LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 21 octobre 1993, Y... X... et C... H..., mariés sous le régime de la communauté légale, ont fait donation à leur fille S..., qui l'a acceptée, de la nue-propriété d'un immeuble à Pau ; qu'ils ont ensuite adopté le régime de communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au dernier survivant ; que C... H..., veuf depuis le [...], est décédé le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, S... et D... ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 850 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, ensemble les articles 1438 et 1439 du même code ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que le rapport des dons et legs ne se fait qu'à la succession du donateur ; qu'il résulte des deux derniers que, sauf clause particulière, la donation d'un bien commun est rapportable par moitié à la succession de chacun des époux codonateurs ;
Attendu que, pour dire que le rapport de la donation consentie à Mme S... H... devait se faire à la succession de C... H... pour la totalité de la valeur du bien donné, l'arrêt retient qu'en l'absence de stipulation contraire dans l'acte de donation et en considération du fait que, lors de son décès, C... H... était attributaire de l'intégralité de la communauté à lui transmise à la suite du décès de son épouse, il doit être fait application des articles 1438 et 1439 du code civil, dont il résulte que lorsque deux époux, conjointement ou l'un d'eux avec le consentement de l'autre, ont fait une donation à un enfant issu du mariage, à l'aide de biens communs, la charge définitive de la libéralité incombe, sauf clause contraire, à la communauté ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de clause particulière dans l'acte, seule la moitié de la valeur du bien objet de la donation était rapportable à la succession de C... H..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation intervenant sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de la disposition de l'arrêt relative au rapport des frais afférents à cette donation ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le rapport de la donation consentie à Mme S... H... selon acte du 21 octobre 1993 devait se faire à la succession de C... H... pour la totalité de la valeur du bien ainsi donné, telle que fixée par voie d'expertise à la somme de 287 000 euros et dit que les frais afférents à cette donation sont également rapportables par celle-ci à la succession de C... H... dans leur intégralité, l'arrêt rendu le 12 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. H... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme H...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR dit que le rapport de la donation consentie à madame S... H... selon acte du 21 octobre 1993 devait se faire à la succession de monsieur C... H... mais pour la totalité de la valeur du bien ainsi donné, telle que fixée par voie d'expertise à la somme de 287.000 euros.
AUX MOTIFS QUE sur l'étendue du rapport dû par madame S... H... au titre de la donation dont elle avait été gratifiée le 21 octobre 1993, à titre liminaire, la cour avait rappelé que la donation dont madame S... H... avait été gratifiée selon acte notarié du 21 octobre 1993 était une donation en avancement d'hoirie, ainsi que cela résultait clairement des décisions de justice précédemment rendues, et notamment de l'arrêt définitif rendu par la présente cour le 9 février 2010 ; qu'en tant que donation faite en avancement d'hoirie, la donation consentie à madame S... H... le 21 octobre 1993 était soumise à la règle du rapport, sachant que les parties étaient en total désaccord sur la manière dont le rapport devait s'opérer ; qu'à cet égard, la cour avait retenu que la donation du 21 octobre 1993 avait été consentie par monsieur C... H... et par son épouse madame Y... X..., et qu'elle avait porté sur la nue-propriété d'un bien commun consistant dans un immeuble à usage d'habitation situé [...] ; que ladite donation qui était assortie d'une clause de réserve d'usufruit stipulée au profit des donateurs jusqu'au décès du survivant, avait produit tous ses effets lors du décès de monsieur C... H..., conjoint survivant de son épouse co-donatrice, que lors de son décès survenu le [...], monsieur C... H... s'était vu attribuer l'entière communauté des biens existants, et ce par le seul jeu du régime matrimonial de la communauté universelle qu'il avait adopté avec son épouse par acte notarié du 2 mars 1994 homologué par jugement du 7 juin 1994 ; qu'une telle situation était régie par les articles 1438 et 1439 du code civil, applicables aux donations autres que les dots, et desquels il résultait que lorsque deux époux, conjointement ou l'un d'eux avec le consentement de l'autre, avaient fait une donation à un enfant issu du mariage, à l'aide de biens communs, la charge définitive de la libéralité incombait, sauf clause contraire, à la communauté ; qu'en l'absence dans l'acte de donation de stipulation contraire, il convenait en application desdites dispositions et en considération du fait que lors de son décès monsieur C... H... était attributaire de l'intégralité de la communauté à lui transmise par suite du décès de son épouse, de décider que le rapport de la donation consentie à madame S... H... selon acte du 21 octobre 1993 devait se faire à la succession de monsieur C... H... mais pour la totalité de la valeur du bien ainsi donné, telle que fixée par voie d'expertise à la somme de 287.000 euros, que serait donc réformé en ce sens le jugement critiqué (arrêt, pp. 7 et 8) ;
ALORS QUE sauf clause particulière, la donation d'un bien commun est rapportable pour moitié à la succession de chacun des époux codonateurs, peu important que, postérieurement à la donation, les époux aient adopté le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale de la communauté au survivant ; qu'en jugeant au contraire que le rapport du bien commun donné à madame H... par ses parents, mariés à l'époque sous le régime de la communauté légale, devait se faire pour la totalité de la valeur du bien à la succession du donateur survivant, cependant qu'elle avait constaté l'absence de clause spécifique au rapport dans l'acte, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 843 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, et l'article 850 du code civil, ensemble les articles 1438 et 1439 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, additif de ce chef, D'AVOIR dit que les frais afférents à la donation dont madame S... H... avait été gratifiée le 21 octobre 1993 étaient rapportables par cette dernière à la succession de son père, monsieur C... H..., et ce dans leur intégralité ;
AUX MOTIFS QUE sur le caractère rapportable des frais afférents à la donation dont madame S... H... avait été gratifiée le 21 octobre 1993, le caractère rapportable des frais dont s'agissait se déduisait de la nature de la donation à laquelle ils se rapportaient étant rappelé qu'après intervention de plusieurs décisions de justice, elle avait été finalement qualifiée de donation en avancement d'hoirie, de l'absence d'expression par les époux H... co-donateurs, d'une volonté certaine et manifeste de dispenser après leur décès, leur fille donataire de rapporter le montant desdits frais ; qu'en tant qu'avantage indirect, les frais afférents à la donation dont madame S... H... avait été gratifiée le 21 octobre 1993 étaient rapportables par cette dernière à la succession de son père monsieur C... H..., et ce dans leur intégralité dès lors que l'intéressée avait été jugée débitrice du rapport de la totalité de la valeur du bien dont elle avait été gratifiée (arrêt, p. 9) ;
ALORS QUE le rapport des frais d'un acte de donation ne peut être ordonné sans que soit constatée l'intention libérale du donateur qui a procédé au paiement de ces frais pour le compte du donataire ; qu'en ordonnant pourtant le rapport des frais afférents à la donation dont madame H... avait été gratifiée le 21 octobre 1993, sans constater l'intention libérale des donateurs qui les avaient payés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du code civil, dans sa rédaction antérieure la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en l'état du lien de dépendance nécessaire unissant la disposition de l'arrêt attaqué relative au rapport de la donation et la disposition relative au rapport des frais afférents à cette donation, la cassation à intervenir sur le premier moyen du présent pourvoi emportera, par voie de conséquence, cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile.