LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 815-2 du code civil, ensemble l'article 117 du code de procédure civile ;
Attendu que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme C... ont assigné M. N... J..., M. X... J..., M. V... J..., Mme Y..., M. et Mme B... en revendication de la propriété de parcelles situées sur la commune d'Ajaccio, lieudit [...] ; qu'un jugement a accueilli cette demande et ordonné sa publication ; que MM. N... et X... J... ont interjeté appel ;
Attendu que, pour rejeter leur recours contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant annulé leur déclaration d'appel, l'arrêt retient que l'appel a été formé par deux des quatre indivisaires qui ne détiennent pas la majorité des deux tiers des droits indivis, que MM. N... et X... J... ne justifient pas d'un mandat ni d'une autorisation judiciaire et que les deux autres indivisaires ont acquiescé au jugement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'exercice, par MM. N... et X... J..., d'une voie de recours contre un jugement reconnaissant le droit de propriété d'un tiers sur un bien qu'ils prétendaient leur appartenir en indivision, avait pour objet la conservation des droits des indivisaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. et Mme C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à payer la somme globale de 3 000 euros à MM. N... et X... J... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour MM. X... et N... J....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. N... J... et M. X... J... de leur requête en déféré contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 juin 2017 qui a déclaré la déclaration d'appel formée par M. N... J... et M. X... J... nulle et dit que la nullité de la déclaration d'appel emporte extinction de l'instance ;
AUX MOTIFS QUE sur le caractère tardif de la demande de nullité de la déclaration d'appel, aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : le défaut de capacité d'ester en justice¿ » ; que selon les dispositions de l'article 118 du même code, « les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relative aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu'il n'en soit disposé autrement¿ » ; que selon les dispositions de l'article 74 du même code « les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense ou fin de non-recevoir¿ les dispositions de l'alinéa premier ne font plus obstacle à l'application des articles 103, 111, 112 et 118 » ; que dès lors, il est vainement reproché aux consorts C...-B... d'avoir présenté leur demande en nullité de la déclaration d'appel en janvier 2017 alors qu'ils avaient conclu au fond le 17 juin 2016, l'exception de nullité pouvant être soulevé en tout état de cause ; que, sur la compétence du conseiller de la mise en état, de même, l'exception de nullité soulevée relève bien, en application des dispositions des articles 907 et 771 du code de procédure civile de l'examen du conseiller de la mise en état ; que, sur l'exception soulevée, sur le droit du procès équitable et la possibilité pour toutes les parties à une décision de première instance d'en interjeter appel, il est vrai que la question à trancher est non pas celle de la recevabilité de la déclaration d'appel de M. X... J... et de M. N... J... mais celle de la nullité ou non de leur déclaration d'appel en raison d'une irrégularité de fond, tenant à leur capacité ou non à ester en justice ; que selon les dispositions de l'article 815-3 du code civil, « les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : l'effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis¿ toutefois le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer des actes de disposition autres que ceux visés au 3°. » ; que les actions en justice constituent des actes d'administration - ceux-ci visant à assurer la gestion du patrimoine - et la défense à une action en revendication touche bien à la consistance du patrimoine ; qu'il est constant que l'appel a été formé par deux des quatre indivisaires et il a été rappelé de façon fondée que la majorité des deux tiers n'est pas acquise ; que de plus, ni M. N... J... ni M. X... J... ne justifient d'un mandat ou d'une autorisation judiciaire ; qu'il est constant par ailleurs, que les deux autres indivisaires ne partagent pas la même analyse que les appelants, ceux-ci ayant expressément acquiescé au jugement ; que dès lors, M. N... J... et M. X... J... n'ont pas la capacité d'ester en justice au nom de l'indivision et leur déclaration d'appel est nulle ; qu'en conséquence, il y a lieu de les débouter de leur requête en déféré ;
ET AUX MOTFS ADOPTÉS QU'en application de l'article 117 du code de procédure civile, le défaut de capacité d'ester en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte d'appel, qui est accueillie sans qu'il soit besoin de démontrer un grief et en tout état de cause ; qu'il y a lieu de distinguer, les actes conservatoires de l'indivision destinés à maintenir le patrimoine en bon état, les actes d'administration destinés à assurer la gestion du patrimoine et les actes de disposition qui modifient la consistance du patrimoine ; qu'en application de l'article 815-3 du code civil, le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent à cette majorité, effectuer des actes administration relatifs au bien indivis ; que l'alinéa 3 du code civil, précise toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3° ; que les actions en justice constituent en principe des actes d'administration et non des mesures conservatoires et la défense à une action en revendication touche la consistance du patrimoine ; que l'action pendante ne constitue pas une action contre le tiers détenteur d'un bien qui aurait été soustrait à la succession ; qu'en l'espèce, seuls deux des quatre indivisaires ont interjeté appel, de sorte que la majorité des 2/3 n'est pas acquise ; qu'ils ne prétendent pas agir au nom de l'indivision, qu'ils ne bénéficient d'aucun mandat de celle-ci et qu'ils ne justifient d'aucune convention d'administration ; que l'action pendante ne constitue pas une action contre le tiers détenteur d'un bien qui aurait été soustrait à la succession, elle concerne l'intégrité du patrimoine ; qu'il est démontré que les appelants agissent en leur nom propre et qu'ils opèrent une confusion entre les actes d'administration et de conservation ; qu'il en résulte que la déclaration d'appel est entachée de nullité, à défaut de capacité des appelants à agir en justice au nom de l'indivision dont ils prétendent défendre les intérêts. ; que la nullité de la déclaration d'appel emporte nullité des actes accomplis dans le cadre de cette procédure et extinction de l'instance ;
ALORS QUE tout indivisaire pouvant prendre seul les mesures nécessaires à conservation des biens indivis, chaque indivisaire dispose du pouvoir d'interjeter appel d'un jugement reconnaissant, sur le bien qu'il prétend détenir en indivision, le droit de propriété d'un tiers ; qu'en l'espèce, le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio du14 décembre 2015 a dit que les époux C... étaient propriétaires en commun des parcelles cadastrées lieudit [...], section BL, [...], que N... et X... J..., défendeurs, soutenaient détenir en indivision avec V... et D... J... ; qu'il en résultait que N... et X... J... étaient recevables à interjeter appel de ce jugement remettant en cause leurs droits indivis sur les parcelles en cause ; qu'en retenant, pour dire qu'ils n'avaient pas la capacité d'ester en justice au nom de l'indivision et dire nulle la déclaration d'appel, que N... J... et X... J... ne justifiaient pas être titulaires des deux tiers des droits indivis, la cour d'appel a violé l'article 815-2 du code civil, ensemble l'article 117 du code de procédure civile.