LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 80 A, alinéa second, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société GFLBI a acquis, le 20 février 2004, un bien immobilier sous le bénéfice des dispositions de l'article 1115 du code général des impôts ; que, constatant qu'une partie de cet immeuble n'avait pas été vendue dans le délai imparti par ce texte, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification le 12 juillet 2011 ; qu'estimant que la méthode de calcul du rappel des droits de mutation à titre onéreux retenue par l'administration fiscale n'était pas appropriée, la société Billiet-Carnot, après mise en recouvrement et rejet de sa contestation, a assigné l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile de France Ouest afin d'être déchargée partiellement de l'imposition réclamée ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt constate que l'instruction du 18 avril 2011, référencée 7 C-2-11, qui a adopté de nouvelles méthodes de calcul de rappel des droits en cas de déchéance partielle de l'exonération temporaire prévue par l'article 1115 du code général des impôts, était publiée sur le site internet de l'administration fiscale à la date de la proposition de rectification ; qu'il en déduit qu'elle était applicable au différend opposant la société GFLBI à l'administration fiscale et que celle-ci a maintenu à tort la méthode de calcul antérieure à cette instruction ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la doctrine formellement admise par l'administration, lorsqu'elle est invoquée à son bénéfice par le contribuable, ne peut être appliquée que selon ses termes et teneur en vigueur à l'époque des impositions litigieuses, ce dont il résulte que l'instruction ne pouvait recevoir application pour des impositions dont le fait générateur était antérieur au 18 avril 2011, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société GFLBI aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix-neuf, signé par Mme Riffault-Silk, conseiller doyen faisant fonction de président et par Mme Orsini, conseiller, qui en a délibéré, en remplacement de M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, empêché.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur administrateur général chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de PARIS du 10 juillet 2015 infirmant partiellement la décision de rejet du 23 mai 2014 de l'administration fiscale en ce qu'elle n'a pas appliqué la méthode de calcul issue de l'instruction 7 C-2-11, paragraphe 14 et annulant, dans cette limite, l'avis de mise en recouvrement du 26 mars 2012 ;
AUX MOTIFS QUE « l'administration fiscale indique que l'instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 a pour objet de présenter les nouvelles dispositions issues de la loi n°2010-237 du 9 mars 2010 applicables aux opérations immobilières en matière de taxe de publicité foncière et de droits d'enregistrement. Elle précise que la règle de non-rétroactivité de la loi nouvelle s'applique également en matière de déchéance d'un régime de faveur , qu'au cas particulier, l'appelante expose que la société GFLBI n'ayant pas revendu en totalité les biens immobiliers acquis en 2004 dans le délai de 4 ans, la déchéance partielle du régime de faveur a été prononcée, les droits de mutation dus lors de l'acquisition étant rétablis au taux normal selon la méthode des millièmes (prix d'acquisition multiplié par le nombre de millièmes non encore cédés à l'expiration du délai). Elle indique que la société ne peut se prévaloir des nouvelles dispositions issues de la loi du 9 mars 2010 prévoyant un délai de revente de cinq ans, et que les précisions apportées dans l'instruction du 18 avril 2011 ne concernent que la loi entrée en vigueur le 11 mars 2010 ; qu'en réplique, la société GFLBI soutient que la méthode de calcul retenue par l'administration fiscale ne correspond pas à celle de la Cour de cassation ni celle reprise dans sa propre doctrine. Elle expose que lorsque l'engagement de revendre n'est respecté que pour une fraction du bien sur lequel il portait, l'acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent, à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendue la ou les fractions du bien pour laquelle l'engagement a été respecté ; que l'intimée indique que la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 n'a pas modifié l'article 1115 du code général des impôts concernant le point en litige, en ce que les nouvelles dispositions se contentent d'étendre le délai de revente de 4 à 5 ans ainsi qu'à tous les assujettis à la tva et non plus seulement aux marchands de biens. La société fait valoir que la doctrine administrative opposable dès sa publication précise de quelle manière la déchéance partielle du régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts doit être appliquée, et ce, quelle que soit la date des faits concernés, le principe de non-rétroactivité ne lui étant pas applicable ; que ceci étant exposé, il convient de rappeler que la rédaction de l'article 1115 du code général des impôts a été modifiée lors de l'entrée en vigueur de la loi 2010-137 du 9 mars 2010, entrée en vigueur le 11 mars 2010, qui a notamment étendu le délai de 4 ans pour la revente des biens à cinq ans , qu'aAvant la loi du 9 mars 2010, la jurisprudence avait décidé qu'en l'absence de revente dans le délai de quatre ans, les droits à payer devaient être calculés sur la quote-part du prix d'acquisition correspondant aux appartements non vendus dans le délai imparti ; que par une instruction du 18 avril 2011 qui avait pour but de présenter les nouvelles règles applicables en matière de droits de mutation à titre onéreux telles que redéfinis par la loi précitée, l'administration a changé la méthode de calcul en posant le principe selon lequel, dans l'hypothèse d'un acte de revente dans le délai de 5 ans pour une fraction du bien sur lequel portait l'acquisition, l'acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendu la (ou les) fractions pour laquelle l'engagement a été respecté. Cette solution s'applique par parcelle ou lot lorsque leur prix d'acquisition a été distingué dans l'acte ; que la circulaire ajoute que le complément de droits d'enregistrement en cas de défaut de revente d'un immeuble dans le délai d'engagement n'est pas dû en cas de revente partielle d'un immeuble si le prix de cession des lots revendus excède le prix d'acquisition total de l'immeuble , qu'il n'est pas contesté que la société GFLBI n'a pas revendu intégralement, dans le délai de 4 ans, le bien immobilier acquis le 20 février 2004 sis [...] . 1 230 millièmes de l'immeuble sur 10 000 n'ont pas été vendus ; que la proposition de rectification de l'administration fiscale émise à l'encontre de la société GFLBI est datée du 12 juillet 2011 alors que l'instruction du 18 avril 2011 avait été publiée sur le site internet " circulaires.gouv.fr ". Cette instruction a été reprise sous la référence BOI-ENR-DMTOI-10-50 publiée le 20 avril 2014 ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la circulaire 7 C-2-11 fait état de la doctrine administrative qui n'est pas une loi de sorte que l'administration fiscale ne peut utilement invoquer la nonrétroactivité de la loi. Cette instruction, antérieure à la proposition de rectification, a pour effet de modifier la doctrine de l'administration fiscale sur la question de la déchéance partielle de l'exonération temporaire prévue par l'article 1115 du code général des impôts et est applicable aux opérations en cours et notamment au présent différend ; que ce que revendique la société GLFBI n'est pas l'application du délai de 5 ans tel que prévu par la loi du 9 mars 2010 mais la méthode de calcul telle que mentionnée dans la circulaire du 12 juillet 201 (sic) ; que l'administration fiscale reconnaît qu'elle a appliqué la méthode en vigueur auparavant, soit la méthode de calcul sur la quote-part du prix d'acquisition correspondant aux appartements non vendus dans le délai imparti ; qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a infirmé partiellement la décision de rejet de l'administration fiscale du 23 mai 2104 (sic) en ce qu'elle concerne l'immeuble situé [...] acquis par la société GFLBI pour avoir maintenu une méthode de calcul erronée et d'annuler l'avis de mis en recouvrement émis 75700200 3 14566 15/03/2012 00019 dans cette limite. »» ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « pour la clarté des débats, il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'article 1115 du Code général des impôts, dans sa version en vigueur lors de l'acquisition de l'immeuble litigieux en 2004, disposait que sous réserve des dispositions de l'article 1020, les achats effectués par les personnes qui réalisent les affaires définies au 6° de l'article 257 sont exonérés des droits et taxes de mutation à condition, D'une part, qu'elles se conforment aux obligations particulières qui leur sont faites par l'article 290 ; D'autre part, qu'elles fassent connaître leur intention de revendre dans un délai de quatre ans ; que les sommes dues doivent être versées dans le mois suivant l'expiration dudit délai ; que l'article 1840 G quinquies du Code général des impôts disposait qu'à défaut de revente dans le délai prévu à l'article 1115 l'acheteur est tenu d'acquitter le montant des impositions dont la perception a été différée et un droit supplémentaire de 6 %. ; que la rédaction de l'article 1115 du Code général des impôts a été modifiée lors de l'entrée en vigueur de la loi 2010-237 du 9 mars 2010. L'article 1115 dispose désormais que sous réserve des dispositions de l'article 1020, les acquisitions d'immeubles, de fonds de commerce ainsi que d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans. En cas d'acquisitions successives par des personnes mentionnées au premier alinéa, le délai imparti au premier acquéreur s'impose à chacune de ces personnes ; qu'avant la loi du 9 mars 2010, la jurisprudence avait décidé qu'en l'absence de revente dans le délai imparti (soit quatre ans), les droits à payer devaient être calculés sur la quote-part du prix d'acquisition correspondant aux appartements non vendus dans le délai imparti ; que par une instruction du 18 avril 2011, qui avait pour objet de présenter les nouvelles règles applicables en matière de droits de mutation à titre onéreux telles qu'elles ont été redéfinies par la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, entrée en vigueur le 11 mars 2010, l'administration fiscale a changé la méthode de calcul retenue par la jurisprudence, en posant le principe suivant : "Lorsqu 'à l 'échéance du délai de cinq ans, l'engagement de revendre n'est respecté que pour une fraction du bien sur lequel il portait, l'acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé, ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent, à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendu la (ou les) fraction du bien pour laquelle l'engagement a été respecté. Cette solution s'applique par parcelle ou lot lorsque leur prix d'acquisition a été distingué dans l'acte" ; que la circulaire précise que le complément de droits d'enregistrement, en cas de défaut de revente d'un immeuble dans le délai de l'engagement de revente, n'est pas dû en cas de revente partielle d'un immeuble si le prix de cession des lots revendus excède le prix d'acquisition total de l'immeuble ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société GFLBI n'a pas revendu intégralement, dans le délai prescrit, soit quatre années, le bien immobilier acquis le 20 février 2004 et situé [...] , sur lequel porte le présent litige. En effet, il résulte des pièces versées aux débats que 1 239 millièmes sur 10 000e de l'immeuble n'ont pas été vendus, alors que l'immeuble a été divisé en 58 lots, exprimés en 10 000e ; que la société GFLBI ne conteste pas cette absence de revente dans le délai imparti de quatre années ; qu'elle conteste la méthode de calcul retenue par l'administration fiscale, soit celle fixée par la jurisprudence avant l'instruction du 18 avril 2011 (méthode de calcul sur la quote-part du prix d'acquisition correspondant aux appartement (sic) non vendus dans le délai imparti) et non celle issue de l'instruction du 18 avril 2011 (différence entre le prix d'acquisition du bien et le prix auquel a été vendu la (ou les) fraction du bien pour laquelle l'engagement a été respecté) ; qu'il est rappelé que la proposition de rectification émise par l'administration fiscale à l'égard de la société GFLBI est datée du 12 juillet 2011, alors que l'instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 avait déjà été publiée sur le site internet "circulaires. gouv.fr" et alors que l'instruction a désormais été reprise sous la référence BOI-ENRDMTOI-l0-50 publiée le 29 avril 2014 ; que la circulaire 7 C-2-11 fait état de la doctrine administrative, laquelle n'est pas une loi, de sorte que l'argument de l'administration fiscale relative à la non-rétroactivité de la loi, conformément à l'article 2 du Code civil est inopérant ; qu'en réalité, l'instruction 7 C-2-11, intervenue tandis que l'article 1115 du Code général des impôts n'a subi aucune modification intéressant le point litigieux, a eu pour effet de modifier la doctrine de l'administration fiscale sur la question de la déchéance partielle de l'exonération temporaire prévue par cet article, en cas de revente partielle des biens visés dans le délai imparti ; que cette instruction, dont il n'est pas contesté qu'elle a été dûment publiée avant la proposition de rectification litigieuse et donc avant l'avis de mise en recouvrement du 26 mars 2012, est opposable à l'administration fiscale et se trouve applicable aux opérations en cours, en l'absence d'instruction publiée qui la contredirait ; qu'au cas particulier, l'administration fiscale concède qu'elle n'a pas utilisée la méthode prescrite par sa doctrine, mais la méthode en vigueur précédemment, à savoir la méthode de calcul sur la quotepart du prix d'acquisition correspondant aux appartements non vendus dans le délai imparti ; qu'il y a donc lieu d'infirmer partiellement la décision de rejet de l'administration fiscale du 23 mai 2014 en ce qu'elle concerne l'immeuble situé [...] acquis par la société GFLBI pour avoir maintenu une méthode de calcul erronée et d'annuler l'avis de mise en recouvrement émis (AMR 75700200 3 14566 15/03/2012 00019) dans cette limite ; que les parties n'ont pas communiqué au tribunal le prix de revente des différents lots, de sorte que le tribunal ne peut se prononcer soit sur les droits à calculer selon la méthode issue de l'instruction 7 C-2-11 soit sur l'absence de complément de droits d'enregistrement si le prix de cession des lots revendus excède, en réalité, le prix d'acquisition total de l'immeuble. »
ALORS QUE, conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, lorsqu'un redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante que seule la doctrine administrative en vigueur à la date du fait générateur de l'imposition est applicable ; que s'agissant de la remise en cause du régime de faveur des marchands de biens prononcée pour défaut de revente d'un immeuble dans le délai de l'engagement de revente, le fait générateur de l'imposition est constitué par l'acte d'acquisition ; qu'au cas particulier, seule la doctrine administrative en vigueur à la date du fait générateur, c'est-à-dire à la date d'acquisition de l' immeuble par la SARL GFLBI, soit le 20 février 2004, était applicable ; qu'en décidant, par motifs propres et adoptés que l'instruction du 18 avril 2011, qui avait pour objet de présenter les nouvelles règles applicables en matière de droits de mutation à titre onéreux à certaines opérations portant sur des immeubles telles qu'elles ont été redéfinies par l'article 16 de la loi n° 2010-237 de finances rectificative pour 2010, était opposable à l'administration fiscale, la cour a violé les dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.