats à compter du 1er contrat conclu où la société Total est mentionnée comme l'utilisatrice soit en l'espèce, le contrat conclu le 3 juin 2002,

Aux termes des dispositions des articles L. 1251-4 et suivants du code du travail, le recours à un salarié temporaire ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise et ne peut être utilisé que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans certains cas limitativement énumérés par l'article L. 1251-6, dont, notamment, le remplacement d'un salarié et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise,

M. U... prétend que la situation décrite au sein du Gie, et aujourd'hui de la société Sasca caractérise un effectif permanent structurellement insuffisant et le recours continuel à des contrats précaires pour s'assurer la souplesse de gestion,

La cour, ayant relevé que la société Sasca n'est tenue que des obligations résultant des contrats de missions conclus pour le compte de Total, ne peut suivre l'argumentation développée par le salarié quant au recours massif au sein du Gie Gao à des contrats de mission,

Cependant, il appartient à l'employeur de justifier de la réalité du motif invoqué pour justifier le recours à un contrat de mission,

Dans la mesure où la société Sasca ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir la pertinence des motifs figurant dans les contrats conclus par M. U..., il y a lieu d'ordonner la requalification du premier contrat signé pour le compte de la société Total en contrat de travail à durée indéterminée,

Sur l'indemnité de requalification :

En vertu des dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail, M. U... est en droit de prétendre à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire,

Au vu de son bulletin de paie du mois de mars 2012, son salaire s'élevait à la somme de 2 728,35 euros,

Le montant de l'indemnité de requalification sera fixé à la somme de 2 800 euros, le préjudice allégué au-delà n'étant pas justifié,

1° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut se fonder sur un moyen qui n'a ni été soutenu, ni allégué par les parties sans avoir préalablement sollicité leurs explications sur ce moyen relevé d'office ; qu'en affirmant que la société Sasca était tenue des obligations qui incombaient à la société Total par application de l'article L. 1224-1 du code du travail pour les contrats de mission conclus avec les salariés avitailleurs, cependant que la société Sasca faisait valoir dans ses écritures reprises oralement qu'à la suite d'un accord signé avec les syndicats, les avitailleurs des sociétés BP France et Total travaillant sous contrat à durée indéterminée avaient été transférés à la société Sasca par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un moyen qui n'avait été invoqué par aucune des parties sans avoir préalablement assuré le respect du contradictoire, a violé l'article 16 du code de procédure civile,

2° ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les écritures d'appel qui lui sont soumises ; qu'en énonçant que la société Sasca était tenue des obligations qui incombaient à la société Total par application de l'article L. 1224-1 du code du travail pour les contrats de mission irréguliers conclus avec les salariés avitailleurs cependant que la société Sasca faisait valoir qu'à la suite d'un accord signé avec les syndicats, les avitailleurs des sociétés BP France et Total travaillant sous contrat à durée indéterminée avaient été transférés à la société Sasca par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Sasca et a violé l'article 4 du code de procédure civile,

3° ALORS QUE lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du code du travail, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ; que la société Sasca faisait valoir qu'à la suite d'un accord signé avec les syndicats, les avitailleurs des sociétés BP France et Total travaillant sous contrat à durée indéterminée avaient été transférés à la société Sasca par application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en condamnant la société Sasca au paiement d'une indemnité de requalification au profit du salarié au prétexte qu'elle aurait été tenue des obligations des sociétés composant ses membres pour les contrats de mission irréguliers, quand elle avait pourtant constaté qu'en l'état des pièces et explications des parties, il ne pouvait être considéré qu'elle serait également tenue de l'ensemble des obligations résultant des contrats de missions conclus entre le salarié et le Gie Gao, dans la mesure où le seul fait que la société Total ait apporté à la société Sasca les parts qu'elle détenait dans le Gie ne suffisait pas à considérer que la société Sasca était substituée au Gie dans l'intégralité des obligations de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-4 et L. 1251-40 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Sasca à payer à M. X... U... les sommes 4 021,07 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, 420,10 euros à titre de congés payés y afférents, et 355,08 euros au titre du 13ème mois afférents,

AUX MOTIFS QUE

Le contrat de travail étant requalifié en contrat dc travail à durée indéterminée à la date du 3 juin 2002, M. U... est en droit de revendiquer l'application des dispositions de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole dont il aurait dû bénéficier et, par conséquent, d'une reprise d'ancienneté à compter de cette date,

L'article 405 dc la convention collective prévoit que les salariés bénéficient, à l'issue de la première année d'une prime d'ancienneté de 1% calculée sur le salaire minimum de l'emploi,

M. U... est ainsi fondé, dans la limite de la prescription quinquennale, à solliciter un rappel de prime sur la base de son ancienneté reconstituée, les congés payés et le 13ème mois afférents, soit, pour la période du 12 octobre 2007 et jusqu'au 28 février 2017, les sommes suivantes :

- 4 021,07 euros bruts au titre du rappel de prime,

- 420,10 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 355,08 euros bruts au titre du 13ème mois afférent,

La société Sasca devra régler, à compter du mois de mars 2017, une prime d'ancienneté fonction de l'ancienneté reprise du fait de la requalification du contrat,

1° ALORS QUE la censure qui s'attachera au chef de dispositif de l'arrêt ayant requalifié le contrat de travail et condamné la société Sasca au paiement d'une indemnité de requalification, entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant condamné la société Sasca au paiement d'un rappel de salaire au titre d'une prime d'ancienneté,

2° ALORS QU'en décidant en raison de la requalification du contrat de travail en un contrat à durée indéterminée qu'il y avait lieu de condamner la société Sasca au paiement d'un rappel de prime d'ancienneté, quand aucun accord collectif ne prévoyait que la société Sasca était tenue de reprendre l'ancienneté des salariés ayant travaillé pour les sociétés membres du Gie, la cour d'appel a violé les articles L. 2262-1, L. 2262-2, L. 2262-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Sasca à payer à M. X... U... les sommes de 8 386,96 euros bruts au titre du rappel de salaire dû pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, 838,69 euros bruts au titre des congés payés et 698,91 euros bruts au titre du 13ème mois afférents, les parties étant invitées à imputer sur ces sommes le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012, et d'avoir dit que la société Sasca devrait régler à compter du mois de mars 2017, le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur de 20 minutes par quart effectué,

AUX MOTIFS QUE

Sur la demande au titre du temps de transport,

II ressort des explications des parties que lorsque le salarié arrive à l'aéroport, il doit, une fois passés les contrôles de sécurité, emprunter une navette pour pouvoir rejoindre les pistes, navette qui ne passe que toutes les 15 minutes. Lors du débauchage, s'il n'y a plus de navette (dont le dernier passage est à 18 heures), il doit attendre qu'un collègue soit disponible pour le reconduire à l'aide du véhicule de service et qu'ainsi, il n'est pas libre de ses déplacements pendant ces temps d'attente et de transport,

M. U... fait valoir que l'employeur, parfaitement conscient de cet allongement du temps de travail effectif a, accepté depuis le 1er janvier 2012 de consentir deux jours de congés annuels supplémentaires (1 jour si le salarié a eu plus de 30 jours d'arrêt de maladie) mais estime que cette contrepartie n'est pas suffisante, évaluant à 30 minutes par jour ce temps d'attente et de transport,

La société Sasca soutient qu'il s'agit d'un temps de trajet durant lequel le salarié n'est pas soumis aux directives de l'employeur et qui n'a donc pas lieu d'être rémunéré, En vertu de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles,

Si le temps de trajet pour se rendre à son lieu de travail n'est pas considéré comme un temps de travail, il en est autrement quand, comme en l'espèce, le salarié, lorsqu'il arrive à son lieu de travail, est contraint de se soumettre d'une part, au contrôle de sécurité, d'autre part, à l'utilisation d'un véhicule spécifique, ces contraintes résultant de la spécificité de son emploi et de ses conditions dc travail en effet, le salarié n'a d'autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte où est situé son lieu de travail et ne dispose pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles,

La demande de M. U... est donc fondée dans son principe mais le temps d'attente moyen sera évalué à 10 minutes, soit 20 minutes par jour,

Dans la limite de la prescription quinquennale, la créance de M. U... sera ainsi fixée aux sommes suivantes :

- 8 386,96 euros bruts au titre du rappel de salaire dû pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, 838,69 euros bruts au titre des congés payés et 668,91 euros bruts au titre du 13ème mois afférents, les parties étant invitées à imputer sur ces sommes le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012,

La société Sasca devra régler, à compter du mois de mars 2017, le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur dc 20 minutes par quart effectué,

1° ALORS QUE le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail ne constitue pas un temps de travail effectif ; qu'il inclut le temps de trajet du salarié des portes de l'entreprise jusqu'à son poste de travail ; que ce n'est que si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, qu'il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, laquelle est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe ; qu'en qualifiant de temps de travail effectif le temps de trajet entre les portiques de sécurité et le temps de trajet en navette, qui précède l'accès du salarié au lieu d'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail,

2° ALORS QUE le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail peut constituer un temps de travail effectif lorsqu'il est la conséquence d'une organisation imposée par l'employeur ; qu'en énonçant pour faire droit à la demande du salarié que « lorsqu'il arrivait à son lieu de travail, il était contraint de se soumettre d'une part, au contrôle de sécurité, d'autre part, à l'utilisation d'un véhicule spécifique », et que « ces contraintes résultant de la spécificité de son emploi et de ses conditions de travail » puisque « le salarié n'a d'autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte où est situé son lieu de travail et ne dispose pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles » quand elle constatait que ces contraintes ne résultaient pas de la volonté de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1 et L. 32121-4 du code du travail,

3° ALORS QU'en toute hypothèse à supposer que le lieu de travail du salarié soit considéré comme étant [...], le temps du trajet effectué par le salarié dans les locaux de l'entreprise n'est pas un temps de déplacement professionnel au sens de l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 2005 ; qu'en considérant que la société Sasca était tenue de verser au salarié des rappels de salaire au titre de la contrepartie financière au déplacement professionnel, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 2005,

4° ALORS QUE le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail ne constitue un temps de travail effectif qu'à la double condition que le salarié soit à la disposition de l'employeur et qu'il se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'en énonçant pour faire droit à la demande du salarié que « lorsqu'il arrivait à son lieu de travail, il était contraint de se soumettre d'une part, au contrôle de sécurité, d'autre part, à l'utilisation d'un véhicule spécifique », et que « ces contraintes résultant de la spécificité de son emploi et de ses conditions de travail » pour en déduire que « le salarié n'a d'autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte où est situé son lieu de travail et ne dispose pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles » sans rechercher comme elle y était invitée, si le salarié, dont elle supposait qu'il ne disposait pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles, était effectivement à la disposition de l'employeur et s'il était soumis à ses directives durant cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail,

5° ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie d'affirmation et doit préciser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en affirmant péremptoirement que le salarié n'avait d'autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte où était situé son lieu de travail et qu'il ne disposait pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles, sans relever aucun élément justifiant cette affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. U...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur U... de sa demande tendant à voir la société Sasca condamnée à lui payer la prime d'habillage et de déshabillage, outre les congés payés et le treizième mois afférents à compter du 5 mars 2015 ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties accordées soit sous forme de repos soit sous forme financière lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; l'existence d'une tenue obligatoire n'est pas contestée, la discussion portant sur l'obligation de vêtir cette tenue et de s'en défaire sur le lieu de travail ; Monsieur U... prétend que pour des questions de sécurité, ces vêtements pouvant présenter des tâches d'hydrocarbures, doivent être déposés sur le lieu de travail et que d'ailleurs, c'est l'entreprise elle-même qui procède au lavage ;la société Sasca conteste l'obligation pour les salariés de se vêtir sur le lieu de travail, soutenant que, contrairement à ce que prétendent les salariés, leur activité n'est pas « très salissante » et invoque à ce sujet un faible taux de nettoyage de ces tenues ;
d'une part, il ressort des pièces produites par la société Sasca que les salariés disposent de plusieurs tenues et qu'ainsi, même si une tenue doit être confiée à l'entreprise de nettoyage, le salarié dispose d'un tenue de rechange, le faible taux de nettoyage résultant du tableau établi par la société n'étant pas sérieusement contesté par le salarié ; d'autre part, Monsieur R..., adjoint de station de [...], déclare qu'il n'y a aucune obligation de s'habiller et de se déshabiller sur le lieu de travail et que, pour les salariés qui font le choix de se déshabiller et de se vêtir sur la station, ces opérations ont lieu sur le temps de travail de l'intéressé ; le caractère mensonger des déclarations de Monsieur R..., qui sont confortées par le témoignage de ses homologues d'autres aéroports, ne saurait résulter du seul fait qu'il est placé dans un lien de subordination avec la société Sasca ; dès lors qu'il ressort de ces déclarations que le salarié peut revêtir et se défaire de sa tenue sur son temps de travail, Monsieur U... sera débouté de sa demande au titre d'une contrepartie financière d'un temps déjà rémunéré

ALORS, tout d'abord, QUE le fait qu'un salarié soit astreint au port d'une tenue de travail et que l'entretien de celle-ci soit effectué par l'employeur suffit à justifier qu'il ait droit à la prime de déshabillage et d'habillage prévue par l'article L 3121-3 du code du travail, peu important que d'autres salariés fassent le choix de ne pas se déshabiller et se vêtir sur le lieu de travail ; que la cour d'appel qui a débouté le salarié de sa demande de prime tout en constatant qu'il n'était pas contesté que le port d'une tenue de travail était obligatoire et que les salariés avaient l'obligation de confier leur tenue à l'entreprise de nettoyage de l'entreprise n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé l'article L 3121-3 du code du travail ;

ALORS, ensuite, QUE les contreparties dont fait l'objet le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que la cour d'appel qui a débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir la prime de déshabillage et d'habillage prévue par l'article L 3121-3 du code du travail au seul motif que ces opérations s'effectuaient sur le temps de travail déjà rémunéré a ajouté aux conditions légales une condition qui n'existe pas et a violé l'article susvisé ;

ALORS, enfin, QU'une unique attestation ne saurait fonder le débouté de la demande, le fait que des salariés travaillant sur d'autres aéroports aient conforté cette attestation étant inopérant ; que la cour d'appel qui a justifié sa décision de débouté exclusivement sur la déclaration d'un adjoint d'aéroport non soumis au port d'une tenue d'avitailleur comme le faisait valoir l'exposant dans ses conclusions d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3121-3 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-20752
Date de la décision : 09/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 mai. 2019, pourvoi n°17-20752


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.20752
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