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18/04/2019 | FRANCE | N°18-14337

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 avril 2019, 18-14337


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 septembre 2017), que, pour la construction d'une maison d'habitation, M. et Mme P... ont chargé M. I..., assuré auprès de la société l'AUXILIAIRE, du gros oeuvre, la société Atre design de l'installation de la cheminée et M. X... de la réalisation de la chape sur plancher électrique ; qu'une réception tacite est intervenue le 28 juin 2002 ; que, par acte du 7 juin 2007, les maîtres de l'ouvrage ont vendu la maison à Mme C... ; que, se plaignant

de désordres, celle-ci a assigné en indemnisation M. et Mme P..., qui ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 septembre 2017), que, pour la construction d'une maison d'habitation, M. et Mme P... ont chargé M. I..., assuré auprès de la société l'AUXILIAIRE, du gros oeuvre, la société Atre design de l'installation de la cheminée et M. X... de la réalisation de la chape sur plancher électrique ; qu'une réception tacite est intervenue le 28 juin 2002 ; que, par acte du 7 juin 2007, les maîtres de l'ouvrage ont vendu la maison à Mme C... ; que, se plaignant de désordres, celle-ci a assigné en indemnisation M. et Mme P..., qui ont appelé en garantie les constructeurs et la société l'AUXILIAIRE ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu les articles 1792 et 1792-1, 2° du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes formées par Mme C... sur le fondement de la garantie décennale au titre de l'absence de ventilation et d'isolation thermique au niveau des combles, du défaut d'étanchéité à l'air des portes-fenêtres du salon et de la chambre et de l'insuffisance de chauffage, l'arrêt retient que, par une simple visite, Mme C... pouvait se convaincre de l'absence de grilles d'aération et de ventilation mécanique contrôlée, qu'il lui appartenait d'aérer la maison afin d'éviter une atmosphère confinée susceptible de générer des moisissures, ainsi que le préconisait le diagnostic de performance énergétique du 27 avril 2007, que ce diagnostic, établi avant la vente, faisait état de la qualité énergétique médiocre de la maison, l'absence d'isolation des combles et le défaut d'étanchéité des deux portes-fenêtres ne modifiant pas ce diagnostic de piètres performances énergétiques, et que, le manque de performance de l'installation de chauffage ayant été porté à la connaissance de Mme C..., il s'agit d'un vice apparent ne rendant pas l'immeuble impropre à sa destination, l'acquéreur ayant acheté le bien en connaissance de cause ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage au jour de la réception, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société l'AUXILIAIRE et le moyen unique du pourvoi incident de M. I..., réunis :

Vu l'article 2241 du code civil ;

Attendu que, pour déclarer recevables les demandes formées contre la société l'AUXILIAIRE et M. I... sur le fondement de la garantie décennale, l'arrêt retient que l'assignation en référé et l'ordonnance de référé du 2 juin 2010 désignant un expert a interrompu le délai décennal ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'assignation en référé, qui n'était pas dirigée contre M. I... ni la société l'AUXILIAIRE, n'avait pas pu interrompre le délai à leur égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause la société Atre design ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevables les demandes formées contre M. I... et la société l'AUXILIAIRE et en ce qu'il rejette les demandes formées contre M. et Mme P... sur le fondement de la garantie décennale au titre de l'absence de ventilation et d'isolation thermique au niveau des combles, du défaut d'étanchéité à l'air des portes-fenêtres du salon et de la chambre et de l'insuffisance de chauffage, l'arrêt rendu le 28 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. et Mme P... aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme P... à payer à Mme C... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme C... (demanderesse au pourvoi principal).

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté l'action que Mme C... avait formée sur le fondement de la garantie décennale contre ses vendeurs, M. et Mme P..., et les autres intervenants à l'acte de construire, M. I... et son assureur, l'AUXILIAIRE, la Société ATRE-DESIGN et M. X... ;

AUX MOTIFS QUE Mme C... agit à titre principal sur le fondement de la garantie décennale et les intimés lui opposent la prescription ; que c'est à juste titre que le premier juge a retenu la date de la dernière facture de travaux du 28 juin 2002 de la SARL Atre design comme date de réception de l'ouvrage ; que l'assignation en référé et l'ordonnance de référé du 2 juin 2010 désignant M. E... en qualité d'expert a interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil, de sorte qu'au jour de l'assignation au fond du 16 avril 2013, l'action exercée par Mme C... était recevable ; que Mme C... est recevable à exercer cette action contre les époux P..., vendeur de la maison et M. I..., en application de l'article 1792-1 du code civil ; qu'elle se plaint des désordres suivants : l'absence de ventilation, un écart de feu de 7 cm au niveau de la cheminée, l'absence d'isolation thermique au niveau des combles, un défaut d'étanchéité à l'air de la porte-fenêtre du salon et de la porte-fenêtre de la chambre, une insuffisance de chauffage ; que ces désordres ont causé des moisissures, ont rendu l'usage de la cheminée dangereux et ne permettent pas de chauffer correctement la maison ; que, par une simple visite, Mme C... pouvait aisément se convaincre de l'absence de grilles d'aération et de VMC ; que dès lors il lui appartenait d'aérer la maison afin d'éviter une atmosphère confinée susceptible de générer des moisissures, ainsi qu'il est préconisé dans le diagnostic de performance énergétique du 27 avril 2007 ; que par ailleurs ce diagnostic, établi à la requête des époux P... avant la vente de leur bien, fait état de la qualité énergétique médiocre de la maison ; que Mme C... était ainsi informée des difficultés à chauffer la maison, de la forte consommation électrique prévisible et des améliorations qu'elle pouvait y apporter, l'absence d'isolation des combles et le défaut d'étanchéité des deux portes-fenêtres ne modifiant pas ce diagnostic de piètres performances énergétiques ; que de plus la différence entre la consommation électrique de Mme C... et celle estimée dans ce diagnostic dépend de la température qu'elle souhaitait obtenir dans la maison ainsi que des consommations non comptabilisées dans le diagnostic qui ne prend en compte que celles nécessaires pour le chauffage, la production d'eau chaude sanitaire et le refroidissement du logement ; que de plus, le manque de performance de l'installation de chauffage ayant été porté à la connaissance de Mme C..., il s'agit d'un vice apparent qui ne rend pas l'immeuble impropre à sa destination, l'acquéreur ayant acheté le bien en connaissance de cause ; qu'enfin, l'écart de feu insuffisant, qui rendait l'emploi de la cheminée dangereux, a été repris par la société Atre design en cours d'expertise et n'a donné lieu à aucun préjudice ; que compte tenu du caractère apparent des désordres invoqués et de l'absence de dommages résultant du désordre ayant affecté la cheminée, l'action fondée sur l'article 1702 du code civil ne peut prospérer ; que Mme C... invoque à titre subsidiaire la garantie des vices cachés et les intimés lui opposent la prescription ; que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ; que Mme C... a acheté la maison le 7 juin 2007 ; qu'elle était informée des problèmes de chauffage par le diagnostic de performance énergétique qui lui a été communiqué avant la vente et elle a pu observer l'absence de ventilation lors de sa visite des lieux, ou au plus tard dès son entrée dans les lieux, alors qu'elle n'a assigné les vendeurs que le 16 avril 2013 ; que son action qui n'a pas été introduite dans les deux ans de la découverte du vice est par conséquent prescrite ; que l'appel en garantie par les époux P... de M. X... qui a participé aux opérations de construction relatives au plancher chauffant en posant la chape liquide au-dessus ne revêt pas un caractère injustifié et M. X... sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

ALORS QUE le vendeur après achèvement est garant des défauts cachés à la réception, même s'ils deviennent apparents lors de la vente ; qu'en décidant, pour débouter Mme C... de son action fondée sur la garantie spécifique des articles 1792 et suivants du code civil, que les différents désordres, et, en particulier, le manque de performance de l'installation de chauffage étaient connus de Mme C..., antérieurement à la vente, que les vices étaient apparents et que la maison avait été acquise en connaissance de cause, quand le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie en la personne du maitre de l'ouvrage constructeur au jour de la réception qui correspond pour celui-ci à l'achèvement des travaux, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 1792-1, 2° du code civil.
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. I... (demandeur au pourvoi incident éventuel).

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré non prescrite envers M. Q... I... l'action de Mme M... C... sur le fondement de la garantie décennale.

AUX MOTIFS QUE " Mme C... agit à titre principal sur le fondement de la garantie décennale et les intimés lui opposent la prescription.
C'est à juste titre que le premier juge a retenu la date de la dernière facture de travaux du 28 juin 2002 de la SARL Atre design comme date de réception de l'ouvrage.
L'assignation en référé et l'ordonnance de référé du 2 juin 2010 désignant M. E... en qualité d'expert a interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil, de sorte qu'au jour de l'assignation au fond du 16 avril 2013, l'action exercée par Mme C... était recevable.
Mme C... est recevable à exercer cette action contre les époux P..., vendeur de la maison et M. I..., en application de l'article 1792-1 du code civil" (arrêt p. 8).

ALORS QUE la demande en justice n'interrompt le délai de prescription qu'à l'encontre de la partie que l'on veut empêcher de prescrire ; qu'en ayant jugé que l'assignation en référé désignant M. E... en qualité d'expert avait interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil de telle sorte qu'au jour de l'assignation au fond, le 16 avril 2013, l'action exercée par Mme M... C... était recevable alors que l'assignation en référé, qui n'était pas dirigé contre M. R. I..., n'avait pu interrompre le délai à son égard, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société l'AUXILIAIRE (demanderesse au pourvoi incident éventuel).

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré non prescrite l'action exercée par l'acquéreur (Mme C...) d'un immeuble vendu après achèvement, sur le fondement de la garantie décennale, à l'encontre des intervenants à la construction, y compris l'entreprise de gros oeuvre (M. I...), et de l'assureur de celui-ci (la mutuelle l'AUXILIAIRE, l'exposante) ;

AUX MOTIFS QUE Mme C... agissait à titre principal sur le fondement de la garantie décennale, les intimés lui opposant la prescription ; qu'à juste titre, le premier juge avait retenu la date de la dernière facture de travaux du 28 juin 2002 de la société Atre design comme date de réception de l'ouvrage ; que l'assignation en référé et l'ordonnance de référé du 2 juin 2010 désignant M. E... en qualité d'expert avait interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil, de sorte qu'au jour de l'assignation au fond du 16 avril 2013, l'action exercée par Mme C... était recevable ; que cette dernière était recevable à exercer cette action contre les époux P..., vendeurs de la maison, et M. I..., en application de l'article 1792-1 du code civil (arrêt attaqué, p. 8, motifs, 1er alinéa) ;

ALORS QUE la demande en justice contre un débiteur n'interrompt pas la prescription à l'égard de ses éventuels coobligés in solidum ; qu'en l'espèce, après avoir fixé au 28 juin 2002 la date de réception de l'ouvrage, l'arrêt attaqué a considéré que l'assignation en référé délivrée en avril 2010 par l'acquéreur à l'encontre des seuls vendeurs avait interrompu le délai de garantie décennale, et a déclaré recevable l'action de l'acquéreur, sans toutefois en restreindre la portée, tandis que ladite assignation ne visait pourtant pas l'assureur de l'entreprise de gros oeuvre, poursuivi en qualité de coobligé in solidum ¿ de même que son assuré ¿ à la date seulement du 8 août 2013, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal non interrompu à son égard ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1202 (désormais article 1310) et 2241 du code civil ;

ALORS QUE, de surcroît et en toute hypothèse, en cause d'appel (v. ses concl. du 19 mai 2016, p. 6, in fine, et p. 7, 1er à 4ème alinéas), l'exposante contestait à son égard la « valeur interruptive de prescription de l'assignation en référé (¿) délivrée le 26/04/2010 par Mme C... aux fins d'expertise » dans la mesure où pareille interruption devait viser « le cas de débiteurs (¿) solidaires », observant qu'il « n'y a(vait) rien de tel en l'espèce, étant ici rappelé qu'en application de l'article 1202 du code civil la solidarité ne se présum(ait) pas », et ajoutant que ni l'acquéreur ni les vendeurs ne l'avaient assignée, pas plus que son assuré, « dans le délai décennal » ; qu'en délaissant ces écritures déterminantes dont il résultait que l'assignation en référé de l'acquéreur, qui ne visait pas l'exposante, n'avait pu interrompre la prescription à son égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-14337
Date de la décision : 18/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 avr. 2019, pourvoi n°18-14337


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Boullez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14337
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