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18/04/2019 | FRANCE | N°18-14202

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 avril 2019, 18-14202


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 avril 2019

Cassation

Mme FLISE, président

Arrêt n° 582 F-P+B+I

Pourvoi n° J 18-14.202

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. N... R..., domicilié [...], c

ontre l'arrêt rendu le 1er février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme Q... C..., domiciliée ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 avril 2019

Cassation

Mme FLISE, président

Arrêt n° 582 F-P+B+I

Pourvoi n° J 18-14.202

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. N... R..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 1er février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme Q... C..., domiciliée [...], en qualité de liquidateur amiable de la SCP V... C... H..., défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. R..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme C..., ès qualités, l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 218-2 du code de la consommation et 2224 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCP V... C... H... (l'avoué) a représenté M. R... dans une procédure de divorce devant une cour d'appel ayant donné lieu à un arrêt du 27 octobre 2011 ; qu'un certificat de vérification des dépens a été rendu exécutoire l'encontre de celui-ci le 22 avril 2016 et que deux saisies attributions ont été pratiquées sur ses comptes le 2 juin 2016 ; qu'il a contesté ces saisies devant le juge de l'exécution en invoquant notamment la prescription de la créance de l'avoué ;

Attendu que pour dire que la créance de l'avoué n'était pas prescrite et valider la saisie attribution pratiquée le 2 juin 2016 entre les mains de la Banque postale, l'arrêt relève que les dispositions de l'article 2224 du code civil et celles de la loi du 24 décembre 1897 s'appliquent au recouvrement des frais dus aux notaires, avoués et huissiers et retiennent une courte prescription uniforme de cinq ans, que ces règles spéciales de prescription en matière de frais tarifés d'avoués dérogent à la prescription biennale du code de la consommation et que l'action en paiement qui avait commencé à courir le 27 octobre 2011, n'était pas prescrite au jour de la saisie pratiquée le 2 juin 2016 ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'est soumise à la prescription biennale du texte susvisé la demande d'un avoué en fixation de ses frais dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, la cour d'appel, qui relevait que M. R... avait été représenté par l'avoué pour sa procédure de divorce, donc en qualité de consommateur, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme C... en qualité de liquidateur amiable de la SCP V... C... H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. R... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. R....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. R... de sa demande tendant à voir constater la prescription de l'action intentée par la SCP V... C... H... et d'AVOIR validé la saisie-attribution pratiquée par cette dernière le 2 juin 2016 entre les mains de la Banque postale pour recouvrement de la somme de 1 965,57 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « comme devant le premier juge, M. R... estime que la créance de la SCP est prescrite, faisant valoir que son recouvrement est soumis à la prescription biennale spécifique de l'article L. 218-2 du code de la consommation, relevant en outre que la somme de 1 299 euros qui lui est réclamée est constituée d'une somme de 1 290,48 euros d'émoluments représentant une rémunération ou une rétribution, les frais de l'avoué ne s'élevant qu'à la somme de 8,61 euros pour laquelle au demeurant aucun texte n'exclut l'application de la prescription biennale, outre le fait que la SCP fonde son action en recouvrement sur les dispositions de l'article 1999 du code civil.

Tandis que l'intimée rappelle que ses frais de postulation ne sont pas des honoraires et qu'ils relèvent de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ainsi que des dispositions de la loi du 24 décembre 1897.

Antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'ancien article 2273 du code civil prévoyait une prescription de deux ans de l'action des avoués pour le paiement de leurs frais et salaires, pour les affaires terminées, « à compter du jugement des procès ou de la conciliation des parties, ou de la révocation des avoués ». Cette courte prescription avait un caractère général et s'appliquait aux actions exercées par l'avoué à l'encontre de son mandant, comme c'est le cas en l'espèce, ou, en application de l'article 699 du code de procédure civile, à l'encontre de l'adversaire de celui-ci.

Le nouveau régime issu de la loi du 17 juin 2008 pose comme principe que la prescription extinctive est soumise à la loi régissant le droit qu'elle affecte, de sorte que ce sont à la fois les dispositions de l'article 2224 nouveau du code civil et celles de la loi du 24 décembre 1897 qui s'appliquent au recouvrement des frais dus aux notaires, avoués et huissiers. Ces deux textes retiennent une courte prescription uniforme de cinq ans.

L'article 32 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant suppression des avoués près les cours d'appel a supprimé dans la loi du 24 décembre 1897 la référence aux avoués mais uniquement à compter du 1er janvier 2012. Compte tenu des dispositions transitoires de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, qui prévoit que les prescriptions plus longues s'appliquent immédiatement sous déduction de la période de prescription déjà courue, la loi de 1897 a vocation à s'appliquer aux émoluments des anciens avoués, tant que le délai de prescription de cinq ans pour les actes de leur ministère n'a pas expiré.

Ces règles spéciales de prescription en matière de frais tarifés d'avoués dérogent à la prescription biennale du code de la consommation invoquée par M. R....

En l'espèce, l'action en paiement de la SCP a commencé à courir à compter de l'arrêt d'appel du 27 octobre 2011 et n'est donc pas prescrite puisque la saisie litigieuse est intervenue le 2 juin 2016 » (arrêt p. 3-4),

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il est constant que le nouveau régime issu de la loi du 17 juin 2008 pose pour principe que la prescription extinctive est soumise à la loi régissant le droit qu'elle affecte (article 2221 du code civil). Ce sont donc à la fois les dispositions de l'article 2224 du code civil et celles de la loi du 24 décembre 1897 en ce qu'elle est relative au recouvrement des frais dus aux notaires, « avoués » et huissiers modifiée par les lois du 17 juin 2008 et du 12 mai 2009 qui s'appliquent. Ces deux textes posent pour principe une prescription uniforme de cinq ans. La prescription applicable en l'espèce est donc la prescription quinquennale » (arrêt p. 5, § 3),

1°) ALORS QUE l'article 1er de la loi du 24 décembre 1897 soumettant l'action en recouvrement des frais d'avoué à une prescription de cinq ans, a été abrogé en ce qui concerne les avoués par l'article 32 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, entré en vigueur le 1er janvier 2012 ; qu'en faisant application de ces règles spéciales de prescription en matière d'avoué en énonçant qu'elles dérogent à la prescription biennale du code de la consommation invoquée par M. R..., tout en constatant elle-même que ces règles spéciales étaient abrogées à compter du 1er janvier 2012, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article L. 218-2 (ancien article L. 137-2) du code de la consommation ;

2°) ALORS QU'en l'absence de règle spécifique, est soumise à la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation l'action de l'avoué, prestataire de services juridiques, en recouvrement de ses frais contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que ces dispositions spéciales au droit de la consommation dérogent à la règle générale prévue par l'article 2224 du code civil, prévoyant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir M. R..., il avait été représenté devant la cour d'appel par la SCP V... C... H... dans le cadre de sa procédure de divorce, donc en qualité de consommateur ; qu'en écartant l'application de l'article L. 218-2 du code de la consommation au profit de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 2223 du code civil ;

3°) ALORS QU'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai s'applique à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure ; que la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation est applicable aux prescriptions en cours, pour les actions d'un avoué à l'encontre d'un consommateur, à la date de l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 ayant abrogé le délai de prescription spécial applicable à l'action en recouvrement des frais d'avoué, soit à compter du 1er janvier 2012 ; qu'en rejetant en l'espèce la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. R... et en validant la saisie-attribution pratiquée le 2 juin 2016, quand l'action de la SCP V... C... H... était prescrite à compter du 2 janvier 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 2222 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-14202
Date de la décision : 18/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS ET MINISTERIELS - Avoué - Frais et dépens - Action en recouvrement - Prescription - Prescription biennale - Domaine d'application - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Domaine d'application - Avoué - Action en fixation des frais - Conditions - Détermination PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Prescription - Prescription biennale - Domaine d'application - Avoué - Action en fixation des frais - Conditions - Détermination

Est soumise à la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation la demande d'un avoué en fixation de ses frais dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale


Références :

article L. 218-2 du code de la consommation

article 2224 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 février 2018

Sur l'application de l'article L. 218-2 du code de la consommation à l'action en paiement des honoraires d'avocat, à rapprocher :2e Civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-11372, Bull. 2019, II (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 avr. 2019, pourvoi n°18-14202, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : Me Galy, SARL Cabinet Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14202
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