LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 février 2018), que le jugement qui a prononcé le divorce de Mme M... et de M. T... a notamment fixé la résidence habituelle des mineures X..., née le [...] , et H..., née le [...] , au domicile de leur mère, avec un droit de visite et d'hébergement au profit de leur père à exercer chez les grands-parents paternels ; qu'après suspension de ce droit et organisation d'une expertise médico-psychologique de l'ensemble de la famille, des visites médiatisées ont été accordées à M. T... ;
Attendu que M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite médiatisé, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'il est saisi d'une demande de droit de visite et d'hébergement, le juge peut décider que le droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre désigné en application de l'article 373-2-9 du code civil, doit alors fixer la durée de cette mesure ; qu'en écartant le prononcé d'un droit de visite médiatisé pour la raison que le père avait demandé le prononce d'une telle mesure sans limitation de durée, sans rechercher si cette mesure pouvait être prononcée pour une certaine durée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 373-2-9 du code civil et 1180-5 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond, pour rejeter une demande de droit de visite d'un parent, doivent caractériser l'existence de motifs graves tenant à l'intérêt de l'enfant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour prétendre à l'existence de motifs graves justifiant le refus d'un droit de visite médiatisé, s'est bornée à relever les éléments de dangerosité de la personnalité de M. T..., sans rechercher si les différents éléments aux débats tels que les rapports d'expertise du docteur A..., du docteur J..., du docteur I..., le rapport de l'association SOS aide aux habitants, et toute autre pièce du débat permettaient de conclure que l'organisation de visites médiatisées aurait été néfaste pour X... et H... et que ces rencontres devaient être évitées ; que la cour d'appel, qui n'a dès lors pas caractérisé des motifs graves d'un refus du droit de visite au père, a privé sa décision de base légale au regard des articles 373-2-1 et 373-2-9 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. T... avait été condamné pour des faits de corruption de mineurs et de détention d'images pédo-pornographiques, qu'il présentait, selon les experts judiciaires, une personnalité perverse, avec goût pour la manipulation, déni de l'altérité, absence de remise en cause et diabolisation de la mère, et que les filles exprimaient une position de rejet des rencontres avec leur père, sans pour autant être sous l'emprise maternelle, la cour d'appel, qui a constaté que l'intérêt des mineures commandait de ne pas poursuivre les rencontres en lieu neutre, a, procédant à la recherche prétendument omise, fait ressortir les motifs graves qui justifiaient la suppression du droit de visite du père ; que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. T... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. T...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu d'accorder à M. T... un droit de visite médiatisé sur ses filles X... et H... ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur T... a été condamné par le tribunal correctionnel de Saverne pour des faits de corruption de mineurs et propositions sexuelles faites à un mineur de 15 ans par un moyen de communication électronique, détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, à la peine de 15 mois d'emprisonnement assortie d'un suivi socio judiciaire pour une durée de deux ans, avec notamment une obligation de soins. Par un arrêt du 29 mai 2012, la cour a porté la peine d'emprisonnement à quatre ans dont deux ans assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de trois ans et cinq ans d'interdiction de résidence dans les départements des Haut-Rhin et Bas-Rhin ; que le Docteur R..., expert psychiatre désigné dans le cadre de la procédure pénale, a diagnostiqué chez Monsieur T... une addiction sexuelle compliquée par de multiples paraphilies (pratiques sexuelles anormales), se greffant sur une personnalité perverse, avec goût pour la manipulation et déni de l'altérité. Dans son arrêt du 29 mai 2012, la chambre des appels correctionnels de la cour a relevé que le nombre important de victimes n'avait pu être précisément quantifié mais que 40 mineures avaient toutefois pu être recensées, la plus jeune étant âgée de 10 ans. La cour a également rappelé que l'expert avait conclu à un risque de récidive réel ; que Madame I..., expert psychologue, avait conclu en 2013 au maintien des relations des fillettes avec le père en soulignant que Madame M... tentait de l'évincer. Elle avait cependant relevé l'absence de véritable travail d'introspection de Monsieur T..., notamment quant aux faite pour lesquels il avait été condamné, de sorte qu'un droit de visite et d'hébergement était contre-indiqué, sauf à s'exercer au domicile des grands-parents paternels ; que dans son rapport du 19 janvier 2017, l'association SOS aide aux habitants indique que les filles rejettent tout contact physique et/ou verbal avec leur père et qu'X... verbalise régulièrement le souhait de ne plus venir, son discours étant repris par H.... Cependant, durant les premières visites, un apaisement dans les relations père-enfant avait pu être constaté. Les intervenants décrivent Monsieur T... comme étant respectueux du cadre et régulier dans le rythme des visites mais ajoutent que certains éléments de son positionnement parental restent « interrogeants quant à l'interprétation posée sur les ressentis de ses enfants ». Le service a estimé ainsi qu'il était préférable à l'avenir de prévoir des temps de visite séparés pour chaque enfant et qu'il était souhaitable d'ordonner une nouvelle expertise de l'ensemble de la famille ; qu'or, le Docteur A..., mandaté en dernier lieu aux fins d'expertise psychiatrique sur chacun des parente et des enfants a remis des conclusions en date du 12 juin 2017 particulièrement claires, mettant en évidence des éléments de danger auxquels pourraient être exposé les filles dans leur relation avec leur père ; que confirmant les constatations du docteur R..., il indique que Monsieur T... présente une personnalité perverse, avec paraphilies, pédophilie. Il évoque un mécanisme de clivage, de déni, de projection le mettant à l'abri de toute élaboration, en particulier de culpabilité, et ce, malgré un suivi sous injonction antérieure. Il souligne que la mère est diabolisée par Monsieur T... et rendue responsable de ses déviances ainsi que des décisions dans factuelle procédure qui ne lui serait pas favorables. Selon lui, laisser les enfants seules avec leur père, « c'est les soumettre à des tentatives d'emprise, pour les gagner à sa cause » ; que par ailleurs, X... a répété devant l'expert qu'elle détestait les visites médiatisées, qu'elle avait peur de voir son père car il avait fait du mal et de la prison. Elle exprime une envie de fuir envie lors des visites. Il convient de rappeler également que lors de son audition du 15 avril 2015, elle a évoqué les violences conjugales dont elle a été témoin et qui l'ont insécurisée, violences que persiste à contester Monsieur T..., alors même qu'il a été condamné pour de tels faits par le tribunal correctionnel de Saverne le 31 mars 2010 ; que le Docteur A... a constaté chez la mineure un état limite de la personnalité avec des conduites obsessionnelles anciennes et prévalentes, ce qui justifie le suivi psychiatrique en cours, l'amenant à être prise régulièrement en charge en hôpital de jour ; que l''examen de H... n'a démontré en revanche aucune particularité susceptible d'être prise en compte dans la présente affaire. La fillette, indiquant que son père « avait fait un truc très mal avec l'ordinateur », a cependant indiqué qu'elle était plus heureuse depuis que les visites médiatisées avaient cessé ; que l'expertise de Madame M... révèle que si les filles se montrent en alliance avec leur mère dont elles reprennent les valeurs et le mode de vie, il n'y a pour autant aucun signe de fusion, encore moins d'emprise maternelle ; que l'expert judiciaire conclut en définitive qu'il convient de protéger X... et H... d'une emprise perverse de leur père, ce qui n'est possible que par le biais d'un droit de visite médiatisé et ce, jusqu'à leur majorité, puisqu'il n'existe aucune perspective de réaménagement de la personnalité de l'intéressé. En effet, ainsi que l'explique le Docteur A..., à l'âge de la majorité, leur structuration psychique les mettra à l'abri des mécanismes pervers de leur père ; que Monsieur T... verse au débat un rapport d'expertise privée du docteur J..., expert psychiatre concluant à l'absence de paraphées de type éphébophilie désignant une préférence sexuelle pour des adolescents ou adolescentes. Cet avis vient en contradiction avec les éléments de la procédure pénale et les conclusions des deux experts judiciaires, de sorte qu'il ne sera pas pris en compte ; que de même, au regard du caractère succinct du rapport du docteur J... qui se contente pour l'essentiel de rapporter les propos de Monsieur T..., il ne saurait être établi que « les filles ne risquent rien avec lui », alors que les experts précédents ont mis en évidence une personnalité perverse ; qu'enfin, il convient de souligner que Monsieur T... a indiqué au docteur J... qu'il ne souhaitait pas reprendre un suivi psychiatrique ou psychologique ; que l'appelant sollicite finalement la poursuite du droit de visite médiatisé, sans limitation de durée, en rappelant que la période d'exercice de neuf mois du droit de visite médiatisé, accordé par le premier juge, est arrivée à expiration ; que cependant, aux termes de l'article 1180-5 du code de procédure civile, la médiatisation du droit de visite qui a pour but de normaliser progressivement les relations entre un parent et un enfant, doit être limitée dans le temps ; que dès lors, il est impossible de mettre en place une médiatisation des visites qui ne s'éteindrait de droit qu'avec la majorité des enfants. De plus, il est suffisamment démontré, au regard des éléments de danger relevés par les experts judiciaires quant à la personnalité de Monsieur T..., de la position de rejet exprimée par X... et H..., alors qu'il est établi qu'elles ne sont pas sous emprise de leur mère, qu'il existe des motifs graves pour ne pas accorder à l'appelant, dans l'intérêt des filles, la poursuite d'un droit de visite médiatisé » ;
ALORS 1°) QUE lorsqu'il est saisi d'une demande de droit de visite et d'hébergement, le juge peut décider que le droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre désigné en application de l'article 373-2-9 du code civil, doit alors fixer la durée de cette mesure ; qu'en écartant le prononcé d'un droit de visite médiatisé pour la raison que le père avait demandé le prononcé d'une telle mesure sans limitation de durée, sans rechercher si cette mesure pouvait être prononcée pour une certaine durée, la cour d'appel a prive sa décision de base légale au regard des articles 373-2-9 du code civil et 1180-5 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QUE les juges du fond, pour rejeter une demande de droit de visite d'un parent, doivent caractériser l'existence de motifs graves tenant à l'intérêt de l'enfant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel pour prétendre à l'existence de motifs graves justifiant le refus d'un droit de visite médiatisé, s'est bornée à relever les éléments de dangerosité de la personnalité de M. T..., sans rechercher si les différents éléments aux débats tels que les rapports d'expertise du Dr A..., du Dr J..., du Dr I..., le rapport de l'association SOS aide aux habitants, et toute autre pièce du débat permettaient de conclure que l'organisation de visites médiatisées aurait été néfaste pour X... et H... et que ces rencontres devaient être évitées ; que la cour d'appel qui, n'a dès lors pas caractérisé des motifs graves d'un refus du droit de visite au père, a privé sa décision de base légale au regard des articles 373-2-1 et 373-2-9 du code civil.