Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18552
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12182
APPELANTE
MONSIEUR L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DES FINANCES PUBLIQUES CHARGE DE LA DIRECTION DE CONTRÔLE FISCAL D'ILE DE FRANCE OUEST
ayant ses bureaux [Adresse 1]
[Adresse 1]
agissant sous l'autorité de M. le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 2]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
INTIMEE
SARL GFLBI
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 408 585 321
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
Ayant pour avocat plaidant Me Christophe ALDEBERT et Jean-Fabrice BRUN de la CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau des Hauts de Seine
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société GFLBI, exerçant l'activité de marchand de biens, s'est vue notifier une proposition de rectification en date du 12 juillet 2011, tenant à des rappels de droits de mutation à titre onéreux au titre de l'acquisition de biens immobiliers placés sous le régime de l'article 1115 du code général des impôts, au motif que l'engagement de revente des biens dans le délai de quatre ans permettant de bénéficier du régime de faveur n'avait pas été respecté.
Ces rappels ont été acceptés par la société dans les observations qu'elle a adressées à l'administration fiscale par courrier du 28 septembre 2011.
La société GFLBI a par la suite formé une réclamation contentieuse le 23 décembre 2013 pour obtenir l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 26 mars 2012, d'un montant de 32 309 euros en droits et 13 267 euros d'intérêts de retard, concernant l'acquisition le 20 février 2004 d'un immeuble situé [Adresse 4].
Suite à la décision de rejet de l'administration fiscale notifiée le 23 mai 2014, la société GFLBI a saisi le tribunal de grande instance de Paris par assignation en date du 31 juillet 2014, aux fins d'obtenir la décharge des sommes susvisées.
Par jugement rendu le 10 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- infirmé partiellement la décision de rejet de la direction générale des finances publiques, direction de contrôle fiscal d'Ile de France Ouest (amr n° 120300019 du 26 mars 2012, créance n° 1204780) de la réclamation contentieuse de la société GFLBI en ce qu'elle n'a pas appliqué la méthode de calcul issue de l'instruction 7 C-2-11, paragraphe 14,
- annulé, dans cette limite, l'avis de mise en recouvrement n° 120300019 du 26 mars 2012,
- condamné la direction générale des finances publiques, direction de contrôle fiscal de l'Ile de France Ouest au paiement des frais mentionnés à l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales,
- débouté la société GFLBI de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'administration fiscale a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 16 septembre 2015.
Par conclusions signifiées le 9 novembre 2015, l'administration fiscale demande à la cour de :
- dire et juger la dircofi d'Ile de France recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 10 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Paris,
Y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a infirmé la décision de rejet de l'administration fiscale en ce qu'elle n'a pas appliqué la méthode de calcul issue de l'instruction 7 C-2-11, paragraphe 14, et en ce qu'elle a annulé, dans cette limite, l'avis de mise en recouvrement n° 120300019 du 26/03/2012 ;
Statuant à nouveau,
- débouter la société GFLBI de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- remettre à la charge de la société GFLBI l'intégralité des impositions et intérêts de retard établiS par l'avis de mise en recouvrement n° 120300019 du 26 mars 2012 ;
- Dire qu'en toute hypothèse, l'administration n'aura à acquitter d'autres frais que ceux de signification et rejeter toute demande de remboursement de frais irrépétibles fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ou de paiement des intérêts moratoires prévus aux articles L208-1 et 208-2 du livre des procédures fiscales, compte tenu du bien-fondé de l'imposition mise à la charge de la société GFLBI,
- condamner l'intimée à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions signifiées le 8 janvier 2016, la société GFLBI souhaite voir la cour :
- déclarer la direction générale des finances publiques mal fondée en son appel.
- l'en débouter, ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 10 juillet 2015 en toutes ses dispositions ;
- condamner la direction générale des finances publiques au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la direction générale des finances publiques aux entiers dépens.
La clôture est intervenue par ordonnance rendue le 29 mai 2017.
SUR CE,
L'administration fiscale indique que l'instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 a pour objet de présenter les nouvelles dispositions issues de la loi n°2010-237 du 9 mars 2010 applicables aux opérations immobilières en matière de taxe de publicité foncière et de droits d'enregistrement. Elle précise que la règle de non-rétroactivité de la loi nouvelle s'applique également en matière de déchéance d'un régime de faveur.
Au cas particulier, l'appelante expose que la société GFLBI n'ayant pas revendu en totalité les biens immobiliers acquis en 2004 dans le délai de 4 ans, la déchéance partielle du régime de faveur a été prononcée, les droits de mutation dus lors de l'acquisition étant rétablis au taux normal selon la méthode des millièmes (prix d'acquisition multiplié par le nombre de millièmes non encore cédés à l'expiration du délai). Elle indique que la société ne peut se prévaloir des nouvelles dispositions issues de la loi du 9 mars 2010 prévoyant un délai de revente de cinq ans, et que les précisions apportées dans l'instruction du 18 avril 2011 ne concernent que la loi entrée en vigueur le 11 mars 2010.
En réplique, la société GFLBI soutient que la méthode de calcul retenue par l'administration fiscale ne correspond pas à celle de la Cour de cassation ni celle reprise dans sa propre doctrine. Elle expose que lorsque l'engagement de revendre n'est respecté que pour une fraction du bien sur lequel il portait, l'acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent, à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendue la ou les fractions du bien pour laquelle l'engagement a été respecté.
L'intimée indique que la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 n'a pas modifié l'article 1115 du code général des impôts concernant le point en litige, en ce que les nouvelles dispositions se contentent d'étendre le délai de revente de 4 à 5 ans ainsi qu'à tous les assujettis à la tva et non plus seulement aux marchands de biens. La société fait valoir que la doctrine administrative opposable dès sa publication précise de quelle manière la déchéance partielle du régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts doit être appliquée, et ce, quelle que soit la date des faits concernés, le principe de non-rétroactivité ne lui étant pas applicable.
Ceci étant exposé, il convient de rappeler que la rédaction de l'article 1115 du code général des impôts a été modifiée lors de l'entrée en vigueur de la loi 2010-137 du 9 mars 2010, entrée en vigueur le 11 mars 2010, qui a notamment étendu le délai de 4 ans pour la revente des biens à cinq ans.
Avant la loi du 9 mars 2010, la jurisprudence avait décidé qu'en l'absence de revente dans le délai de quatre ans, les droits à payer devaient être calculés sur la quote-part du prix d'acquisition correspondant aux appartements non vendus dans le délai imparti.
Par une instruction du 18 avril 2011 qui avait pour but de présenter les nouvelles règles applicables en matière de droits de mutation à titre onéreux telles que redéfinis par la loi précitée, l'administration a changé la méthode de calcul en posant le principe selon lequel, dans l'hypothèse d'un acte de revente dans le délai de 5 ans pour une fraction du bien sur lequel portait l'acquisition, l'acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendu la (ou les) fractions pour laquelle laquelle l'engagement a été respecté. Cette solution s'applique par parcelle ou lot lorsque leur prix d'acquisition a été distingué dans l'acte.
La circulaire ajoute que le complément de droits d'enregistrement en cas de défaut de revente d'un immeuble dans le délai d'engagement n'est pas dû en cas de revente partielle d'un immeuble si le prix de cession des lots revendus excède le prix d'acquisition total de l'immeuble.
Il n'est pas contesté que la société GFLBI n'a pas revendu intégralement, dans le délai de 4 ans, le bien immobilier acquis le 20 févier 2004 sis [Adresse 5]. 1 230 millièmes de l'immeuble sur 10 000 n'ont pas été vendus.
La proposition de rectification de l'administration fiscale émise à l'encontre de la socété GFLBI est datée du 12 juillet 2011 alors que l'instruction du 18 avril 2011 avait été publiée sur le site internet « circulaires.gouv.fr ». Cette instruction a été reprise sous la référence BOI-ENR-DMTOI-10-50 publiée le 20 avril 2014.
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la circulaire 7 C-2-11 fait état de la doctrine administrative qui n'est pas une loi de sorte que l'administration fiscale ne peut utilement invoquer la non-rétroactivité de la loi. Cette instruction, antérieure à la proposition de rectification, a pour effet de modifier la doctrine de l'administration fiscale sur la question de la déchéance partielle de l'exonération temporaire prévue par l'article 1115 du code général des impôts et est applicable aux opérations en cours et notamment au présent différend.
Ce que revendique la société GLFBI n'est pas l'application du délai de 5 ans tel que prévu par la loi du 9 mars 2010 mais la méthode de calcul telle que mentionnée dans la circulaire du 12 juillet 201.
L'administration fiscale reconnaît qu'elle a appliqué la méthode en vigueur auparavant, soit la méthode de calcul sur la quote-part du prix d'acquisition correspondant aux appartements non vendus dans le délai imparti.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a infirmé partiellement la décision de rejet de de l'administration fiscale du 23 mai 2104 en ce qu'elle concerne l'immeuble situé [Adresse 4] acquis par la société GFLBI pour avoir maintenu une méthode de calcul erronée et d'annuler l'avis de mis en recouvrement émis 75700200 3 14566 15/03/2012 00019 dans cette limite.
La décision déférée sera également confirmée sur les dépens.
L'administration fiscale qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens de la présente instance et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, à ce titre, à payer à l'intimée la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 10 juillet 2015 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Monsieur l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile de France Ouest aux dépens d'appel ;
DEBOUTE Monsieur l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile de France Ouest de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE Monsieur l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile de France Ouest à payer à la société GFLBI la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS