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17/04/2019 | FRANCE | N°17-20733

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2019, 17-20733


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3141-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 7 mai 2008 par la société Desmettre en qualité d'acheteur vendeur, M. D... est devenu salarié de la société Magellan à la suite du transfert de son contrat de travail ; que le 2 octobre 2009, il a été licencié pour faute lourde ; que soutenant que le salarié se livrait à des activités commerciales avec des entreprises concurrentes, la sociét

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3141-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 7 mai 2008 par la société Desmettre en qualité d'acheteur vendeur, M. D... est devenu salarié de la société Magellan à la suite du transfert de son contrat de travail ; que le 2 octobre 2009, il a été licencié pour faute lourde ; que soutenant que le salarié se livrait à des activités commerciales avec des entreprises concurrentes, la société Magellan a saisi le conseil de prud'hommes en indemnisation des préjudices subis du fait des agissements du salarié ; que reconventionnellement, M. D... a demandé que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la cour d'appel a décidé que les faits n'étaient pas constitutifs d'une faute lourde ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que le salarié avait sciemment réalisé une vente à perte pour la société Magellan au bénéfice d'une société tierce qui deviendra son nouvel employeur, d'autre part, qu'il avait réalisé à titre personnel des opérations d'achat et de revente de produits identiques ou similaires à ceux qu'il était chargé d'acheter et de revendre pour le compte de son employeur, étant ainsi nécessairement en situation de concurrencer ce dernier pour lequel il était censé réaliser les mêmes opérations et enfin, que la société Magellan n'avait pas autorisé le salarié à développer, pour son propre compte, une activité concurrente parallèle, ce qui caractérisait l'intention de nuire à l'entreprise, constitutive d'une faute lourde, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il écarte la faute lourde et déboute la société Magellan de ses autres demandes, l'arrêt rendu le 3 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Magellan.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant débouté la société Magellan de l'ensemble de ses demandes et d'avoir requalifié le licenciement de M. P... D... pour faute lourde en licenciement pour faute grave ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre de licenciement adressée le 2 octobre 2009 par la société Magellan à Monsieur D..., qui fixe les termes du litige, est rédigée en ces termes : « Nous vous avons fait part, lors de notre entretien du jeudi 24 septembre à 11 heures, d'agissements de votre part, d'une particulière gravité, constitutifs d'une faute lourde car elle témoigne d'une intention de nuire à la société. En effet, nous avons découvert que vous exercez des activités extérieures et au surplus concurrentes en contravention de vos obligations contractuelles. En outre, ces activités ont occasionné des opérations de détournements au préjudice de l'entreprise par création d'opérations fictives ou frauduleuses au préjudice de votre employeur (par exemple : détournement de sortie de marchandises sans facture et sans référence de client sous l'intitulé « colis bloqué »). Cette conduite met en cause la bonne marche du service, particulièrement en votre qualité d'acheteur vendeur import. Les explications que vous nous avez données au cours de l'entretien ne nous permettent pas de modifier notre appréciation et nous contraignent à vous licencier pour faute lourde. Compte tenu de la gravité de celles-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère radicalement impossible. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied conservatoire. Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté sans indemnité de préavis, de licenciement ni de congés payés... » ; que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire et retenant la faute lourde, il lui appartient de démontrer la réalité des faits invoqués ainsi que de rapporter la preuve que ces faits ont été commis par Monsieur D... dans l'intention de lui nuire, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; que l'examen du contenu de la lettre de licenciement démontre que la société Magellan reproche à Monsieur D... d'avoir exercé des activités extérieures et concurrentes à l'entreprise, griefs suffisamment précis et d'ailleurs étayés par un fait cité à titre d'exemple ; que certes, comme le soutient le salarié, son contrat de travail ne prévoyait aucune interdiction d'exercer une autre activité : la clause figurant à son contrat « selon laquelle il se déclare « être libre de tout engagement et n'être lié par aucune clause de non-concurrence, ou toute autre clause avec un précédent employeur », ne peut s'analyser que comme étant seulement destinée à prévenir le nouvel employeur d'une accusation de concurrence déloyale ; que cependant, en vertu de l'obligation générale de loyauté, même en l'absence de clause expresse, le salarié ne peut exercer une activité concurrentielle de celle de son employeur ; que Monsieur D... reconnaît avoir continué à exercer son activité de représentant commercial en France pour le compte de son ancien employeur, la société Betamp;S Grupo Exportador, producteur et exportateur de produits sur le marché français alors qu'il était engagé en qualité d'acheteur-vendeur importexport au sein de la société Magellan, qui exerce une activité de commerce en gros de fruits et légumes dont une partie est importée de pays étrangers ; que compte tenu des déclarations faites d'une part, par Monsieur C..., ancien directeur de la société Magellan, d'autre part, par Monsieur Y..., ancien collègue de Monsieur D..., dont le caractère mensonger n'est en l'état pas établi, il doit être considéré que la société Magellan était informée de la poursuite de l'activité de Monsieur D... pour le compte de son ancien employeur et avait accepté cette situation ; que ce grief ne peut donc être considéré comme réel ; qu'en revanche, ainsi que cela résulte de ses propres déclarations, Monsieur D... a, pendant la relation de travail avec la société Magellan, réalisé des opérations pour son propre compte dans des conditions financières sur lesquelles il ne s'explique pas puisqu'il écrit (pièce n°15 de la société- mail du 16 septembre 2009) : « elle (sa compagne) bosse depuis la maison sur les business que l'on a dvp (développés) depuis quelques années en solo mais il nous faudrait plus de temps pour pouvoir le dvp, on fait du citron vert (ma spécialité), un peu de mûre par avion du Mexique et on vient de commencer du pamplemousse aussi du Mexique, le problème étant qu'on bosse tous les deux à plein temps (12 heures par jour pour ma pomme) et que l'on est saturé de boulot, genre tous les soirs jusqu'à 22/23 heures... Plus on cumule, plus on fait des sous... » ; qu'or, les explications données par Monsieur D... sur l'incident survenu le 16 septembre 2009, à l'origine du déclenchement de la procédure de licenciement, ne peuvent être retenues : si, comme il le prétend, la rétrocession de produits entre grossistes était une pratique courante, il ressort du témoignage versé aux débats par la société Magellan que cette pratique ne pouvait recueillir l'agrément de celle-ci ; que Monsieur U..., préparateur de commandes atteste en effet : « Mercredi 16 septembre 2009, j'ai réceptionné 3 palettes de Limes (citrons) sur lesquelles j'ai constaté que les étiquettes fournisseur étaient au nom de PULP FRUITS ainsi que le bon de transport. Lorsque le commercial, M. P... D..., est arrivé, il s'est empressé d'enlever toutes les étiquettes sans se faire remarquer et m'a réclamé le bon de transport en me disant « si L... (Monsieur Desmettre, gérant de la société) voit ça, il va faire des bonds » ; que par ailleurs, l'établissement dès le lendemain d'un bon de réception de la société Magellan à l'attention du fournisseur mexicain (Betamp;S Grupo Exportador) est en contradiction avec la rétrocession alléguée et le fait que la société Magellan n'aurait été que commissionnaire dans la vente, en réalisant celle-ci, pour le compte d'un concurrent direct ; qu'il en est de même d'un des autres griefs allégués concernant la revente de citrons du fournisseur Oliver : des pièces produites par les parties, il ressort que Monsieur D... avait, pour le compte de la société Magellan, accepté de fournir durant trois mois à la société Helfer (qui deviendra ensuite son nouvel employeur) des citrons sur la base d'un prix négocié à 4,10 alors qu'en août 2009, le prix d'achat par la société Magellan sera de 10,60, générant ainsi une vente à perte pour son employeur ; que Monsieur D... tente d'expliquer cette opération par la nécessité de garantir un marché mais son propre mail du mois d'août témoigne de la conscience qu'il avait lui-même de la perte subie (il indique "Je suis vert !!!! ») et, en l'état de ces explications, il s'avère que seule la société Helfer a pu tirer profit de cette opération et non, la société Magellan qui employait Monsieur D... ; qu'en revanche, les pertes subies sur les autres ventes à Helfer réalisées avec des produits fournis par E... G..., ne peuvent être retenues : l'examen détaillé de la pièce produite à ce sujet fait apparaître que les lots vendus à la société Helfer (C161892 et C161894) au prix de 6,79 avaient été achetées au prix de 6,56 et 6,74 ; que par ailleurs, les explications développées par les parties quant aux détournement des colis bloqués ne permettent pas de retenir ce grief : en effet, si la société prétend que les commandes « bloquées » auraient été livrées sans être facturées, ces affirmations ne sont pas démontrées ; qu'enfin, l'on ne peut pas retenir le « détournement » de clientèle alléguée par la société Magellan à propos de la société Bravin : au vu des pièces produites par Monsieur D..., la société Bravin était également cliente de son ancien employeur, avant qu'il ne soit embauché par la société Magellan et il n'est pas démontré que le salarié ait réalisé avec cette société des opérations pour son compte personnel ; que cependant, d'une part, la cour relève que les pièces produites témoignent néanmoins de la confusion manifeste qui pouvait résulter pour les clients de son employeur des doubles activités exercées par Monsieur D... ; que d'autre part, ayant réalisé à titre personnel des opérations d'achats et de reventes de produits identiques ou similaires à ceux qu'il était chargé d'acheter et de revendre pour le compte de son employeur, Monsieur D... se trouvait ainsi nécessairement en situation de concurrencer son employeur pour lequel il était censé réaliser les mêmes opérations ; que ces activités menées pour son propre compte, parallèlement à son contrat de travail, caractérisent un comportement fautif, même en l'absence d'une clause d'exclusivité et aucun des témoignages des anciens collègues de Monsieur D... ne permet de considérer que celui-ci avait été autorisé par la société Magellan, à développer, pour son propre compte, et non seulement en qualité de représentant de son ancien employeur, une activité de ventes, ainsi que cela ressort de son mail du 16 septembre 2009 (pièce n°15 de la société) qui démontre qu'il avait commencé à mettre en oeuvre sa propre activité dans l'importation de fruits (et non seulement des citrons produits par la société Betamp;S Grupo Exportador) ; que ces faits caractérisent un comportement fautif qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'en revanche, dès lors qu'il est établi que la société Magellan a elle-même contribué à une certaine confusion en acceptant que le salarié continue à représenter son ancien employeur, la volonté de nuire inhérente à la faute lourde ne peut être considérée comme caractérisée ; que la décision déférée sera donc confirmée dans l'ensemble de ses dispositions.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SAS Magellan fonde ses demandes sur les activités extérieures concurrentielles exercées par Monsieur P... D... pendant qu'il était son salarié, activités ayant occasionné des opérations de détournement au préjudice de l'entreprise, motifs invoqués dans la lettre de licenciement du 2 octobre 2009 ; qu'il est reproché à Monsieur P... D... d'avoir continué à travailler avec la société mexicaine BS GRUPO ; que ce dernier ne conteste pas mais affirme que son employeur était parfaitement au courant ; que Monsieur T..., ancien salarié de la SAS Magellan atteste : « L... Desmettre m'a présenté P... D... en mars 2008 en me vantant son autonomie commerciale et son excellente connaissance du Mexique. Monsieur Desmettre me vantant également le fait que sa femme était mexicaine, qu'ils travaillaient tous les deux pour des exportateurs mexicains. P... D... avait pour M Desmettre le profil idéal : français, jeune, diplômé, il était trilingue et avait vécu plusieurs années au Mexique où il continuait à travailler pour le compte d'exportateurs mexicains » ; que la SAS Magellan indique que Monsieur T... a quitté la société pour créer une activité concurrente PULP FRUITS qu'elle a poursuivi en correctionnel en 2012 pour abus de confiance mais dont elle ne fournit pas le jugement ; que l'action menée à l'encontre de la société PULP FRUITS par la SAS Magellan n'apporte pas la preuve que l'attestation de Monsieur T... serait de pure connivence et mensongère ; que Monsieur Y... atteste : « J'ai été embauché par la société Desmettre puis Magellan de mars 2008 à juin 2009 en qualité d'acheteur/Vendeur, sur le site de Lomme 59. Mon travail consistait à importer des fruits depuis le Chili et la Nouvelle Zélande principalement et de les revendre sur le marché français à des grossistes conformément à la stratégie de la Société. J'étais alors sous la responsabilité du Directeur Import Monsieur V... T..., collègue direct de Monsieur P... D... sur le site de Lomme 59. Suite à une croissance importante du chiffre d'affaires entre 2006 et 2008, de nouveaux commerciaux ont été embauchés, ce qui a été le cas pour Monsieur P... D... et moi, qui avons débuté en 2008. A ma connaissance, mon collègue a été embauché grâce à son expérience et ses relations en Amérique Latine ainsi qu'en Europe sur le marché des fruits et légumes ; et plus précisément pour développer un produit, le citron vert, qui ne faisait pas partie alors de la gamme de la société Desmettre. En effet, Monsieur P... D..., fort de quelques années passées au Mexique, travaillait pour l'un des plus gros fournisseurs de citron vert. Monsieur P... D... souhaitant revenir en France avec sa femme Z... d'origine mexicaine, a accepté l'offre d'emploi de Monsieur L... Desmettre, tout en continuant à travailler pour le fournisseur mexicain. J'étais au courant de cette situation ainsi que mon directeur car elle devait faciliter le référencement de nouveaux produits, fournisseurs mais également clients du secteur. J'ai pu constater que Monsieur P... D... a bien rempli ses objectifs et surtout concernant le citron vert car très rapidement le produit a fait place dans notre gamme et a réalisé un chiffre d'affaires dépassant les 600.000 euros pour une marge de plus de 70.000 euros. Toujours en raison de notre croissance, nous avions besoin de renforts administratifs. C'est pour cette raison que Z... D..., la femme de Monsieur P... D..., a été embauchée quelques mois plus tard. Travaillant également dans le secteur des fruits et légumes au Mexique pour le compte du même fournisseur de citron vert que son mari, elle présentait le profil parfait pour cet emploi. Il était convenu que Z... D... travaille avec des horaires adaptés afin de pouvoir continuer à exercer son autre activité. Je suis donc très surpris aujourd'hui que la société DESMESTRE nie connaître l'activité parallèle qu'avait Monsieur P... D... » ; que le 8 février 2010, la SAS Magellan a déposé une plainte auprès du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Créteil contre Monsieur P... D... pour détournement des biens qui lui avaient été remis à charge d'en faire un usage déterminé, ces faits caractérisant les délits d'abus de confiance ; que la plainte a été classée sans suite par le Parquet, le 13 novembre 2012, au motif que : « les faits ou les circonstances des faits dont vous vous êtes plaint n'ont pu être clairement établis par l'enquête. Les preuves ne sont donc pas suffisantes pour que l'affaire soit jugée par un tribunal » ; que la SAS Magellan n'a pas exercé de voie de recours à l'encontre de cette décision ; que le contrat de travail de Monsieur P... D... ne comporte pas de clause de non-concurrence ; que l'activité en solo avec la société mexicaine BS GRUPO ne peut être assimilée à un contrat de travail, le lien de subordination étant inexistant ; que les faits de concurrence déloyale à l'encontre de Monsieur P... D... ne sont pas clairement et suffisamment établis ; que la SAS Magellan fonde toutes ses demandes sur ce grief, le conseil n'y fera pas droit ; que par conséquent, il convient de débouter la SAS Magellan de l'ensemble de ses demandes

1°) ALORS QUE la faute lourde est celle caractérisant l'intention de nuire du salarié vis-à-vis de son employeur ; que commet une faute lourde le salarié qui réalise sciemment une vente à perte pour son employeur afin que l'opération bénéficie à une société directement concurrente de ce dernier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. D... avait sciemment réalisé une vente à perte pour la société Magellan au bénéfice de la société Helfer (arrêt, p. 4 in fine) ; qu'il se déduisait de ces constatations que M. D... avait volontairement nui à son employeur en réalisant une vente à perte pour la société Magellan, de sorte que la faute lourde était caractérisée, peu important que l'employeur ait lui-même contribué à une certaine confusion en acceptant que le salarié continue à représenter son ancien employeur, la société Grupo Exportador; qu'en requalifiant pourtant le licenciement du salarié en licenciement pour faute grave, aux motifs inopérants que la société Magellan aurait elle-même contribué à une certaine confusion en acceptant que le salarié continue à représenter son ancien employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article L. 3141-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE la réalisation par le salarié, pour son compte personnel, d'opérations d'achats et de reventes de produits identiques ou similaires à ceux qu'il était chargé d'acheter et de revendre pour le compte de son employeur, caractérise l'exercice, par le salarié, d'une activité directement concurrente de celle de son employeur et exercée pour son compte personnel ; qu'un tel comportement, qui démontre une volonté de s'enrichir personnellement au détriment de son employeur, caractérise une intention de nuire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. D... avait « réalisé à titre personnel des opérations d'achat et de revente de produits identiques ou similaires à ceux qu'il était chargé d'acheter et de revendre pour le compte de son employeur, M. D... se trouvait ainsi nécessairement en situation de concurrencer son employeur pour lequel il était censé réaliser les mêmes opérations » (arrêt, p. 5 § 5) ; que la cour d'appel a encore constaté que la société Magellan n'avait pas autorisé le salarié à développer, pour son propre compte, une activité concurrente parallèle (arrêt, p. 4 § 6) ; qu'il s'évinçait de ces constatations que M. H... avait volontairement nui à son employeur en réalisant des opérations directement concurrentes, pour son propre bénéfice, au détriment de la société Magellan, peu important que la société Magellan ait « elle-même contribué à une certaine confusion en acceptant que le salarié continue à représenter son ancien employeur » ; qu'en requalifiant pourtant le licenciement du salarié en licenciement pour faute grave, aux motifs inopérants que la société Magellan aurait elle-même contribué à une certaine confusion en acceptant que le salarié continue à représenter son ancien employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article L. 3141-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QUE, commet une faute lourde le salarié qui se fait embaucher par une société concurrente en cours de contrat et détourne la clientèle de son employeur ; que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et de répondre aux moyens et pièces présentés par les parties dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, la société Magellan faisait valoir que M. D... avait été engagé par la société concurrente Helfer alors qu'il était encore au service de la société Magellan ; qu'il avait écrit à des clients de la société Magellan pour les informer de son départ pour la société Helfer et les démarcher, en leur demandant la plus grande discrétion (concl., p. 6) ; que la société Magellan versait aux débats notamment un courriel de M. D... adressé à la société Straytest, client de la société Magellan ; qu'en considérant que le grief de détournement de clientèle n'était pas établi aux motifs que la société Bravin était également cliente de la société BS Grupo Export avant l'embauche de M. D... par la société Magellan (arrêt, p. 5 § 3), sans s'expliquer sur le courriel du salarié envoyé à la société Straytest (prod.6), qui démontrait une tentative de détournement de clientèle de M. D... au profit de la société Helfer France, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE, commet une faute lourde le salarié qui utilise volontairement les ressources de son employeur pour travailler pour des sociétés concurrentes, ou pour son propre bénéfice, et qui détruit sciemment les preuves de cette activité clandestine ; qu'en l'espèce, la société Magellan faisait valoir que M. D... avait utilisé les ressources de son employeur au profit de sociétés concurrentes et avait sciemment détruit les preuves de ses agissements, notamment en sollicitant expressément de certains de ses collègues qu'ils suppriment de leur messagerie des messages compromettants (concl., p. 9 et 10) ; qu'en s'abstenant de rechercher si M. D... avait sciemment utilisé les ressources de son employeur pour travailler pour des sociétés concurrentes, avant de détruire les preuves de ses agissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3141-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

5°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer, par omission, un bordereau de communication de pièces ; qu'en l'espèce, la société Magellan reprochait à M. D... d'avoir utilisé le système des « colis bloqués », une procédure d'attente de facturation, pour masquer le détournement de marchandises livrées à des sociétés concurrentes, mais non facturées (concl., p. 11) ; que pour le démontrer, la société Magellan versait aux débats (pièce 24 ¿ Prod.7) une confirmation de commande établie par M. D... au destinataire « colis bloqué », en réalité envoyée par mail à la société Helfer France, ainsi que la facture correspondant à cette commande, adressée à « colis bloqué », sur laquelle le montant à payer s'élevait à la somme de zéro euros ; que cette pièce démontrait donc que des commandes bloquées avaient été livrées sans être facturées ; qu'en énonçant néanmoins, pour écarter la matérialité de ce grief, que les affirmations selon lesquelles les commandes « bloquées » auraient été livrées sans être facturées, n'étaient pas démontrées (arrêt, p. 5 § 2), la cour d'appel a dénaturé, par omission, le bordereau de pièce de la société Magellan et la pièce 24 versée aux débats, violant le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

6°) ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE, la Cour a retenu que la société Magellan était informée de la poursuite de l'activité de M. D... pour le compte de son ancien employeur et avait accepté cette situation en se fondant sur les attestations de M. C... et de M. Y... ; qu'en retenant la force probante de ces attestations, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la société Magellan (Prod.2 p.12 et s.), si M. C..., ancien salarié de la société Magellan et à l'origine de la création de la société Pulp Fruit, n'avait pas facilité les détournements par M. D... au profit de la société Pulp Fruit ni si l'attestation de M. Y... ne confirmait pas que seul lui-même et son directeur C... avaient connaissance de l'activité concurrente au profit de Pulp Fruit, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 3141-26 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-20733
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 avr. 2019, pourvoi n°17-20733


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.20733
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